Avec la création de la rupture conventionnelle du contrat de travail, le gouvernement Sarkozy avait en tête la réduction du nombre de licenciements économiques, en permettant à l’employeur d’esquiver le juge. L’opération a fonctionné, les chiffres le prouvent.
Mais les contentieux sur les licenciements économiques restants augmentent. Avec la loi Macron, et la réforme des tribunaux prud’homaux qu’elle contient, qui met à l’écart le juge et favorise la négociation employeur-salarié dans le traitement en amont ou en aval des contentieux, le gouvernement Hollande-Valls poursuit le travail de sécurisation des employeurs sur le dos des salariés. En même temps qu’il entérine le principe austéritaire d’une justice sans moyens.
Le conseil des prud’hommes est la juridiction spécialement compétente pour trancher les litiges nés du contrat de travail (1). Aujourd’hui ce sont 14 512 conseillers qui officient au sein de 216 conseils de prud’hommes, tous divisés en 5 sections, industrie, commerces et services, agriculture, activités diverses, encadrement. Chaque section est composée d’un minimum de 8 conseillers.
Une étude récente rappelle quelques chiffres pour mieux saisir la réalité du contentieux prud’homal (2). En 2013, 176 859 demandes au fond ont été soumises devant la juridiction prud’homale, portant le nombre total des demandes, référés compris, à 206 039. Cette même étude souligne qu’en 2013, 92,8 % des demandes concernent la rupture du contrat de travail, étant précisé que le taux de recours ayant pour objet la contestation de licenciements pour motif économique est très faible : 1, 6 %. Concernant les ruptures pour des motifs autres qu’économiques, les auteurs de l’étude constatent une évolution : si le taux des contestations augmente, leur nombre en valeur absolue diminue.
L’évolution tiendrait notamment à l’essor de la rupture conventionnelle : « [celle-ci] a contribué à réduire le nombre de licenciés [pour motif non économique], mais les licenciements qui demeurent sont plus fortement contestés ». En 2013, 314 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées par l’administration, chiffre qui serait encore en augmentation en 2014. En novembre, ce nombre s’élevait à 301 441. Il faut aussi souligner un taux de refus des homologations particulièrement bas et d’une régularité étonnante (autour de 6 % en moyenne). Il existe assurément un effet de vases communicants, ce que révèle également une étude récente de la DARES (3). Il est difficile de dire dans quelle mesure la rupture conventionnelle est utilisée dans le but d’échapper au droit du licenciement pour motif économique. Mais assurément, l’intention était bien celle-ci : esquiver le juge !
La fin poursuivie aujourd’hui par le gouvernement est la même, à cette différence que c’est directement l’institution prud’homale qui est maintenant visée.
Le contenu de la réforme
La fin des élections prud’homales
Aujourd’hui, le conseil des prud’hommes est une juridiction paritaire et élue au suffrage direct, par tous les employeurs et tous les salariés, même privés d’emplois. Le scrutin, qui était de liste, à la proportionnelle, et, en principe, organisé tous les 4 ans, n’avait pas pour seule fonction d’assurer la désignation des juges prud’homaux. Il servait aussi, avant la loi du 20 août 2008, de critère dans l’appréciation de la représentativité des syndicats au niveau national interprofessionnel (4).
La dernière élection des conseillers prud’homaux remonte au 3 décembre 2008 ! En décembre 2014, le parlement a décidé, sans doute pour la dernière fois, de proroger le mandat des conseillers prud’homaux de deux années supplémentaires. La loi du 18 décembre 2014 marque en effet la fin des élections prud’homales (5). L’article 1er habilite le gouvernement à définir de nouvelles modalités de désignation des conseillers prud’homaux en fonction de l’audience des organisations syndicales de salariés. Le gouvernement dispose d’un délai de 18 mois. La date du prochain renouvellement général des conseils de prud’hommes sera fixée par décret, et au plus tard au 31 décembre 2017. Le mandat des conseillers prud’hommes est prorogé jusqu’à cette date.
Pourquoi donc supprimer les élections prud’homales ?
La faiblesse de la participation et des raisons budgétaires sont souvent mises en avant pour justifier cette suppression. Il est à peine besoin d’insister… L’argument tiré de la participation est particulièrement dangereux si, par analogie, on songeait une minute à l’appliquer aux élections politiques. Quant au second argument, il est tout aussi inquiétant de faire croire que la vigueur de la démocratie sociale dépend des économies budgétaires que le gouvernement entend réaliser !
Cette suppression vise autre chose encore. Les gouvernements successifs, mais sans doute aussi certains syndicats, ne souhaitaient pas fragiliser la légitimité des interlocuteurs sociaux et leur rôle dans le processus législatif.
Pour rappel, depuis 2008, l’audience prise en compte pour apprécier la représentativité au niveau national interprofessionnel résulte de la consolidation des suffrages obtenus aux élections des membres du comité d’entreprise et des élections régionales organisées pour les salariés des TPE, et ce, quel que soit le nombre de votants. La complexité du système de consolidation rend le calcul de l’audience totalement opaque. Cette opacité jette le trouble sur la sincérité des résultats obtenus, non pas qu’il s’agisse de dénoncer une quelconque fraude, mais de constater qu’il est impossible de contrôler la manière dont il a été obtenu. C’est sans compter les irrégularités nombreuses qui affectent encore les procès-verbaux des élections au niveau de l’entreprise (6) et la faible participation (42,78 %). Ce doute aurait été plus fort si l’on avait disposé de résultats électoraux obtenus par le suffrage direct des salariés au niveau national interprofessionnel. Quel regard porté sur la liste des syndicats représentatifs s’il était apparu – ce qui est à peu près sûr – que l’audience à partir de laquelle ils ont été déclarés représentatifs était différente de celle obtenue par le suffrage direct aux élections prud’homales ?
La réforme du fonctionnement du CPH et les petits arrangements à l’ombre du juge
Le déroulement de la procédure prud’homale débute d’abord et obligatoirement par une audience devant le bureau de conciliation (BC) (7). Il faut bien avouer cependant que la vocation originairement conciliatrice du conseil des prud’hommes s’est effacée et, le plus souvent désormais, le bureau de jugement (BJ) est saisi. Cette particularité de la procédure prud’homale explique sa durée. Elle le sera d’autant plus que l’affaire sera rejugée en présence d’un juge départiteur. Notons à cet égard que les cas de départage, comme l’appel, sont aujourd’hui plus courants (8). Ainsi la durée de la procédure prud’homale en première instance est en moyenne de 11,9 mois, mais peuvent aller jusqu’à plus de deux ans.
Le BC serait rebaptisé bureau de conciliation et d’orientation (BCO). Il conserverait son pouvoir de conciliation actuel. Désormais, il pourrait aussi, avec l’accord des parties, décider de renvoyer l’affaire devant un BJ restreint à 2 conseillers au lieu de 4, qui disposerait de seulement trois mois pour statuer.
Par ailleurs, en cas d’échec de la conciliation, le BCO peut aussi renvoyer d’office – c’est-à-dire sans accord des parties – et directement l’affaire devant le BJ présidé par le juge départiteur. La saisine directe du BJ présidé par un juge départiteur peut aussi être décidée par le BJ restreint ou bien encore résulter de la demande des deux parties.
Si la formation du BJ à 4 conseillers demeure le principe, le projet de loi multiplie les formules alternatives qui, soit tendent à expédier rapidement le litige, soit à faire intervenir un juge professionnel.
Le projet Macron encourage aussi très clairement le recours à ce qu’on nomme dans le jargon les MARC, à savoir les Modes alternatifs des règlements des conflits. Le projet en introduit deux : la médiation conventionnelle et les conventions de procédure participatives.
La première était interdite dans les litiges nés d’un contrat de travail, sauf si le différend était transfrontalier (article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995). Le projet prévoit l’abrogation de l’article 24, ce qui reviendrait à autoriser la médiation conventionnelle. Il s’agit de permettre au juge de désigner, avec l’accord des parties, un médiateur judiciaire pour procéder à une médiation, en tout état de la procédure. Sur ce point, le projet Macron n’est pas sans faire écho à l’article L. 1235-1 du Code du travail, issu de la loi de sécurisation de l’emploi. Cet article prévoit qu’en cas de litige, lors de la conciliation, un accord peut prévoir le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié.
Quel intérêt y a-t-il à recourir à la médiation conventionnelle alors qu’une phase de conciliation existe déjà en matière prud’homale ? Faut-il avoir l’esprit chagrin pour croire qu’il peut s’agir d’un moyen d’externaliser la justice prud’homale vers des médiateurs privés ?
Les secondes, les conventions de procédure participatives, étaient également interdites en matière prud’homale par l’alinéa 2 de l’article 2064 du Code civil. Là encore, le projet prévoit l’abrogation de cette disposition conduisant en définitive à les rendre licites. La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n’a pas encore donné lieu à la saisine d’un juge ou d’un arbitre s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend. Élaborée par écrit, elle fixe sa durée, l’objet du différend, et les pièces et les informations nécessaires à sa résolution. Reconnaître leur licéité soulève de nombreuses interrogations. Cela signifie-t-il que le salarié ait la libre disposition de ses droits au point qu’il puisse y renoncer ? Admettra-t-on qu’un salarié accepte de limiter l’objet du litige au seul motif du licenciement, en renonçant, qui sait, au paiement d’heures supplémentaires, ou à une demande de réparation pour harcèlement moral ? Enfin, la reconnaissance de ces conventions conduit à se demander si le juge conservera son pouvoir d’appréciation quant à la recherche de la cause réelle et sérieuse du licenciement. Aujourd’hui, c’est la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige… en sera-t-il toujours de même si les parties au contrat de travail décident au moyen d’une convention de procédure participative de définir autrement ces limites ?
Le statut des conseillers prud’homaux
Le statut des conseillers prud’homaux, juges élus et non professionnels, est relativement succinct. D’une part, le Code du travail reconnaît aux salariés élus des garanties et des moyens pour exercer leur mission. Tout d’abord, ils reçoivent une vacation égale à leur salaire. Ensuite, ils disposent d’un aménagement de leur temps de travail afin de leur permettre d’exercer leur charge et d’être formés. À cet égard, la loi leur reconnaît un congé de formation de six semaines par mandat. Enfin, ils bénéficient d’une protection contre le licenciement. D’autre part, leur fonction va de pair avec un certain nombre d’obligations qui incombent à tout magistrat. Le Conseil d’État a notamment admis la déchéance d’un conseiller prud’homal, sanctionnant un manquement à son devoir de réserve (9).
Tout d’abord, le projet de loi oblige les conseillers à suivre une formation initiale. Cela est une bonne chose. Cependant, il est prévu que cette formation soit confiée à l’ENM. Aujourd’hui, la formation des conseillers est prise en charge, soit directement par les organisations syndicales, soit par les instituts du travail (IRT et ISST) qui sont intégrés aux universités. Le but est d’assurer une formation à l’ensemble des conseillers prud’homaux, qu’ils soient salariés ou employeurs. Ainsi centralisée, la formation initiale des conseillers prud’homaux serait commune à tous pour ne pas dire uniforme et prétendument neutre. Les réserves concernent aussi la brièveté de la formation initiale qui sera limitée à 5 jours. Enfin, à défaut de l’avoir suivie, le conseiller sera réputé démissionnaire. Une formule telle que « il peut être déclaré démissionnaire » aurait été plus respectueuse des droits des conseillers prud’homaux. Ces derniers auraient été à même d’apporter des explications devant la Commission nationale de discipline. À tout le moins, on peut peut-être espérer qu’une procédure préalable de mise en demeure soit prévue par décret.
Ensuite, le projet renforce le droit disciplinaire applicable aux conseillers prud’homaux. Ces derniers sont soumis comme tout magistrat aux exigences d’indépendance et d’impartialité. S’ajoutent à ces exigences des devoirs de dignité et de probité. Autrement dit, les conseillers prud’homaux doivent faire montre d’une certaine respectabilité… Dommage que la référence au bon père de famille ait disparu ! Ils doivent aussi s’abstenir « de tout acte ou comportement public incompatible avec la réserve que leur impose leur fonction ». La généralité de la formule constitue évidemment un risque grave d’atteinte aux libertés fondamentales des conseillers prud’homaux. Être élu conseiller prud’homal serait-il le dernier acte de leur engagement syndical ? Doivent-ils craindre que l’exercice de leur liberté de manifester, de s’exprimer, de mener une action syndicale constitue un manquement à leur droit de réserve et à leur devoir de probité ?
Le droit disciplinaire applicable aux conseillers prud’homaux se dote aussi d’une instance chargée de son application et de sanction. La Commission nationale de discipline est créée. Elle est une instance distincte du conseil supérieur de la prud’homie, qui est un organisme consultatif placé auprès des ministres de la Justice et du Travail. La nouvelle commission est une instance disciplinaire présidée par un président de chambre à la Cour de cassation composée de conseillers d’État (1), des magistrats (2) et de conseillers prud’homaux, salariés (2) et patronaux (2). Contrairement à l’état actuel du droit, où le pouvoir disciplinaire est exercé par le Premier ministre (10), la nouvelle institution est sans conteste plus respectueuse de l’autonomie de la justice par rapport au pouvoir exécutif.
Le sens de la réforme
La mise à l’écart du garant des droits sociaux
La réforme du fonctionnement du CPH est une réponse donnée au problème important de l’allongement des procédures. L’allongement des procédures affecte très directement l’effectivité des droits sociaux et aggrave un peu plus la précarité des salariés injustement privés de leur emploi pouvant attendre plusieurs années avant que leur préjudice ne soit réparé. Régulièrement, la France est condamnée par la CEDH en raison de la violation de l’article 6 garantissant à toute personne le droit que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable. Le rapport Lacabarats le rappelait : « Le constat est unanime : la juridiction du travail, dans son mode d’organisation actuel, ne fonctionne pas dans des conditions conformes aux exigences des standards européens et connaît de graves carences. » (11)
Mais fallait-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?
En premier lieu, les mesures envisagées témoignent d’une défiance à l’égard des conseillers prud’homaux. Cela ressort clairement des nouvelles obligations déontologiques qui leur sont imposées. Quant à leur rôle, celui-ci consistera à trier les affaires et à juger fissa les affaires les plus simples. Les autres affaires, qui seront considérées plus difficiles ou lorsque les parties l’exigeront, seront confiées à un BJ directement placé sous la tutelle d’un juge professionnel. Un sacré coup porté au paritarisme !
Cette défiance à l’égard des conseillers prud’homaux fait écho à une autre disposition du projet Macron. Suivant l’article L. 1423-11 projeté, « en cas d’interruption durable de son fonctionnement ou de graves difficultés rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales », le premier président de la CA désigne un ou plusieurs juges pour connaître des litiges prud’homaux. Certes, la disposition n’est pas entièrement nouvelle. Ainsi lit-on déjà dans le Code du travail que lorsqu’un conseil de prud’hommes ne peut se constituer ou ne peut fonctionner, le premier président de la cour d’appel, saisi sur requête du procureur général, désigne un autre conseil de prud’hommes ou, à défaut, un tribunal d’instance pour connaître des affaires inscrites au rôle du conseil de prud’hommes ou dont ce conseil aurait dû être ultérieurement saisi. Et d’ajouter qu’en cas d’interruption durable de son fonctionnement ou de difficultés graves rendant ce fonctionnement impossible dans des conditions normales, le conseil de prud’hommes peut être dissous.
Il n’en reste pas moins que l’on peut s’interroger… L’interruption durable du fonctionnement du CPH est-elle à prévoir ? Quel événement pourrait être à l’origine d’une interruption ou de graves difficultés de fonctionnement sinon une décision de restrictions des moyens alloués à la justice prud’homale ? Assurément, le contexte actuel d’austérité donne à ces dispositions légales, réaffirmées dans le projet Macron, une nouvelle tonalité et surtout une potentialité que l’on n’aurait pas jusqu’alors soupçonnée.
Vers une gestion néolibérale de la justice sociale
En second lieu, le projet s’inscrit dans la continuité des politiques gestionnaires du service public de la justice. La logique d’efficience est à l’œuvre. Du côté de l’organisation judiciaire, il s’agit de prétendre faire mieux avec moins ! Sans doute dans quelques mois une évaluation de la réforme sera menée… étape devenue nécessaire pour juger de la légitimité d’une réforme. On peut déjà sans mal parier que ses auteurs se féliciteront d’une réduction de la durée des procédures. Mais à quel prix ?
Pour rappel, l’enquête journalistique de Véronique Brocart rapportait qu’en 2012, on comptabilisait à Paris 10 exemplaires du Code du travail pour 832 conseillers, 3 bureaux pour la rédaction des jugements, 10 ordinateurs et aucun connecté à Internet… Pour masquer la pénurie de moyens, le législateur préfère jouer avec les procédures et les délais. Or, à l’exception d’une pauvre formation initiale de 5 jours, aucun moyen nouveau n’est donné aux CPH. C’est loin d’être à la hauteur ! Lutter pour la diminution de la durée des procédures doit en passer par une augmentation du nombre de conseils des prud’hommes et de conseillers, si l’on est soucieux de la qualité des jugements rendus et du risque pour les conseillers prud’homaux d’intensification du travail.
C’est enfin consternant de constater une fois encore que le justiciable est réduit à la qualité de simple agent économique calculateur pour ne pas dire cupide. La justice prud’homale fonctionnerait désormais de manière à inciter les salariés à prendre l’argent d’une manière sûre et rapide, quelle que soit par ailleurs la gravité des atteintes portées au droit du travail et aux droits sociaux fondamentaux. Ces dispositifs incitatifs recourent à la technique contractuelle. Selon un dogme bien connu, la rencontre des volontés suffit à légitimer le choix des acteurs, peu importe qu’ils aient été contraints par une précarité sociale et économique. L’important est de « sécuriser » la relation de travail contre l’immixtion du juge. Et si, malgré tout, l’intervention du juge n’a pas pu être empêchée, l’accord aura au moins permis de contractualiser un acte de pouvoir. Ainsi sera-t-on parvenu à modifier l’objet de son contrôle. On reconnaît sans mal ici le dessein de la rupture conventionnelle. Par toute une série de dispositions, le projet Macron consolide l’édifice : instaurer une justice prud’homale à la carte où l’accord des parties est sollicité pour décider sur quelle base et selon quelle modalité le procès doit se dérouler. De la convention de procédure participative à la demande de passer devant un juge départiteur en passant par la médiation conventionnelle, tout dans le projet Macron reflète cette image du salarié calculateur et cette stratégie d’évitement du juge pressenti comme illégitime. On pourrait tenter de se consoler en pensant que cela est une vision bien naïve du droit. La complexité de tout ordre juridique rend en réalité illusoire la possibilité d’écarter tout contrôle du juge, ne serait-ce que pour assurer le respect des droits fondamentaux. Mais il faut surtout s’inquiéter du succès des pensées inspirées d’auteurs comme Hayek dans des cercles qui, jusqu’à présent, reconnaissaient l’importance des droits sociaux et qui refusaient que l’on puisse les marchander.
Il faut continuer de le marteler : dans le cadre d’une relation construite autour du pouvoir patronal, l’intervention du juge est loin d’être malséante ; elle est la garantie indispensable à l’affirmation d’un État de droit.
(1) C. trav. L. 1411-1.
(2) E. Serverin, Droit ouvrier, novembre 2014, p. 699. Les statistiques utilisées dans cet article en sont issues.
(3) DARES, Les ruptures conventionnelles de 2008 à 2012, mai 2013, n° 031.
(4) CE, 5 novembre 2004, n° 257878.
(5) Loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud’hommes.
(6) Remarquons malgré tout que le taux des procès-verbaux des élections professionnelles incomplets ou présentant des incohérences serait autour de 30 %, contre 70 % auparavant.
(7) Par ailleurs, chaque CPH est composé d’une formation paritaire de référé qui est juge de l’urgence en l’absence de contestation sérieuse ou de troubles manifestement illicites.
(8) Concernant le départage : 11,8 % des affaires en 2000 à 19,5 en 2013 ; concernant le taux d’appel il est monté à 66,2 % en 2012.
(9) CE, 16 février 1994, n° 122032.
(10) Cf. l’arrêt précité du Conseil d’État du 16 février 1994.
(11) A. Lacabarats, « L’avenir des juridictions du travail : vers un tribunal prud’homal du xxie siècle - Rapport au Garde des sceaux », juillet 2014, p. 7. En 2012, l’État français a été condamné 61 fois dont 58 concernant le contentieux prud’homal soit 448 500 euros. En 2013, 66 condamnations dont 51 concernent le contentieux prud’homal. Coût total : 1 402 250 euros.
Audiences électorales des organisations syndicales au niveau national interprofessionnel
Par Dirringer Josepha , le 01 December 2014
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