Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Assurer l’accès de chacune et chacun à la formation continue

UN ÉTAT DES LIEUX

Un investissement massif dans la formation continue est indispensable pour répondre aux défis des technologies informationnelles, démographiques, démocratiques et aux besoins criants liés au chômage, à la précarité et aux inégalités dans la formation. La formation doit être accompagnée d’une véritable réduction du temps de travail créatrice d’emplois. Elle doit permettre de faire face aux réelles difficultés de recrutements qui subsistent dans de nombreux secteurs d'activité malgré le chômage massif. Les principes de base existant dans la législation sur la formation professionnelle continue (notamment la loi du 16 juillet 1971) sont proprement révolutionnaires mais l’accès des salariés dans l’emploi avec la formation demeure largement insuffisant, les difficultés d'accès des chômeurs à la formation sont massives, les financements sont bien trop faibles voire en régression.

L'absence de reconnaissance par les entreprises des qualifications dans les salaires et dans les évolutions des carrières constituent un véritable élément démobilisateur.

Enfin, le caractère lucratif de certains organismes de formation, dominés par le patronat, la mauvaise sélectivité des publics et des formations prioritaires constituent des problèmes non négligeables de même que la mise en concurrence ou les menaces de démantèlement du service public de formation continue (notamment l’AFPA) avec la décentralisation mode Raffarin. Toutefois, sous la pression des salariés avec leurs syndicats, en raison de l’inquiétude des chefs d’entreprise confrontés à des difficultés de recrutement, le Medef a été contraint d’accepter une obligation nouvelle de formation. D’un côté, cet accord possède un caractère profondément novateur avec la reconnaissance d’un droit individuel à la formation (DIF). De l’autre côté, cette avancée demeure fortement limitée par les pressions patronales contre les dépenses de formation, pour l’allongement de la durée du travail en contradiction avec l’objectif de la « formation tout au long de la vie ». Cela reste très insuffisant d’autant plus que la transposition législative l’heure nous mettons sous presse) tente de réduire les obligations de l’employeur. C’est pourquoi il s’agit de développer des luttes nouvelles pour des conquêtes effectives par rapport à ce droit et aux nouveaux éléments : son extension à tous les salariés, l’accroissement de la durée, l’élargissement de sa transférabilité d’une entreprise à une autre, l’augmentation des financements, etc. Cela pourrait constituer une porte d’entrée pour une extension massive de la formation continue. Cela pose la responsabilité non seulement des syndicats mais aussi des partis politiques, des élus locaux et des associations et organismes de formation, notamment publics pour une stratégie de luttes coordonnées.

 

LES PROPOSITIONS CONCRÈTES DU CHANTIER

Il s’agit de rassembler tous les salariés et privés d’emploi sur des objectifs communs.

L’objectif

L’objectif est de progresser, à partir de luttes concrètes, afin d’assurer pleinement la formation continue à chacune et chacun dans une continuité d’activités et de revenus.

Le but serait de faire croître tout à la fois le nombre de personnes ayant accès à la formation continue mais aussi le nombre d’heures de formation par tête.

Il s’agit tout d’abord de revendications et de luttes pour le relèvement graduel des horaires et du nombre d’années ouvrant le droit obligatoire nouveau à la formation continue de chacun. Pourquoi pas, dans un premier temps, exiger un minimum de 30 heures par an sur 37,5 années pour aller progressivement vers 10% du temps de travail ? De la même façon, il s’agirait d’accroître le nombre de travailleurs pouvant partir en formation en même temps dans une entreprise en le portant de 2 à 5 % de l'effectif.

Il s’agit aussi de la question cruciale du débouché en emploi de la formation à l’opposé des stages bidons ou des emplois aidés précaires.

Ce débouché en emploi conditionne en partie le non-gâchis des dépenses de formation. Il s’agirait d’organiser dès la mise en place de la formation le débouché dans l’emploi en responsabilisant les entreprises. Bien sûr, le but social ne peut pas être une simple adaptation aux évolutions technologiques. Il s’agirait donc de partir du développement des actifs eux-mêmes.

Il s’agirait ensuite de revaloriser le travail qualifié des ouvriers, des employés et le rendre attrayant pour les jeunes.

Pour cela, les fonds mutualisés de formation pourraient accorder la priorité aux travailleurs sans qualification et aux métiers dans lesquels il existe ou risque d'exister des pénuries notamment dans l'artisanat, l'industrie et la construction.

Cela implique aussi une garantie de rémunérations suffisantes aux travailleurs en formation avec le maintien des salaires pour ceux en activité et de 65% du SMIC pour les jeunes chômeurs non indemnisés jusqu'à 100% du salaire antérieur pour les chômeurs indemnisés.

La reconnaissance des qualifications acquises pourrait être construite par une priorité d'accès aux emplois correspondant à la qualification acquise à l'issue du congé de formation, par la mise en place de barèmes de salaires minima nationaux à l'embauche pour quatre ou cinq grands niveaux de formation, avec un déroulement de carrière garantie et transférable en cas de changement d’entreprise.

Les financements

Il faudrait des dispositifs plus riches et des moyens supplémentaires pour les publics en difficultés.

 Cela consisterait en obligation de financement par les entrepr ises qui pourrait être porté dans un premier temps à 2,5 % de la masse salariale avec un effort important de mutualisation afin de favoriser les travailleurs les moins qualifiés, les moins bien payés, celles et ceux qui travaillent dans les PME ainsi que les chômeurs.

Mais il s’agirait aussi d’un recours incitatif à un nouveau crédit et à sa mutualisation. Ce crédit permettrait une grande élasticité par rapport aux dépenses des entreprises, avec des taux très abaissés, voire nuls, incitatifs, un remboursement étalé à partir des mises en emploi des personnes formées. Etalement des remboursements qui permettrait de répondre à la dissuasion des dépenses des entreprises craignant de voir aller ailleurs les compétences.

Le financement public, celui de l’Etat, celui des régions mais aussi celui du Fonds social européen, devrait être considérablement accru. LITÉS D’ACC

LA LOI DU 16 JUILLET 1971

Elle avait permis d’instaurer une obligation de dépenses de formation pour les entreprises et elle jetait les bases d’un droit à la formation à l’initiative du salarié notamment au travers la possibilité de Congé individuel de formation (CIF).

Article L 900-1 du code du travail : « la formation professionnelle permanente constitue une obligation nationale. Elle comporte une formation initiale et des formations ultérieures destinées aux adultes et aux jeunes déjà engagés dans la vie active ou qui s’y engagent. Ces formations ultérieures constituent la formation professionnelle continue… »

Article L931-1 du code du travail : « le congé de formation a pour objet de permettre à tout travailleur au cours de sa vie professionnelle, de suivre à son initiative, et à titre individuel, des actions de formation, indépendamment de sa participation aux stages compris dans le plan de formation de l’entreprise dans laquelle il exerce son activité. »

LES INEGALITES D'ACCES A LA FORMATION CONTINUE

Plus on est qualifié, diplômé, avec un poste élevé, plus on utilise la formation continue

En 2001 :

  • nombre de salariés concernés : 13,7 millions dont 10,1 millions pour les entreprises de dix salariés et plus.
  • nombre d’entreprises concernées : 1,2 millions dont 107 000 de dix salariés et plus.
  • nombre de stagiaires : 4 millions dont 3,7 millions dans les entreprises de 10 salariés et plus.
  • nombre d’heures de stages : 162 millions dont 150 millions dans les entreprises de 10 salariés et plus.
  • taux d’accès à la formation continue : 3,1% pour les ouvriers non qualifiés dans les entreprises de 10 à 19 salariés, 67,1% pour les ingénieurs dans les entreprises de plus de 2 000 salariés ; 72% des chômeurs (en 2000) n’avaient pas suivi de formation durant les deux dernières années mais 40% expriment le souhait d’être formés.
  • un salarié de « faible niveau » dispose de 15 à 18 fois moins de moyens financiers pour se former que certains cadres supérieurs.

 

LES DEPENSES DE FORMATION CONTINUE :

Elles stagnent depuis une dizaine d’années

En 2000 :

  • La dépense pour la formation professionnelle continue et l’apprentissage avait diminué de 1,8% pour atteindre 21,65 milliards d’euros, soit 1,55% du Pib, niveau déjà observé au début des années quatre-vingt-dix.
  • La dépense des entreprises était de 9,3 milliards d’euros dont 7,2 milliards pour la formation continue ; de l’Etat : 8,2 milliards d’euros dont 3,4 milliards pour la formation des actifs occupés ; des régions : 1,9 milliards d’euros ; des autres administrations

 

 

LES ACTEURS DE L’APPAREIL PUBLIC DE FORMATION CONTINUE

  • L’Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA)

  • Le Conservatoire des Arts et Métiers (CNAM)

  • Les Centres de formation continue des universités

  • Les GRETA qui sont des groupements d’établissements locaux d’enseignement (collèges, lycées) qui fédèrent leurs ressources humaines et matérielles afin d’organiser des actions de formation continue pour adultes.

 

L’ACCORD INTERPROFESSIONNEL DU 20 SEPTEMBRE 2003

ET SON APPLICATION DANS LA LOI

 

Le droit individuel à la formation (DIF) : il est au minimum de 20 heures par an, cumulable sur 6 ans, soit 120 heures pour les salariés en contrat à durée indéterminée. Pour les salariés à temps partiel, cette durée est calculée au prorata temporis. Le droit demeure donc extrêmement insuffisant (trois jours par an). Ce droit est à l’instigation du salarié, avec l’accord de l’employeur.

Les actions de formation peuvent avoir lieu pendant le temps de travail ; le salarié conserve alors son salaire mais aussi hors du temps de travail, le salarié perçoit alors une allocation de formation, non soumise à cotisation, équivalente à 50% de la rémunération nette. Par conséquent, tout ou partie de la formation peut être effectuée en dehors des heures de travail. Surtout l’allocation de formation est loin d’être équivalente au salaire brut, voire au taux horaire des heures supplémentaires. De plus, exonérée de cotisations sociales, cela contribue à tirer les salaires vers le bas.

Ce droit est transférable en cas de licenciement, de licenciement économique, de fermeture de l’entreprise ou de restructuration. Il n’est donc que très insuffisamment transférables.

Les coûts liés à la formation et l’allocation de formation sont à la charge de l’entreprise.

En cas de désaccord durant deux exercices civils entre le salarié et son employeur sur le choix de l’action de formation, le salarié bénéficie de la part du Fongecif dont il relève d’une priorité d’instruction et de prise en charge financière de son CIF. L’entreprise doit, dans ce cas, verser en complément le montant de l’allocation de formation acquise au titre du DIF, majoré du coût de la formation.

Enfin une légère augmentation du financement des entreprises a été arrachée. Mais il demeure largement en dessous des besoins de dépenses : la contribution minimale des entreprises de 10 salariés et plus passe de 1,5% des rémunérations versées à 1,6% (au 1er janvier 2004) ; de 0,25% à 0,4% (au 1er janvier 2004) et à 0,55% (au 1er janvier 2005) pour les entreprises de moins de 10 salariés.

Le choix de la formation, de son contenu, de sa période et de ses modalités restent de fait sous la pression de l’employeur.

Le projet de loi de transposition

Dans les conditions actuelles de transposition législative de l’accord, les luttes sur la formation et les négociations de branche prennent une importance cruciale.

Jusqu'à présent, la formation professionnelle continue d'un salarié relevait de son initiative, le projet d’article 4 supprime l'initiative du salarié à l'article L 900-3 du code du travail et crée l'initiative de l'employeur avec le projet d’article 7. Le plan de formation pourrait ainsi devenir une obligation pour le salarié alors qu'il n'était jusqu'alors qu'une opportunité.

Le projet de loi ignore les articles de l'accord concernant l'entretien professionnel, le passeport formation, la Validation des acquis de l’expérience et les observatoires des métiers.

Pour le DIF, le projet de loi précise que le principe est la formation hors temps de travail et qu’il faut un accord de branche pour que ce soit dans le temps de travail. Pour la rémunération le projet parle du maintien du salaire quand la formation se déroule pendant le temps de travail mais de seulement la moitié du salaire si c'est hors temps de travail. De plus le projet ne reprend pas la prise en charge par l'employeur des frais de déplacement et de repas et la tranférabilité des droits n'est pas non plus reprise.

Les actions dans le cadre du plan de l'entreprise sont durcies pour le salarié :

La possibilité de formation hors temps de travail pour les actions liées à l'évolution des emplois (50 heures payées à demi salaire) serait un peu plus formalisée (un accord écrit du salarié). Le respect des temps de repos légaux prévu par l'accord ne serait pas repris. Pour le développement des compétences (80 heures hors temps de travail payées à demi salaire) la notion d'évolution de la qualification et de sa reconnaissance par l'employeur ne serait pas prise en compte (cf. article 8.2.2 de l'accord et article 10 de la loi)

  1. Contrat de professionnalisation : pour les moins de 26 ans c'est le décret qui prévoirait le niveau de salaire.
  2. L' article 12 de l'accord qui ouvre des pistes pour une priorité accordée aux non qualifiés dans le CIF ne serait pas repris par la loi.
  3. Sur les financement, les revendications patronales seraient prises en compte puisque leur augmentation de 0,1 point (pour les grandes entreprises) serait plus que compensée par des déductibilités nouvelles (et par un coût plus faible du contrat de professionnalisation par rapport aux contrats de qualification et d'adaptation).