Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Réformer la fonction publique pour réduire les inégalités et créer des emplois

Les élections ont remis sur le devant de la scène ce que beaucoup se refusaient à prendre en compte : la persistance d’un chômage de mass e et le développement de l’insécurité sociale. La « création de vrais emplois » doit devenir la première priorité de politique économiqu e. Dans ce cadre, les trois fonctions publiques (Etat, hospitalière, territoriale) ont un rôle important à remplir. Les besoins d’amélioration quantitative et qualitative du service public se font sentir au quotidien sur tout le territoire alors qu’une pure logique comptable de « coût-rendement » vient obérer toute réponse en terme de finalités.

Les décisions de Finances publiques de ces dernières années , prises par Lionel Jos pin et les différents ministres des Finances qui se sont succédés , n’ont pas contr ibué à la réponse aux besoins et aux enjeux.

Des fonctions publiques profondément ébranlées

Elles ont por té atte inte au niveau de qualité du ser vice public et ont inter dit, en rédu isant les invest issements publics, de répondr e socialement aux beso ins de réduct ions des inégalités. Elles ont induit cer tains choix en matière d’application de la réduct ion du temps de tra vail dans les fonct ions publiques qui ont pour consé quences , soit une absence tota le de créat ion d’emplois pour les administrat ions d’Etat, soit une large insuffisance pour les hôpitaux et les collectivités terr itor iales. Au mécontente ment généra lisé des fonct ionna ires relatif aux con ditions de vie au travail et hors tra vail (notamment en ce qui concerne le manque de revalorisation du pouvoir d’achat), se rajoute la press ion sur les missions.

Sans créat ion d’emplois pour, entr e autr es, com penser la RTT, les fonct ionna ires n’ont d’autr es choix que de rédu ire au quotidien la réponse aux besoins en évacuant des missions, en se consacrant à un « essen tiel » lour d de sens .

Prétendr e comme le fait J.P. Raffarin parler d’efficacité du ser vice public et de la Fonct ion publique sur leurs missions impar ties, mais dans le cadre d’un rat ionnement contr ibuant à faire entr er les administrat ions publiques d’Etat dans une spirale d’inefficacités cumu latives, relève de la démagogie.

Or, celui-ci dévoile ses vraies intent ions dans son ouvrage « Pour une nouvelle gouvernance ». Pour lui, « c'est la dépense qui doit imposer son autor ité... Le départ de cette nouvelle gouvernance financ ière pourra it cons ister à fixer un plafond de la par t de la dépense des administrations publiques rappor tée à la production nationale. Ce taux est de plus 51% en France contr e 46% dans la zone euro et 36% en moyenne dans les pays du G7... la norme de l'Etat efficace s'équilibre autour de 45% » (1).

Les fonctionnaires comme variable d’ajustement budgétaire

Depuis la déclarat ion de politique généra le prononcée par le Premier ministre le 3 juillet 2002, nom bre de déclarat ions ministér ielles sont venues préciser la façon dont « les fonct ionna ires » vont êtr e tra ités .

A par tir d’une dramat isation du déficit public et d’une confirmat ion des choix effectués au niveau eur opéen, les Ministres de l’Econom ie et du Budget, Franc is Mer et Alain Lam ber t, mettent en avant la « maîtrise » des dépenses de l’Etat , c’est à dire une dépense en baisse pour plusieurs années . Refusant de por ter le débat d’abord sur l’ensem ble des missions de l’Etat , sur les responsabilités qui lui incom bent, de faire un état des lieux de l’efficacité sociale réellement mise en œuvre et des moyens pour y par venir, la « sanct ion » tombe : « le gouvernement veut une baisse nette des fonct ionna ires » dès 2003 !

On ne peut échapper à un grand débat sur les services publics

La just ice, la police et la défense , ainsi que la créat ion d’emplois d’infirmières et de médec ins sont les priorités . Ce qui signifie très clairement qu’il faudra, dans un cadre de baisse des dépenses publiques, redéployer les emplois en les prenant dans d’autr es administrat ions . De plus, tous les dépar ts à la retra ite ne seront pas com pensés .

Exiger un débat sur les missi ons du Service public, l’efficaci té sociale et l’investiss ement pour la réduction des inégalités !

De plus en plus, et cela va très loin maintenant dans les déclarat ions de nos ministres, l’Etat doit êtr e géré avec des critèr es issus du privé en privilégiant les gains de productivité apparente du tra vail au détr iment de l’efficacité sociale, la performance et l’équité au lieu de égalité de tra itement sur tout le terr itoire, le mérite individuel en lieu et place de la reconna issance collective.

N’en déplaise à ceux qui nous gouvernent , on ne peut échapper à un grand débat sur les missions du ser vice public, débat décentra lisé, prenant app ui sur un état des lieux des con ditions d’exercice des missions dans chaque administrat ion. Cet état des lieux doit êtr e public et asso cier largement la population, ses représentants et les différents acteurs sociaux.

C’est à par tir de cette définition des besoins que le financement devra êtr e abordé et non pas à par tir d’une logique com ptable avancée par le gouvernement et les inst itut ions eur opéennes .

Prenant app ui sur les salariés, sur les populations, sur les fonct ionna ires et agents du ser vice public, il y a lieu de débattr e, de proposer, d’agir. L’ensem ble des enjeux qui se profilent montr e des intérêts con vergents .

L’exigence de mesures d’urgence

Derrière la politique Chirac-Raffarin se dess ine une vision de l'Etat et de son inter vention, conçus comme sout ien aux marchés financ iers , amplifiant son désen gagement de secteurs toujours plus impor tants pour se replier sur ses seules fonct ions régaliennes et de sécur ité co-substant ielles des éléments d'insécur ité sociale.

A l'opp osé d'une telle vision, il faut un nou veau type d'inter vention de l'Etat pour aider les citoyens à élaborer démocrat iquement leurs choix et pour dégager les moyens financ iers de leur mise en œuvre.

Il y a urgence ! Les administrations publiques d’Etat sont en danger ! Les populations défavorisées vont encore être les victimes.

Les victimes du désen gagement de l’Etat seront toujours les mêmes , sauf que dans ce cas leur nom bre ne peut que s’accr oître.

Dans la lutte pour rédu ire les inégalités, l’Etat a un rôle impor tant à jouer y com pris créer des emplois et contr ibuer à éra diquer le chômage. La quant ité et la qualité des missions publiques ont un prix mais cet invest issement au regard de la croissance représente une utilité indiscutab le.

Il faut proposer des mesures énergiques et ambitieuses construites et soutenues par un large mouvement social.

Dans l’imméd iat une série de mesur es peuvent êtr e envisagées. Mais elles ne prendront leur plein effet que si elles sont débattues , élaborées et soutenues au plus près des beso ins, pour quoi pas en organisant des Etats Générau x locau x, régionau x et nationau x du Ser vice public.

Des mesures immédiates

  • Sortir du pacte de stabilité

  • Prendre des mesures budgétaires d’urgence en créant d’ores et déjà 100 .000 emplois statutaires et en développant un gros effor t de format ion dans la fonct ion publique (Etat, hôpital, collectivités terr itor iales) pour :

  • faire que l’Etat contr ibue pleinement à rédu ire les inégalités sociales et réponde aux besoins de développement des missions (éducat ion, santé , sécur ité, aména gement du terr itoire …), par ticipe à la réduct ion du chômage ;

  • permettr e aux fonct ionna ires d’accé der réellement à la réduct ion du temps de tra vail. Pour mémo ire, une compensat ion de la réduct ion de tra vail à hauteur de 6% corres pond “ mécan iquement ” à 288.000 créat ions d’emploi, indépendamment d’une nécessa ire réponse en terme de requalification des emplois.

  • Hauss e des salaires : une mesure d’urgence de 152 par mois (1000 F) pour tous pour revaloriser le pouvoir d’achat des fonct ionna ires et contr ibuer à relancer la consommat ion (coût 4,8 milliards d’eur os pour les trois fonct ions publiques) . Cette mesur e sera it un acom pte à valoir dans le cadre de l’ouver tur e des Etats générau x et sera it à mettr e en parallèle avec une hausse du SMIC pour les salariés du privé.

  • L’exigence de réformes structurelles

Les choix opérés en ce qui concerne le rôle et la place de l’Etat renvoient à des choix de société. Plutôt que d’organiser une « fausse décentra lisation » vers les régions et animer une concurrence entr e ces dern ières élargie au niveau eur opéen ; de rédu ire le poids de la dépense publique utile et des em plois publics, il y a lieu d’abord de définir si l’Etat a encor e un rôle à jouer et si oui, lequel.

Il est aujour d’hui nécessa ire de redéfinir le rôle de l’Etat , plutôt que de se cantonner à accom pagner la mond ialisat ion ca pitaliste et ses exigences , pour rédu ire les inégalités , créer de vrais emplois, et permettr e la démocrat isat ion de la société par des structur es réno vées repoussant le plus poss ible la délégation de pouvoir.

S’il y a nécess ité d’une réforme de l’Etat , ce n’est pas pour le cantonner « aux seules fonct ions où le marché est inopérant ou insuffisant », mais pour qu’il réponde pleinement aux besoins. Ceci nécess ite que le rappor t des administrat ions aux inst itut ions et à la population soit mod ifié, démocrat isé, que leur fonct ionnement soit rendu transpar ent , ce qui permettra de débattr e utilement du financement , de sa hauteur et de l’orientat ion dans le prélèvement fiscal.

  • Convocation des Etats généraux du Service public (Fonct ions publiques et ser vices publics) au niveau le plus décentra lisé et constru ire une programmat ion d’emplois, de format ion, pour tourner dura blement les services publics vers l’efficacité sociale ;

  • con vocat ion des Etats générau x, dépar tement par dépar tement , en assoc iant la population, les par tena ires sociaux et inst itut ionne ls pour par tir des besoins, créer la transpar ence et redéfinir les missions, contr ibuer ainsi à une véritab le réforme de l’Etat ;

  • répondr e aux besoins créés par le for t taux de dépar t à la retra ite (com penser qualitativement les 700 000 dépar ts d’ici fin 2006 pour les trois fonct ions publiques et 1 202 000 d’ici fin 2010). Contr ibuer ainsi à la réduct ion du chômage et de la précar ité, coût supp lémenta ire budgétaire évalué à 0, par récupérat ion du différentiel de niveau de tra itement entr e les fonct ionna ires par tant à la retra ite et les débuts de carr ières des personne ls nou vellement embauc hés ;

  • faire accé der à une format ion permettant de titulariser les pr écaires (819.000 ) et les « em plois aidés » (em plois jeunes , CES,… soit 274 000) et répondr e pour tous aux besoins de qualifications (atte indre 10% du temps de tra vail annue l en format ion) ;

  • ouver tur e de négociations sur la revalorisation du pouvoir d’achat, intégration des primes dans le tra itement (cec i aura des consé quences sur le budget lié aux pensions-retra ite des fonct ionna ires) ;

  • « démocrat iser » la fonct ion publique par la mise en place d’une conférence annue lle dépar tementa le des services publics assoc iant élus, syndicats , représentants d’usagers et administrat ions , par ticipant ainsi au débat dans le cadre de la procé dure budgétaire.

  • Ouvrir un large débat public sur le financement de ces mesur es avec notamment l’exigence d’une fiscalité intégrant des critèr es de just ice sociale et d’efficacité pour la créat ion d’emplois.

Et ainsi édictés de façon succ incte (2) : la progress ivité de l’impôt sur le revenu doit êtr e revue à la hausse , la taxe d’habitation doit tenir com pte des revenus et donc êtr e plafonnée , l’impôt sur les sociétés et l’impôt de solidarité sur la for tune doivent êtr e revus à la hausse , les revenus financ iers du capital doivent êtr e taxés, la baisse de la TVA doit êtr e mise en œuvre. Ÿ

  1. Jean-Pierre Raffarin. Pour une nouvelle gouvernance. Editions L’Archipel . 2002 p 139-140-141.

  2. voir à ce sujet les propositions précises du PCF et de sa commission économie. Voir le numéro de janvier-février 2002 d’Economie et Politique.