La situat ion de rentrée confirme l’approfondissement de la crise, dans un pays au bor d d’une récess ion dont témo igne le recul de croissance (-0.3%) enr egistré au second trimestr e. L’évolution du chômage pres que exclusivement à la hausse , mois
apr ès mois, accr oît ses ravages. Plans de licenc iements et fermetur es d’entr eprises déstructur ent l’économ ie. La France devrait ac hever cette « année Méta leur op » avec un chôma ge à 10 % ; 150.000 d eman d eurs d’em ploi supp lémenta i res , et d es dizaines de milliers d’em plois en moins.
Cela se tradu ira par une inégalité plus for te des femmes et d es h ommes d e v ant l’em p loi, d es chômeurs longue durée soum is à des situat ions plus intoléra bles, une inser tion des jeunes plus aléato ire, tand is q ue la réforme d e l’Une dic p éna lise d es centa ines de milliers d’allocata ires.
La politique d’allègement des charges soc iales patr onales poursu ivie par le gouvernement (plus de 20 milliards d’eur os en 2002), accé lère cette dégradation qui confirme l’ina ptitude de telles orienta tions à créer de l’em ploi dura ble.
En cause également , les mesur es d’austér ité (hausses de tarifs ; baisse d’un quar t du Livret A ; frais de rentrée sco laire), d’un cou ple Chirac-Raffarin centré sur la feuille de route du MEDEF, ainsi qu’en a témo igné l’univers ité d’été du patr onat , et que le confirme l’Agen da 2006 de Raffarin.
L’a bs ence de revalorisation du pouvoir d’ac hat, l’insuffisance des salaires freinent la consommat ion des ména ges, principal sout ien de l’act ivité.
Le conte xte eur opéen pèse lour d. Comme ses principaux par tena ires la France sub it le Pacte de stab ilité, et nom bre de quest ions liées à l’élargissement , p os itif, de l’Union eur o péenne , demeur ent sans réponse . De même pèsent lour dement : la concur rence Eur o p e-USA p our att irer d es ca pitau x et con quérir des mar chés ; les négociations secrètes d e l’OMC et la mond ialisat ion ultra lib éra le d es mar chés.
Il y a 10 ans , les accor ds de Marra kech, fon dateurs de l’OMC prometta ient : « (…) le relèvement des niveau x de vie, la réalisation du plein em ploi, et un niveau élevé et toujours croissant du revenu réel et de la deman de effect ive. »
Apr ès l’éc hec de Cancún , on est loin de ces perspectives.
D’où l’impor tance d e r e d i r e nos pr ior ités : augmenter l’aide des pays riches, favoriser l’annu lation de la dette , abaisser les tar ifs douan iers , ouvrir un réel accès aux méd icaments génér iques, favoriser l’inser tion du Sud dans les éc hanges mond iaux par l’essor de l’em ploi sur ses terr itoires.
Autant d’exigences , à l’échelle mond iale, en contra diction avec l’enlisement amér icain dans le bour bier de l’Irak où Bus h apr ès l’avoir mépr isée , app elle l’ONU à la rescousse pour régler la factur e ; et avec la politique du pire poursu ivie au Proc he-Orient par Israë l, ce qui nécess ite de nou velles initiatives, en par ticulier de l’Europe, en faveur de la paix.
Plus pr ès de nous ce pen dant, pour en revenir à la rentrée , les prévisions de croissance , fixées à 2,5 % du PIB puis 1,3 % au moment de la Loi de Finances 2003, ont explosé sous l’effet d’une économ ie au point mor t. La Caisse des Dépôts est ime désorma is, que la croissance ne devrait pas dépasser 0,2 %.
Or la politique économ ique de l’Etat n’est pas de natur e à modifier la donne , et ne const itue plus qu’une aide aux profits, dont témo ignent les bénéfices semes triels des éta blissements de capitalisat ion bours ière : 902 millions d’eur os pour BNP Paribas et 695 millions pour la Société généra le.
En annonçant des déficits publics à 4 % en 2003, le gouvernement plom be l’économ ie nationale avec le plus for t déra page de tous les pays de l’Union. Sor tir des critèr es du Pacte de stab ilité ne const itue pourtant pas le fon d de la démar che gouvernementa le, puisque la droite conser ve intacte sa volonté de confor ter, avec le Budget 2004, les logiques ca pitalistes rendues prioritaires au lendemain d’Avril 2002. Ce ne sera pas simple devant l’insu ffisance des recettes fiscales, l’urgence des attentes sociales, la force des press ions eur opéennes , et le jeu entr e elles, de ces exigences contra dictoires.
Quels choix résu lter ont du débat budgéta ire de l’automne 2003 ? Chirac qui promet « de l’oxygène » à l’économ ie avec « la baisse des charges et des impôts », n’ignor e rien de l’inca pacité d’une telle politique à finaliser cet objectif.
La baisse de 3% de l’Impôt sur le revenu (1,8 milliard d’eur os), dest inée à por ter à 10 % la baisse globale en trois ans , est une hérés ie. Car les allègements déjà consent is s’élèvent à 7 milliards d’eur os dont l’essent iel a rejoint l’épargne des ména ges aisés. Ces per tes de recettes fiscales, ajoutées aux moinsvalues résu ltant de l’aton ie de la croissance , pèsent sur la gest ion de la dette publique. Or les 38 milliar ds d’intérêts versés aux ban ques en 2003, repr ésentent déjà autant de moyens en moins pour les dépenses sociales de budgets ministér iels soum is de nou veau, au laminoir.
« Sortir des critères du Pacte de stabilité ne constitue pourtant pas le fond de la démarche gouvernementale. »
Sans effet avéré sur la consommat ion ni sur l’invest issement pr oduct if, allègements d’impôts et exonérat ions de charges creusent de plus, les déficits publics.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets , il faut s’atten dre à voir les plans de licenc iements s’accroître pour ajuster la renta bilité du ca pital, dans une conjonctur e que dégradent ces choix.
Le maintien par le gouvernement de cette ligne répond cependant à un autr e projet prioritaire: remodeler la société par la remise en cause d’acquis essen tiels des périodes sociales les plus fastes , du Front Populaire à la Libérat ion ; de Mai 1968 à Mai 1981… La réforme des retra ites en est l’exem ple, qui permet au patr onat de faire passer l’extens ion de la durée du tra vail. La provocat ion que const itue le projet de suppr ess ion d’un four férié, vis-à-vis du monde du tra vail, va dans le même sens . Et si le gouvernement para ît man œuvrer en recul sur la Protect ion sociale, sur l’Educat ion, c’est moins pour renoncer à des choix qu’ins pirent le MEDEF et Bruxelles, que pour dou bler le ca p électora l 2004.
Ces atta ques visent EDF, GDF et tout un cor tège de « privatisab les », sachant auss i que le gouvernement n’a pas atte int le produit de recettes (8 milliar ds d’eur os) qu’il enten dait tirer en 2003, de ces abandons .
Dénoncé par les cheminots , ce qui se passe au sein de la S.N.C.F. avec une révision budgétaire à la baisse de 100 Millions d’eur os et le gel des recrute ments , confirme la mise en joue de l’ensem ble du secteur public.
Le rappor t Douste -Blazy ; l’annonce d’un Livre ver t eur opéen sur les « ser vices d’intérêt généra l » ; les trans format ions majeur es à France Télécom (statuts de l’entr eprise et des salariés, par ticipation en retra it de l’Etat au ca pital) ; le démantè lement en cours de la Caisse des Dépôts apr ès Eulia ; le signal d’alarme tiré par les post iers … en disent long sur cet enjeu centra l de rentrée .
Enjeu en rappor t avec celui de rédu ire le nom bre des fonct ionna ires. Souc i d’économ ies, souc i de désen gagement directement lié au projet d’une décentra lisat ion viciée laissant aux collectivités locales la charge du ser vice public et du prélèvement de l’impôt ; souc i de press ion sur l’ensem ble des droits sociaux, et sur les statuts , les rémunérat ions, le droit de grève dont témo ignent les atta ques répétées contr e les liber tés syndicales, les poursu ites judiciaires des militants syndicau x… Cette dérive se tradu ira par de nou veaux désé quilibr es d’aména gement des terr itoires ; des inégalités de développ ement régional ; le recul des solidarités dont les França is ont fait tra giquement l’expérience cet été .
Le mouvement social du printem ps contr e le projet de loi rétr ograde des retra ites et pour l’avenir de l’école, en même temps qu’il a montré un vif mécon tentement et de for tes as pirations, a auss i montré ses limites . Le gouvernement a su jouer de la division. Profitant du calen drier qu’il a imposé , il a séquencé le moment de la protestat ion sociale et celui du débat parlementa ire débouc hant logiquement sur le vote de la loi par la majorité écrasante UDF-UMP à l’Assem blée. Tous les ense ignements de cette période doivent êtr e tirés . Car le risque est là d’un scénar io du même type à propos de la Sécur ité Sociale, la concer tat ion annoncée par Raffarin menaçant de reproduire le faux-semb lant de dialogue social mis en œuvre pour les retra ites .
Diviser pour régner en quelque sor te… Quan d pr écisément la quest ion essent ielle posée par la construct ion d’une alternat ive à l’ultra libéra lisme est celle de la cogest ion du projet politique par le mou vement social ; celle d’une meilleur e ar ticulation, chacun restant soi-même , entr e ce mou vement et la lutte politique, ce qui passe par la conso lidation des idées de trans format ions sociales profon des. Ça bouge dans le pays ! Mais demeur e la cra inte de revoir ce qui a déjà échoué. Une crainte qui trouve un sout ien dans le refus d’une partie de la gauc he de tirer les leçons du 21 Avril, et dans la mise en œuvre de la bipolarisation de la vie politique à laquelle con duisent les réformes des scrut ins eur opéen et régional.
« D’où l’importance d’affirmer notre autono mie d’action, la dimension anticapitaliste de nos propositions. »
Face à l’hégémon isme de l’UMP, un grand par ti soc ial-démocrate de la réforme , opp or tunément adossé à une extrême -gauc he protestata ire et str ictement déterm inée à le demeur er, quel rêve !
Quel rêve et quelle impasse pour un mou vement social tombant dans les pièges ainsi tendus à son exigence de concr et, à sa volonté de construct ion d’une pers pective politique et d’un projet de changement ! D’où l’impor tance d’affirmer notr e auto nomie d’action, la dimens ion antica pitaliste de nos propositions : sécur ité emploi-format ion, réor ientat ion du cré dit et de la Ban que centra le eur opéenne ; mise à contr ibution des profits bours iers , revalorisation des salaires et des minima, développ ement des dépenses soc iales de l’Etat pour la santé , l’éducat ion et la recherche, le logement ; élargissement de la citoyenneté dans la cité et dans l’entr eprise ; action pour la coo pérat ion, pour la paix et la pr otect ion de la planète …
D’où également l’impor tance de notr e engagement à faire vivre une conce ption nou velle du rassemb lement , por teuse d’une revalorisation de la politique et interr ogeant vigour eusement l’abst ention.
Les rassemb lements de cet été organisés par le Par ti commun iste, les forums , la Fête de l’Human ité, la par ticipation de ses militants et de ses élus aux luttes de cette rentrée tradu isent la volonté de contr ibuer à définir une alternat ive sociale ; et le courant des adh ésions recue illies témo igne d’une attent ion positive à ces démar ches.
La pers pective des échéances de 2004 sou ligne l’impor tance de cette présence commun iste, nécessa irement identifiable jusque dans le déroulement des scrutins. Nul n’ignor e le débat en cours mar qué par notr e résu ltat lamenta ble au 1er tour des présidentielles, avec la cra inte de « lâc her la proie pour l’om bre », c’est-à-dire des positions acquises dans les assem blées élues, pour une lisibilité plus forte des engagements de notr e Par ti.
Une chose est sûr e, r ien n’est immuab l e p our renfor cer notr e influence . Sans doute faut-il faire autr ement en étant d’abord nous mêmes , ou ver ts , ras semb leurs .
Cela veut dire plus q ue jama i s , ne p as sacr ifier l’a v en i r au pr ésent . ■
Alain BOCQUET
Président du groupe communiste et républicain
de l’Assemblée nationale