Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Répondre autrement aux besoins d’émancipation de la domination des États-Unis de rapprochements avec les pays émergents

Le pari de l’eur o éta it d’arr iver à imposer aux Etats -Unis un par tage de leur domination financ ière sur le monde .

Le taux de change de la monna ie unique, soutenu par des taux d’intérêt réels élevés, devait permettr e à l’Union Européenne d’attirer une par t croissante des capitaux flottants mond iaux.

Sur cette base, on nous prometta it que l’eur o allait ensu ite êtr e désiré, comme monna ie de réser ve mond iale, par les banques centra les elles-mêmes , ce qui devait permettr e à l’Europe de s’émanc iper de la domination du dollar.

Aujourd’hui, en effet, avec la façon dont les capitalistes cherchent à relever les défis de la Révolution informat ionne lle, le marché financ ier domest ique tend à prendre une place absolument centra le. Du cou p, la domination entr e puissances capitalistes se joue auss i, de plus en plus, au tra vers de la capacité de chacune d’elles d’att irer, grâce à son propre marché financ ier domest ique, les énormes ressour ces dont ont besoin leurs multinationales pour multiplier leurs fusions et acquisitions, élargir les réseau x de dominations mond iaux qui leur permettr ont de par tager de façon monopo liste les coûts croissants de recherche et développement , d’attract ion et de fidélisat ion d es mains d’ œ uvres les p lus qualifiées . Tout cela afin de détru ire les rivaux.

L’importation de capitaux est devenue ai ns i un trait distinctif essentiel de l ’ imp é r ialism e moderne.

Les Etats -Unis sont , de très loin, les plus gros impor tateurs nets de ca pitaux. Cela leur ser t à financer leurs énormes déficits publics et extérieurs , lesquels expriment auss i une domination sur le monde , via leurs multinationales, même si c’est auss i un facteur de vulnéra bilité.

La tentat ive européenne de rivaliser avec l’impér ialisme dominant sur ce terra in-même conduit à de cons idéra bles décon venues : c’était le cas hier avec l’eur o qui s’affaiblissa it face au dollar, en liaison avec une for te hémorra gie de capitaux vers les nouvelles techno logies et la croissance amér icaines . C’est le cas aujourd’hui avec la chute (pour l’heur e contrô lée) de la valeur du dollar par rappor t à l’eur o qui accentue toutes les difficultés de redémarra ge de la croissance européenne et pousse aux délocalisations en zone dollar.

La reprise de la croissance aux Etats -Unis a été impulsée grâce aux privilèges du dollar, seule monna ie nationale à êtr e interna tionale. Mais l’emploi ne suit pas aux Etats-Unis. C’est a for tiori le cas dans le monde entier, car c’est à son détriment que l’Amér ique a constru it cette reprise, avec un dollar de com bat mettant en péril l’emploi dans les pays occidentau x concurr ents .

L’autr e aspect de cette reprise c’est la croissance des pays émergents et par ticulièrement la Chine dont la place est amenée à devenir de plus en plus impor tante et dont la monna ie est indexée sur le dollar. Ce pays est à l’origine d’une par t importante du déficit extérieur des Etats-Unis et est , d’autr e part, un pourvoyeur impor tant de capitaux permettant de financer ce déficit. Dans ce conte xte d’ensem ble, on voit se creuser l’écar t avec l’Eu-

rope : la croissance du PIB de la zone euro n’aura été que de 0,5% en 2003, sens iblement inférieur e à celle des pays non-euro comme le Royaume-Uni, le Danemar k ou la Suède.

Mais l’écart s’est beaucoup creusé avec les Etats-Unis (2,6% à 2,9% de croissance du PIB en 2003) sans parler de la Chine (7,5%). Autrement dit, l’opposition de situat ion entr e les Etats -Unis avec les pays émergents d’Asie et d’Amér ique latine, et l’Europe cont iguë à une Afrique exsangue et un Moyen-Orient en guerr e , se tr ou ve renforcée.

Cette quest ion de l’écar t de croissance Etats -Unis/ Eur o p e n’est pas nou velle. Mais ce q ui est nou veau c’est son ampleur qui ne cesse de s’accentuer avec cette “ c r oissance molle ” dont souffre l’Europe.

Dans ces circons tances la baisse du dollar joue un rôle incitatif très important aux délocalisations d’activités vers la zone dollar, au détriment de la zone euro.

Ainsi, les douze pays de la zone euro ont enregistré en 2003 une sor tie nette de capitaux de 9,3 milliards d’euros après deux années d’entrée nette (1).

On mesur e le besoin d’une toute autr e action en Europe, d’autant plus que celle-ci, même éten due à l’Est, se trouve prise en tena ille entr e les Etats -Unis et les pays émergents d’Asie, notam ment la Chine.

D’un côté , en effet, elle subit la press ion grand issante de la concurr ence des bas salaires des pays émergents sur les produits bana lisés ou semi-bana lisés ; des pays can didats à l’eur o, bien sûr, mais plus encor e, et avec ces derniers , des pays émergents de la zone dollar.

D’un autr e côté , l’Union Européenne subit la press ion concur rentielle grand issante des bas coûts en dollars et de la techno logie avancée des Etats -Unis.

Cela pose en termes crus , le besoin d’une toute autr e orientation de la construction eur o p éenne p ermettant un rappr oc hement des pays émergents et en développ ement , au lieu de cette alliance privilégiée matinée de rivalité et de domination avec les Etats Unis.

Ce changement de ligne stratégique est possibl e car l’Europe est désormais très dom i n ée par l e s Etats-Unis et elle en souffre de plus en plus.

Or la construct ion actue lle de l’Union enferme ces pays membr es dans une rivalité interne accrue et un face à face avec les Etats -Unis qui les cou pent du monde en développement , vis-à-vis duquel elle tend encor e plus à êtr e prédatrice, mais auss i victime des multinationales qui s’y implantent .

C’est que cette construct ion encoura ge les com portements les plus anti-sociaux, antinationau x et anti-eur opéens du capital en Europe.

En effet, les pays membr es de l’Union Européenne cherchent à diminuer leurs coûts salariaux et à trans former leur espace en zone à bas coût salariaux, en préten dant ainsi rivaliser avec les pays émergents .

Mais plus ils procè dent ainsi et plus ils se mettent ensem ble en difficulté face aux Etats -Unis sur les productions de haute technologie qui, elles, requièrent des salariés qualifiés, bien payés et se formant tout au long de leur vie.

En même temps , les coûts salariaux européens , auss i raba issés soient-ils, n’arr iveront jamais à concurr encer les très bas salaires des pays émergents d’Asie, la Chine en tête , sur tout avec un dollar faible.

Cherchant à rivaliser avec l’impér ialisme dominant sur son point for t, la domination financ ière et, avec les pays émer gents sur les bas coûts salariaux, l’Union Européenne contr ibue, au contra ire, en se minant socialement elle-même , à accentuer les rejets et l’insécur ité sociale mond iale. Ce que Georges Bus h cherche à cana liser avec sa politique sécur itaire pour diviser le monde et renforcer ses emprises sur lui.

La pr étent ion à rivaliser sur le sécuritaire avec les Etats Unis ne contr ibuera it qu’à creuser l’écar t dont souffre l’Europe du fait de l’insuffisant d évelo pp ement d e ses ca p ac ités h umaines et des hémorra gies d e ca pitau x qu’elle subit.

Et, d’ailleurs , on voit que toute l’Europe commence à se déstabiliser avec une accentuat ion des rivalités d’intérêts capitalistes en son sein, y com pris par exemple une concurr ence d éc h a înée entr e l a France et l’Allema gne vis-à-vis de la Chine. Et les Etats-Unis jouent de ces divisi ons.

On pressent alors l’impor tance d’un nouveau concept global de sécurité commun e en Europe, alors même que la pers istance dura ble de clivages nationau x en son sein s’oppose à l’émer gence d’un conce pt global de défense suscept ible de faire écho aux tentat ives de construct ion d’un marché unique des armements en cours .

Ce concept de sécurité commune devrait placer au cœur de son objet la sécur isation de l’emploi et de la format ion pour un co-développement pacifique de l’human ité.

1. Ce retournement s’explique surtout par une réduction spectaculaire des entrées nettes au titre des investissements de portefeuille, passées de 103,4 milliards d’euros en 2002 à seulement 11,9 milliards en 2003. L’hémorragie a été particulièrement sensible sur le marché de la dette avec une sortie nette l’an dernier de 27,4 milliards contre une entrée nette de 52,9 milliards en 2002. Elle a été forte, aussi, sur le marché monétaire avec une sortie nette de 50,9 milliards. Sur les marchés d’action, en revanche, la zone euro est restée positive, mais la tendance est à la baisse.