Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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« La place du travail »

 

Rapport du CES (notes de lecture)

Le rapport de la Section Travail du CES (Conseil économique et social) n’a fait l’objet pour l’instant d’une approbation formelle, ni de la part de la Section elle même, ni de l’Assemblée plénière du CES. Mais en l’état, il permet de juger des analyses et des propositions qui sont des points d’appui, même si les limites sont évidentes.

En réaffirmant la « centralité » du travail dans l’« organisation de la société et dans la vie des hommes », le rapport dégage les « axes structurants d’une nouvelle approche du travail », à savoir : le « contenu du travail », la « sécurisation des parcours professionnels », la « place des acteurs dans l’organisation des rapports sociaux ».

En témoignent les grandes recommandations du rapport :

  • Réaffirmer la place centrale du travail et définir un nouveau cadre.

  • Repenser le contenu du travail, améliorer les conditions de travail.

  • Permettre aux acteurs de participer à l’organisation du travail.

  • Favoriser l’insertion des jeunes dans le monde du travail.

  • Revaloriser le travail manuel.

  • Concilier mobilité du travail et sécurité des travailleurs, reconsidérer la politique de gestion du travail par les âges.

  • Optimiser les mesures de retour à l’emploi.

  • Sécuriser et dynamiser les parcours professionnels.

  • Élaborer les bases d’une nouvelle forme de participation sociale, développer la participation des salariés et réaffirmer les modes légaux de leur représentation.

  • Instaurer des partenariats intégrant les différents acteurs et les niveaux de pouvoirs.

  • Intensifier la construction du droit social communautaire. Le côté positif réside dans la critique des gestions d’entreprise et de la libéralisation de l’économie par la domination du marché. Ainsi sont évoqués les « pressions de la concurrence des clients et de la sphère financière », entraînant la « flexibilisation croissante des formes d’emplois » et l’« altération progressive du système croisé des protections associées au fait d’occuper un emploi » ; ainsi sont évoquées les « frontières entre travail et vie personnelle de plus en plus ténues », les « formes de travail nomade qui déstructurent les temps sociaux et bousculent les vies privées ».

Mais d’un autre côté, c’est l’ « exigence accrue de qualité des produits et services » qui est rendue responsable de l’« intensification du travail qui augmente et alimente les sentiments d’insatisfaction liés à la pénibilité physique et à la charge mentale ». On ne parle ici ni des critères et formes de la productivité du travail, ni de la contrainte de rentabilité financière.

C’est sur les analyses des mutations et leur ampleur que résident les faiblesses les plus graves. Car si la « Révolution Technologique et/ou Informationnelle » n’en est qu’à ses débuts, c’est elle qui doit néanmoins servir de repère quand à l’ampleur des réformes à opérer et des objectifs à poursuivre.

Ainsi l’objectif de « plein emploi » qui nécessite la « définition de politiques » intégrant « nature et qualité des emplois, maintien et évolutions des qualifications », avec nécessité de « correctifs tenant des richesse produites et disponibles, à l’échelle nationale, européenne et internationale » est placé sous responsabilité de la société et de l’Etat. Alors qu’il faudrait surtout responsabiliser les entreprises elles mêmes dans leurs choix stratégiques et de gestion, devrait se concentrer l’action des pouvoirs publics.

D’autant qu’une partie du rapport est consacrée à ce qu’il faudrait faire dans les entreprises cotées en Bourse. Pour elles, il est préconisé de « rechercher de nouveaux équilibres susceptibles d’éclairer les actionnaires et les dirigeants dans leurs choix financiers permettant aux salariés de poser l’exigence de la dimension économique et sociale de l’entreprise et d’intervenir… » et il est proposé d’ « examiner les mécanismes de participation, tels que l’actionnariat salarié, l’épargne salariale ou encore la présence de représentants des salariés et des actionnaires salariés dans les Conseils de surveillance et les CA ». Ce que nous montre la RTI, c’est l’accélération des mutations du travail (des outils et des organisations) et l’ampleur des dépenses à consentir pour les hommes, notamment pour leur culture et pour leur formation, initiale et continue tout au long de la vie. Et c’est la gestion des entreprises qui va devoir considérer que l’alternance entre périodes d’emploi, périodes de formations longues voire de reconversions/formation/accès à un nouvel emploi va devenir le parcours normal d’une vie professionnelle. C’est l’entreprise qui doit concevoir que c’est en elle qu’on trouvera les ressources (les gains de productivité) pour financer en interne et en externe les dispositifs de « Sécurité d’Emploi et / ou de Formation » garantissant la continuité du revenu individuel. C’est l’entreprise qui doit considérer ces dépenses comme de vrais investissements, qui avec la recherche, sont indispensables à une nouvelle productivité / efficacité, en même temps qu’une aspiration de société.

Mais constatons que ces critères de gestion sont antinomiques avec l’objectif de rentabilité financière de court terme. Il faut donc, en matière de droits nouveaux pour les salariés et en matière de sens de l’intervention de l’Etat et de l’Europe, viser des mesures bien plus contraignantes pour les entreprises que celles préconisées dans le rapport du CES, notamment pour dégager les moyens financiers nécessaires.

 

 

 

Par Dauba Michel , le 30 November 2003

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