Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le plan local pluriannuel pour l’insertion et l’emploi

Ce dispositif d’insertion est de l’art. 16 de la Loi d’Orientation du 29 /07 /98 relative à la lutte contre les exclusi ons. Il ouvre le volet emploi de la loi en confirmant la légitimité d’une démarche collective (1) qui met en cohérence des interventions publiques au plan local afin de favoriser l’acc ès ou le retour à l’emploi des personne s les plus en difficulté.

 

Au départ, un contexte local

Un PLIE n’est pas mis en œuvre par tout . Il l’est le conte xte local met en évidence plusieurs facteurs qui ont favorisé l’exclusion dura ble d’hommes et de femmes adultes.

Le terr itoire d’un PLIE a souvent une histoire industr ielle, marquée par des mutat ions lourdes qui se matér ialisent par la délocalisation d’entr eprises, des fermetur es de sites de production puis des friches industr ielles.

Par ailleurs , les employeurs qui ont licenc et qui ne s’éta ient pas souc de la format ion de leur personne l, n’ont manifesté aucun intérêt pour leur devenir après le dépar t de l’act ivité.

Enfin, sous la press ion de l’Europe, l’aména gement du terr itoire constate des phénomènes de métr opolisation dont l’un des aspects impor tants est la ter tiairisation de l’économie. Ainsi les salariés de l’industr ie qui possé daient des qualificat ions, n’ont pas trouvé à les réemp loyer auprès de la nouvelle générat ion des entr eprises qui se sont implantées . Ainsi se trouvent réun is sur ces terr itoires dits « per tinents » les indicateurs suivants :

  • Plus de 50 % de la population résidente a une format ion inférieur e au BAC, dont une par t n’a aucun diplôme,

  • Plus de 50 % des chômeurs inscr its à l’ANPE ne possè dent pas le BAC,

  • Les h ommes r e pr ésentent le plus for t tau x d es chômeurs de longue durée ,

  • Une faible par t des actifs rés idents tra vaillent sur le terr itoire cons idéré,

  • Le chômage de longue durée augmente propor tionne llement à la mutat ion du terr itoire, mar quant ainsi le « décr oc hage » entr e les habitants et les nou veau x emplois,

  • La par t des bénéficiaires du RMI augmente rapidement ,

  • Les entr eprises locales obser vent des difficultés de recrutement : le taux de satisfaction des offres tend à diminuer, alors que le taux de chômage est impor tant .

Malgré une « pathologie » identifiable, les responsables ne sont pas les payeurs.

Le préam bule du texte (2) définit l’exclusion dura ble du marché du tra vail comme le résu ltat « d’une accumu lation de difficultés profess ionne lles et sociales liées à un faible niveau de qualificat ion, à la situat ion familiale, à l’âge, au logement , à la santé , ou encor e à la marginalisation sociale ».

Cette définition, de l’ordre du constat , qui recou vre pourtant une réalité, culpabilise la personne exclue, et stigmatise les pouvoirs locau x qui aura ient laissé s’insta ller de telles situat ions sur leur terr itoire Or cette susp icion cont ient des contr epar ties non explicites, et par ticulièrement coûteuses pour les villes, et notamment par ce qu’il n’est écrit nul par t que la per te dura ble de salaires appliquée à un nom bre impor tant de salariés résidants du terr itoire, à la suite d’une mutat ion économ ique, a engendré une accumu lation de difficultés (ce lles citées dans le constat) qui n’ont pu trouver de solution dans leur retour à l’emploi mass if, faute d’offres corr es pondantes . Il n’est pas écr it non plus que les moyens mis en œuvre sur les terr itoires concernés et financés par l’impôt local se sont révélés insuffisants à résoudr e les problèmes engendrés par des mutat ions structur elles nationales et au-delà. Pas plus qu’il est reconnu que l’appauvrissement d’une par tie de la population joue un rôle négatif sur la masse des ressour ces collectées donc sur l’équilibre du budget local.

L’étude de diagnostic et de faisabilité au cœur des enjeux du PLIE

Les risques encourus par les villes sont de l’ordre du financement de tous les blocages qui const ituent des « freins d’accès à l’emploi » : le logement , la santé , les dettes , la garde d’enfants , la restaurat ion scolaire Les CCAS pour une part, les centr es municipaux de santé , les offices d’HLM d’autr e part, ont engagés ce type d’action pour lutter contr e la pauvreté au plan loca l, mais cet effor t noto irement insuffisant , vue l’ampleur du besoin, const itue l’essent iel du budget de fonct ionnement des villes sans jamais pouvoir atte indre la rémission de ce mal social.

Depuis l’accès de la Droite au pouvoir, les textes (3) vont encor e plus loin. Il sera it doréna vant de la responsa bilité des villes dans le SPE (4) de constru ire une veille économ ique locale « qui permette de prévoir les mutat ions économ iques telles que l’ant icipation des restructurat ions des grosses entr eprises ou de crises sector ielles, au sens de l’analyse des risques économ iques et sociaux pouvant porter atte inte au terr itoire ».

Inut ile de dire que de tels out ils de prévision et d’expertise n’existent pas dans les villes, parce que la plupart n’en ont pas les moyens . Mais en supposant que cela soit poss ible, quels sera ient dans ce cas les moyens que l’Etat mettra it à la dispos ition des terr itoires ? La circulaire de la Droite reste muette sur ce sujet.

Par contr e dans les faits de l’actua lité économ ique nous voyons bien que les terr itoires sont soum is aux décisions de Bruxelles (Affaires Vivendi Universa l, Alsthom …) qui prend des décisions économ iques et financ ières concernant les groupes et leur position concurr entielle dans le paysage eur opéen, mais cette décision se désintér esse des consé quences sur l’emploi local et de leur impact sur les terr itoires concernés . Or les PLIE ne pourr ont cer tainement pas répar er l’ensem ble des consé quences désastr euses des décisions de Bruxelles, quan d bien même ce sera it avec des fon ds eur opéens ! On voit bien que cette construct ion européenne appelle d’autr es pratiques, qui ne peuvent se résumer en de la distr ibution de moyens ponctuels pour calmer localement l’opinion publique.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement Raffarin a recon duit les PLIE, mais com pte de façon tout à fait explicite maintenant sur les collectivités terr itor iales pour lutter contr e les « freins à l’emploi » que sont le logement , la santé , etc . sans pour autant nommer les moyens financ iers qui leur sera ient trans férés . Sur ce point la loi de décentra lisat ion n’est pas plus loquace

C’est donc dans l’étu de de diagnost ic qu’il faut faire par tager (5) le principe selon lequel il n’est pas de la res ponsa bilité des villes d’avoir accue illi une population pauvre et « sous diplômée » mais qu’il s’agit de résu ltats de politiques économ iques et patr onales de désindustr ialisation et de déloca lisat ions sur les quelles les villes n’ont pas été consu ltées . Il en va de même pour ce qui est du déplacement des populations les plus pauvres vers la périphérie. Ces situat ions subies par les villes au détr iment de leurs ressour ces entr e autr es, le sont histor iquement sans com pensat ion budgétaire.

Enfin, l’étu de de diagnost ic et de faisab ilité aboutit à une programmat ion qualitative et quant itat ive d’actions et de financements dont l’envelopp e globale peut atte indre plusieurs millions d’Euros répar tis en un programme pluriannue l. Ces actions et ces financements étant le résu ltat d’un consensus entr e l’ensem ble des par tena ires.

Le financement du PLIE

Ce dispos itif qui mutua lise des moyens humains, financiers et inst itut ionne ls, prend en charge l’ingénierie du monta ge d’actions d’inser tion. Il est en généra l financé à :

  • 45% par la FSE

  • 55% par les collect ivités terr itor iales, dont 20 % par les villes.

L’Etat app or te une contr ibution en natur e par la mise à dispos ition renforcée des dispos itifs de politique généra le de l’emploi.

Le PLIE étant un out il du contrat de ville, la Région engage des financements au titre des projets relevant de l’inser tion (accè s au numér ique, chantiers d’appr entissage, créat ion d’assoc iations intermé diaires, etc)

Mais au-delà de cette intent ion contractue lle de l’État et de la Région, la réalité des politiques nationales et eur opéennes sont actionnées par le co-président du Comité de Pilota ge (6), le Préfet du département , dans des objectifs qui ne sont pas toujours par tagés avec les villes. Il peut s’agir de straté gies d’intégration accé lérée vers l’inter commu nalité inst itut ionne lle (loi Chevènement) , ou de remise en cause d’actions gagnées pendant l’étu de de diagnost ic au profit de dispos itifs de l’État moins coûteu x. Ainsi à chaque moment de vie du dispos itif la vigilance avisée des élus est une exigence .

La conjonctur e et la politique européenne jouent auss i un rôle non négligea ble dans la mise à dispos ition des moyens de nos PLIE locau x.

En effet l’objectif du pacte de stab ilité de « zéro déficit » pèse singulièrement sur les dépenses sociales, alors que la crise s’appr ofondit et fait naître une nou velle deman de sociale. La réforme du FSE à l’horizon 2006 fait craindre pour la pérennité des actions engagées…

De même la réforme fiscale de la Taxe Profess ionne lle et son mode de com pensat ion qui n’est maintenu qu’à hauteur de 90 % par l’État, ne risque-t-il pas d’êtr e encor e bouleversé par la loi de décentra lisat ion, en rédu isant les marges de man œuvres financ ières des villes ? Autant de quest ions aujour d’hui sans réponses politiques alternat ives por tées au plan national.

De son côté le gouvernement Raffarin a décidé de passer une con vention avec EUROPLIE (7) pour « contr ibuer au développement cohérent du PLIE sur l’ensem ble du terr itoire » dans un souci préten du « d’animation des ressour ces de l’ensem ble du dispos itif ». L’ANPE par ailleurs a conc lu une autr e con vention avec Alliance Ville Emploi (8). Celleci se veut êtr e un par tenar iat de « co-traitance » pour inter venir localement sur le champ, les moda lités , les cadres de l’action et de la négociation des conventions de coo pérat ion au risque de pousser encor e plus loin la marchandisation de l’inser tion.

L’énoncé des difficultés de ce dispos itif n’est pas contra dictoire avec sa nécessa ire mise en œuvre sur les terr itoires concernés , le tra itement de proximité des difficultés est une exigence . La mob ilisat ion de tous les acteurs du terra in qui inter viennent sur l’emploi et la mutua lisat ion de leurs moyens humains financ iers et techn iques pourraient êtr e un formidable levier mis au ser vice de ceux qui en ont le plus besoin.

A ce titre le PLIE est généra lement reconnu comme le plus adapté et le meilleur out il d’inter vention local pour l’inser tion…Mais la vigilance et la format ion des élus, l’inter vention des assoc iations de chômeurs des syndicats et des habitants , sont une abs olue nécess ité. De même la par ticipation des entr eprises locales en terme de sor tie de dispos itif dans l’emploi, devrait permettr e la mob ilisation du secteur banca ire et du cré dit autour du projet de terr itoire, pour une tout autr e « attract ivité » tirant son efficacité des coo pérat ions .

  1. Le PLIE est une plate forme de moyens financiers, techniques et humains. C’est une démarche partenariale accompagnée et soutenue par l’Etat au moyen des fonds européens (FSE) entre autres. Elle est destinée à coordonner la mobilisation des moyens supplémentaires à ceux existant déjà sur le territoire et proposés par l’ ANPE et les Missions locales.

  2. Circulaire DGEFP 99/40 du 21/12/99

  3. circulaire DGEFP 2002/49 du 21/11/02

  4. Service Public de l’Emploi constitué de l’ANPE, des villes concernées et de leurs Missions Locales, de la DDTEFP, de la Mission RMI, les missions interministérielles, les ASSEDIC, la COTOREP, l’AFPA.…

  5. Notion de « diagnostic partagé » : il s’agit de parvenir à un consensus entre les différents partenaires qui ne représentent pas les mêmes intérêts. D’où l’importance d’être très à l’offensive durant la phase diagnostic.

  6. Principal instrument de portage politique du PLIE. Il est présidé par le Préfet qui est personnellement garant des fonds européens du FSE et de la cohérence des complémentarités des différentes politiques nationales d’aménagement du territoire, du développement économique, et de l’emploi.

  7. Association créée en 1997 pour gérer les ressources des PLIE sur l’ensemble du territoire européen.

  8. Association de collectivités locales, d’établissements publics à coopération intercommunale (EPCI) et de plans locaux pour l’insertion et l’emploi (PLIE). « Tête de réseau elle met en œuvre un cadre national aux PLIE ». En fait cette association née dans les années 1980 de « villes de Droite » réunies autour de Rueil-Malmaison a l’ambition de chapeauter l’ensemble des PLIE.

 

 

Par Morin Geneviève, le 30 November 2003

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