Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Deux questions à Maryse Dumas* sur le plan Fillon

Quelle est votre appréciation des propositions de François Fillon, Ministre du travail, sur « l'assouplissement » de la mise en oeuvre des 35 heures (unification du Smic, heures supplémentaires, durée annuelle, forfait-jour pour les cadres, compte épargne temps, travail de nuit, allègement des charges) et des procédures de dialogue et de décision pour leur concrétisation ?

Il ne s’agit vraiment pas d’un simple assouplissement mais d’une réforme visant à accroître l’assujettissement des salariés au bon vouloir des employeurs. Le fond et la forme se rejoignent : le projet autoriserait les branches à déroger, par accord minoritaire, non seulement au contingent maximum d’heures supplémentaires autorisées, mais permettrait que le taux de majoration salariale de cellesci puisse être inférieur aux règles fixées par le Code du travail bien avant les lois Aubry ( 25% pour les quatre premières heures supplémentaires 50% pour les quatre suivantes). La part de temps contraint augmenterait donc de manière significative, puisque les salariés n’ont pas le droit de refuser les heures supplémentaires, au moment même où nous constatons une très forte aspiration de leur part à maîtriser leur vie, maîtriser leur temps. Les allégements de cotisations patronales seraient déconnectés de la RTT. C’est donc un projet d’allongement de la durée effective du travail que le gouvernement prépare. Quant au SMIC, le gouvernement s’engouffre dans le dispositif désastreux créé par la loi Aubry, qui a rompu l’unicité du SMIC et créé autant de garanties mensuelles de rémunérations que d’années de passage aux 35 heures, pour mettre en cause une partie de ses règles d’indexation, celles qui lui font participer à la croissance et bénéficier des acquis salariaux gagnés dans les entreprises au travers du taux de salaire horaire de base. Enfin non seulement il ne remet pas en cause les allégements de cotisations patronales mais il les accentue aggravant, par là les incitations à tirer tous les salaires vers le bas, et à ne pas reconnaître les qualifications. Autant dire que ce projet a une cohérence antisociale nette, que les discours sur le dialogue social ne peuvent masquer. Le gouvernement a visiblement décidé d’ajourner la réforme urgente et nécessaire de la négociation collective. Sa démocratisation impliquerait que les seuls accords applicables soient ceux signés par un ou des syndicats représentant une majorité de salariés au niveau considéré. La dérogation au Code du travail par accord minoritaire, c’est une arme de plus et une arme de poids, dans les mains patronales.

  1. Face aux défis auxquels prétend répondre ce plan, quelles réponses votre syndicat avance-t-il ? Quelle démarche envisagez-vous pour vous faire entendre ?

Il est évident que la mobilisation s’impose pour mettre en échec ce projet. Mais nous savons d’expérience que l’annonce des mauvais coups ne suffit pas à réaliser les mobilisations larges et massives que le niveau des enjeux implique. De plus, notre utilité syndicale n’est pas de seulement nous opposer, mais aussi et surtout de gagner. Nous avons un impérieux besoin de nous appuyer sur les aspirations des salariés à se libérer de la tutelle patronale, à asseoir leur vie quotidienne sur un emploi, une carrière, une protection sociale, une retraite garantis. Nous ne pourrons mettre en échec ce projet qu’en permettant aux salariés d’exprimer leurs aspirations à une RTT qui profite à tous les salariés et chômeurs, crée des emplois et améliore les conditions de travail et de salaire. Nous avons aussi à aller à la rencontre des salariés qui nous rencontrent pas ou peu, ceux des PME, ceux qui font les gros bataillons des SMICARDS et qui sont le plus souvent exclus du bénéfice des acquis sociaux obtenus dans les grandes entreprises et là où le syndicat est présent et actif, les salariés en contrat temporaire et aussi les femmes, particulièrement concernées. Enfin, l’unité reste une question vitale pour des mouvements puissants et victorieux. C’est cet ensemble d’éléments que la Cgt garde présents à l’esprit dans tous les efforts de mobilisation qu’elle fournit dans cette rentrée tellement chargée d’enjeux.

 

* Secrétaire confédérale de la CGT.

 

Par Dumas Maryse, le 31 juillet 2002

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