Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Raffarin : une main de fer dans un gant de velours pour les marchés financiers

Le discours de politique générale pronon cé par Jean-Pierre Raffarin à l’Assemblée nationale le 2 juill et dernier renvoie l’image d’une main de fer dans un gant de velours.

tout enr obé de bonnes intent ions et de rondeurs consensue lles, ce discours d’une heur e et quar t présente en fait les éléments d’un projet visant à essayer de formater la France à une triple contra inte : les exigences des marchés financ iers , les injonct ions de la Ban que Centra le Européenne (BCE), une mond ialisation dominée aux plans économ ique et cultur el par les Etats -Unis.

Ces trois quest ions , d’ailleurs , sont abs entes (ou pres que) du discours du Premier ministre. Et cela att ire légitimement l’attent ion. Comment ne pas parler, en effet, des formidables secousses sur le marché financ ier et des catastr ophes comme celles de Vivendi, France -Télécom ou Alcate l ? Comment ignor er les inquiétu des vis-à-vis des orientat ions de la BCE, préoccu pée essent iellement de lutte contr e l’inflation, alors que la croissance demeur e ralentie et que le chôma ge repar t à la hausse ? Comment , enfin, faire silence face à l’agressivité économ ique, commer ciale, financ ière, cultur elle et militaire des Etats -Unis cherchant par tous les moyens à conso lider leur reprise et à faire « atterr ir » en douceur le dollar, au détr iment de leurs principaux par tena ires ?

Cette triple absence révèle, en fait, com bien le Premier ministre, sur mandat str ict du Président de la République, intè gre ces trois dimens ions comme autant de contra intes intouc hables pour sa politique.

Mais, bien sûr, il ne peut l’afficher officiellement au risque de révéler com bien il n’a aucune ambition pour la France en Europe et dans le monde , si ce n’est celle de lui faire suivre ce qui y prédomine.

Toute fois, le discours de J.-P. Raffarin révèle la néces sité dans laquelle se trouve la droite de produire du consensus , face à une population qui, en avril dernier, n’a pas voté pour le programme de J. Chirac mais pour battr e Le Pen.

Ainsi l’inter vention du Premier ministre révèle des effor ts nou veaux pour rassur er et tenter de coller de façon populiste à des attentes for tes , y com pris, parfois en cherchant à afficher un différend avec le Medef. Cela s’est vu notamment à propos des « contrats -jeune » sur les quels l’opp osition entr e F. Fillon et F. Mer a été tranchée par J. Chirac au détr iment du second , représentant du Medef, qui voulait que ces contrats soit à durée déterminée.

Autr ement dit, le populisme du gouvernement Raffarin ne concerne pas que les quest ions de sécur ité. Il se déploie auss i sur le terra in social et de l’emploi où les exigences de résu ltat sont très for tes .

Cependant, le décr yptage de son discours révèle, sous des allures bonhommes , une droite qui enten d impliquer beaucou p plus la force de l’Etat , dont elle détient la plupar t des leviers , pour trans former la société au quotidien, au ser vice de « l’hyper-libéralisme ».

Il s’agit de tout faire pour faciliter, dans le cadre de cette triple contra inte intouc hable, pour faciliter les straté gies de renta bilité financ ière des capitaux localisés ou localisables sur le site frança is.

Attract ivité et com pétitivité apparaissent ainsi comme les deux grandes obsess ions du projet présenté par J.P. Raffarin, l’autor ité de l’Etat ser vant, en quelque sor te, à sécur iser les moyens matér iels, financ iers et humains de les satisfaire.

Le Premier ministre prend app ui, ce faisant , sur les contra dictions devenues intena bles de la dérive sociale-libéra le du gouvernement Jos pin, con damnée le 21 avril dernier, tout en poussant encor e plus loin, dans sa foulée, des réformes régress ives (privatisations, baisse du coût salarial de l’em ploi…) deman dées par le Medef.

I - Politique financière de l’Etat : la sécurité des rendements

financiers  avant tout

On ne trouve nulle par t, dans le discours de J.P. Raffarin, un objectif de croissance réelle, même si l’on sait que tout le programme du can didat Chirac à l’élect ion présidentielle, comme celui du can didat Jos pin, était calé sur une hypothèse de croissance de 3% en moyenne par an pour le quinquennat .

Sur tout , il n’y a aucun objectif de créat ions d’emplois ou de réduct ion du chômage et de la précar ité.

Vrai modest ie, après les décon venues des années 2001 et 2002 ou refus de donner la priorité à de tels objectifs ? Après tout le Premier ministre n’hésite pas à s’engager, pour la législatur e, sur l’objectif de la créat ion d’un million d’entr eprises nou velles ?

Il annonce des priorités pour la politique budgétaire, la première d’entr e toutes étant la Sécur ité.

Seules la police, la gendarmer ie et la just ice font l’objet d’un engagement chiffré en matière de créat ions d’emplois (23 500 en cinq ans) .

Avec la Défense , ce sont les seuls postes pour les quels J.P. Raffarin annonce un effor t budgétaire.

Pour le reste , sans le dire, il renvoie à un pari sur la croissance mond iale, et au Pacte de stab ilité de l’eur o, avec l’objectif, si la France arr ive à faire 3% de croissance par an, d’une résorpt ion du déficit public en 2004 (engagement du sommet de Séville).

Cela signifie que le recentra ge budgétaire de l’Etat sur ses « missions régaliennes » (police, just ice, défense) sera acquis au détr iment des autr es postes de dépenses publiques et sociales.

J.P. Raffarin, s’inscr ivant dans les traces ouver tes par L. Jos pin en la matière, affirme vouloir, tout à la fois, rédu ire le poids des dépenses , les déficits et les impôts .

Il s’agit là, en fait, d’une équation analogue à celle qui a été inscr ite dans le programme de stab ilité de la France que L. Jos pin et L. Fabius ont soum is à Bruxelles naguère. L’es prit en a d’ailleurs été confirmé au sommet eur opéen de Barcelone avec J. Chirac.

La nou veauté tient dans le fait que l’on change officiellement de priorité : la sécur ité au lieu de l’emploi.

Mais elle tient auss i au fait que la croissance est devenue beaucou p plus incer taine alors que, cependant, la droite enten d êtr e plus consé quente que L. Jos pin.

En effet, comme l’a révélé l’audit des finances publiques deman dé par J.P. Raffarin à deux magistrats de la Cour des com ptes, la gest ion du gouvernement de la « gauc he plurielle », malgré des années de croissance soutenue par l’act ivité mond iale, se term ine sur un déficit public sens iblement accru (voir page 10).

Le résu ltat de la gest ion de Jos pin en ce domaine souligne la contra diction entr e l’objectif de défendre l’emploi et le freinage voulu de la dépense publique pour diminuer le déficit public et rédu ire les impôts .

Sur cette base J.P. Raffarin met en avant la priorité de sécur ité (civile et militaire) pour l’opp oser, dans un conte xte de croissance ralentie et incer taine, aux autr es postes de dépense , tout en tenant plus for t encor e sur l’engagement de baisses d’impôts . Cer tes , la visée d’une baisse des déficits publics est maintenue très nettement , mais, de façon pragmatique, la promesse de revenir à l’équilibre des finances publiques en 2004 est désorma is subor donnée à la réalisation effect ive d’une croissance de 3% par an en moyenne d’ici là.

Tout le calcul de Chirac-Raffarin repose sur le fait que les baisses d’impôts et de charges sociales patr onales, l’allégement de la réglementat ion du tra vail vont encou rager la créat ion d’entr eprises et relancer l’act ivité.

En réalité, les diminutions d’impôts accor dées uniformément profiter ont sur tout aux ména ges les plus riches qui accumu lent beaucou p plus qu’ils ne consomment leurs revenus et faciliter ont les gâchis financ iers des grandes entr eprises. N’est-ce pas ce qui s’est passé au cours des deux derniers exercices du mandat Jos pin ?

D’ailleurs la baisse , pr évue par le gouvernement Raffarin, de 5% de l’impôt sur le revenu va permettr e à 1% des França is les plus riches d’empocher le tiers des 2,7 milliards d’eur os que coûtera cette mesur e à l’Etat .

De même , la diminution, annoncée par le Premier ministre, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionne lle accr oîtra sur tout les profits dispon ibles que les grands groupes replacer ont dans la finance .

Ainsi qu’a fait Vivendi des 4,4 milliards d’eur os de crédits d’impôts divers et des quelques 730 millions d’eur os d’exemption de l’impôt sur les plus-values qui lui ont été accor dés par l’Etat , au cours des cinq années écou lées par ticulièrement ? Essent iellement , comme on l’a vu, à multiplier les opérat ions financ ières, aux Etats -Unis notamment .

Bien évidemment , comme son pr édécesseur , J.P. Raffarin ne dit pas un mot du rôle des banques et de l’orientat ion du cré dit, tout en préten dant vouloir se préoccu per des ar tisans et des PME-PMI.

En réalité, ceux-ci souffrent plus que tout autr es des con ditions très str ictes que maintiennent à leur égard en termes de tau x d’intérêt , comme de garant ies, les banques en France .

Mais à cela il n’est pas quest ion de toucher , parce que les banques sont sous la tute lle des marchés financ iers , que les créances douteuses s’accumu lent avec la croissance ralentie, que le risque progresse avec les secousses bours ières, et que l'orientat ion du cré dit est aux mains de la BCE.

Au tota l, la politique financ ière de l’Etat , telle que la dess ine J.P. Raffarin, visera , avant tout , à sécur iser les rendements et placements bours iers et à accr oître les moyens de coer cition de l’Etat sur la société salariale pour lui faire acce pter, au nom de belles intent ions , un politique qui va, en réalité, un peu plus la violenter.

II - Au nom de la démocratie locale une plus grande proximité entre

Etat, élus locaux et financiers

Ce rat ionnement de la dépense publique, sociale est intena ble à structur es constantes . D’où l’intent ion affichée par Raffarin d’avancer dans la réforme . Cela concerne par ticulièrement les ser vices et entr eprises publics et la réforme de l’Etat .

a Briser l’entreprise publique

Le Premier Ministre emprunte à L. Jos pin et aux dirigeants socialistes la doctr ine selon laquelle les projets d’ouver tur e du capital ou de privatisation se feront « au cas par cas », en tenant com pte « de l’intérêt des entr eprises et de leurs pers pectives d’alliances et de développement ».

On se souvient que c’est au nom d’un tel pragmatisme que L. Jos pin a réuss i à privatiser plus que n’avaient pu le faire en leur temps MM. Balladur ou Juppé.

J.P. Raffarin reprend donc la recette pour l’appliquer cette fois à EDF et GDF. L’intent ion n’est pas à proprement parler nou velle. L. Fabius et D. Strauss -Kahn l’avaient euxmêmes explicitement proposée avant l’élect ion présidentielle. Et d’ailleurs on la retr ouve en creux dans les choix faits par J. Chirac et L. Jos pin, au nom de la France , au sommet eur opéen de Barcelone.

Le Premier ministre prend bien soin d’affirmer qu’il enten d veiller à ce que EDF et GDF res pectent « toutes les exigences du ser vice public ». Il ajoute qu’il s’agit seulement de mod ifier leur « forme juridique […] pour permettr e une ouver tur e progress ive de leur capital, tout en demeurant dans le secteur public ».

En fait, comme on l’a vu à propos de France -Télécom , en répondant ainsi, par l’ouver tur e du capital au privé, au défi objectif de coo pérat ions eur opéennes et internat ionales nou velles très intimes d’EDF et GDF, on ne fera qu’accentuer la press ion de la renta bilité financ ière sur la gest ion des ces entr eprises publiques, contr e le ser vice public, ouvrant la voie à la privatisation tota le.

L’exem ple actue l de Vivendi Environnement pour la distribution de l’eau souligne, au contra ire, com bien on ne peut préten dre défendre le ser vice public en plaçant sous exigence de renta bilité financ ière les entr eprises et inst itut ions censées en assur er les missions.

b Réformer l’Etat pour le rapprocher des capitaux financiers

J.P Raffarin l’exprime avec beaucou p de con viction :

« […] la décentralisation c’est aussi un formidable levier pour la réforme de l’Etat. C’est l’occasion et le moyen de faire les indispensables réformes de structures ».

Il s’agit, par ticulièrement , « d’une réforme de nos administrations pour aller vers une vraie administration de services ». Celle-ci devra concentr er « ses efforts sur l’accueil, notamment des plus démunis ». Elle devra « être présente les Français l’attendent » et « mettre en place des indicateurs d’efficacité qui permettent d’améliorer sa gestion ».

Comme à France-Télécom, on ne fera qu’accentuer la pression de la rentabilité financière sur la gestion des entreprises publiques...

Ce faisant , le Premier ministre enten d ouvrir la por te à la mise en place d’un « ser vice garant i » vers ion soft du  « ser vice minimum » mettant en cause le droit de grève dans le public, tand is qu’un redéploiement impor tant des moyens , notamment en fonct ionna ires, au ser vice d’étr oites priorités est es quissé.

Et c’est au nom d’une « administrat ion plus simple » que J.P. Raffarin com pte deman der au Parlement « l’autor isation de légiférer par ordonnances ».

L’autor itar isme de la méthode se présente paré des meilleur es intent ions pour capter le besoin formidable d’une administrat ion vraiment au ser vice de tous les citoyens et d’un recul consé quent de la bureaucrat ie et de l’arr ogance de l’Etat , si accentuées au cours des années écou lées .

Le projet Chirac-Raffarin prend auss i app ui sur les enjeux objectifs de régionalisation, pour défaire l’Etat social, tout en préten dant rappr ocher l’exercice des ses missions des citoyens, des élus sur le terra in, au plus près des attentes .

Mais le Premier ministre ne dit pas un mot de l’énorme bureaucrat ie eur opéenne et de ses décisions, si éloignées des citoyens, prises en concer tat ion avec les lobbies des grands groupes privés.

Au contra ire, il annonce son ferme engagement « à accélérer la transposition des directives européenne s dans notre législation car nous sommes parmi les derniers en Europe ».

De même , il n’a pas un mot à propos du formidable divorce entr e les attentes des salariés, des citoyens dans les régions et l’orientat ion de l’argent centra lisé comme jamais vers les marchés financ iers par les grands groupes et les banques tota lement déres ponsa bilisés .

En réalité, il s’agirait sur tout , pour la droite, de dégager l’Etat centra l de son implication dans le financement de la dépense sociale, tout en accentuant la démutua lisat ion et la déres ponsa bilisation des entr eprises face aux besoins sociaux et cultur els des populations. Et en ligne de mire on retr ouve la réduct ion nette du nom bre d’agents de la fonct ion publique et l’intr oduction d’éléments de gest ion marchande dans l’administrat ion.

Sur tout , sous la press ion des exigences financ ières, la régionalisation projetée (la région sera it désorma is inscrite dans la Const itut ion comme de juste) cons istera it en une déconcentrat ion plus poussée et non en une vraie décentra lisat ion : la proximité sera it accrue , sur le terrain, entr e des nota bles locau x et régionau x, l’app areil d’Etat, et les acteurs qui dominent sur le marché unique eur opéen, les capitaux financ iers .

C’est dans cette démar che que s’inscr it auss i la visée sur l’hôpital et les dépenses de santé .

La « République de par tage » ainsi es quissée par le Premier Ministre devant l’Assemb lée nationale ne sera itelle pas la vers ion consé quente de cette « nou velle alliance entr e l’Etat et le marché » naguère prêchée par des sociaux-libérau x comme L. Fabius ou D. Strauss Kahn ? Et l’alternat ive ne sera it-elle pas alors cette nouvelle mixité entr e par tages et marchés, avec de nou veaux pouvoirs d’inter vention des salariés, de nou veaux critèr es de gest ion d’efficacité sociale des entr eprises et de nou velles coo pérat ions , inscr ite au cœur d’un nou veau projet commun iste ?

III - Au nom de la démocratie sociale la Refondation sociale du Medef

Le « dialogue social » occu pe, dans le discours de J.P. Raffarin, une place assez impor tante . L’am bition d’intégrer les syndicats est très for te. Le Premier ministre joue, pour cela, sur les frustrat ions accumu lées au cours des cinq dernières années écou lées face au refus du gouvernement Jos pin d’une véritab le concer tat ion systémat ique avec les organisations syndicales et assoc iatives en amont des décisions, notamment celles concernant le marché du tra vail. Et ce sont , pour l’essent iel, les exigences du Medef que le gouvernement de droite enten d faire par tager, tout en par tant de besoins objectifs de trans format ion.

a Le défi de l’emploi-formation

Raffarin enten d récupér er le besoin de Sécur ité d’emploi et de format ion avec les nou velles techno logies informat ionne lles pour réformer les inst itut ions du marché du tra vail avec la protect ion sociale, afin de les adapter aux contra intes du marché financ ier et aux exigences de flexibilité précaire prônées par le Medef.

C’est ainsi qu’il reprend la proposition du programme de J. Chirac de « créer une véritab le » assurance emploi « fondée sur un com pte personne l de format ion et une validation des acquis profess ionne ls ».

Ceci fait écho à la deman de du Medef qui propose « un com pte épargne-format ion […] ayant pour objet de permettr e [à tout salarié] d’accumu ler du temps rémunéré pour suivre des actions de format ions décidées » (1).

La proposition de J. Chirac est d’ailleurs très proche de celle qu’avait avancée L. Jos pin dans son programme de cam pagne pour la pr ésident ielle (com pt e-format ion conçu comme un com pte d’épargne).

D’ailleurs les Echos du 27 mars affirmaient : « Jacques Chirac et Lionel Jos pin veulent inciter les salariés à se former durant leurs congés ». Et la Tribune du 26 mars rappor tait que, avec ces dispos itifs, « une par t prise sur les congés des salariés permettra de financer cette formation ».

C’est pour cela qu’il est quest ion d’un « com pt e épargne-format ion » qui sera it abondé par des jours de congés que chaque salarié refusera it de prendre, cofinançant ainsi son propre effor t de format ion.

C’est tout le contra ire de la « Sécur ité d’emploi et de formation » qui vise à constru ire, pour chacune et chacun , un nou veau droit à l’emploi stab le et corr ectement rémunéré et à la mob ilité choisie dans la sécur ité grâce à la formation rémunérée tout au long de la vie.

b Le défi de la retraite

Dans la foulée des engagements du sommet de Barcelone, visant à augmenter de 5 ans en moyenne l’âge du dépar t effect if à la retra ite (ce qui le por tera it à 63 ans en France ), J.P. Raffarin parle du prolongement de l’act ivité pour ceux qui, au-delà de 60 ans , veulent « augmenter ainsi leurs droits ».

Et il se garde bien de faire référence aux fonds de pension, même si J. Chirac a parlé dans sa cam pagne de « fonds de pension à la frança ise » et que le sommet eur opéen de Barcelone a conc lu à la nécess ité de développer les « fonds de pension profess ionne ls ».

Il se contente de parler de la « poss ibilité de com pléter [pour chacun] sa pension grâce à une incitation fiscale par un revenu d’épargne ».

Cela confirme la volonté de développer la capitalisation – ce qui jouera contr e le système par répar tition – mais s’inscr it, cependant, dans le prolongement de la Loi Fabius sur l’épargne salariale dont L. Jospin, dans son livre avec A. Duhame l, a tenu à préciser qu’elle a vocat ion à êtr e placée sur le marché financ ier pour constru ire un troisième étage au système des retra ites par répar tition (2).

On mesur e alors l’impor tance , sur ce chapitre auss i, des propositions du PCF pour ouvrir une alternat ive émanc ipée du sociallibéra lisme. Une cot isat ion additionne lle sera it inst ituée sur les produits financ iers des entr eprises et des banques. Simultanément sera it engagée une réforme fondamenta le de la cotisation sociale patr onale : demeurant calculée sur la masse des salaires versés , son taux sera it modu lé en fonct ion d’un rat io rappor tant les salaires versés à la valeur ajoutée globale (revenus financ iers inclus) de chaque entr eprise.

IV - Au nom du travail et de l’emploi, la compétitivité par la baisse

du coût salarial et l’attractivité: on change officiellement de

priorité : la sécurité au lieu de l’emploi

J.P. Raffarin, après L. Jos pin et en cohérence avec les choix faits depuis plusieurs sommets eur opéens , affirme : « notr e objectif reste le plein-emploi ». C’est-à-dire, en réalité, le maintien d’un taux de chômage, d’une régulation du marché par le taux de chômage, à la différence de la visée de sécur ité d’emploi et de format ion qui éra diquera it le chômage.

Le Premier ministre précise cependant que « le travail est une valeur », mais pour ajouter auss itôt que « les baisses de charges constituent la clef de voûte de notre stratégie ».

Autr ement dit, après le gouvernement Jos pin qui a por té les baisse des charges sociales patr onales à plus de 18 milliards d’eur os par an avec la réduct ion du temps de tra vail, J.P. Raffarin annonce qu’il va redoubler dans cette politique de baisse du coût salarial qui tire vers le bas tous les salaires et dynamite la protect ion sociale.

Il prend app ui, pour cela, sur le besoin d’inser tion des jeunes dans l’emploi et la format ion.

Ainsi, sans avoir le moindre mot pour l’avenir de ceux d’entr e eux qui occu pent aujour d’hui des « em ploisjeunes » en voie term inale et sont angoissés par leur avenir, il parle de la créat ion de contrats jeunes dans le privé.

Ces nou veaux contrats sera ient à durée indéterm inée et tota lement exonérés de charges sociales pour les employeurs (voir ar ticle de F. Maur y dans ce numér o).

J.P. Raffarin reprend ainsi, en substance , une promesse faite en 1997 – mais jamais tenue – de L. Jos pin de créer des « emplois-jeunes » dans le privé.

Sur tout , constatant que les « emplois-jeunes » dans le public ont, pour l’essent iel, bénéficié à des individus formés et diplômés , il annonce réser ver les contrats jeunes dans le privé aux seuls individus non qualifiés.

De plus, à la différence des « emplois-jeunes » qui offraient des contrats à durée déterm inée de cinq ans , ces nou veaux contrats sera ient forme llement à durée indéterm inée.

En réalité, la durée de maintien dans l’emploi des titulaires de ce type de contrat dépendra essent iellement du caractèr e pérenne ou non des allégements de charges sociales patr onales.

Au tota l, ce nou veau dispos itif concourra à accentuer la press ion à la baisse des salaires, tout en déres ponsa bilisant les entr eprises par rappor t à l’emploi. Bien plus, ne com por tant aucune dispos ition pour la format ion de ces jeunes , cette mesur e pourra it accr oître, en fait, la ghetto ïsation des salariés peu qualifiés.

J.P. Raffarin parle auss i d’une « simplification de notr e code du tra vail ». Il promet un « assou plissement des 35 heur es » et, en fait, leur mise en cause par le recours aux heur es supp lémenta ires, press ions sur le pouvoir d’achat des salariés aidant.

Il annonce son intent ion de revenir sur la loi de moder nisation sociale si contestée par le grand patr onat .

Enfin, il n’a pas le moindre mot en matière de salaires et de pouvoir d’achat, si ce n’est pour annoncer une harmonisation des six SMIC engendrés par l’usine à gaz des lois Aubr y sur le passa ge aux 35 heur es.

En fait, ce silence est tout à fait com plémenta ire de celui maintenu sur le marché financ ier et la Banque Centra le Européenne . Il s’agit, bien au contra ire, de tout faire pour que la France facilite l’œuvre de défense par la BCE du taux de profit sur le marché unique eur opéen avec son obsess ion corré lative de la maîtrise des salaires. Le refus de donner un « cou p de pouce » au Smic à l’occas ion de la réélection de J. Chirac illustr e for tement ce desse in. Ÿ

  1. Medef : projet d’accord national interprofessionnel relatif à l’accès des salariés à la formation professionnelle continue. 25-09-01, p. 7.

  2. L. Jospin, « Le temps de répondre », Stock, 2002, pp. 252 et 253.