Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Audit des finances publiques : le poids de la dérive sociale-libérale

L'audit des finances publiques commandi té par Jean-Pierre Raffarin auprès de deux magistrats de la cour des comptes (J. Bonne t et Ph. Nasse) révèle un fort dérapage du déficit des comptes publics par rapport à ce qu’avait escompté le gouvernement Jospin pour l'année 2002 .

Alors que ce déficit n'avait été que de 1,4% du PIB en 2001, il sera it, pour 2002, com pris entr e 2,3% et 2,6%. Le premier ministre n’a retenu que l'hypothèse haute , soit un écar t de 1,2 point de PIB avec le pour centa ge en loi de finances initiale et 0,8 point de PIB avec celui commun iqué par Laur ent Fabius, alors ministre de l'économ ie et des finances , à Bruxelles en mars dernier.

En ligne de mire, par ticulièrement , les com ptes de l'Etat : le déficit prévu en loi de finances initiale par le gouvernement Jos pin était de 30,4 milliards d’eur os. Avant toute mesur e nou velle, il sera it en réalité com pris entre 41,9 et 44,6 milliards d’eur os représentant quelque 3 à 3,2% de PIB en com pt abilité eur opéenne , contr e 2,4% initialement prévu.

Selon le rappor t d'au dit, trois grands facteurs expliquera ient cette sens ible dégradat ion.

C’est d'abord le freinage de la croissance économ ique qui a entra îné une moins-value de 3, 7 à 5,4 milliards d’eur os sur les recettes fiscales, avec 1 milliard d’eur os au moins pour le seul impôt sur les sociétés .

Deuxième facteur , la chute des recettes non fisca les avec une moins-value com prise entr e 2,8 et 3,3 milliards d’eur os. On retr ouve ici :

  • le repor t à 2003, accor dé par l'Etat , du règlement d’une créance de 1,2 milliard d’eur os sur l'UNEDIC, du fait des contra dictions engendrées par la mise en œuvre du PARE et par le ralentissement de la croissance ;

  • l'annu lation du super dividende deman dé à EDF (0,9 milliard d’eur os) ;

  • et près de 1 milliard d’eur os de moins-values sur les dividendes versés à l'Etat par d'autr es entr eprises publiques.

Enfin, troisième facteur de dégradat ion, la hausse des dépenses de l'ordre de 10,3 à 10,8 milliards d’eur os selon MM. Bonnet et Nasse . Mais, déduction faite « d'économ ies imméd iates poss ibles », le déra page net sera it de 6,9 à 7,4 milliards d’eur os, dont 5 milliards pour le seul budget généra l. On notera que, dans ce tota l, la suré valuation, une fois de plus, du prélèvement sur recettes au profit de l'Union eur opéenne com pte pour 1,9 milliards d’eur os.

Pour le reste , comme le signalent les auteurs du rappor t d’audit, « la croissance plus lente que prévu en loi de finances initiale génère des difficultés sociales, notamment en matière d’emploi, ce qui entraîne un surcroît de dépenses (...) qui finissent aussi par affecter l’Etat. Par ailleurs, les dépenses d'aide à l'emploi, à l'emploi des jeunes notamment, à la charge de l'Etat, sont plus élevée s que prévu ». S'y ajoute auss i une sous-est imation de la charge pleine afférente aux dispos itifs sociaux nou veaux comme la cou ver tur e maladie universe lle ou des coûts induits par le passa ge aux 35 heur es.

Enfin, et ce n'est pas le moindre, le gouvernement Jos pin laisse des dettes au titre des années précé dentes pour un tota l de 1,5 milliard d’eur os envers la Sécur ité sociale :

  • des impa yés pour la « Prime de Noël » des RMIstes (acco rdée chaque année depuis la lutte des chômeurs de 1998) ;

  • des retar ds dans la com pensat ion à la Sécur ité sociale des dépenses d'aide médicale, de prestat ions sociales agricoles et d’exonérat ions de cotisations sociales patr onales dans les zones franches .

Bien sûr, dans le cadre des rites de l'alternance , JeanPierr e Raffarin a beau jeu de dramat iser toutes ces factur es supp lémenta ires, y com pris pour pouvoir faire acce pter, comme un legs de l'héritage, de nou veaux crans dans l’austér ité.

Cela étant , les résu ltats de l'au dit des finances publiques révèlent le caractèr e nocif d'une politique se donnant une norme préalable restr ictive en matière de croissance de la dépense publique, nettement inférieur e au taux de croissance réelle de l'économ ie.

L. Jos pin avait fait le choix pour 2002 d'une croissance (hors inflation) des dépenses de l'Etat de 0,3%. Cela s'inscrivait dans le cadre des engagements pluriannue ls pris par la France avec lui en matière de programme de stab ilité vis-à-vis de Bruxelles.é c ono m i q ue

C’est d’abord le freinage économique qui a entraîné une moins-value sur les recettes fiscales

La discipline choisie à par tir de 1999-2000 par l'ancien Premier ministre con duisait à un dogme intan gible : freiner avant tout , tant et plus, la dépense publique pour pouvoir à la fois rédu ire les déficits publics et des impôts , les marges offer tes sur les recettes par la croissance écono mique d'ensem ble étant entièrement affectées à cette double réduct ion.

C’est l'éc hec formidable de ce type de politique, suiviste de la BCE et des marchés financ iers , corsetée dans le pacte de stab ilité, que révèle l’audit. Et cela du point de vue de même des objectifs que préten dait viser L. Jos pin. En effet, après cinq années de croissance plus rap ide (2,8% par an en moyenne depuis 1997) le déficit des administrat ions publiques est resté quasiment stab le en eur os, supér ieur à 35 milliards. Et le stoc k de la dette publique, malgré une politique intens ive de privatisations, s’est accru .

Bref, la dérive sociale-libérale qui a prédominé dans le gouvernement Jos pin a engendré une politique de rat ionnement de la dépense publique sociale. Celle-ci a précipité le ralentissement de la croissance en France , au lieu de la stimuler pour l'emploi face au freinage mond ial.

Cela a entra îné à la fois de moindres recettes publiques et plus de dépenses d'accom pagnement social. Autr ement dit, parce qu'on a voulu dépenser moins pour les capacités humaines (format ion santé recherche emploi salaires) on s’est trouvé dans l’obligation de dépenser plus au tota l pour panser quelques plaies alors que l'argent rentra it moins. D'où le déra page du déficit.

C’est le fiasco du pari social-libéral de L. Jos pin qui a préten du répondr e aux attentes sociales et cultur elles des salariés et des populations tout en encoura geant le marché financ ier et en s'alignant sur les injonct ions de la BCE.

La droite avec Jean-Pierr e Raffarin enten d redoubler cependant dans ce sens en accr oissant les baisses d'impôts pour les plus riches et pour les entr eprises, qu'elles créent des emplois ou qu'elles préfèrent les placements financ iers .

Et cela va passer par la mise en cause plus nette de la dépense publique sociale, conformément , d'ailleurs , au modè le de gest ion des finances publiques qu’exige la BCE pour les pays de l'Union eur opéenne .

Cela mènera dans le mur.

Comme le notent MM. Bonnet et Nasse : « la simple recherche d'économies sans modification de l'organisation et des structures (ne sont) plus à la dimension du problème».

Tout l'enjeu est alors , précisément , celui d'une réforme des structur es de financement par le budget, cohérente avec une réforme des structur es de financement par le cré dit banca ire, jus qu'à une réor ientat ion de la BCE, qui donne vraiment la priorité au développement de l'emploi et de toutes les capacités humaines. Ÿ

 

Par Dimicoli Yves , le 31 mai 2002

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