Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Convertir les emplois précaires en emplois stables

L'emploi sous ses formes les plus précaires est un axe stratégique du capitalisme pour le renforcement de l'exploitation, les profits et la domination. Il concerne en majorité les jeunes et les travailleurs pas ou peu qualifiés mais s'étend à toutes les catégories.

Nous opposons à cette insécurité sociale généralisée, la mobilité mais dans la sécurité avec la continuité des revenus. Nous visons la conversion des emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés.

L'un des obstacles majeurs réside dans l'isolement des précaires. Les précaires sont l'objet de la sollicitude de la population mais en même temps peu soutenus concrètement dans les entreprises lorsqu'ils sont rejetés dans le chômage. Alors même que la majorité des familles comportent des précaires et que le système vise à généraliser la précarité à tous les travailleurs.

Les conditions sont donc réunies pour développer de réelles solidarités en montrant à quel point tous les travailleurs ont intérêt à s'opposer au développement du recours aux CDD et à l'intérim dans les entreprises. Que ces luttes deviennent l'affaire de tous est la première condition pour des succès importants et durables.

On peut d'abord s'appuyer sur les textes et la jurisprudence existants pour des résultats immédiats :

Dans la législation actuelle le recours aux CDD et à l'intérim n'est possible que pour le remplacement des absents, pour des surcroîts temporaires d'activité, et pour diverses mesures d'insertion (formations en alternance, CES, CIE, etc….) Il est d'une manière générale interdit de recourir à l'emploi précaire pour « pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ». Dans les faits la loi est massivement violée quotidiennement par des milliers d'entreprises qui ont fait du recours à l'intérim un mode de gestion permanent. Sans aucune justification les patrons écrivent sur les contrats

« surcroît d'activité », utilisent un volant permanent de remplaçants ou pourvoient des postes permanents avec des CIE ou des contrats de qualification successifs, ils font ainsi travailler dans l'illégalité des centaines de milliers de travailleurs qui alternent constamment emploi et chômage. Cette délinquance patronale a pris une ampleur telle qu'elle est considéré comme étant difficile à combattre.

Mais la nouveauté depuis quelques années est le développement d'une jurisprudence des tribunaux qui, saisis de plaintes par des travailleurs précaires, transforment les contrats temporaires en contrats à durée indéterminée. En particulier la Cour de Cassation expose clairement que lorsqu'une entreprise utilise une proportion constante d'intérimaires, ceux-ci doivent être requalifiés en CDI (affaire Servair et nombreux résultats chez Peugeot, Renault, à la Poste). Mais ces actions sont trop rares, longues à aboutir, et souvent tardives et peuvent se révéler aléatoires en cas de revirement ou d’infléchissement toujours possible de la jurisprudence.

Il s'agirait donc dans toutes les entreprises qui recourent massivement à l'emploi précaire de s'appuyer sur la loi, la jurisprudence et les succès déjà obtenus pour exiger l'embauche des intérimaires et pousser à la négociation de plans de résorption de la précarité.

On pourrait aussi exiger dans le cadre du contrôle des fonds publics que les entreprises qui ne respectent pas la loi ne puissent bénéficier des aides publiques de toute sortes. La législation prévoit d'ailleurs que les patrons qui pratiquent le travail illégal peuvent être privés des aides à l'empli et à la formation pendant 5 ans, mais cette législation n'est que très rarement mise en œuvre (article L 324-13-2 du code du travail).

On peut imposer, en particulier dans les conseils régionaux, que les aides soient conditionnées à la négociation d'accords d'entreprises de résorption de l'emploi précaire, de mise en formation et d'embauche des précaires.

 

Sécuriser durablement l'emploi et la formation des précaires nécessite cependant une nouvelle législation.

C'est le but que poursuit la proposition de loi récemment déposée par le groupe communiste et républicain à l'Assemblée Nationale à partir d'une initiative de Daniel Paul et des communistes de Seine-Maritime.

Ce projet propose d'abord de plafonner à 5% de l'effectif de chaque entreprise le nombre d'intérimaires et de CDD afin, dans un premier temps re faire respecter de manière efficace les objectifs actuels de la législation. Sachant que les précaires sont concentrés dans quelques secteurs d'activités et dans les grandes entreprises cette seule mesure conduirait à la titularisation des 3/4 des précaires.

Au delà de cette limite le projet met en place tout un dispositif de sécurisation de l'emploi et de la formation avec une institution démocratique nouvelle chargée d'organiser la mobilité avec des actions de formation et la continuité des revenus permettant la conversion de l'emploi précaire en emploi stable et l'élimination de l'angoisse du rejet dans le chômage.

Pour assurer le succès de cette réforme il est proposé que les travailleurs et les comités d'entreprise soient investis de pouvoirs de décision et non plus seulement de consultation.

Il s'agit de populariser cette proposition de loi avec l'objectif ambitieux de la faire aboutir. Cela passe par des mobilisations importantes autour de ses contenus qui seraient aussi des points d'appuis pour porter des exigences concrètes dans les entreprises.

On peut mettre cela en débat dans les forums locaux organisés par les communistes ou par d'autres, faire connaître ces propositions aux organisations syndicales, aux organisations et collectifs de chômeurs ou de précaires. En faire une proposition de loi citoyenne en la soumettant à l'approbation des travailleurs dans les entreprises et des populations dans les localités.

 

Par Chicote Sylvian , le 30 November 2003

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