Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Soumettre le Code du travail aux exigences des actionnaires

Avec le rappor t de Virville (1) , comme suppor t au projet de loi sur l’emploi annoncée par Chirac, l’objectif du gouvernement est , sous prétexte d’un cou p de « toiletta ge » du Code du tra vail, d’en infléchir son contenu pour répondr e aux exigences patr onales de renta bilité financ ière mise à mal par la crise systém ique. Il s’agit pour y par venir :

  • de franch ir une nouvelle éta pe dans la précar isation des salariés, l’atta que de leurs statuts collectifs et la désta bilisation des droits individuels,

  • de favoriser l’allongement de la durée du temps de tra vail, la flexibilité et l’intens ité du tra vail,

  • de remettr e en cause les prérogatives du parlement , des comités d’entr eprises et de la just ice sur les entr epreneurs . L’examen par thème , et la liaison des propositions entr e elles et au conte xte, permettent d’éviter de tomber dans le piège de la tona lité pragmatique donnée à ces propositions par le rappor teur. L’object if ne sera it, préten d-il que de rendre le code du tra vail plus efficace , plus simple à com pren dre, plus stab le. A plusieurs reprises, de vrais problèmes sont pointés mais pour, à chaque fois, adopter une solution de recul des droits et des pouvoirs des sala- riés. Pour chaque proposition, le rappor t est doucer eux dans l’explicat ion mais d’une extrême violence dans la réa lité des réformes proposées , dans le plus pur style Raffarin.

Il s’agit en fait d’une offens ive généra le, globale, contr e les droits, contr e l’emploi, comme la France n’en a pas connue depuis le régime de Vichy. Dans la cont inuité de l’entreprise de destruct ion des droits sociaux entr eprise depuis deux ans mais avec une visée systémat ique et qui se veut dura ble, au-delà des changements de majorités politiques .

I.VISEES ANTI-SOCIALES

1 .MISE EN CAUSE DES STATUTS COLLECTIFS

A.Supprimer totalement le code du travail pour un maximum de travaill eurs. C’est l’une des propositions les plus grave du rappor t, sans doute la plus pernicieuse . Les travailleurs qui vendent leur force de travail s’appellent des salariés et le code du tra vail const itue leur statut minimum collect if. Ne pouvant suppr imer le code du travail le rappor t propose d’exclure le maximum de tra vailleurs de ce statut en les appelant désorma is tra vailleurs indépendants . C’est ce que visent les propositions 21 et 22 du rappor t avec la poss ibilité offer te aux « usagers » de choisir le statut de tra vailleur indépendant. On change l’étiquette du flacon et donc le contenu juridique, tout en conser vant et en aggravant l’exploitation. Un « tra vailleur indépendant » pourra it tra vailler 50 heur es par sema ine pour 800 eur os et êtr e licenc ié sans aucune garant ie. Des pratiques de ce genr e existent déjà (faux ar tisans du bâtiment , gérants de magasins...), elles sont le plus souvent con damnées par les tribunau x. La loi Madelin abrogée par la loi Aubry avait déjà tenté cela. La loi Dutr eil facilite à nou veau ces man œuvres. Les propositions 21 et 22 permettent d’aller encor e plus loin. Une telle réforme viendrait à point nommé pour l’exploitat ion des tra vailleurs d’Europe de l’Est qui vont bientôt pouvoir circuler librement .

B.Priver d’autres travaill eurs de leurs garanties collectives de branches ou d’entreprise. Avec la proposition 23 qui facilite le marchandage (la fausse sous tra itance) on vide les grandes entr eprises, où des droits ont été con quis, de leurs personne ls et on les affecte dans des PME avec des droits et des salaires inférieurs . Des secteurs comme le BTP tra vaillent déjà comme cela, les majors employant directement peu d’ouvriers relativement à leur chiffre d’affaire. Cela permettra it d’externa liser davanta ge qu’aujourd’hui nom bre de fonct ions des grandes entr eprises.

C.Ces pratiques sera ient encoura gées et garant ies par l’exclusion de l’effectif de l’entr eprise de ces tra vailleurs (A et B) pour les élections profess ionne lles alors que la jurisprudence actue lle tend à les inté grer. (proposition 28).

2. PRECARISATION GENERALISEE

A .Le contrat de projet (proposition 19) . C’est la proposition la plus connue du rappor t.

Actue llement le recours à l’intér im est enca dré, il faut par exemple just ifier d’un réel surcroît d’activité, on ne peut pour voir des postes permanents avec des précaires, le recours est limité à 18 mois…Les textes sont , cer tes , mass ivement violés dans des branc hes comme l’industr ie automob ile mais en cas de recours devant les tribunau x les salariés obtiennent souvent gain de cause . Renau lt vient d’en faire l’expérience en étant con damné par la Cour de Cassat ion le 21 janvier (cont rairement à ce que disent les médias ce n’était pas une première, il y avait déjà eu d’autr es affaires comme Servair). Il s’agit donc pour le Medef de légaliser les pr atiques patr onales actue llement illégales et d’éten dre encor e la précar ité. Il suffirait d’écr ire que le tra vailleur est embauc hé un ou deux ans pour le lancement d’un nouveau modè le et le tour sera it joué. Avec une telle proposition personne n’est plus à l’abri. La lutte contr e l’emploi précaire devient davanta ge l’affaire de tous .

B.Extension des CDD « d’usage » : de Virville avance à pas de loup avec sa proposition 18. Ces CDD d’« usage » sont actue llement réser vés à cer tains secteurs comme l’hôtellerie ou l’audiovisuel (et seulement pour cer tains métiers) . Le rappor teur propose hypocritement d’augmenter (un peu) les garant ies des tra vailleurs ainsi em ployés mais tout en insinuant qu’on pourra it dès lors éten dre les secteurs d’activité pouvant y recour ir.

C.Faciliter les lic enciements :

  • Les propositions 21, 22 et 23 examinées ci-dessus sera ient de plus un facteur extraor dinaire de précar ité puisque l’on peut jeter le tra vailleur indépendant (et la PME) à tout moment .

  • Des lic enciements « négociés » Le rappor t (proposition 17) avance des pistes pour faciliter les press ions exercées sur les tra vailleurs pour obtenir leur dépar t « volontaire ». Défiscalisation des sommes versées à l’occas ion d’une transact ion, et, moyennant un versement à l’Assed ic, octr oi des allocat ions de chômage. Voilà de quoi convaincre ceux qui rés istent : « prend l’ose ille et tire toi ». Avanta ges pour l’employeur : aucune procé dure, aucun motif à donner, aucun risque de procès .

  • Limitation des moyens d’information des CE (propositions 34, 36 et 37)

Il s’agit d’accé lérer les procé dures en permettant au chef d’entr eprise d’imposer son ordre du jour même si le comité estime nécessa ire de reporter d’un mois par exemple l’examen d’un projet.

En même temps il fau drait cac her le plus longtemps possible aux salariés les projets de restructurat ion (fusions, absorption, OPA). Serait ainsi légalisée la pratique cons istant à mettr e les CE devant le fait accom pli. Diminuant d’autant les possibilités de contr e-propositions et d’action des tra vailleurs . Cela sous le prétexte d’éviter aux élus de commettr e des délits d’initiés !

De plus le recours à l’exper t par le CE sera it entra vé par des moda lités devant êtr e autor isées par le patr on, ce qui limitera it l’informat ion donc la com préhens ion des données économ iques et par consé quent les capacités de contr e propositions.

3.DESTABILISATION ACCRUE DES DROITS INDIVIDUELS (propositions 14, 15, et 16)

Non content de s’atta quer aux droits collectifs issus de la loi ou des accor ds collect ifs le rappor t s’atta que auss i aux garant ies nées du contrat de tra vail individuel, dernier étage dans les relations de tra vail avant le niveau zéro de la décision unilatéra le du patron. Seuls cinq points sera ient des garant ies contractue lles obligato ires, les autr es clauses sera ient de simples informat ions pouvant êtr e modifiées à tout moment par le patron. Encor e que les garant ies sera ient toutes relatives puisque :

A .Les points obligatoirement garantis sont très limités, en effet :

la qualification est contractue lle, mais pas l’emploi. En maintenant la qualificat ion on peut donc affecter un salarié n’impor te où, voire le « placar diser ».

la zone géograph ique est contractue lle mais pas le lieu précis, si la zone est la région parisienne on peut êtr e affecté de Ponto ise à Etampes .(1)

les éléments garant is de la rémunérat ion et pas tout le salaire, ces éléments ne sont pas précisés mais on peut craindre pour les primes de toutes sor tes, les heures supp lémenta ires…la durée du tra vail est contractue lle mais au sens « du volume de la prestat ion » et donc les horaires peuvent êtr e changés à tout bout de champ (1)

(1) Sur ces deux points la jurisprudence actuelle n’est pas favorable aux patrons, de Virville se hâte donc de leur donner force de loi. Par contre on remarque que chaque fois que la jurisprudence est favorable aux salariés le rapporteur propose une loi contraire.

B.Les points garantis peuvent aussi être modifiés par l’employeur

Le patron écrit ses propositions au salarié et fixe le délai de réponse , si le salarié n’a pas répondu dans le délai c’est qu’il a refusé et le patr on en tire les consé quences . De Virville est silencieux sur la natur e de ces consé quences , mais nu l d oute q ue le licenc iement est au b out d u processus .

4.DUREE DU TRAVAIL AUGMENTEE, FLEXIBILITE ET TEMPS PARTIEL AGGRAVES

Pas de projet du Medef et de la droite sans une nouvelle phase de la guerr e qu’ils mènent pour l’augmentat ion du temps de tra vail et la flexibilité.

Pour êtr e moins voyantes les 14 propositions de Virville sur ces enjeux figurent dans une anne xe. (ce qui fait donc au tota l 64 propositions) .

Mais il faut remar quer que l’ensem ble du rappor t vise auss i, entr e autr es cibles, la durée et l’aména gement du temps de tra vail.

Les principales propositions sont :

A.La redéfinition du temps de travail. Il s’agit, au delà de la bata ille contr e les 35 heur es, de poursu ivre la guerr e pour l’augmentat ion du temps de tra vail. Cette fois en inventant de nouvelles équivalences par accor d collect if (1). Seraient visés par exem ple les temps de voyages et de déplacements professionnels (comme rciaux, techn iciens de maintenance , ouvriers du BTP…), mais auss i les temps d’attente des routiers ou toutes autr es situat ions .

Equivalences : une partie du temps de travail n’est pas payée sous le prétexte qu’il existe des temps morts, on dira par exe mple que 40 heures de présence équivalent à 35 heures de travail.

B.Supprimer le calendrier de la modulation. La loi oblige à prévoir un calendrier de la variation des horaires dans l’accord, ce qui empêche le tra vail au sifflet, enca dre la flexibilité en en limitant les effets négatifs. Cette obligation de calendrier est très mal res pectée dans la pratique mais les tribunau x ont annu lé les accor ds illégaux (OTIS, Accor d de la Méta llurgie…) de Virville le reconna ît d’ailleurs dans son rappor t. Il s’agit de légaliser les pratiques de Renau lt, Citroen et autr es cons istant , avec un programme fixé par le seul chef d’entr eprise, à faire effectuer beaucou p d’heur es supp lémenta ires à un moment de l’année (non payées) et de mise en chômage techn ique forcé à d’autr es.

C.Forfaits jours. Aggravation du forfait jours par la dispar ition de toute com ptabilisation en heur es, ce qui empêcherait le respect des repos minima. (bonjour la sécurité quan d les spéc ialistes nous appr ennent que 20 heur es de veille équivalent pour la vigilance à un gramme d’alcool dans le sang).

Extens ion du forfait jours aux itinérants non ca dres (comme rciaux, ouvriers et techn iciens de maintenance , laveurs de vitres, livreurs …) afin, comme pour les cadres, de légaliser les d urées de tra vail excess ives de ces tra vailleurs et le non paiement des heur es supp lémentaires.

Sur ces trois enjeux déterm inant de la durée du tra vail : définition, modu lation, forfaits, il s’agit pour le Medef de casser les amen dements obtenus par les députés commu nistes et ver ts lors de la discuss ion des projets de loi Aubry mais auss i la jurisprudence des tribunau x qui veillent à l’applicat ion de la loi mal res pectée par de très nom breux accor ds ou dans la pratique des entr eprises.

D.Travail du dimanche. Allongement de la liste des secteurs d’activité pouvant déroger à la règle du repos dominical (semb lent spéc ialement visées toutes les activités commer ciales de téléph onie et d’internet) et même les chantiers du bâtiment .

E.Congés annuels : la remise en cause du droit de grouper les quatr e premières sema ines de congés (tant pis pour la vie de famille), suppr ess ion de la règle selon laquelle on retient le mode de calcul des congés le plus favorab le aux tra vailleurs , l’écar t entr e les deux modes de calculs (1/10 du salaire annue l ou maintien du salaire) peut parfois atte indre la valeur de deux journées de tra vail.

F.Temps partiel : diverses aggravations dont notamment des facilités supp lémenta ires de recours aux heures com plémenta ires (ce qui pousse à la diminut ion du nom bre d’heur es du contrat de base) qui permettent de flexibiliser davanta ge

II.EFFICACITE PAR LE RENFORCEMENT DU POUVOIR DES ACTIONNAIRES

5.ENCORE PLUS DE POUVOIRS AUX ACTIONNAIRES ET MOINS POUR LE PARLEMENT

Pour garant ir des avancées sociales la quest ion des pouvoirs est primor diale. Le patr onat com prend bien qu’il en est de même pour assur er les reculs sociaux.

Le rappor t propose avec les propositions 43, 44, 3, 4,et 5 de dessa isir le législateur de ses pr érogatives. Il est même suggéré une modification de la constitution sur ce point. C’est dire la volonté du Medef d’empêcher d’autr es majorités parlementa ires de donner d’autr es droits et pouvoirs aux tra vailleurs .

A l’exception d’un minimum de règles qui restera ient d’ordre public les députés ne pourra ient légiférer qu’après l’accor d, ou au moins une consu ltat ion poussée (de Virvile hésite) des « par tena ires sociaux ». Ca peut paraître sédu isant , démocrat ique. Mais c’est l’inverse . C’est comme ça que la droite pratique actue llement . On l’a vu avec les retra ites , avec le recul des droits des chômeurs , avec les interm ittents du spectac le, avec la loi sur la négociation collective. On s’appuie sur des accor ds minoritaires conc lus par des dirigeants syndicaux nationau x ou bien on utilise des accor ds majoritaires mais en changeant le contenu tout en jurant ses grands dieux qu’on les res pecte .

C’est auss i comme cela que Mar tine Aubr y a pratiqué : une première loi positive, l’incitat ion à des accor ds dérogatoires sans créat ion d’emploi, et une seconde loi généralisant les dérogations. D’où les déce ptions.

Les règles pourra ient ainsi êtr e fixées par E.A. Seillièr es, avec la caut ion de syndicats minoritaires au lieu de l’êtr e par les députés élus par l’ensem ble des citoyens.

De plus, un accor d restera it valable encor e deux ans si son contenu devenait contra ire à une loi nou velle.

Pour corser le tout il est également proposé de légiférer par ordonnances de deux manières.

1°) A tout moment pour netto yer le code du tra vail de « ses dispositions désuètes ou dont la pratique révèle le caractère inadéquat ». Or, pour le Medef c’est tout le code qui est désuet et inadéquat.

2°) Et, auss itôt la loi votée , pour répar er les « oublis » du législateur (???); pour tant les exper ts techn iques et le cabinet ministér iels sont très présents dans la préparation des lois, pour quoi sera ient-ils donc plus vigilants après qu’avant le vote ? Il s’agit en fait d’es quiver les débats publics au cours des quels le ministre est souvent tenu de s’expliquer, parfois mis en difficulté et con duit à reculer. Actue llement c’est avec les circulaires que le ministr e donne sa lectur e de la loi, mais les circulaires peuvent êtr e contestées et ignorées devant les tribunau x. La méthode proposée permettra it de durcir une loi par ordonnance .

6 .ENCORE PLUS DE POUVOIRS AUX ACTIONNAIRES ET MOINS POUR LES TRAVAILLEURS ET LEURS ORGANISATIONS

Les propositions 24 à 39 et 45 à 50 visent à mettr e en difficulté l’act ion syndicale, à diminuer les moyens d’action des CE et à éloigner le syndicat des tra vailleurs pour l’affaiblir et le maîtriser.

C’est d’abord la création du conseil d’entreprise com pétent dans les entr eprises de moins de 250 salariés et exerçant les attr ibutions actue lles des DP, du CE et des délégués syndicau x. Cela aboutirait à la diminution de la force globale des trois inst itut ions actue lles. Mais en outr e ce conse il sera it com pétent pour négocier les accor ds d’entr eprise. On suppr ime d’un tra it de plume le pouvoir du syndicat dans la négociation des accor ds pour le remplacer par un pouvoir généra l confié au délégué syndical lui même noyé au milieu des élus, sachant de plus que du fait du mode de scrut in par collèges les élus des syndicats majoritaires sont souvent minoritaires en sièges. C’est un cou p porté à la démocrat ie ouvrière et une tentat ive de bureaucrat isat ion des militants .

Ces risques sont renforcés par :

  • des mandats por tés à 4 ans, ce qui diminue le contrô le des travailleurs sur leurs élus et favorise le maintien de délégués dont les salariés ne sont pas satisfaits,

  • par des élections via le réseau intranet , bel out il mais qui peut ser vir de prétexte pour limiter les contacts (et suppr ime le secr et du vote) ,

  • par la créat ion d’un super délégué de groupe habilité à négocier et à signer les accor ds de groupe,

  • par une définition légale de l’éta blissement distinct qui suppr imera it les instances dans les petits éta blissements de l’entr eprise,

  • par la fusion des budgets fonct ionnement et oeuvres sociales (favoriser la fonct ion œuvres sociales au détr iment du rôle économ ique).

Et par la suppression de l’élection des conseillers prud’homm es qui sera ient maintenant désignés à par tir d’une consu ltat ion de représentat ivité. Cette consu ltat ion est réclamée par les syndicats pour éta blir la représenta tivité par branc he dans le but de faire prévaloir le principe de l’accor d majoritaire. Fillon vient de refuser de faire droit à l’accor d majoritaire à l’occas ion de la loi relative à la négociation collective. Il ne s’agit donc pas de cela. De Virville reprend l’idée de la consu ltat ion mais uniquement , au niveau des propositions concrètes , pour suppr imer les élections prud’homma les. Alors qu’au niveau inter professionne l les élections prud’homma les sont justement adaptées pour mesur er l’au dience des organisations. Encor e un bel exemple de manipulation cons istant à prendre appui sur une revendication pour la dévoyer.

Des « experts » en négociation. D’autr e par t la loi Fillon ayant favorisé les accor ds dérogatoires d’entr eprise on instaur e un préten du « app ui techn ique » à la négociation. Des « exper ts » éclairés viendraient conse iller les négocia- teurs . On sent bien que le Medef est très satisfait du rôle joué par les consu ltants (c hoisis par l’em ployeur mais présentés comme neutr es) lors des négociations RTT. Tellement com pétents et impar tiaux que non seulement les accor ds conc lus avec leur ass istance sont favora bles aux actionna ires mais qu’ils sont souvent illégaux et censurés à ce titre par les tribunau x.

Diminution des pouvoirs des comités d’entreprise. Ces pouvoirs sont déjà très limités puisqu’il ne s’agit que de pouvoirs d’informat ion et de consu ltation. Mais c’est encor e trop. Le rappor t de Virville en veut plus :

La suppr ess ion des comités de groupe au profit des comités européens . Ces comités européens sont une bonne amor ce de ce qu’il faudrait. Mais ils n’ont pas les même moyens de fonct ionnement que les comités de groupe et n’ont aucun pouvoir consu ltat if. Ces comités sont actue llement de simples instances d’informat ion et de dialogue. Le rappor teur propose la suppr ess ion du comité de groupe avec remplacement par le comité eur opéen mais « sans avoir de pouvoir de consultation ».

Outr e la mise en cause des capacités de contr e proposition (propositions 34,36 et 37) le comité sera it à l’avenir privé des informat ions trimestr ielles et semestr ielles sur la situat ion économ ique et sociale de l’entr eprise actue llement obligatoires.

Enfin le CE ne sera it plus consu lté sur les accor ds d’entreprise signés, même par des organisations minoritaires.

7.ENCORE PLUS DE POUVOIRS AUX ACTIONNAIRES ET MOINS POUR LES JUGES

Affaiblir les juges, couvrir les accor ds illégaux, empêcher les actions en just ice, renforcer l’immun ité patr onale.

Les propositions (7, 8, 9, 10, 11, 12, 40, 41 et 42) du rappor t sur ce chapitre sont scanda leuses . Il s’agit de favoriser toutes les illégalités , tous les abus, d’empêcher les victimes d’agir en just ice et d’absoudre les patr ons délinquants .

Un délai de deux mois est proposé pour contester en justice un acc ord illégal. Ce délai est aligné sur le délai existant pour contester un décr et. Voilà l’employeur hissé au rang de ministre. On peut négocier un accor d défavora ble contenant éventue llement des clauses contra ires au droit, mais habilement rédigées . Laisser reposer deux mois. Et voilà l’accor d devenu inatta quable ! Si ce délai existait, jamais les clauses illégales des accor ds RTT (annua lisation, ca dres, pauses , temps de voyages, paiement des heur es supp lémenta ires…) n’aura ient pu êtr e annu lées par les juges, l’affaire étant si com plexe qu’il a fallu du temps pour pouvoir réagir.

Renvoi obligatoire devant une commissi on paritaire d’interprétation avant jugement. Les juges, à tous les niveau x, sont dessa isis de leur pouvoir d’inter prétat ion. Une press ion énorme est ainsi exercée pour infléchir les jugements dans le sens souha ité par les employeurs (et par les signata ires d’accor ds minoritaires). De plus on allonge les délais de jugement , déjà très impor tants , de trois mois supp lémenta ires , de quoi dissuader un peu plus les tra vailleurs de faire valoir leurs droits.

Mise en cause des conseils de prud’homm es avec l’organisation d’un renvoi avant jugement devant la Cour de cassation. C’est la déstructurat ion des principes de l’organisation judiciaire. On nous parle de just ice de proximité mais pour les droits des salariés on centra lise à outrance . On allonge encor e les délais.

Les patrons exonérés des conséquences pécuniaires de leurs fraudes et ill égalités. Les décisions de la Cour de cassat ion ne vaudraient que pour l’avenir, donc toutes les fraudes passées sera ient blanc hies. On triche, on se fait prendre la main dans le sac, on jure qu'on ne recommencera pas et on est pardonné pour le passé au nom de la présom ption de bonne foi accor dée aux actionna ires. Les travailleurs victimes n’aura ient plus de recours .

Prescription de 10 ans pour les actions en indemnisation. Les con damnat ions obtenues ces dernières années par les victimes de l’amiante ou par les militants syndicaux répr imés sur le salaire sont jugées into léra bles par les privilégiés. Il faut en finir.

Suppression de la plupart des sanctions pénales en droit du travail. C’est l’immun ité patr onale. Ne pas payer du temps de travail c’est quoi d’autr e que du vol de travail ? Ce vol est actue llement très peu répr imé, de faibles amen des au maximum. C’est encor e trop aux yeux des capitalistes . Voler un CD dans un magasin ou consommer un repas sans le payer peut valoir la prison, au minimum une for te amen de, consommer du tra vail sans le payer mérite l’absolution tota le.

Le puzzle est maintenant com plet, ce texte est une véritab le incitation à escr oquer les tra vailleurs devient lisible même pour le moins futé des exploiteurs : inter vention de la loi limitée, accor ds dérogatoires d’entr eprise favorisés, rejet du principe majoritaire, mise en place d’un conse il d’entr eprise ou recours à des mandatés dans les PME pour négocier, inter vention d’ «exper ts », remise en cause de la consu ltat ion du CE dans les grandes entr eprises, accor d légalisé au bout de deux mois et valable encor e deux ans si la loi change, pas de consé quences pécun iaires imméd iates en cas con damnat ion de just ice pour non paiement de tout le temps tra vaillé par un salarié.

1. Rapport de Virville : http://www.travail.gouv.fr/pdf/rapdeVirville.pdfHYPERLINK "http://www.travail.gouv.fr/pdf/rapdeVirville.pdf" ou www.humanite.presse.fr/journal/dossiers/ 57/Rapport%20Virville/