Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Retraites : quelles réformes pour renforcer le système par répartition

Pour éclairer les enjeux sur l’avenir de la retraite, à partir du scénario démographique et économique élaboré par le Conseil d’orientation des retraites (COR) et évoquer les alternatives aux décisions de

Barcelone qui tentent de remettre en cause le droit au départ à 60 ans avec une pension complète, nous avons invité à débattre Anne Marie Brocas, Secrétaire générale du COR, Catherine Mills, Universitaire, et Henri Sterdyniak, Economiste à l’OFCE dans le cadre d’une table ronde. Par ailleurs, Damien Le Douarin, Secrétaire de la Commission sociale des évêques de France publie (page 27) un article au sujet de la Déclaration de la Commission sociale des évêques de France : “Réflexions sur l’avenir des retraites”.

               Question : Que pensez vous du scén ario démographique et économ ique pub lié dans le rapport du COR, dont une synthè se a été présentée dans notre précé dent numéro d’Econom ie et Politique ?

Catherine Mills

Le rappor t du Conse il d’orientat ion des retra ites apparaît comme une contr ibution très impor tante dans le débat actue l. Il montr e qu’il est poss ible de sauver la répar tition. Des étu des fines concernant l’amé liorat ion des retra ites , ainsi que leur financement ont été réalisées . Ce tra vail sérieux gêne parce qu’il ne va pas dans le sens de ceu x qui est iment qu’une dose de ca pitalisation est inévitab le pour sau ver le régime de retra ite. Je constate que le can didat Jos pin, qui a pour tant fondé le Conse il d’orientat ion des retra ites, s’appuie très peu sur ce rappor t.

De plus, ce tra vail peut auss i aider à élaborer de nouvelles propositions car il ne s’agit pas de dire qu’il n’y a pas de problème et rien à changer d’ici 2040 car à l’évidence des réformes sont nécessa ires.

Toute fois, j’ai quelques interr ogations sur les scéna rios pr o p osés . Si, com pt e tenu de la con jonctur e actue lle, il para ît optimiste d’envisager un taude croissance de 3% jus qu’à 2010, en revanc he, l’hypothèse d’un tau x de croissance de 1,5 % de 2010 à 2040 semb le extrêmement pess imiste, car il est probable que durant cette période, nous sor tirons de la phase de difficulté du cycle long en cours et que nous aborderons une nou velle ph ase d’essor .

Ainsi, le COR a retenu dans son scénar io de référence , un tau x annue l de croissance de 1,5 %, donc très bas, de 2010 à 2040 et, en même temps , un taux de chôma ge bas maintenu à 4,5 %, ce qui semb le contra dictoire.

Par ailleurs , n’y a-t-il pas eu une sous-est imation du tau x de croissance de la productivité du tra vail qui se maintien drait à 1,6% par an de 2010 à 2040 dans le scénario de référence ?

Henri Sterdyniak

L’impor tant est d’évaluer l’am pleur d es d ésé q uilibr es prévisibles. Il fallait évacuer deux types d’idées fausses ; le scénar io catastr oph e où le système des retra ites explosa it sans remè des poss ibles ; le scénar io d’aveuglement , comme celui du rappor t Teulade, qui pr étend qu’il n’y aura it pas de problème , parce que la France pourra it mainten ir un taux de croissance de 3% de 2010 à 2040, en maintenant une for te croissance de sa population active en faisant venir 20 millions d’immigrés d’ici 2040.

La croissance envisagée de la productivité du travail est de l’ordre de 1,6% l’an. Si celle-ci éta it plus impor tante , les salaires pourra ient augmenter plus vite, mais il fau dr ait que les retra ites auss i augmentent plus vite si l’object if est de mainten ir le rat io retra ites sur salaires. L’hyp ot hèse de productivité a finalement peu d’impact sur le résu ltat en terme de beso ins de financement du système .

En même temps , une hypot hèse pres que «miraculeuse» figure dans le rappor t du COR : celle du maintien d’un tau x de chôma ge de 4,5% en moyenne de 2010 à 2040. Le retour à un tel niveau n’est pas acquis. Le rappor t aura it pu faire deux scénar ios l’un à 4,5% de chômage et l’autr e à 9%. Mais, quelque soit le taux de chômage, le résu ltat en terme de points supp lémenta ires de cotisation requis pour le financement de la retra ite n’est pas fondamenta lement différent. Même si on réussit à augmenter les taux d’activité des personnes de 55 à 60 ans, même si l’on a un taux de chômage bas et une croissance relativement sat isfaisante , il sera néces saire d’augmenter sens iblement les taux de cotisation. Toute fois, une situat ion de plein-em ploi permet d’envisager plus facilement un cer tain repor t de l’âge de la retra ite.

Anne-Marie Brocas

Le Conse il d’orientat ion des retra ites a deman dé des projections à la direction de la pr évision du ministèr e de l’Econom ie et des finances et à l’OFCE permettant de constru ire un scénar io de référence et des variantes . Le scénar io de référence du Conse il retient une hypo-

thèse de croissance permettant de retourner au “plein em ploi” à l’horizon 2010. Ensu ite la croissance suit l’évolution de la population active et celle de la productivité du tra vail. L’hyp ot hèse de retour au “ plein em ploi ” d’ici 2010 corr es pon d à un tau x de chôma ge de 4,5% soit une diminution du nom bre de chômeurs de 1,3 millions . Elle suppose , par ailleurs , que la population active augmente de 1,870 millions d’ici 2010, ce qui est cons idéra ble. Cette augmentat ion provient de deux éléments : d’une part, de l’augmentat ion de l’activité des jeunes , qui repr ésente une avancée d’un an environ de l’âge moyen d’entrée sur le mar ché du tra vail et d’autr e par t, d’une augmentat ion d’environ 1,5 millions d’actifs de plus de 55 ans. Ceci corr espond à une résorp tion quasi tota le des préretra ites . Les hypot hèses retenues par le Conse il d’orientat ion des retra ites sont ainsi volontar istes et en ruptur e avec les tendances aujour d’hui à l’œuvre. L’augmentat ion de la croissance du PIB projetée de 2010 à 2040 est plus faible, en raison de l’évolution de la population active qui diminue après 2010 sous l’effet de la démo graph ie et d’une projection tendanc ielle des taux d’activité s’inscr ivant dans la suite des com por tements actue ls, une fois les pr éretra ites résorbées .

L’évolution de la productivité du tra vail retenue en projection (+1,6% par an), est une hypothèse moyenne . Mais le Conse il a auss i examiné une variante basse (1% par an) corr es pon dant par exem ple à la multiplicat ion des em plois à temps par tiel et une variante haute (2,5% par an) qui corr es pon dr ait à un progrès techn ique impor tant . Il faut toute fois sou ligner qu’une augmentat ion de la productivité aura it des réper cussions sur les salaires et donc auss i sur les retra ites , sauf à acce pter un décrochage dura ble des unes par rappor t aux autr es. Du point de vue des soldes des régimes et des beso ins de financement , cela ne change rien, par contr e des augmentat ions de cotisation, si elles étaient envisagées , sera ient sans doute plus acce ptables dans un tel conte xte.

Catherine Mills

Il ne faut pas sous-estimer l’impor tance des scénar ios. C’est pour quoi les variantes du Conse il d’orientat ion des retra ites sont pr écieuses car elles permettent de discerner des problèmes réels et des besoins. Sans doute , fau dr ait-il aller plus loin dans ce domaine, notamment sur la revalorisation du pouvoir d’ac hat des retra ites pour contr ebalancer leur dégradat ion pr évisible en raison de la réforme Veil-Balladur de 1993.

Mais il faut mener auss i la réflexion sur les moyens de financement et il me semb le que la poss ibilité d’augmenter les taux de cotisations est insuffisamment explorée, alors qu’il fau dr ait justement l’envisager para llèlement à une refonte du financement .

La baisse du tau x de chôma ge et le relèvement du tau x d’act ivité sont essent iels pour se donner les moyens de faire face à une augmentat ion du rappor t des pens ions de retra ite au PIB qui se situera entr e 4 et 6 points, ce rappor t étant actue llement de 12,7%. Ceci est loin d’êtr e imposs ible, car l’on oublie que le rappor t des retra ites au PIB est passé de 5 à 12% entr e 1960 et 1998, sans que cela pose de problèmes insurmonta bles.

Question : Dans ces conditions , en restant dans le cadre du régime de répartition, quels moyen s néce ssaires au financement de la retr aite faut-il dégager?

Henri Sterdyniak

On peut proposer deux scénar ios. Dans les deux scénarios, on fait l’hypot hèse d’un retour au plein em ploi vers 2010. Supp osons que les entr eprises acce ptent progress ivement dans la période 2006-2015 de conser ver jus qu’à 60 ans leurs salariés, qu’il n’y a pas de remise en cause de l’âge légal de dépar t à la retra ite ; toute fois, cer tains salariés qui n’aur ont pas leurs quarante annu ités d’activité ser ont obligés de rester en activité au-delà de soixante ans .

Dans le premier scénar io, les règles actue lles ne sont pas mod ifiées ( réforme Balladur, accor ds des ré gimes com plémenta ires) . La b aisse d u p ou voir d’ac hat des retra ités par rappor t aux actifs sera alors de 7 %. Il fau dr a alors pour financer les retra ites une augmentat ion de 3 points de Pib et une augmentat ion d’environ 7,5 points du tau x de cot isat ions retra ite.

Dans le second scénar io, le système est géré de façon à assur er, à peu près, la parité de niveau de vie entr e les retra ités et les actifs. Ainsi, les retra ités retr ouverontils une petite hausse de pouvoir d’achat ( +0,4% par an), mais le tau x de remplacement individuel diminuera . Cela sera com pensé par le fait qu’il y aura de plus en plus de retra ites com plètes versées (en par ticulier aux femmes) , même s’il faut auss i pren dre en com pte des périodes plus longues de chôma ge dans la période d’activité. Au tota l, cette hypothèse se tradu irait par un beso in d’augmentat ion de 4,2 point de PIB, soit une hausse de l’ordre de 10 points du tau x de cotisation nécessa ire.

Contra irement au rappor t Charpin, le COR n’écar te la solution de la hausse des cotisations . Dans le second scénar io, le tau x de cotisation devrait augmenter de 0,33 point par an de 2006 à 2036. Avec une augmentat ion du tau x de la productivité de 1,6% par an, il restera alors 1,25% par an de hausse du pouvoir d’ac hat des actifs. Mais cela signifie malgré tout que les taux de cotisation ser ont impor tants dans les années 2030-2040 et qu’il fau dra les faire acce pter. Les jeunes ne risquent -il pas d’êtr e att irés par des pays comme l’Angleterr e où les tau x de cotisations ser ont faibles ? Pour l’éviter , il faut que les salariés com prennent que les cotisations sont un salaire différé . Il faut que les jeunes sachent qu’ils ne payent pas une retra ite pour leurs parents ou grands -parents , mais pour eux. Dans le système frança is, les cotisations ser ont for tes , mais elles assur eront une retra ite longue dans des con ditions favora bles. Il faut que les retra ites soient garant ies à un cer tain niveau et à un cer tain âge qui ne seront pas remis en cause cont inuellement .

Anne Marie Brocas.

Trois paramètr es sont à pren dre en com pt e pour réfléchir à l’équilibre des régimes d’assurance vieillesse : le montant des retra ites , les recettes (notamment les cotisations) et la durée de la retra ite com parée à la durée d’activité. L’act ion sur ces paramètr es met en cause des choix qui ne sont pas seulement des choix techn iques, relevant des seuls régimes de retra ite. Elle met en cause les con ditions du par tage de l’act ivité , d’éventue ls gains d’es pérance de vie entr e le tra vail et l’inact ivité ou encor e de l’évolution des différentes caté gories de revenus . Elle doit donc êtr e conçue dans le ca dre de politiques plus vastes . S’agissant des évolutions à venir, le Conse il a retenu deux grandes priorités . Dans le ca dre des discuss ions à venir, le Conse il est ime nécessa ire qu’un engagement soit pris dans le long terme sur le niveau de retra ite que l’on veut assu rer par rappor t au revenu d’activité. Il est ime également indispensab le que soit engagée une grande politique de l’em ploi des plus de 50 ans .

Dès lors que l’on s’est fixé un objectif sur le montant des pens ions , il ne reste plus que deux types de paramètr es mod ifiables : les recettes et la durée de la retra ite com parée à la durée de l’act ivité. Il n’y a pas de consensus au sein du Conse il sur le choix à faire entr e l’augmentat ion des recettes et l’allongement de la durée de cotisation. On peut d’ailleurs envisager des solutions mixtes . Il revien dr a aux futurs négociateurs et décideurs d’ar bitrer.

Le Conse il a examiné les différentes hypothèses envisageables et les a chiffrées . Si l’on privilégie, comme le font cer tains membr es du Conse il, la voie de l’augmentat ion des recettes des régimes , c’est un équivalent de 9 à 15 points de cotisations supp lémenta ires qui est nécessa ire pour assur er l’équilibre des régimes d’ici 2040. La four chette dépen d de l’objectif retenu pour le montant des pensions (maintien du ratio actue l entr e pens ion et revenu d’activité soit 78%, ou rat io résu ltant des mesur es prises au début des années 90 et qui sont en tra in de monter en charge, soit 64%). Ces recettes nou velles peuvent provenir de redéploiements (de cotisations chôma ge par exem ple), de cotisations ou d’élargissements de l’ass iette de financement des régimes .

Si l’on privilégie l’augmentat ion de la durée de cotisat ion effect ive, deux types de solutions sont possibles : des mesur es incitatives encoura geant ceu x qui le souha itent à travailler plus longtemps ou des mesur es plus contra ignantes cons istant , par exemple, à modifier la durée de cotisation pour bénéficier de la retra ite à tau x plein. Pour assur er d’ici 2020 l’équilibr e des régimes par ce seul type de mesur e, il fau dr ait un allongement de 6 à 9 ans de la durée d’activité. Cet allongement doit êtr e mis en rappor t avec l’hypot hèse d’une augmentat ion de l’es pérance de vie de 6 ans d’ici à 2040, contenue dans la projection.

Le Conse il est unan ime pour dire que le tau x d’activité avant le dépar t à la retra ite doit êtr e augmenté et que des mesur es d’encoura gement doivent êtr e prises pour ceux qui veulent tra vailler plus longtemps . Il propose que soit const ituée une conférence tripar tie (Etat, repr ésentantsdes salariés et des em ployeurs) pour définir et suivre la mise en œuvre d’un plan d’actions concer tées permettant la mise en place d’une nou velle politique des âges dans les entr eprises et administrations et visant à inverser la tendance à l’exclusion des tra vailleurs de plus de 55 ans .

En revanc he, une par tie des membr es du Conse il est ime prématurée , dans le conte xte actue l de l’emploi, toute action contra ignante por tant sur la durée d’activité requise pour faire liquider sa retra ite.

Henri Sterdyniak

Avant d’envisager de telles solutions il est néces saire d’arr iver au plein em ploi. Je ne dirais pas qu’il pourra it y avoir une négociation car il n’y a pas lieu de négocier : il y a un choix social à faire. Les tra vailleurs doivent , dans le ca dre d’une consu ltat ion démocra tique à imaginer, choisir entr e un dépar t à 60 ans avec un taux de cotisation élevé ou un dépar t à 65 ans avec un niveau de cotisation plus faible.

Catherine Mills

Comment dégager les 4 à 6 points de PIB nécessa ires, du fait que le rappor t entr e les retra ités et les actifs devrait pr atiquement dou bler d’ici 2040 et que la par t des plus de 60 ans dans la population tota le augmentera de plus de 50 % sur la même période.

L’est imation des déficits cumu lés d’ici 2040 est de l’ordre de 800 milliar ds de francs (120 milliar ds d’). Le rappor t Char pin aboutissait pratiquement aux mêmes chiffres, mais cette éventua lité y était présentée comme catastr ophique et insurmonta ble, alors que le rappor t du COR cons idère cela comme finança ble par la répar tition, à con dition de réaliser cer taines réformes .

Ainsi les chiffres sont-ils relativement voisins, mais les conc lusions tota lement différentes . Une augmentat ion impor tante des cotisations cou plée à une réforme du financement app ara ît poss ible. Elle corr es pon dr ait à une augmentat ion du tau x de cotisation de 0,38% par an. Il existe encor e un fossé dans les appr éciations concernant le rôle des cotisations : pour les uns, cellesci sont pr ésentées comme des “ boulets ” et il n’y aura it pas de salut hors de la baisse des charges patr onales, comme le pr éten dait encor e récemment un ar ticle de Thomas Pikett y dans Le Monde. Pour les autr es, les retra ites ont un rôle actif dans l’économ ie et elles sont un moyen de renou veler la force de tra vail. Elles offrent auss i la possibilité de permettr e au retra ité, conjointement à l’organisation d’une bonne politique de santé en amont , notamment la santé au tra vail, de garder une fonct ion dans la cité.

Mais cela implique des réformes concernant les financements , les politiques d’emploi et une politique audacieuse de la vieillesse . Il faut sécur iser la retra ite et la garant ir. D’ailleurs , on a suffisamment inquiété les salariés sur leur retraite futur e, en att isant ainsi une guerr e des générat ions qui, en réa lité, about it au résu ltat inverse de ce qu’es pèrent les par tisans du développ ement d’une ca pitalisat ion privée : ce sont les plus jeunes générat ions qui app araissent les plus attac hées à la retra ite à tau x plein à 60 ans et à la répar tition.

Cette nécess ité de sécur iser par rappor t à la retra ite doit êtr e cou plée avec le besoin de sécur ité sur l’emploi et la format ion tout au long de la vie. Le débat est posé sur la construct ion d’une telle sécur isation, qui permettra it une mob ilité positive où la format ion jouera it un nou veau rôle à toutes les éta pes de la vie. Comme le montr e le rappor t du COR, les format ions diminuent selon l’âge des salariés, alors qu’il existe un beso in réel de format ion pour les actifs de 50 ans à 60 ans et que ceux-ci, avec des qualificat ions renforcées , app ortera ient des cotisations plus substant ielles aux caisses de retra ites .

Le taux d’activité très faible (37%) des salariés à partir de 55 ans et plus est effect ivement pr éoccu pant . Pour le voir remonter , il faudra des changements impor tants des politiques économ iques et des politiques de l’em ploi. Mais il sera it dangereux de tout miser là-dessus car, on l’a vu à Barcelone apr ès Lisbonne , mettr e l’accent sur les tau x d’activité peut con duire à vouloir insér er les personnes de cette tranche d’âge en recherchant une flexibilité à la baisse du coût du tra vail et en créant des contrats spéc ifiques aux tra vailleurs vieillissants . Dans ce cas, ils ne seront plus en préretra ite, mais em ployés dans des contrats pr écaires... Ce sera it un véritab le gâc his car le rappor t du COR montr e bien qu’on ne constate pas que la productivité baisse lors que l’âge augmente .

Q            Question : Face à ces besoins de financement , le fonds de réserve mis en place est-il utile et quel est son rôle ?

Anne Marie Brocas

Le Fonds de réser ve est conçu comme un fonds de lissage permettant de modu ler dans le temps les effor ts de financement dest inés à assur er l’équilibr e des régimes. Il s’agit de réun ir 1000 milliar ds de francs (150 milliar ds d’) en 2020. Et ensu ite entr e 2020 et 2040, l’ensemb le des sommes accumu lées , principal et intérêts , sera inté gralement reversé aux régimes de retra ite. De quelle manière cela va-t-il contr ibuer à l’équilibre ? Si l’on com pare les sommes versées par le Fon ds de réser ve de 2020 à 2040 et les beso ins de financement projetés , ces versements corr es pondent à peu près à la moitié des beso ins supp lémenta ires, entr e ces deux dates , du régime généra l et des régimes alignés . Ceci suppose que l’on est retourné à l’équilibre en 2020. En com blant une par tie des besoins supp lémenta ires entr e 2020 et 2040, le Fonds permet de lisser dans le temps les effor ts de rééqu ilibr age sans toute fois dispenser des effor ts, hausse des cotisations ou allongement de la durée des cotisations, nécessa ires pour êtr e à l’équilibre en 2040.

Le Conse il a pris acte de ce que pouvait app or ter ce Fon ds et il a remar qué qu’une par tie des recettes pr évues pour son financement sont des recettes décidées annue llement , qui proviennent d’excédents de régimes soc iaux (le régime généra l, le Fon ds de solidarité vieillesse) , ou de recettes exce ptionne lles telles que celles des licences de téléph onie mob ile ou app or tées par les Caisses d’épargne. La précon isation du Conse il est qu’il sera it souha itab le d’augmenter la par t de recettes pérennes affectées au Fon ds.

Henri Sterdyniak

Le Fon ds de réser ve a été mis en place sans que son mode d’em ploi n’ai jamais été élaboré . Il ne permet pas d’assur er un lissa ge puisque on ne sait pas ce qu’il va se passer quan d il sera épuisé sinon qu’il sera néces saire de faire un saut de cotisations pour financer les retra ites après 2040. C’est un gadget. Le Fon ds n’a pas d’alimentat ion pérenne . La droite propose de le financer par des privatisat ions , cela signifiera it que les recettes de vente de biens publics sera ient affectées ar bitrairement à telle ou telle caté gorie de retra ités . On nous dit que cela va régler quelques années une par tie des déficits de cer tains régimes , mais ça ne règle pas la quest ion d’ensem ble. Théoriquement , il y a deux types de fon ds. Le premier assur e un lissa ge en cas de bosse de dépenses . Mais, actue llement il n’y a plus de bosse dans les pr évisions . Celle qui aura it pu êtr e liée au dépar t des baby boomers est lissée , selon l’OFCE comme selon le COR, par le fait que le tau x d’activité devrait augmenter et le tau x de chôma ge devrait se rédu ire durant cette période. Ensu ite, nous ser ons en 2037 dans une situat ion permanente d’impor tant besoin de financement . L’autr e type de fonds vise à accumu ler des sommes cons idéra bles permettant de payer les retra ites avec les dividen des des placements . Cela suppose qu’on y invest isse mass ivement . Mais il est trop tar d com pte tenu que les dépenses de retra ites vont commencer à augmenter dans 4 ans . Cette ponct ion que l’on aura it du réaliser en pr élevant des cot isat ions excédenta ires depuis 10 ou 20 ans aura it eu des consé quences dr amat iques sur la croissance car il aura it fallu faire cotiser davanta ge les salariés ou les entr eprises alors que l’économ ie frança ise souffrait déjà d’une croissance trop faible. De plus la renta bilité du fon ds n’est jamais assurée car elle dépen d de l’évolution des marchés financ iers . Une telle démar che liant les retra ites à des revenus bours iers aléato ires ne permet guèr e une fiabilité suffisante .

En sens inverse , la straté gie pr écon isée par de nombreux can didats aux élect ions pr ésident ielles, d’essayer de favoriser le développ ement de l’emploi par la baisse des charges sociales est dangereuse à moyen terme pour le financement de la protect ion sociale..

Catherine Mills

Le Fon ds de réser ve avait à l’origine été pr ésenté dans le rappor t Davanne-Lorenzi au Conse il d’analyse économ ique en 1998 à par tir de l’idée que l’épargne d’aujour d’hui pourra it se retr ouver dans le circuit de l’invest issement , donc dans celui de l’em ploi. C’était le moyen de branc her le financement des retra ites à celui de l’économ ie. En fait, pr ésenté sous des allures “de gauc he”, ce fon ds est en réalité un moyen de monter l’épargne en préten dant, comme les économ istes néoclass iques , que toute épargne donne lieu à des investissements productifs et donc des em plois qui demain financer ont les retra ites . C’est une contr e vérité. Pour quoi ? Parce que les moyens à mettr e de côté sera ient finalement énormes , 1000 milliards de francs d’ici 2020 (150 milliar ds d’) pratiquement équivalents à une année de pens ion sur les bases actue lles ou à 10 points du Pib de 2002. Cela se ferait en ponct ionnant sur la deman de effect ive actue lle, alors que ces fon ds pourra ient aller aux prestat ions : on jouera it donc contr e la croissance réelle et l’em ploi.

La façon d ont ce Fon ds est const itué est auss i critiquable : un tiers des ressour ces devrait provenir des ren dements des mar chés financ iers . Mais soit les mar chés financ iers assur ent des ren dements élevés à p ar t i r d e tau x d’intérêt rée ls élevés , ce q ui est dangereux pour les investissements productifs, pour la cr oi ssance rée lle et l’em p loi (et d onc mine l e financement des retra ites) , soit l’enflure financ ière peut con duire à des risques d’effondrement bours iers . On fait donc dépen dre l’avenir des retra ites des aléas des mar chés financ iers . Ainsi, les conse illers de Lione l Jos pin, Laur ent Fabius et Dominique Strauss -Ka hn tentent d’intr oduire la capitalisat ion à l’intér ieur même de la répar tition.

Le caractèr e public du Fon ds ne change rien car on tend faire pénétr er une autr e logique que la répar tition pour financer les retra ites . La dépen dance de ce fon ds aux privatisations est tout auss i gênante car cela pourrait inciter à la privatisation d’EDF, par exem ple. C’est inacce ptable comme l’est la proposition d’alimenter le Fon ds d e réser ve p ar les excé d ents d’autr es br anc hes de la Protect ion sociale. Ne fau dr ait-il pas mieux utiliser ces excédents , comme par exemple ceux de la politique familiale pour relever le tau x de fécondité afin d’assur er le renou vellement des générat ions et notamment par le versement d’allocat ions familiales dès le premier enfant ? La réflexion devrait plutôt se por ter sur les moyens de renforcer la retra ite par répar tition en s’atte lant à des refontes profondes concernant autant son financement que son branc hement sur une sécur ité d’em ploi et de format ion.

 

Q             Question : Face aux déci s ions de Barcel one vi s ant à remettre en cause le droit effecti f à la retr aite à 60 ans, quelle s sont le s alter native s à promou voir avec quelle s réformes?

Catherine Mills

Il est nécessa ire de lister comme l’a fait le COR les pistes , permettant d’assur er le financement des retra ites de demain. Pour ma part, je propose de partir d’une évaluation des beso ins en matière de développ ement des retra ites ainsi que des réformes indispensab les pour dégager les moyens de financement nécessa ires.

Plusieurs pistes sont ainsi évoquées dans le rappor t : rétab lissement de la parité entr e les retra ités et les actifs, prise en com pte de ceu x qui ont déjà 40 ans de cotisations , qui n’ont pas 60 ans et qui devraient pouvoir pren dre leur retra ite avant l’âge légal. Le coût de cette mesur e avait été chiffré à 27 milliards de francs (4 milliards d’), si l’on ne pren d en com pte que les métiers pénibles pour les quels cette mesur e app ara ît évidente .

Au delà, on pourra it envisager de sor tir de la réforme Veil-Balladur de 1993 en revenant à la règle de l’indexation sur les salaires et non sur les prix, en renouant avec le calcul des retra ites à par tir des dix meilleur es années de salaires, en harmon isant la durée de cotisations du privé sur celle du public ( 37 ans et demi de cotisations) . Il s’agirait ainsi de revaloriser les retra ites , en par ticulier les basses retra ites et les pens ions de révers ion.

Pour faire face aux beso ins de financement néces saires on peut agir sur les variables démo graph iques , une politique familiale dynamique peut contr ibuer à relever le tau x de fécon dité. On peut agir sur les variables économ iques, par une politique économ ique et de gest ion des entr eprises au dacieuses visant à accr oître le tau x de croissance de la production et de la productivité du travail, à augmenter le taux d’activité, à rédu ire le tau x de chôma ge, à relever la par t des salaires dans la valeur ajoutée .

Une refonte du financement en prise sur le développement de l’em ploi, de la croissance , des ressour ces humaines (format ion, salaires, promot ion des salariés) est indispensab le. Il s’agit de remettr e en cause la fuite en avant dans les exonérat ions de cotisations patr onale (18 milliards d’eur os, en 2002) qui déres ponsa bilisent les entr eprises.

Il impor te au contra ire de développ er le principe d’une ar ticulation entr e le financement de la protect ion sociale et l’entr eprise, lieu de créat ion des richesses . Ceci implique de réformer l’ass iette des cot isat ions patr onales dont la répar tition actue lle est telle que plus une entr eprise em bauc he et accr oît les salaires, plus elle paye de cotisations, alors qu’une entr eprise qui licenc ie, com prime la par t des salaires dans la valeur ajoutée et fuit dans les placements financ iers , paye de moins en moins de cotisations. Ainsi, les entr eprises de main-d’œ uvre (notamment le BTP) ont une par t de charges sociales dans la valeur ajoutée qui est plus du d ou ble d e celle d es inst itut ions financ ièr es , d es ban ques , des com pagnies d’assurances . Il s’agit donc bien de corr iger ces effets per vers de l’ass iette actue lle, l’objectif étant de br anc her le financement de la protect ion sociale sur la croissance réelle, l’em ploi, le développ ement des salaires et de la format ion, afin de garant ir des ressour ces suffisantes pour faire face à la montée de beso ins nou veau x.

On pourra it alors modu ler le tau x de cotisation en fonct ion d’un rappor t masse salariale / valeur ajoutée , de telle sor te que les entr eprises qui limitent les salaires et licenc ient soient assu jett ies à des tau x plus lour ds. Inversement , les entr e pr ises q ui d évelo pp ent les em plois, les salaires, la format ion, sera ient assu jett ies à des tau x plus bas. On pourra it auss i inst ituer une contr ibution sur les revenus financ iers des entr eprises (qui s’élevaient en 2000 à 400 milliards de francs , soit 60 milliar ds d’euros) qui échappent à toute contr ibution soc iale et qui se nourr issent de la contract ion des em plois et de la croissance réelle. Une contr ibution de ces revenus financ iers au même tau x de cotisation que les salaires app or tera it environ 7,5 milliards d’euros en ressour ces au système de protect ion sociale.

Henri Sterdyniak

L’existence en France de trois systèmes de retra ite gérés de façon différente (le régime généra l, les régimes com plémenta ires confrontés à l’intrans igeance du patronat, et les régimes spéc iaux du public) rend l’ensem ble par ticulièr ement com plexe. Un système plus co hérent où les retra ites sera ient indexées aux salaires nets favorisera it l’unification entr e le secteur public et le secteur privé, et assur era it mieux la solidarité entr e les retra ités et les actifs. Le tau x de rem placement pourrait diminuer avec le niveau du salaire avec une première tranche (pour les bas salaires) avec un taux très for t, une deuxième tranche avec un tau x plus faible et enfin une troisième tranche avec un tau x nul.

Pour financer la retra ite, je ne pense pas qu’il existe d’autr es ressour ces que les cot isat ions . Si l’on peut conce voir que les cot isat ions maladie ou familiale soient prélevées sur une autr e ass iette que les salaires comme la valeur ajoutée , les retra ites doivent êtr e payées par les actifs avec des cotisations ass ises sur les salaires, car la retra ite est un salaire différé . Il faut que les salariés sachent que ce sont à eux de payer leur retra ite. Le seul choix social à faire est celui entr e des tau x de cotisations élevés pour par tir à la retra ite à 60 ans (avec éventue llement un dépar t à 55 ans pour les tra vaux pénibles) ou des tau x plus bas avec un dépar t en moyenne à 62 ou 63 ans , avec des dépar ts à 60 ans pour une minor ité confrontée aux tra vaux pénibles et à 65 ans pour les autr es. Cela supposera it que dans les années 2010-2020, dans une situat ion de plein em ploi, on réforme la carr ière des salariés pour permettr e de prolonger l’act ivité en mod ifiant les con ditions de travail. On pourra it décider de recon ver tir vers 40 ans les salariés ayant des em plois pénibles, pour leur permettr e de rester en activité jus qu’à 60 ou 65 ans . Il faut donc faire un effor t collect if d’imagination, d’organisation, de format ion, pour constru ire des deuxièmes carrières.

Evidemment , il est grotes que et choquant de pr étendr e résoudr e un tel problème en un cou p de plume comme l’ont fait à Barcelone, Jac ques Chirac et Lionel Jos pin, en s’engageant à faire reculer l’âge moyen de cessat ion d’activité de 5 ans d’ici 2010. Ce n’est pas l’esprit dans lequel il faut aborder la quest ion.

Anne Marie Brocas

On a principalement parlé des ar bitra ges macr osociaux et macr o-économ iques . Mais com pte tenu de l’architectur e de notr e système de retra ites ces choix devront s’accom pagner de négociations et de décisions à mener à bien régime par régime. Il faut que ceux qui vont bientôt partir à la retra ite comme ceux qui

commencent à cotiser sachent dans quelles con ditions ils pourr ont pren dre leur retra ite. Une fois que l’on aura réalisé ces choix fon damentau x, beaucou p de choses se jouer ont à un niveau sector iel ou dans le ca dre de micro-décisions .

Si on pren d une décision concernant le niveau des retra ites par rappor t au revenu d’activité, il va falloir ensu ite examiner comment cela se tradu it au niveau de chaque régime. Ainsi pour les salariés du privé qui ont un régime de base et des régimes com plémenta ires, quelle sera la part assurée par le régime de base et celle assurée par les régimes com plémenta ires ? Il faudra également se prononcer sur le niveau des pens ions au moment où l’on par t à la retra ite, c’est à dire sur le taux de rem placement du revenu d’activité , sur les règles d’indexation des pens ions , mais auss i sur les pr élèvements qui existent sur les revenus des salariés et des retraités . Si l’on veut parler de garant ie, il faut pren dre en com pte ces différents éléments ce qui est rar ement fait. Il fau dr a auss i poser le problème des différentes caté gories de retra ités , notamment le problème des basses pens ions (pens ions corr es pon dant à de faibles revenus d’activité, pens ions de révers ion…).

 

En ce qui concerne les discuss ions sur les dépar ts en retra ite on peut est imer qu’il est souha itab le de déplacer de x années l’âge de dépar t moyen à la retra ite. Derrière ce débat, il y a des enjeux à prendre en com pte auss i impor tants que l’objectif global que l’on veut se fixer, et notamment celui de la prise en com pte de la pénibilité ; celui des assurés qui, aujour d’hui étant entrés tôt dans la vie active tota lisent de longues durées d’assurance avant même l’âge de la retra ite ; celui du tra itement res pectif du secteur privé et de la fonct ion publique dans les quels des durées d’assurance différentes sont exigées ; celui enfin des assurés qui ont connu de longues périodes de chôma ge ou d’inact ivité différant le moment où ils ont pu êtr e inté grés dans le mar ché du tra vail.

Autant de quest ions concrètes à tra iter dans le cadre des orientat ions généra les qui ser ont retenues .