Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Durée du travail : 39 heures payées 35 pour relever le profit ?

Avec le projet de loi Fillon la durée du travail est à nouveau au cœur de l’actualité. En fait le problème n’a pas quitté la scène sociale depuis 5 ans. Le patronat et la droite politique tentent de remettre la balle au centre, ils engagent une nouvelle bataill e pour l’augm entation du temps de travail.

Pour quoi un tel acharnement ? Par ces temps de crise systém ique du capitalisme tout est bon pour préser ver la renta bilité des capitaux. Les dirigeants du patr onat par tagent depuis toujours l’analyse selon laquelle le niveau des salaires étant fonction des besoins sociaux des salariés, de l’offre et de la demande de travail, des luttes sociales, c’est en définitive le temps de travail, qui détermine le niveau des profits : une fois tel salaire payé par tel temps de production toute heure faite en plus est source de profit.
D’autre part pour
l’analyD’autr e par t pour peser sur le niveau des salaires rien de tel qu’un tau x de chôma ge élevé.

« Dans la conjoncture actuelle, il n’y a que la pression du chômage qui évite une embardée sociale, une amélioration sur le terrain de l’emploi entraînerait fatalement une pression salariale que le pays ne peut se payer » note cyniquement un conse iller d’Alain Juppé en 1996. Donc, sus à une RTT créatr ice d’emplois.

Les salariés, s’ils as pirent dans leur écrasante majorité à tra vailler moins, doutent souvent de l’efficacité de la RTT. Ces doutes sont plus fréquents depuis la mise en œuvre des lois Aubr y. Il s’est créé une confusion entr e RTT rée lle et moda lités de mise en œuvre des lois Aubr y.

Pour com prendre il faut revenir un peu en arr ière.

1er temps : 1997. Depuis 30 ans les 35 heur es sont une revendication des salariés et de leurs syndicats . Tous les par tis de Gauc he prennent l’engagement des 35 heur es sans baisse des salaires. La victoire électora le acquise, l’engagement est confirmé au cours de la conférence pour l’emploi à l’automne de la même année . Auss itôt le Medef déclare la « guerre aux 35 heures » et jette toutes ses forces dans la bata ille.

Dès lors il s’agit pour Lionel Jos pin et Mar tine Aubr y de com poser en faisant en sor te de satisfaire la revendication des 35 heur es sans faire de peine au patr onat grâce à une construct ion qui diminue le moins poss ible la durée du tra vail. C’est pour quoi la loi est si com plexe.

2ème temps : Une première loi est votée en 1998 qui fixe un délai de 2 ans pour négocier dans les branc hes et dans les entr eprises. Ces négociations sont menées de telle manière que les revendications patr onales sont souvent satisfaites ce qui va ins pirer le projet de seconde loi Aubr y. Ce projet, très permissif, est déclaré « invota ble » par les députés commun istes . Une cer taine mob ilisat ion syndicale va cependant permettr e aux députés commu nistes et ver ts d’obtenir des améliorat ions substant ielles sur des points fondamentau x comme la définition du temps de tra vail, l’annua lisat ion et le temps de tra vail des cadres.

3ème temps : Dans la pratique les militants syndicaux se trouvent noyés sous la com plexité finale de la loi, sous ses ambiguïtés, par un laxisme du Ministèr e du tra vail et par une lectur e en noir ou blanc du texte. Résultat : les amendements fondamentaux des communis tes et des verts sont le plus souvent ignorés, la nou velle définition du temps de tra vail est retournée en son contra ire (on vole les pauses) , l’annua lisat ion se met en place sans respect de l’obligation du calendrier, les trois quar ts des cadres sont baptisés cadres dirigeants ou mis au forfait jour sans res pect de la con dition légale d’autonom ie, 7 millions de salariés sont encor e à 39 heur es par l’utilisation abusive des heur es supp lémenta ires. D’où un mécontentement fréquent des salariés qui restent sur leur faim, voient leurs con ditions de tra vail souvent aggravées par la flexibilité et l’intens ificat ion accrue due à l’insuffisance des embauc hes ; le tout accom pagné fréquemment du gel des salaires. Quant à l’emploi, c’est tout au plus 300 000 emplois qui sont créés (y com pris les effets d’aubaine difficilement mesurab les) , le quar t de ce qui était poss ible avec une vrai RTT.

4ème temps : Des salariés et des syndicats réagissent , des affaires sont por tées devant les tribunau x. Sur toutes les quest ions impor tantes , celles qui con ditionnent la réalité de la RTT, le tra vail des juges est remar quable, il cons iste simplement à remettr e les accor ds de branc he ou d’entr eprise à l’heur e légale :

Annualisation : Le res pect de l’obligation d’un calendrier empêche de fait l’annua lisat ion sauf dans les activités saisonn ières. Les accor ds ignor ent le plus souvent ce calendrier ce qui con duit à la flexibilité tota le. Décision du TGI de Nanterr e suivi par la Cour d’App el de Versa illes dans l’affaire OTIS : en l’absence d’un calendrier négocié dans l’accor d il n’y a pas d’annua lisat ion, pas de modu lation du temps de tra vail. Des milliers d’accor ds d’annua lisation sont implicitement con damnés par cette décision. Consé quence : les salariés ont droit au paiement en heur es supp lémenta ires des préten dues heur es modu lées lors qu’il n’existe pas de calendrier.

Temps de travail effectif : Alors que les chefs d’entr eprises ont souvent repris les temps de pause à la faveur des négociations, les décisions judiciaires de réintégration des temps de pauses dans le temps de tra vail effect if se multiplient.

Cadres : La notion d’autonom ie pour le forfait jour, imposée par les commun istes , a été écar tée par la plupar t des accor ds, ce qui con duit au maintien des cadres à 48 heur es par sema ine en moyenne . La Cour d’App el de Lyon annu le l’accor d Aventis en indiquant que ce n’est pas aux négociateurs de décréter que les cadres sont autonomes mais qu’il faut que l’autonom ie soit réelle et prouvée. Or, les cadres réellement autonomes étant très minoritaires la décision des juges lyonna is met directement en cause les pratiques de tous les grands groupes. Là auss i les cadres peuvent réclamer (sur cinq ans) le paiement des heur es supp lémenta ires en cas de forfait jour illégal.

Effectivité de la RTT : Un arrêt fondamenta l de la Cour de Cassat ion en date du 4 juin dernier oblige à payer

4 heur es supp lémenta ires par sema ine dans les entr eprises restées à 39 heur es (et pas seulement la petite bonification de 25 %). C’est toute la thèse sur la libre utilisat ion structur elle des heur es supp lémenta ires qui s’effondre. La durée légale est , c’est la moindre des choses , reconnue comme un droit. Les patr ons ont alors le choix entr e passer à 35 heur es ou augmenter les salaires mensuels de 11,43 %

Astreintes : L’utilisat ion de ce mode économ ique de production est en large par tie con damnée par un autr e arrêt récent de la Cour de cassat ion qui oblige à donner une journée de repos com pensato ire pour toute astr einte tombant un jour de repos hebd oma daire, même si le salarié n’a pas eu à inter venir.

RTT sous forme de jours : les limites app or tées dans de nom breux accor ds à la libre utilisation des jours de RTT par les salariés (jours à prendre en fonct ion des nécess ités de ser vice ou avec l'accor d du chef) sont levées par le tribunal qui déclare illégales ces restr ictions qui ont pour effet de trans former un droit au repos en moyen de flexibilité, les jours étant accor dés quan d cela arran ge l’employeur.

Dès le début le Medef a déclaré « la guerre aux 35 heures ».

Il faut souligner le silence obser vé par les ministres success ifs sur ces décisions judiciaires, voire même le silence obstiné dans le cas de l’annua lisat ion où une question écrite posée par Maxime Gremet z en juin 2000 est restée sans réponse . On com prend la gêne puisque les décisions des juges mettent en cause les instruct ions du ministèr e du tra vail, les orientat ions du Medef contr e la RTT et la com plaisance de cer tains dirigeants syndicaux.

5ème temps (retour au présent) :

Mai-juin 2002, défaite de la Gauc he (les déce ptions sur la RTT n’y sont pas pour rien), victoire électora le de la droite. A l’ordre du jour, la mise en cause des 35 heur es. Mais rien n’est facile même si la volonté politique est bien là. Imposs ible de remettr e en cause brutalement la durée légale à 35 heur es. Le projet Fillon por te la double mar que de l’atta que contr e la RTT et des craintes des réact ions populaires. Malgré les insuffisances les salariés passés à 35 heur es n’ont aucune envie de revenir en arr ière.

Le seul et unique argument mis en avant par le gouvernement et le patr onat pour essa yer d’obtenir un sout ien des salariés c’est celui de la liber té de pouvoir tra vailler plus pour gagner plus. On se paye littéra lement la tête du peuple : 3 millions de chômeurs tra vaillent zéro heur e, ils aimera ient bien occu per les emplois qui sera ient dégagés par la suppr ess ion des heur es supp lémenta ires ; 2 millions de salariés à temps par tiel voudraient bien tra vailler davanta ge pour gagner plus, on leur inter dit ; 7 millions de salariés tra vaillent actue llement 39 heur es et plus, ils ne gagnent pas un sou de plus que ceux à 35 heur es. Ajoutons que si les salariés ayant un emploi se laissaient prendre au piège de la généra lisat ion des heur es supp lémenta ires cela ne leur app or tera it rien à moyen terme , le paiement (éventue l) des heur es supp lémenta ires sera it vite rattrapé par le blocage de la progress ion des salaires, tra vailler plus pour le même salaire c’est à cela que les heur es supp lémenta ires ont tou jours ser vi, ce qui explique pour quoi les patr ons préfèrent les heur es supplémenta ires à l’embauc he. On pourra it résumer le projet patr onal dans le slogan « 39 heur es payées 35 ».

Les heures supplémentaires dans le projet Fillon

Il s’agit de contourner l’obst acle en jouant sur les heur es supp lémenta ires. Le cont ingent légal passe provisoirement de 130 heur es par an à 180 heur es en atten dant le résu ltat des négociations par branc hes. Il s’agit auss i de rendre les heur es supp lémenta ires moins chères en permettant aux négociateurs de diminuer le taux de majorat ion et de suppr imer le repos com pensateur légal actue llement fixé à 100% pour les heur es faites au delà de 130 heur es par an. De plus le repos com pensateur pour les heur es supp lémenta ires est suppr imé pour les salariés des entr eprises de 10 à 20 salariés.

L’object if poursu ivi, le messa ge en direction des entr eprises, sont très clairs :

1°) permettr e à celles qui sont encor e à 39 heur es d’y demeur er

2°) autor iser celles passées aux 35 heur es de faire plus, de manière structur elle (augmentat ion de l’horaire hebdoma daire ou annua lisé) ou conjonctur elle (heur es supplémenta ires impré visibles).

Mais l’objectif pourra -t-il êtr e atte int ? Le gouvernement , qui ne peut politiquement abroger la durée légale de 35 heur es, peut-il le faire par le moyen détourné de la hausse du cont ingent d’heur es supp lémenta ires ?

Tout le dispos itif repose sur un a priori juridique : La durée légale n’est rien d’autr e que le point de dépar t des heur es supp lémenta ires, le cont ingent légal (ou con ventionne l) peut-êtr e ajouté de plein droit, dans l’horaire habituel, à cette durée légale ? Avec cette thèse la durée du tra vail permise actue llement avec le cont ingent de 130 heur es est de 38 heur es, avec un cont ingent à 180 heur es elle passe à 39 heur es. C’est sur cette base que les employeurs se croient autor isés à ce jour à mainten ir une durée de tra vail de 39 heur es pour des millions de salariés. On remar que que, même en admettant ce point de vue, « l’assou plissement », l’écar t entr e Aubr y et Fillon, por te donc sur une heur e par sema ine et non sur quatr e heur es.

La difficulté majeur e pour les adversa ires de la RTT c’est que cette thèse est fausse . Tout indique qu’il n’est pas possibl e, en droit, d’utilis er les heures suppl émentaires de mani ère structurelle :

La présentat ion de l’ordonnance de 1982 qui inst itua le cont ingent d’heur es supp lémenta ires en donne tout d’abord la signification, « Les réductions d’horaires ne seront pas rattrapée s par un recours accru aux heures supplémentaires » , « Les heures supplémentaires permettent de répondre à des pointes d’activité difficilement prévisibles…. » Il ne s’agit pas de dépasser de manière régulière la durée légale mais de tra vailler plus en cas de pointe d’activité.

L’Accor d National Inter profess ionne l du 31 octo bre 1995 réaffirme le caractèr e exceptionne l des heur es supplémenta ires : « ... Leur utilisation apporte une réponse aux surcroîts ponctuels d’activité, en particulier lorsqu’ils sont imprévisibles, et doit donc être limitée à cet objet ». Les entr eprises membr es d’une des organisations patr onales signata ires ont pour obligation de l’appliquer.

Les tribunau x confirment le caractèr e exceptionne l des heur es supp lémenta ires, l’obligation de fixer la durée du tra vail à 35 heur es et la sanct ion par le paiement des heur es supp lémenta ires en plus du salaire mensue l dans les entr eprises restées à 39 heur es « Dans un contexte caractérisé par une diminution de la durée légale du travail, et par un sous emploi très grave , il est difficilement admissible qu’un employeur veuille imposer à son personnel, hors le cadre d’un accord collectif ou d’entreprise et hors le cas d’une situation exceptionnelle et urgente de charge de production, l’exécution d’heures supplémentaires pour l’accomplissement de tâches entrant dans le cadre du fonctionne ment normal et habituel de l’entreprise » (Cour d’App el de Limoges le 9/02/94).

« Alors que l’entreprise allait être soumise quelques mois plus tard, en application de la loi, à l’obligation de réduire à 35 heures la durée du travail de son personnel» (Cour de Cassat ion, 23 janvier 2002). L’entr eprise est obligée de rédu ire à 35 heur es et non à 35 heur es plus 3 ou 4 heur es supp lémenta ires structur elles.

« En l’état d’un accord collectif (accord de branche) fixant la durée du travail à 35 heures et prévoyant le versement d’une indemnité de RTT pour maintenir le salaire à son niveau antérieur, les salariés qui ont continué à travailler 39 heures par semaine, ont droit à cette indemnité et au paiement des heures accomplies au-delà de 35 heures, majorées de la bonification alors applicable ». (Cour de Cassat ion, 4 juin 2002)

Si on res pecte la loi, l’accor d inter profess ionne l et la jurisprudence , la mise en cause des 35 heur es par le cont ingent des heur es supp lémenta ires se révèle mission imposs ible.

Alors dira-t-on, pour quoi le gouvernement choisit-il cette solution ? Parce que c’est cela ou rien, puisque la solution de l’abrogation des 35 heur es n’est pas praticable politiquement . Ils s’agit donc d’une tentat ive juridiquement très fragile mais socialement praticable si les salariés ne réagissent pas.

L’augmentat ion du cont ingent est une très mauvaise chose, il faut s’y opp oser, ne sera it-ce que parce que il vaut mieux embauc her des chômeurs qu’avoir recours aux heur es supp lémenta ires, même pour des raisons conjonctur elles. Mais répandr e l’idée que les 35 heur es sera ient suppr imées grâce à l’augmentat ion du cont ingent const ituera it une grave err eur. D’abord parce que c’est faux. Et parce que noircir le tab leau aura it les mêmes effets dévastateurs et démo bilisateurs que les appr éciations 100% négatives des lois Aubr y. Alors qu’il faut au contra ire que les salariés voient bien qu’ils peuvent imposer une vraie réduct ion du temps de tra vail, qu’ils disposent de points d’app ui pour cela et qu’il leur faudra êtr e vigilants pour empêcher que des dirigeants syndicaux com plaisants ne signent des accor ds aggravant la situat ion actue lle.

Le forfait jour

Il est symptomat ique qu’en dehors de ce qui était annoncé depuis deux mois (heur es supp lémenta ires, smic, cotisations sociales) le seul autr e problème touchant à la durée du tra vail abordé dans le projet Fillon soit celui des cadres.

Deux millions de cadres ont été privé de RTT alors qu’ils faisaient déjà bien plus que les anciennes 39 heur es. Cela grâce à l’utilisat ion, le plus souvent illégale, de la notion de cadre dirigeant ou du forfait jours .

Rappelons que le forfait jour gomme toute notion de durée du tra vail sous réser ve des 11 heur es de repos entr e deux journées de tra vail et d’un jour de repos hebdoma daire. Ce qui permet à l’extrême une durée quotidienne de 13 heur es et hebd oma daire de 78 heur es. La loi limitant le nom bre de jours à 217, la durée annue lle peutêtr e de 2821 heur es.

Ce forfait a été inventé pour contr er l’act ion des cadres, soutenus par les ins pecteurs du tra vail et les juges, qui en avaient asse z des durées de tra vail excess ives. On a cassé le thermomètr e. Le forfait jour a permis de mainten ir le statu quo (48 heur es par sema ine en moyenne) . Au moment du vote de la loi Aubr y II l’act ion des cadres a permis aux députés commun istes et ver ts d’imposer la notion d’autonom ie pour le recours au forfait. Dans la plupar t des accor ds cette notion d’autonom ie a été ignorée . On a trompé les cadres, abusé de la confiance de syndicalistes . Résultats pratiques : les trois quar ts des ingénieurs et cadres sont au forfait, ils sont cer tes satisfaits des jours de congés supp lémenta ires (quan d ils peuvent les prendre) mais leurs charges de tra vail n’étant pas diminuées , les sema ines de tra vail sont toujours auss i longues et intenses , voire davanta ge.

Un gros grain de sable s’est glissé dans la mécan ique : les tribunau x annu lent les accor ds qui ne tiennent pas com pte de cette notion d’autonom ie, ce qui met en cause la plupar t des accor ds conc lus dans les grands groupes.

Le but du projet Fillon est, face à la réaction des cadres et des tribunaux, de légalis er (sécuriser) les accords actuellement contraires à la loi.

Pour quoi un tel acharnement ? C’est que les enjeux sont énormes . Rappelons ce document interne de Matra et révélé par l’UGICT-CGT en 1999 où le DRH expliquait qu’il fallait tricher avec le temps de tra vail des cadres parce que le paiement des heur es supp lémenta ires coûtera it 150 millions de francs par an.

Drôle de texte qui cons iste à dire que les accor ds peu- vent êtr e non conformes à la loi. L’Etat , Le Gouvernement , l’Assemb lée Nationale peuvent-ils s’asseo ir sur leur propre légalité ? Voilà une quest ion intér essante pour les spéc ialistes de droit const itut ionne l. Les députés de Gauc he qui ont voté les lois Aubr y peuvent se la poser.

Mais pour quoi alors ne pas faire sauter la notion d’autonom ie dans la loi ?

Parce qu’alors ce sera ient les tra ités internat ionau x signés par la France qui ne sera ient plus res pectés . Le Comité Européen des Droits Sociaux, saisi par la CGC, avait est imé que le forfait jour était contra ire aux tra ités . C’est en s’app uyant sur les garant ies contenues dans la loi (dont la notion d’autonom ie) que le gouvernement précé dent a obtenu in extremis l’accor d du Conse il de l’Europe. La position juridique de la France est donc déjà très fragile. Toute aggravation de la loi pourrait entraîner une opposition européenne, notamment celle de la Cour de Just ice Européenne qui n’a pas encor e eu à se prononcer . On peut auss i d’ailleurs se deman der si le dispositif de sécur isation envisagé ne s’expose pas lui-même à la même opp osition.

La loi Aubr y était cer tes une usine à gaz, la loi sociale la plus com pliquée de tous les temps . Des évolutions sont en cours , rien n’est cer tain dans les accor ds existants sauf que de nom breuses clauses sont illégales. Les incertitudes existantes ne sont pas dissipées qu'on rajoute un étage, ce qui ouvre une nou velle période d’incer titudes pendant laquelle les distors ions de concurr ence et les problèmes sociaux qui vont naître des remises en causes , par les salariés ou les patr ons, sont quant à elles assu rées .

Ce sera it si simple d’enterr er la hache de guerr e, d’admettr e les 35 heur es comme une donnée nou velle à généraliser. Mais le dogmatisme et la recherche effrénée du profit poussent dans le sens inverse . Les salariés vont devoir se défendre.

Ils ont intérêt à la généra lisat ion effect ive de la réduc tion du temps de tra vail, à l’application de la loi Aubr y, à son application intégrale, amen dements commun istes et ver ts com pris. La priorité et l’urgence est évidemment de s’opp oser au projet Fillon. Mais l’histoire ne s’arrêtera pas là. La réduct ion du temps de tra vail est un mou vement histor ique profon d difficilement contourna ble. Réduire le temps de tra vail pour libérer des emplois est encor e plus nécessa ire maintenant que la croissance recule et ne va plus créer d’emplois. Les lois Aubr y doivent êtr e mieux appliquées et améliorées . Dans cer tains cas , et sur tout si les projets Fillon aboutissent , il n’ y aura d’autr e solution que la dénonc iation des accor ds d’entr eprise existants , que l’exigence de la renégociation des accor ds lors qu’ils sont illégaux ou défavora bles, ce qui est plus rap ide qu’une instance judiciaire. Dans l’attente de la renégociation rappe lons que la durée légale de 35 heur es doit êtr e res pectée ainsi que les contrats de tra vail individuels qui sont passés à 35 heur es avec maintien des salaires. En cas de dénonc iation, ce qui dispara ît au bout d’un an, ce sont les clauses négatives des accor ds : pauses rognées , annua lisat ion, forfaits jours ... Ÿ

*. Coauteur avec Gérard Filoche de « Bien négocier les 35 heures » 154 pages. 9,91 euros. Editions La Découverte. Paris