Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Défis politiques

EDITORIAL

Faire con verger dans la lutte toutes celles et tous ceux qui, à un titre ou à un autr e, contestent le marché capitaliste et recherchent – que cela soit exprimé ainsi ou non – les voies de son dépassement , telle est aujour d’hui le défi politique par excellence . On le constate en France même : le gouvernement Raffarin a tiré les ense ignements du fiasco de la méthode Juppé. Il s’emploie à tra iter séparément chaque grand doss ier social pour avancer masqué . Il veut donner l’image d’une démar che pragmatique alors même que toutes ses « réformes » s’inscr ivent dans la même logique libéra le. Il tente d’exploiter la déce ption, sinon le désar roi, susc ité par les contra dictions de la politique de son prédécesseur , Lionel Jos pin. Mais c’est pour avancer de façon réso lue dans la voie de la remise en cause des 35 heur es, du démantè lement des acquis positifs de la loi de « modern isation sociale », de la diminution sévère des dépenses publiques les plus utiles à la population. Derrière les accents populistes du Premier ministre, il faut aider à débus quer les choix capitalistes , durs aux faibles et doux aux riches et aux puissants , d’un Etat que la droite enten d placer encor e et toujours plus au ser vice du marché.

C’est le moment de lancer en grand des bata illes d’idées sur des thèmes qui sont familiers aux lectr ices et aux lecteurs d’Economie et politique. L’un de ces thèmes est celui du caractèr e pern icieux de la baisse des « charges sociales » patr onales – dont M. Raffarin se veut le héraut . Toute l’expérience l’atteste : cette mesur e n’appor te pas de solution dura ble en matière d’emploi. En revanc he, elle favorise les bas salaires et la précar ité en même temps qu’elle grève le budget de la Sécur ité sociale et pèse contr e les dépenses publiques utiles. C’est donc sur d’autr es coûts que les coûts salariaux que doivent por ter les allégements accor dés.

Ce qui con duit à une autr e grande idée des commu nistes à promou voir : la baisse des taux d’intérêts du crédit aux entr eprises par des bonifications publiques diminuant les charges financ ières suppor tées par celles-ci est une bonne solution à con dition d’êtr e sélective. Elle ne doit êtr e accor dée à une entr eprise qu’en rappor t direct avec des objectifs vérifiables en matière d’emplois qualifiés, d’effor ts de format ion, de salaires rémunérateurs , de res pect des droits des salariés. L’utilisat ion de l’out il du cré dit pour des objectifs sociaux renvoie natur ellement à une bata ille d’envergure à l’éc helle de l’Union eur opéenne , avec la nécessa ire réforme de fond des missions de la Banque centra le eur opéenne .

Personne ne s’étonnera que le troisième exemple d’idée qui mérite, à mes yeux, de faire l’objet d’une vraie campagne de sens ibilisat ion soit celui du système de « Sécur ité d’emploi et de format ion ». Je n’ai jamais cac hé qu’il s’agit là, selon moi, d’un app or t emblémat ique du PCF au débat sur les pers pectives de «dépassement » du capitalisme. Un indice qui ne trompe pas, à cet égard, est que le thème fait florès jus que dans les textes eur opéens , mais toujours de façon tronquée. Et pour cause : la proposition commun iste visait la recherche de réponses à des problèmes imméd iats dans un processus de remise en cause gradue lle du marché capitaliste jus que dans sa dimens ion de «marché du tra vail».

 

Nourrir le débat sur les alternatives est dans la vocation d’un parti qui vise réellement la transformation de la société et du monde”

À l’heur e où la révolte susc itée par l’irres ponsa bilité foncière du capitalisme et le gâchis humain colossa l qu’il engendre est au cœur d’impr ess ionnantes et prometteuses mob ilisat ions – du Forum social eur opéen de Florence au Forum social mond ial de Por to Alegre – contr ibuer à nourr ir de la sor te le débat sur les alterna tives est dans la vocat ion d’un par ti qui vise réellement la trans format ion de la société et du monde , dans les con ditions de notr e époque.

L’actua lité nous rappe lle au demeurant très concrète ment que le bras de fer entr e les exigences de just ice et d’émanc ipation des peuples d’une par t, et l’insat iable boulimie de profit des marchés financ iers de l’autr e, const itue un enjeu de civilisation à l’échelle de la planète avec la révolution informat ionne lle. Ainsi, les consé quences de l’extraor dinaire victoire du leader du « Par ti des tra vailleurs », Lula, dans un des pays les plus inégalitaires du monde , le Brésil, cons idéré comme une puissance capitaliste régionale et située au cœur de cette Amérique latine que Was hington cons idère toujours comme son « arrière cour », vont devenir une redouta ble « leçon de chose ». Dans quelle mesur e réuss ira-t-on à ce que les dizaines de millions de laissés -pour-com pte absolus du système accè dent dans un proche avenir à des con ditions de vie dignes ? Le président amér icain sera-t-il contra int de revoir son projet ultra dominateur de « zone de libre échange des amér icains » ? Le Fonds monéta ire internat ional devra-t-il acce pter d’accor der les prêts nécessa ires à des con ditions qui rendent poss ible un développement du pays favora ble aux populations et non aux prédateurs ? L’issue de ce bras de fer ne concerne pas que les brésiliens et les brésiliennes . Toute l’Amér ique latine a les yeux tournés vers São-Paulo. Au Venezuela, en Argentine, en Equateur , en Bolivie, d’intenses bata illes politiques opp osent déjà par tisans et adversa ires de trans format ions sociales indispensab les. L’Union eur opéenne est directement inter pellée – comme elle l’est déjà en Afrique, au Moyen orient, en Asie – : elle seule est vue comme un ensem ble capable d’user de son poids écono mique, de son influence politique, de ses positions au sein des inst itut ions internat ionales pour faire pr évaloir d’autr es valeurs , d’autr es normes , d’autr es critèr es que ceux qu’impose la superpu issance nor d-amér icaine dans tous les domaines de la gest ion des affaires du monde .

Dans quelle mesur e les forces politiques favora bles à ce que l’Union eur opéenne inscr ive sa straté gie et son action dans de telles pers pectives alternat ives arr iveront-elles à faire valoir leur point de vue ? Ce qui amènera it cette dernière à utiliser tout autr ement l’eur o au ser vice d’un financement monéta ire du co-développ ement plutôt que comme un instrument financ ier pour rivaliser avec le dollar dans l’attract ion des capitaux. Elles ne manquent pas d’alliés pour une telle ambition, tant la crise du capitalisme devient patente et apparaît comme dangereuse pour l’avenir de l’human ité : « aujour d’hui, la mond ialisation, ça ne marche pas. Ça ne marche pas pour les pauvres du monde . Ça ne marche pas pour l’environnement . Ça ne marche pas pour la stab ilité mond iale » avait lancé , il y a deux ans, un ancien vice-président de la Banque mond iale, Jose ph Stiglitz, en démissionnant de son poste , avant de se voir décerner , une année plus tar d, le prix Nobel de l’économ ie ...

Dans ce conte xte, et à la veille de l’élargissement de l’Union à dix nou veaux pays et d’une réforme majeur e de ses inst itut ions , la quest ion de la réor ientat ion de la politique eur opéenne apparaît dans toute son impor tance . À cet égard, auss i, l’app or t des commun istes au débat politique doit faire ressor tir les choix « de classe » dans les con ditions d’aujour d’hui.

Quel rôle ass igner à l’Union comme acteur mond ial ?

« Puissance » class ique ou force solidaire favorisant une gest ion plus juste et plus res ponsa ble des affaires du onde face à l’unilatéra lisme et à l’ultra libéra lisme des Etats -Unis ? Quel choix de société doit-elle ser vir : le « libre échangisme » généra lisé qui provoque les exclusions , la précar ité et l’insécur ité sociale ou la sécur isation de l’emploi et de la format ion pour toutes et pour tous ainsi que le développement dura ble ?

L’apport des communistes au débat politique doit faire ressortir les choix « de classe » dans les conditions d’aujourd’hui”

La soum ission aux marchés financ iers ou la mob ilisation des moyens monéta ires et du cré dit au ser vice de la promot ion des capacités humaines ? Le « tout concur rence » ou le développement de ser vices publics, d’entr eprises publiques réno vées et coo pérantes et de « biens communs » à l’échelle de la planète ? Enfin, quelle « union politique » doit régir cet ensem ble ? Un super pouvoir fédéral branc hé sur le « marché » et éloignant toujours plus les centr es de décision des populations, ou des institut ions confédérant les Etats et les acteurs sociaux qui permettra ient de faire se rassemb ler des citoyens eur opéens autour d’objectifs communs en con quérant des pouvoirs effect ifs de décision ?

Autant de défis politiques qui éclairent à eux seuls l’enjeu de la réuss ite du 32ème congrès du Par ti commun iste frança is. n

Francis Wurtz,

membre du Conseil national du PCF ti

 

Par Francis Wurtz, le 30 septembre 2002

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