Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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CR atelier Territoires emploi, Fonds régionaux

Territoire et emploi, Fonds régionaux

Introduction de Frédéric Boccara

sur le thème de l'emploi et du territoire:

 

Il y a besoin aujourd’hui d'entrer dans une dynamique d'alternative aux politiques d’accompagn ement plus ou moins sociales du libéralism e par les institutions territoriales.

Cela implique de conjuguer luttes concrètes et bata ille d’idées dans 3 direct ions .

  • Sor tir de la logique de financement de la baisse des charges sociales et salariales ainsi que celle de la mise en concurr ence des terr itoires (politiques d'attract ivité terr itoriale), en visant au contra ire une baisse des charges financières et du capital (intérêts , dividendes, etc .) et une res ponsa bilisat ion sociale des entr eprises et du patr onat . Ceci, y com pris, à par tir des dispos itifs et des fonds existants utilisés comme leviers .

  • Favoriser l’irrupt ion des personnes concernées , des organisations de tra vailleurs , de chômeurs , de unes , jus que dans les dispos itifs, afin qu’ils exercent des pouvoirs sur leur orientat ion, leur mise en œuvre et leur suivi.

  • Pousser , à par tir des dispos itifs existants , une con ditionna lité des aides, le res pect d’objectifs précis en matière de format ion et de sécur isation de l’emploi, de créat ion de richesses , jus qu’à la possibilité de remboursement des aides, l’implication des fonds des entr eprises et du cré dit des banques. Ceci jus qu’à gagner de nouveaux dispos itifs et préfigurer de nouveaux droits.

Les dispos itifs existants se par tagent en quatr e caté gories, avec des recou vrements .

  • les dispos itifs d’action économ ique sur " l’environnement " économ ique des entr eprises, notamment fiscau x et para-fiscau x (type taxe profess ionne lle ou zones franches , jus qu’aux fonds européens , les accue ils, implantat ions d’entr eprises ) ;

  • les dispos itifs nouveaux de coor dination de la préventionaction, d’inser tion dans l’emploi ou la format ion, de type PLIE ;

  • les dispos itifs de réact ion principalement sur les licenc iements , fermetur e de sites et plans sociaux (article 118 de la loi de modern isat ion sociale, Contrats de site, divers comités tels le CODEF ) ;

  • Les fonds régionau x pour l’emploi.

La refonte des récentes années témo igne de la nécess ité et des atouts d’une approche terr itor iale : mise en cohérence , soup lesse permise, y com pris sur la mob ilité inter -entr eprises ou format ionemploi, capacité à mob iliser les dits acteurs … voire à les intégrer.

Ces dispos itifs témo ignent auss i d’une cer taine prise de consc ience de la gravité des choses , de la reconna issance de terr itoires véritab lement sinistrés , parfois sous la press ion de luttes sociales ou de com bats plus politiques

On retrouve dans la plupart des cas les incitations à la baisse des dépenses salariales et sociales auxquelles ces dispos itifs sont intégrés, y com pris par la mise en concurr ence des terr itoires. Il ressor t auss i l'absence de levier pour responsa biliser socialement et auss i sur l’environnement – les entr eprises bénéficiaires d’aides, d’exonérat ions ... et l e p atr onat . Cela a pp elle d ' a u t r e s critèr es d’utilisat ion par les entr eprises des fonds dégagés grâce aux collect ivités terr itor i a les . Une autr e limite , liée à la précédente , est l’absence de pouvoirs de suivi et de contrô le de ces aides, non seulement par les collect ivités et leurs élus, mais auss i par les gens concernés eux-mêmes (t ravailleurs et chômeurs notamment) .

Les dispos itifs const ituent trop souvent de simples déconcen trat ions des instruments de l’État avec un cadre, financ ier et sur tout réglementa ire, étr oitement maîtrisé par celui-ci ou par l’Union européenne (par exemple : imposs ibilité, en principe, de modu ler la taxe profess ionne lle).

On ne délègue que l’ajustement fin entr e offre et deman de (marché du travail, format ion), ou la gestion fine des consé quences de suppr ess ions d’emplois ou d’activités par ailleurs intouc hées.

Ils peuvent ainsi renforcer encor e et accom pagner, grâce à un cer tain " réalisme " social, la logique dominante .

Sortir de la logique d’accompagn ement social du libéralism e Ce qui domine, dans l’ensem ble de ces dispos itifs, c’est la faiblesse des résu ltats et C’est auss i l’impr ess ion de faiblesse de moyens mis en œuvre et donc la logique d’accom pagnement , voire d’intégration des populations et de leurs élus dans la logique d’ensem ble d’hyper-marchandisation du tra vail sous domination des marchés financ iers . Même dans les cas les moyens financ iers mis en œuvre ne sont pas si faibles, on bute sur la dispers ion des financements et sur tout sur les très faibles marges d’actions des citoyens et de leurs élus sur ces financements , leur affectat ion, notamment leur affectat ion sélective. C’est donc auss i le lien avec l'orientat ion des gest ions des entr eprises et l’inter vention de l’intér ieur même de celles-ci qui doit êtr e en jeu. Ce qui frappe enfin,c’est l’immensité des besoins.

Sans cesse les dispositifs tendent à couper et à cloisonner les pouvoirs d’une part, la définition des buts sociaux visés d’autre part, les financements et leurs critères d’un autre côté. Alors que ces trois ensembles font système.

Tout en formulant une perspective d'ensemble et en dénonçant la logique dominante, il s'agit de formuler des revendications.

On peut en donner des lignes directrices

Changer les institutions et les procédures dans les territoires.

A par tir de l'existant (Unedic, Plie, Assed ic, Contrats de site, …), en organisant les intér essés , en bataillant pour qu'ils y fassent irruption et en poussant ces inst itut ions à poursu ivre d'autr es buts.

Obtenir la fixation d'objectifs précis, quantifiables, dans le territoire, lieu où tout se recoupe.

Il faut , dans la transpar ence , des objectifs annue ls d'emploi, de format ion, de trans format ion des situat ions (précaires en stab les, résorpt ion du nom bre de chômeurs , etc.), à par tir des besoins des gens, des atouts de la région et de la situat ion locale.

Il faut des objectifs pour "répar er", mais auss i pour créer des activités , des situat ions nouvelles, et ceci n'impliquant pas seulement les organismes publics mais auss i, sur tout , les entr eprises et le patr onat .

Il faut tra vailler tout en amont des situat ions de crise et de difficultés d'un terr itoire et mettr e un plus gros paquet sur l'aval.

Contrôler les fonds, non seulement publics, mais aussi orienter les profits et baisser les charges du capital (intérêts, dividendes,…) grâce à un crédit bancaire sélectif.

Il faut por ter des revendications sur tous les fonds publics (Assed ic, RMA, qui va impliquer les départements , les fonds paritaires de format ion, les aides publiques aux entr eprises, etc .). saisissons -nous du discréd it dont est l'objet la masse des exonérations de cotisations sociales (20 Mds d'euros) et de fonds qui vont à la gest ion sans que se fassent sent ir les résu ltats atten dus, et qui tirent à la baisse les salaires et les dépenses sociales.

Il faut auss i s'atta quer aux charges proprement financ ières (dividendes et intérêts) qui représentent 189 Mds d'euros dans les entr eprises non financ ières (dont 69 Mds de charges d'intérêt) , prélevées sur une valeur ajoutée de 765 Mds (dont 242 Mds de profits d'exploitation + 370 Mds de masse salariale), et les abaisser pour pouvoir accr oître les dépenses salariales, sociales et de format ion.

Nos propositions de fonds d'inter vention, à par tir des Régions et, demain, au-delà, avec des cré dits bonifiés pour l'invest issement créateur d'emploi sont faites pour s'atta quer à ces charges financ ières, orienter les profits et génér er de nouvelles dépenses utiles. Ceci dès maintenant en utilisant l'amor ce par les fonds publics et les com pétences des régions, pour donner des pouvoirs directs d'inter vent ion, "proact ifs", aux gens , aux tra vailleurs et aux citoyens . Ces fonds pour l'invest issement utile et créateur d'emploi devraient const ituer la base d'inst itut ions nouvelles au ser vice d'une démocrat ie de participation et d'inter vention à par tir des terr itoire, pour sécuriser et développer l'emploi et la format ion.

4. Construire un grand mouvement national sur l'emploi et la formation.

Il s'agit, dans les terr itoires, de mettr e sur pied des comités locau x d'inter vention.

A par tir ici de luttes sur des buts sociaux terr itoriaux de sécur isation de l’emploi, de la format ion et des trajecto ires

, et de développement de l’emploi, il faut s’affronter aux questions de financements et de leurs critèr es et donc à celles des pouvoirs, de sélectivité, de transpar ence et de suivi jusqu’au changement de la politique nationale et aux pouvoirs de la BCE.

Ce mouvement national a devant lui trois directions d'action :

  • Gagner des points concr ets

  • Rassem bler et donner confiance , Unir à par tir des divers ités d'entrée dans les chantiers

  • Mais auss i, et indissoc iablement , mener une bata ille d’idées p olitiq ue :

Contr e l a d om inat ion d es mar c h és financ iers , face au prétendu excès de charges soc iales et d e coûts sa l ar i au x, mar c h és financ i ers sans le recul d es q ue l s tout pr ojet de sécur isation de l'emploi ou de la format i on n ' est q ue pr omesse é l ectora liste .

Pour l a visée d'un projet d'ensem ble de SEF, répondant aux défis de mob ilité, d'efficac ité, d'autonom ie et de développement de soi posés par la révolution informat ionne lle et les as pirat ions des salariés : autr ement que par le tou jours plus de précar ité, plus ou moins.

 

Introduction de Denis Durand

Fonds régionaux de sécurisation et de promotion de l’emploi et des qualifications

Nous voulons nous atta quer au chômage et à la précar ité ils trouvent leur origine : dans les décisions que prennent tous les jours les entr eprises et les banques, sous la pression

des marchés financ iers , et dans les politiques publiques qui renforcent et perpétuent la domination des critèr es de gest ion capitalistes . Nous voulons répondr e aux urgences en commençant tout

d e su ite à lutter p our constru ire une sécur ité d’emp loi ou d e format ion , à par tir des inst itut ions existantes , avec des moyens à l a p or tée d u mou v ement populaire.

Il s’agit donc de disputer le pouvoir d’orienter le cré dit facteur déterm inant des décisions por tant sur la créat ion ou la destruct ion d’emplois à ceux qui en ont aujourd’hui le monopo le, les dirigeants des banques et les opérateurs de marchés. Tel est l’objet des fonds régionau x dont nous proposons la créat ion : ce sera ient des inst itut ions disposant de moyens financ iers et donnant des pouvoirs aux salariés et aux citoyens pour peser sur les décisions d’invest issement des entr eprises, des PME comme des grands groupes, à travers leur mode de financement .

Pour cela, nous voulons lancer un grand mouvement national qui inter viendrait à tous les stades des décisions : recensement des besoins d’emplois et de format ion dans les bass ins d’emplois ou les régions, saisine des organes de direction des fonds régionau x, par ticipation des représentants des salariés et des citoyens à la décision de souten ir ou non un projet, contrô le de l’utilisat ion des fonds.

Pour préciser le rôle de ces inst itutions, de natur e très nouvelle, que sera ient les fonds régionau x, on peut répondr e à quatr e questions .

À quoi serviraient les fonds régionaux ?

Le but des fonds régionau x sera it d’inciter les entr eprises et leurs banques à financer par des prêts à moyen et long terme des investissements développant l’emploi stab le, les qualifications et la valeur ajoutée .

Une première techn ique dispon ible à cet effet est celle des bonifications d’intérêt (1). Lors qu’une entr eprise empruntera it à une banque l’argent nécessa ire au financement d’un investissement (ac hat de bâtiments , de machines, de logiciels…), le fonds régional pourra it décider de lui attr ibuer une subvention ser vant à rédu ire le taux des intérêts qu’elle aura it à verser à la banque, mais à une con dition : que l’invest issement réponde à des critèr es précis d’efficacité sociale et économ ique (créat ions d’emplois, mises en format ion de salariés, augmentat ion de la valeur ajoutée dispon ible pour les salariés et la population, économ ies de capital matér iel et financ ier). La réduct ion des intérêts pourra it êtr e d’autant plus forte que l’invest issement développerait davanta ge l’emploi stab le, les qualificat ions et la valeur ajoutée . D’autr es techn iques pourra ient également êtr e mises en œuvre, par exemple celle des garant ies d’emprunts , par ticulièrement appr opriée au cas des relations entr e banques et PME manquant de “ surface financ ière ”.

Ainsi, contra irement aux baisses de charges sociales, qui sont en réa lité un encoura gement aux bas salaires et aux emplois précaires, l’action des fonds régionau x visera it à baisser les charges financ ières suppor tées par les entr eprises. Ce type d’inter vention aura it pour effet de déclenc her des décisions de cré dits qui ne sera ient pas prises sans elle : un invest issement imposs ible à financer au taux du marché pourra it devenir financ ièrement équilibr é si le montant des intérêts est rédu it 2. Aussi les luttes sociales pourra ient-elles s’app uyer sur le caractèr e incitat if des fonds publics, mob ilisés par les fonds régionau x, pour imposer des choix d’invest issements obéissant à d’autr es critèr es que ceux de la renta bilité capitaliste.

Puisqu’elle sout ient l’invest issement d’autant plus que celui-ci crée des emplois, l’act ion du fonds pèsera it à la fois sur l’utilisation des profits par le patr onat et sur celle des cré dits banca ires

: en faveur des invest issements rée ls et même en faveur de dépenses patr onales accrues pour l’emploi, les salaires et les qualifications .

Étant liés à des investissements , les emplois ainsi créés peuvent êtr e dura bles. Ils le seront d’autant plus que les invest issements sélectionnés contr ibueront à créer des emplois de qualité et à renforcer l’efficacité de l’app areil productif et le développement maîtrisé des terr itoires.

De quelles ressources financières les fonds régionaux disposeraient-t-ils ?

Il n’y a pas de limite a priori sur la natur e et la provenance des ressour ces qui ser viraient à alimenter les fonds régionau x. Une première éta pe sera it de leur réaffecter les aides dispensées actue llement aux entr eprises, au nom du sout ien à l’emploi par la “ baisse du coût du tra vail ”, et qui sont en réalité une subvention aux profits.

L’avanta ge de techn iques telles que les bonifications d’intérêt est d’agir sur des montants élevés de financements avec un montant modeste de subventions : on subventionne les intérêts , qui ne représentent eux-mêmes qu’un pourcenta ge du montant de l’emprunt. De la même façon , les garant ies d’emprunts ne con duisent à des dépenses publiques que dans un petit nom bre de cas , les critèr es de sélection des invest issements financés faisant que sauf exception l’emprunteur est en état de rembourser lui-même les cré dits qu’il a reçus . Là encor e, les fonds publics effect ivement dépensés ne représentent qu’un petit pourcenta ge du tota l des invest issements garant is.

En outr e, le sout ien apporté par le fonds à un prêt bancaire peut ser vir de cata lyseur à l’octr oi d’autr es prêts par d’autr es banques : une banque qui hésitera it à financer un projet peut décider de le souten ir si elle voit que d’autr es éta blissements ont choisi, à l’incitat ion du fonds régional, de miser sur sa réalisation.

L’expérience a prouvé l’efficac ité de ces techn iques : par exemple, les pr êts bonifiés pour les PME mis en place par la Commission eur opéenne et la Banque eur opéenne d’Invest issements après la précé dente récess ion, celle de 1993, se sont révélés 60 fois plus efficaces , en termes d’em plois créés ou sauvegardés pour un montant donné de sub vent ion, que les aides Aubry 3.

Comme on l’a souligné, cette efficacité a cependant une con dition : que les financements soient bien orientés en fonct ion de critèr es d’efficacité sociale et économ ique rigoureux, contra dictoires avec les critèr es de gest ion ins pirés par la recherche de la renta bilité financ ière, et donc que les salariés, les citoyens et leurs représentants aient le pouvoir d’imposer une telle orientat ion.

 

Comment seraient organisés les pouvoirs de décision au sein des fonds et dans leurs relations avec les acteurs économiques et sociaux ?

La const itut ion des Fonds régionau x pour l’emploi et les qualificat ions ne prend tout son sens qu’en liaison avec un grand mouvement social et politique pour la sécur isation de l’emploi et de la format ion, et comme lieu d’exercice de nouveaux pouvoirs par les salariés et les citoyens. L’inter vention de ce mouvement national se produirait à tous les stades des prises de décision :

  • Les syndicats , les comités d’entr eprises, les assoc iations de chômeurs et de lutte contr e l’exclusion, les élus locaux et nationau x aura ient le pouvoir de saisir les organes de direction des fonds régionau x pour leur deman der de souten ir des projets contr ibuant au développement de l’emploi et de la format ion. Dans un premier temps , on pourra it inscr ire cette procé dure dans le fonctionnement de dispos itifs existants (PLIE, législation sur les licenciement , voire CODEF). Ce droit de saisine pourra it êtr e élargi à un objectif de lutte contr e la précar ité de la jeunesse , à par tir de conse ils d’aler te et d’inter vention représentant les jeunes et les inst itut ions concernées .

  • L’organisme directeur des fonds (leur conse il d’administrat ion) devrait êtr e ouvert à tous les acteurs sociaux suscept ibles d’êtr e concernés . Il s’agit bien sûr des syndicats , des assoc iations de chômeurs . Mais on peut penser auss i à toutes les agences de développement , départementa les ou régionales, et aux élus terr itor iaux eux-mêmes . Enfin, les acteurs économ iques et les banques devraient y êtr e représentées .

  • Les représentants de la société aura ient le pouvoir de suivre et de contrô ler la réalisation des objectifs d’emploi, de format ion et de sécur isation. Ces contrô les, à échéances régulières, pourra ient donner lieu à des sanct ions telles que le remboursement des aides. À l’inverse , des résu ltats supér ieurs aux objectifs pourraient ouvrir droit à un renforcement des aides. On s’inscr it donc dans la cont inuité de la bataille pour le contrô le des aides publiques aux entr eprises.

Si les salariés et les citoyens obtenaient de cette façon une prise directe sur les décisions des banques en matière de sélection des bénéficiaires de leurs cré dits, ce sera it une très grande nouveauté : même lors que les banques étaient nationalisées , les décisions straté giques échappaient pour l’essent iel aux citoyens ordinaires et aux représentants du monde du tra vail. Cela met en lumière le caractèr e très original, du point de vue politique, que présentera ient ces nouvelles inst itut ions .

De la “ proximité ” à la dimension nationale et européenne

La force des fonds régionau x ainsi conçus , dans le cadre d’un mouvement national, est de pouvoir s’ancr er dans des luttes et des rassemb lements sur des objectifs précis : par exemple le développement d’une filière par ticulière comme l’aér onaut ique ou la pharmac ie, la recon version d’un bassin d’emplois ou les luttes pour l’emploi des jeunes .

Cependant, por tés par une logique commune de contestat ion des critèr es de financement capitalistes , les différents fonds régionaux pourra ient faire converger leur action jus qu’à const ituer un véritable système , en par ticipant à un fonds national décentra lisé. Au niveau national, l’inter vention de ce système sera it encor e plus efficace avec la présence d’un pôle d’inst itut ions financ ières publiques qui s’engageraient dans les financements encoura gés par le Fonds national décentra lisé et qui usera ient de leur poids sur le marché pour inciter les banques privées et mutua listes à contr ibuer également à ces financements .

Au niveau européen, une forme par ticulièrement efficace d’inter vention sur la politique de cré dit des banques cons istera it, pour la Banque centra le européenne , à pratiquer une sélectivité dans les sout iens qu’elle apporte aux cré dits distr ibués par les banques, à tra vers ses inter ventions sur le marché monéta ire. Ainsi, les banques qui financera ient des investissements encoura gés par les fonds régionau x aura ient le droit de “ refinancer ” ces cré dits en obtenant des prêts du même montant , à un taux très rédu it, de la Banque centra le européenne . À par tir des luttes de “ terra in ”, on en arr iverait ainsi à mettr e en cause concrètement les dogmes qui verr ouillent la gest ion de la monna ie et du cré dit en Europe et alimentent l’inflation financ ière au détriment de l’emploi et de la croissance réelle.

L’act ion pour la const itut ion de fon ds régionau x est déjà présente dans le débat public (déclarat ion des cinq unions syndicales régionales d’Île de France CGT, FO, CGC, UNSA, FSU, accue il très favora ble de l’idée au colloque sur l’aér onaut ique organisé en février au conse il régional d’Île-de-France …). Elle peut donner beaucou p de cré dibilité politique à un mouvement national pour sécur iser l’emploi et la format ion.

Compte rendu de l’atelier

Alain Morin

Les problèmes et enjeux terr itor iaux autour de l'emploi et de la format ion sont multiples et ils s'entr ecroisent : irres ponsa bilité sociale et terr itor iale des grands groupes et leur volonté d'en faire suppor ter les consé quences aux collect ivités terr itor iales, poches de chômage et de précar ité mass ifs côto yant les concentrat ions d'act ivités de hautes techno logies ou banca ires et financ ières, départs mass ifs à la retra ite de salariés que les patrons ne veulent pas remplacer, besoins de format ion de qualité auxquels ne répond pas "l'employabilité" du MEDEF...

Face à la divers ité de ces problèmes il y a, en premier lieu, besoin d'une appr oche politique permettant de tra iter chaque problème en visant à changer avec les intér essés les inst itut ions , les procé dures, les rappor ts de force dans les terr itoires pour des résu ltats concr ets .

Ainsi, sur l’initiative des élus commun istes d'Île de France et des militants de l'aér onaut ique, 250 syndicalistes , et profess ionne ls de la recherche et de la format ion, responsa bles d'entr eprises et élus ont débattu , le 5 février dernier, de l'avenir de l'aér onaut ique et de l'exigence d'une sécur ité emploi et de format ion adaptée à cette filière. Une sécur isation visant des créat ions mass ives de nouveaux emplois répondant aux besoins du terr itoire dans sa divers ité et en lien avec les surcharges actue lles de tra vail et les comman des enregistrées par les entr eprisesdes financements rédu isant l’emprise des marchés financ iers sur cette industr ie. Le recensement des besoins d’emploi et de format ion comme le débat sur les stratégies publiques et des entr eprises pourra ient s’appuyer sur une “ expertise citoyenne ” assoc iant tous les acteurs concernés . Bien sur le patr onat se refuse à s’engager à toute créat ion d’emploi et reste obsédé par la renta bilité financ ière à cour t terme avec la baisse des coûts salariaux, les délocalisations et les externa lisations , mais le débat public et la confrontat ion sont lancés , des propositions alternat ives sont avancées pour gagner des majorités d’idées, pour rassemb ler les populations des terr itoires concernés , les acteurs sociaux comme politiques.

Dans le Nord Pas-de-Calais, la suppr ess ion de 2000 emplois de Métaleurop et de ses sous-traitants a nécess ité de bouscu ler les inst itut ions de reclassement et de format ion, notamment en y faisant rentr er les organisations syndicales, en utilisant la validation des acquis de l'expérience pour faire reconna ître à ces salariés, après vingt-cinq ans d'expérience , un niveau équivalent au BTS leur permettant des accès à des format ions qualifiantes de haut niveau.

Cette action a été menée de concer t avec un tra vail pour faire émer ger de nouveaux emplois qualifiés. Ces avancées ont été possibles en mob ilisant les fonds publics et privés nécessa ires avec la tenue d’une “ conférence des financeurs ”.

En haute Savoie, c'est l'expérience des luttes des tra vailleurs du tour isme qui a contr ibué à la créat ion du statut des saisonn iers . Dans chaque situat ion, il s’agit de définir des objectifs qualitatifs et quant itat ifs terr itor iaux en termes d'emploi, de format ion, d'inser tion d'emploi en lien avec les bata illes contr e les délocalisations et les plans sociaux, pour des reclassements de qualité, là où cela s'avère nécessa ire, et de créat ions d'emplois dans le secteur public comme dans les entr eprises.

En effet, sécur iser l'emploi et de la format ion ne signifie pas gérer les emplois existants , voire en réduct ion, mais au contra ire néces site d'ar ticuler cet objectif à l'exigence de nouveaux projets industriels, de l'essor de l'emploi, de la recherche et de ser vices publics comme privés.

Après la démar che visant à définir les objectifs sociaux et à faire inter venir les intér essés dans les procédures et les institutions pour des résu ltats concr ets , le débat sur la natur e des moyens financ iers à mobiliser et la démar che pour y parvenir s'est engagé après l'intr oduction de Denis Duran d sur les Fonds régionau x pour sécuriser et promou voir l’emploi et la format ion.

L'attr ibution d'aides publiques aux entr eprises qui, comme l'entreprise For tex a reçu 3,3 millions d’eur os d’aides, dont 800.000 euros du Conse il régional de Midi-Pyrénées , et a suppr imé 200 emplois, licenc ient ou font des profits a été dénoncée . Nombre d'inter venants ont montré l’exigence de con ditionner les aides à des engagements précis et remboursa bles en cas de non-réalisation. Mais les délégués de l'ate lier ont sur tout insisté sur l’utilisat ion possible, et à conquérir, de ces Fonds pour orienter l'utilisation des fonds des entr eprises et des cré dits des banques pour des projets créateurs d'emplois en quant ité et en qualité au lieu des gâchis mass ifs actue ls de ressour ces des entr eprises dans les dépenses pour les investissements et les placements financ iers , notamment dans le cadre de fusions acquisitions.

Il s'agit d'une démar che visant à desserr er les contra intes exercées par les marchés financ iers et les grands groupes sur les terr itoires. Ceux-ci, en prélevant leurs richesses , en délocalisant les activités , prennent en otage ces terr itoires.

La mise en place de ces Fonds régionau x permettra it auss i d'élargir et de renou veler la conce ption de l'appr opriation sociale des entr eprises qui aujour d'hui ne doit pas concerner que la propriété des moyens de production, mais s’atta quer aux pouvoirs du capital détenus à par tir de ses titres financ iers et de son argent. Cela exige, pour y faire face, de gagner du pouvoir avec les fonds publics et son effet d'entra înement obligeant le capital à utiliser ses propres fonds autr ement .

La proposition de Fonds régionau x doit auss i s'appuyer sur les exigences d'efficacité sociale des fonds publics attr ibués aux entr eprises alors que le système actue l dominé par le dogme de la baisse des coûts salariaux est en crise.

Il en est de même pour les fonds attr ibués à la format ion qui, comme la région Rhône-Alpes, n'ont été utilisées qu'à 50 %.

Si la proposition de Fonds régional vise à encoura ger les investissements liés à des créat ions d'emplois, à souten ir l'industr ie qui fait de l'emploi, ces fonds ne sont pas conçus pour faire suppor ter aux collectivités terr itor iales les exigences sociales de cont inuité des revenus des salariés écar tés de l'emploi en déresponsa bilisant les différents acteurs économ iques dont les choix sont à l'origine de cette situat ion.

Les bata illes pour l'emploi et la format ion dans les terr itoires exigent auss i des pouvoirs pour les salariés et les populations, notamment sur l'argent . D’où l’idée de lieux de démocrat ie par bassin d’emploi, comme le proposent les commun istes de la région Rhône-Alpes, mais sur tout de nouveaux pouvoirs dans les entr eprises, leurs comités d’entr eprise ou de leurs comités de groupe eur opéen ou encor e dans les inst itut ions comme les Conse ils économ iques et sociaux. Une redéfinition des com pétences sur l’emploi et la format ion depuis les collectivités locales jus qu'au niveau de l'Europe, notamment de la Banque centra le européenne est auss i nécessa ire.

Enfin, cette bataille nécess ite un grand engagement politique. En effet, il s'agit d'ar ticuler toutes ces act ions concrètes avec un projet politique ambitieux visant l'éra dication tota le du chômage, une sécur isation de tous les moments de la vie donnant une perspective convergente , un projet commun à toutes ces luttes .

Il s'agirait non seulement d'engager une cam pagne d’actions, mais auss i la créat ion d'un grand Mouvement national avec la créat ion de comités locau x. Il permettra it d'ar ticuler le politique et le social, de favoriser un tra vail commun avec tous les acteurs de l'emploi et de la format ion: syndicats , assoc iations , forces politiques et tous les citoyens mobilisés dans l’act ion sur ces objectifs.

 

  1. Paul Boccara, “ Bonifications régionales des crédits et interventions locales sur l’emploi, la formation, l’investissement ”, Économie et politique, mars-avril 1998.
  2. Cf. Michel Manaille et Renaut Baphèse, “ Réduire les charges financières pour influencer le comportement des banques et des entreprises ”, Économie et politique, n° 556-557, décembre 2000.
  3. Alain Morin, “ Crédit bonifié sélectif : plus et mieux pour l’emploi ”, Économie et politique, mars-avril 2002.

 

RELEVÉ DE DÉCISIONS D’ACTIONS

 

ATELIER 3 : EMPLOI-FORMATION AU NIVEAU DES TERRITOIRES

Changer avec les intér essés les inst itut ions , les procé dures, les rappor ts de force dans les terr itoires pour des résu ltats concr ets .

Fixer des objectifs dans les terr itoires sur le terra in des emplois qualifiés, de la format ion, de la valorisation des acquis de l’expérience , de trans format ion du tra vail précaire en lien avec les défis locau x.

Exiger la créat ion de Fonds régionau x avec des fonds publics, leurs contrô les, leur réor ientat ion avec des investissements pour l’emploi et les activités industr ielles et de ser vices . Des fonds publics prendraient en charge tout ou par tie des taux d’intérêt des cré dits pour les invest issements matér iels et de recherche des entr eprises, pour abaisser ces taux d’autant plus que ces invest issements programment de l’emploi et de la format ion.

Conquérir des pouvoirs nouveaux, de contrô le, d’inter vention, de gest ion dans les inst itut ions , les CE, les syndicats , les élus, les assoc iations et les terr itoires.

Favoriser un effor t de conna issance , d’appr opriation, de vulgarisat ion de nos analyses, propositions en lien avec toutes les expérimentat ions quotidiennes .

Nous devons promou voir l’exigence d’un grand mouvement national pour une sécur ité d’emploi et de format ion. Un mouvement constru it par des initiatives dans la durée , facteurs de majorité d’idées et d’inter vention des salariés et populations.

Celui-ci peut êtr e de natur e à clarifier l’originalité de nos propositions, ainsi que le choix de la droite et du PS impré gné du libéra lisme dont le dogme est : pas touche au capital.

Nous avons besoin d’un grand débat politique nous permettant dans chaque région de se dégager du social libéra lisme .

N’avons nous pas besoin d’une adresse aux salariés, aux acteurs sociaux et syndicaux, aux politiques , aux forces du tra vail et de la créat ion pour lancer ce mouvement national afin de favoriser toutes les initiatives de rassemb lement faisant reculer la domination des marchés financ iers pour des alternat ives en faveur de l’emploi, de la sécur isation et de la formation ?