Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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L’entourloupe comme méthode de gestion

La chronique économique de Pierre Ivorra. "Avant de pouvoir partir en retraite, une part notable des seniors sont condamnés à chômer plus."
 

L’entourloupe est devenue une méthode de management, dans les entreprises et de gouvernement, dans le pays. Quelques exemples dans l’actualité nous en persuadent. Nicolas Sarkozy vient de se prononcer pour un nouveau report de l’âge de départ à la retraite. En 2010, il l’avait déjà reculé. François Hollande, lui, l’a porté à soixante-deux ans. L’un et l’autre nous expliquent que pour que les Français puissent continuer à en bénéficier il leur faut travailler plus.

Quelle est la réalité ? Entre le troisième ­trimestre 2008, moment d’éclatement de la crise financière mondiale et le deuxième ­trimestre 2014, le taux de chômage des plus de cinquante ans a progressé de 86,2 %, soit près de deux fois plus que pour le reste de la ­population active. On est ainsi passé de 145 000 seniors au chômage à 270 000. Par ailleurs, si le risque de chômage est moins grand à soixante ans qu’à vingt-cinq, il n’en reste pas moins que la possibilité d’en ­sortir est bien moins forte. 58,4 % des chômeurs de plus de soixante ans sont des chômeurs de longue durée, c’est-à-dire qu’ils sont privés de travail ­depuis un an au moins. En fait, avant de pouvoir partir en retraite, une part notable des seniors sont condamnés à chômer plus. On nous assure que le travail du dimanche va créer des emplois. Il s’agit d’une bien triste farce ! Par quel miracle le pourrait-il alors que, selon une étude de l’Insee, le pouvoir d’achat individuel au sein des ménages français a baissé de 0,4 % en 2011, de 1,5 % en 2012 et de 0,6 % en 2013 ? La consommation des ménages stagne, ­augmentant d’un petit 0,6 % en 2014 après une maigre progression de 0,3 % en 2013. En réalité, l’ouverture dominicale des magasins va supprimer des milliers d’emplois dans le petit commerce.

Aussi bien du côté du Medef que du gouvernement, on nous assure que la suppression des effets des seuils sociaux qui fixent les obligations des employeurs : celle de financer davantage la formation professionnelle à partir du dixième salarié, celle de créer un comité d’entreprise à partir de cinquante… permettrait également de créer des emplois. Les entreprises hésiteraient à embaucher par crainte d’être soumises à de nouvelles contraintes. Une étude de l’Insee de 2010 montre que « cet effet est statistiquement significatif mais de faible ampleur » et que si les seuils n’existaient pas « la proportion d’entreprises entre 1 et 9 salariés diminuerait de 0,4 point en l’absence de discontinuités administratives, tandis que la proportion d’entreprises entre 10 et 19 salariés et celle d’entreprises entre 20 et 250 salariés augmenteraient de 0,2 point ». D’après vous, pourquoi ces réalités sont-elles étouffées par les médias dominants ?

 

Publié dans l'Humanité du 18 février 2015

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