Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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L'europe face à de nouveaux défis

On a absolument besoin d’une construct ion sociale, politique, économ ique autr e pour la trans format ion sociale en France et pour que soit respecté le niveau national frança is.

Cela va de pair avec l’exigence de coo pérat ions nouvelles très intimes, de concer tat ions très étr oites entr e européens .

Cela exige, une option ferme de rejet de toute forme de domination de la nation, de toute construct ion qui, en Europe, prétendrait empêcher la poss ibilité d’une révolution sociale en France .

C’est ce dont témo ignent , trois grands événements :l’exacer bation des difficultés sociales en France et en Europe ; l’élargissementde l’Europe qui par ticipe de cette exacer bation ; l’échec de la convention qui renforce les dangers inhérents à cette situat ion mais auss i les opportunités pour les luttes et la trans format ion sociale.

L’exacerbation des difficultés sociales en France et en Europe : L’éc hec mass if des tentat ives social-démocrates puis sociallibéra les à la fin des années 1990, leurs tentat ives de jonct ion avor tées avec les chrétiens-démocrates , tout cela a permis l’avènement de droites agressives et populistes engageant une véritable offens ive réact ionna ire.

De par tout , au nom de la sécur ité, de la liber té, de la mobilité, de la com pétitivité, de l’efficacité, de la lutte contr e le chômage, au nom encor e de la défense de la “ valeur tra vail ”, sont lancés des programmes de déma illage des codes du tra vail, de précar isation systémat ique généra lisée, de press ion accrue sur le coût salarial de l’emploi.

Cette concor dance des atta ques et des arguments utilisés pour y faire se résigner les populations, confirme com bien la concer tation entr e dirigeants politiques et patronats est désorma is étr oite en Europe, au ser vice de la domination des marchés. Le capital cherche à s’appuyer sur l’Europe et ,donc, à en faire un nouveau niveau de gouvernance .

En France , Allemagne ou Italie, ces tens ions paraissent par ticulièrement for tes et dura bles.

L’énorme mob ilisation du printem ps 2003 sur les retra ites dans l’Hexagone a buté durement sur l’inexistence de pers pectives politiques à laquelle ont sans doute contr ibué l’insuffisante consc ience des enjeux eur opéens en la matière et la faiblesse du com bat proprement politique pour une construct ion alternat ive .

L’élargiss ement de l’Europe :

L’entrée dans l’Union, à par tir du 1er mai 2004, de huit pays d’Europe centra le et orienta le, plus les îles de Malte et de Chypre, par ticipe de cette exacer bation des difficultés sociales en Europe, poussant le besoin d’une réor ientat ion profonde.

Problèmes économiques et sociaux

1–1) Les conditions de l’adhésion

Les dix nouveaux membr es adhérent avec une dérogation, cela signifie que “ bien que n’adoptant pas encore l’euro, ils s’engagent à mettre tout en œuvre pour l’adopter à terme, lorsqu’ils satisferont aux critères de convergences définis dans le traité.

À une cer taine date après l’adh ésion, les nouveaux Etats membr es intégreront le mécan isme de changes européens “ MCE II ” [système de taux de change fixes – mais ajusta bles qui com porte un cours pivot autour duquel la devise est autor isée à fluctuer de plus ou moins 15%].

Les dix Etats adopteront l’eur o après avoir rempli les critèr es de convergence fixés par le tra ité de Maastr icht, dont les deux ans de par ticipation aux MCE II.

 Une accentuation de l’hétérogénéité de l’Union :

Dans son rappor t sur l’état de l’Union en 2004 l’OFCE indique que “ le rattrapage économique [ent re les pays entrant et ceux déjà membr es] apparaît très lent ”.

Cela s’accom pagne de très for tes dispar ités sociales. En 2002, le taux de chômage moyen des quinze se situait à 7,8% alors que, pour les dix entrants , la moyenne était proche de 15%, variant de 3,3% pour Malte à 20% pour la Pologne.

Quant à la richesse par habitant , elle dépasse les 23 000 euros par an dans l’Europe des quinze, alors qu’elle est à peine supér ieure à 10 000 euros en moyenne parmi les dix entrants . Et cela va de plus de 20 000 euros par an pour Chypre à 7 400 euros pour la Letton ie.

De très gros efforts d’ajustement :

Au contra ire de l’illusion véhiculée sur les effets positifs d’un for t élargissement du débouc hé pour les 15, cette nouvelle intégration ne const ituera it pas, en l’état , une base de relance de leur croissance .

Le CEPII (1) est ime que l’act ivité ne progressera que de 0,05% à l’horizon 2015 suite à l’inté gration de 12 nouveaux entrants , la Rouman ie et la Bulgarie devant entr er en 2007.

Sur tout , il note que “ l’essentiel du choc de l’intégration est ressenti à l’Est : l’Union Européenne dans son ensemble ne serait pas affectée de manière significative par une double libéralisation qui ne touche que 4% de ses exportations ”.

Cependant on sait que, pour cer tains secteurs , les effets pour- raient êtr e ravageurs : agriculture, habillement , chaussur es, cycles, automo bile … Et déjà d’impor tantes délocalisations sont effectuées par les groupes avec de nom breux plans de licenc iements ici.

Mais l’énorme effor t d’ajustement exigé de la par t des nouveaux entrants est cons idéra ble.

En effet, contra irement au Royaume-Uni et au Danemar k, qui appartiennent à l’Union Européenne sans avoir adopté l’eur o, les nouveaux adhérents ne disposer ont pas de clause de sauvegarde. Ils devront donc impérat ivement adopter l’eur o et, pour cela, res pecter les critèr es de Maastr icht.

L’élargissement , dans ces conditions, const itue une vraie gageure car, à l’exception de la Slovénie, le PIB par tête des Peco (2) ne dépasse pas, en parité de pouvoir d’achat, 40% de celui de l’Union Européenne . Ces pays seront donc confrontés à des exigences contra dictoires (3) : se conformer aux critèr es nominaux de Maastricht et converger vers leurs par tena ires européens en terme de niveau de développement .

Ces pays seront donc tenus de mainten ir des politiques monétaires restr ictives pour se conformer aux critèr es d’inflation de Maastr icht avec les risques pour la croissance et l’emploi.

Cette insta bilité pourra it êtr e plus impor tante et conta gieuse à l’appr oche du 1er mai 2004.

De plus, la chute du dollar par rappor t à l’eur o expose fortement les Peco à la concurr ence des pays émergents d’Asie vers les quels pourra ient se délocaliser cer taines de leurs propres act ivités .

Dans ces con ditions un scénar io de crise à l’Argent ine n’est pas à exclure tota lement si l’un de ces pays décidait d’adopter l’eur o avec un taux de change sur-évalué.

Au tota l, on peut penser que l’élargissement dans ces conditions engendrerait de for tes press ions à la baisse du taux de salaire sur toute la zone, sans parler de l’emploi.

On sait, par ailleurs , com bien les pays méditerranéens cra ignent que l’élargissement con duise à la marginalisation accrue de leurs productions du fait de l’intens ificat ion de la concurr ence avec celles des Peco.

De nouveaux facteurs de divisi on entre Européens

L’épisode de la guerr e en Irak, puis l’échec de la convention ont révélé de for tes oppositions nouvelles entr e membr es actue ls et nouveaux adhérents de l’Union.

Ces épisodes ont confirmé la force du sent iment national dans les pays d’Europe centra le et orienta le et le fait que, quan d il s’agit de défense , les Péco se tournent d’abord vers l’OTAN et les Etats -Unis.

Tout cela rend sans doute encor e plus contra dictoire la poursuite de la construct ion de l’architectur e inst itut ionne lle eur opéenne que l’Ouest enten d imposer en l’état à l’Est.

Il semb le bien que dans les Peco existe un for t refus du “ fédéralisme ” ou de la pers pective d’un “ super Etat européen ”.

Cela renvoie, pour par tie, à l’expérience histor ique de ces pays avec l’échec du fédéra lisme en Yougoslavie, en Tchécos lovaquie et sur tout dans l’ex-URSS fédératr ice de tous les pays du CAEM4.

Mais cela exprime auss i une for te inquiétu de face à la perspective d'êtr e à nouveau fédéré par un ensemble dominateur, en l'occurrence le couple franco-allemand.

Cela marche de pair avec un refus net de tout affaiblissement du rôle et des prérogatives des parlements nationau x dans la mesur e même où, pour ces pays, le signe le plus tangible de la dispar ition du tota litar isme est précisément l'émer gence de la démocrat ie parlementa ire.

Il y a donc indiscutab lement des ferments d'anta gonismes nouveaux qui semb lent êtr e très accentués par le choix qui a été fait de l'élargissement .

En effet, l'option qui a été retenue a cons isté à envisager l'élargissement sur le même modèle que les précédents , aux pays du sud de l'Europe dans les années 80 et aux pays nordiques dans les années 90. Sans aucune créat ivité nouvelle le choix a été d'éten dre purement et simplement à l'Est des inst itut ions et des normes conçues à l'Ouest du cont inent sans que celles-ci n'aient pu faire la démonstrat ion de leur efficacité face à la crise systémique, au contra ire.

Or, justement , on exige des Peco d’énormes effor ts d'adaptation très rigour eux avec un dispos itif de "monitoring" capable d'aler ter sur la moindre décimale de dépassement des contra intes imposées , alors que l'Allemagne et la France trans gressent , elles, les règles que s'est donnée l'Union, avec le Pacte de stab ilité.

Cela a pu apparaître d'autant plus insu pportable à ces pays que le projet de const itut ion de Giscar d d’Estaing proposait une recon figurat ion des rappor ts de pouvoirs entr e les grands et les petits États , faisant reculer ces derniers par rappor t à ce qui été éta bli dans le tra ité de Nice.

L’éch ec de la Convention au dernier sommet de Bruxelles place l'Europe face à une situation tout à fait inédite.

L'élargissement tel qu'il va se faire à par tir du 1er mai 2004 va accentuer les anta gonismes de la construct ion inst itut ionne lle de l'Europe existante .

Le conte xte devrait êtr e donc, à par tir de cette échéance , celui d'un grand marché où la concurr ence va êtr e exacer bée.

La guerr e économ ique entr e Européens , et sur le théâtr e européen, devrait redoubler avec la press ion du dollar.

Il est clair que le projet de Const itut ion n'aura it en aucun cas permis de constru ire un dépassement de ces anta gonismes . Il érige en principe fondamenta l la concurr ence sur le grand marché et enten d inscr ire dans le marbr e la logique de Maastr icht.

Mais il paraît non moins clair que le retour au com promis très bancal du traité de Nice risque sur tout d'accr oître la paralysie inst itut ionne lle et politique dans l'Union.

Jacques Chirac a parlé de la nécess ité de créer des "groupes pionniers" à par tir du cou plage franco -alleman d. Et déjà cer tains reparlent de la pers pective d'un con dominium franco -alleman d sur une Europe à plusieurs vitesses .

Mais ce souc i des dirigeants frança is d'arr iver à enfermer l'Allemagne dans une construct ion politique dont ils partageraient avec elle les rennes du pouvoir se heur te cependant aux rét icences des autor ités alleman des. Elles ne veulent pas se cou per des pays de l’Est et veulent avoir les mains libres dans les marchandages bilatérau x avec les États -Unis et le Royaume-Uni.

Pour autant , l'hypothèse d'une construct ion fédérale de l'Europe semble avoir pris du plomb dans l'aile. Mais on enten d déjà des voix se lever préten dant que la situat ion de crise extrême vers laquelle on se dirige va finir par faire prévaloir le "principe de réalité", les Européens comprenant alors , dans le chaos, que la Const itution est absolument nécessa ire.

Comment , dès lors , se positionner ? Faut-il bagarrer pour exiger un repor t de l'élargissement ? Comment inter venir pour que ne finisse par s'imposer une fausse alternat ive : soit, d'un côté , le bond en avant fédéraliste avec une “ const ituante ”, comme le deman dent déjà des socialistes et des ver ts en France ; soit, de l'autr e, l'illusion souverainiste qui peut d'ailleurs êtr e captée par la recherche d'un con dominium franco -alleman d voire-même d’un éventue l “ triumvirat ” avec les britann iques?

Un besoin de convergences de luttes contre-offensives :

L'idée d’un tra ité const itut ionne l n'a pas été du tout abandonnée . Elle est appelée à ressor tir avec, face aux difficultés . Sur une telle quest ion , le positionnement du syndicalime européen sera d’une grande impor tance . Il est à noter que les prises de position de la CES sont pour le moins ambigu. Si elle deman de une "plateforme social e solide" englobant notamment "les droits des travaill eurs, les négociations collectives, les services publics et les services d'intérêt général de qualité" elle a auss i déclaré qu'elle regretta it "vivement que la préparation de la première constitution européenne ait échoué si près du but".

On mesur e en tout cas le besoin d'un développement des luttes sociales nationales et de leur convergence autour de grands axes de trans format ion sociale rad icale.

On mesur e auss i le piège que peut const ituer la focalisation des revendications autour du ser vice public censé créer des îlots de contr epoids face à la domination exacer bée du marché.

Le récent rappor t Herzog au Parlement Européen semb le exprimer cette volonté d'utiliser cette quest ion, pour conc ilier avec les dominations des marchés, en la cou pant de la nécess ité de nouvelles entr eprises publiques et d’une réor ientat ion rad icale de la BCE.

L'enjeu de "l'Europe sociale" apparaît tout à fait décisif.

C'est dire l'impor tance , pour aider à une convergence contr eoffensive des luttes sociales et altermond ialistes , de la pers pective de Sécur ité commune d'emploi ou de format ion. ■

  1. CEPII :Centre d’études politiques internationales

  2. PECO : Pays d’Europe Centrale et Orientale.

  3. L’exercice paraît d’autant plus contradictoire que, dans bien des cas, les monnaies de ces pays font l’objet d’une très grande volatilité associée à une tendance à la sur-évaluation.C’est particulièrement vrai pour les couronnes tchèques et slovaques, le zloty polonais et, surtout le forint hongrois

  4. CAEM : Conseil d’Aide Economique Mutuelle.