Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La BCE piétine Maastricht

La chronique économique de Pierre Ivorra. "Les banques compagnies d'assurances et groupes sont allés soutenir la croissance américaine."
 

Depuis le début de la crise de la zone euro, ses dirigeants et ceux de la Banque centrale européenne (BCE) n’ont de cesse que de s’asseoir sur les principes ­régissant la monnaie unique. Maastricht ne prévoyait pas d’intervention commune vis-à-vis d’un pays en difficulté, pourtant la zone a dû s’y engager. Elle l’a fait donc, mais contre les peuples, ­notamment contre les Grecs. Actuellement, la BCE envisage d’engager une vaste campagne de rachat de titres de dette publique des pays de la zone, une mesure non prévue par les tables de la loi maastrichtiennes.

Ce n’est pas la première fois qu’une intervention publique non programmée vient tenter de parer aux désordres de la concurrence. Mais comment et pour quelle raison la BCE s’apprête-t-elle à sortir cette « grosse Bertha » monétaire que constitue l’acquisition à grande échelle de titres de dette publique ?

Comment ? La Banque centrale européenne ­devrait racheter sur le marché des titres de dette émis par les États ou des institutions publiques. L’objectif officiel d’une telle initiative serait d’alimenter l’économie en liquidités afin que les entreprises, ­stimulées par ce crédit abondant et bon marché, se décident enfin à ­investir et à développer leur activité. On peut douter de l’efficacité d’une telle disposition car les banques et les autres acteurs économiques, particulièrement les grands groupes capitalistes, ne manquent pas actuellement de ressources. Le problème est de savoir à quoi ils les utilisent. Pourquoi ? Une étude de la Banque de France montre qu’au cours des neuf premiers mois de 2014, « les investisseurs de la zone euro ont accru leurs achats nets d’instruments de dette étrangers, qui sont passés de 82 milliards d’euros pour les trois premiers trimestres de 2013 à 217 milliards sur la même période en 2014 ». Autrement dit, les banques, les compagnies d’assurance, les groupes ont utilisé une partie de leurs liquidités pour acheter des titres de dette publique étrangère, plus particulièrement ceux émis par le Trésor public des États-Unis. C’est dire qu’ils sont allés soutenir la croissance américaine.

La BCE risque ainsi d’être mobilisée pour compenser cette désertion. Mais elle pourrait faire tout autrement en conditionnant son rachat de titres de dette publique à des exigences sociales : je ne te donne des liquidités à très faible taux d’intérêt que si tu t’engages à les utiliser selon des critères favorables au développement de l’activité, de la recherche et de l’emploi. Tout cela crédibilise les ­propositions alternatives visant à réorienter l’action de la BCE. C’est là l’une des raisons du succès de Syriza en Grèce. Les banques, compagnies d’assurance, et groupes sont allés soutenir 
la croissance américaine.

 

Mercredi, 21 Janvier, 2015
L'Humanité

 

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