Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Des bastilles à prendre

Des luttes interprofessionnelles, intergénérationnelles et pouvant dépasser les murs de l’entreprise comme les frontières existent.

L’expérience que j’ai vécue comme militant CGT au sein de Marine Communication (composées de plus de 880 salariés dans la branche Télécom dont une très grande majorité de salariés externalisés d’Alcatel Réseaux d’Entreprise), fut une lutte pour tenter de sauver l’entreprise et aura connu 2 étapes qui ont duré plus de 18 mois, suite à son redressement judiciaire de décembre 2001. Celle-ci continue malgré la liquidation prononcée en juillet 2003.

Cette lutte fut et est toujours multiforme ; bien entendu il y a la bataille pour l’emploi, par rapport à Alcatel qui n’a cessé de pratiquer un délit de marchandage ; en effet Alcatel dès 1998 payait à perte Marine Communication, comme le nouveau repreneur Marine Télécom, mais en plus Alcatel était le donneur d’ordre.

Avec notre syndicat nous luttons pour la défense de l’emploi en exigeant d’être réintégrés dans notre véritable entreprise qu’est le donneur d’ordre Alcatel Réseaux d’Entreprise. En conséquence nous avons expliqué et incité le personnel à porter plainte communément aux Prud’hommes (429 collègues se sont inscrits), mais en même temps notre syndicat avec la Fédération des Bureaux d’Etude à laquelle s’est jointe celle de la Métallurgie en plus du Comité d’Entreprise ont porté plainte au Pôle Financier. Il nous a fallut un an d’efforts, de recherches pour construire, constituer ce dossier et depuis septembre 2003 un Juge d’instruction est chargé de notre affaire. C’est une première en France, jamais une plainte suivie d’une instruction au Pôle Financier ne fut à ce jour initiée, lancée au départ par des organisations syndicales.

Oui nous affirmons que nous sommes privés de notre travail, mais aussi et avec force qu’à travers notre cas ; le monde du travail fut volé d’une partie des revenus socialisés non versés en raison de la situation économique de l’entreprise (cotisations Sécu, Retraites, complémentaires santé comme retraite, etc…) en plus d’un manque pour les taxes professionnelles comme de l’impôt des sociétés. Ce total s’élève à plus de 220 millions de francs rien que pour le cumul des « cotisations sociales » et « divers impôts ».

Mais à cause de ce plan de licenciement différé, nous devons voir aussi les conséquences que cela a sur les AGS, aussi bien pour le payement des jours de congés non pris lors du redressement que par les dites indemnités de licenciement ; à cela nous devons rajouter le coût pour les Assedic comme celui de divers organismes sociaux (exemple la CAF en raison de la situation financière des uns et des autres), et idem pour l’Etat par rapport à une baisse de rentrée toujours du fait de la baisse des revenus du personnel licencié.

En clair Alcatel a volé le personnel mais aussi de façon directe et indirecte tous les organismes sociaux ainsi que l’Etat.

A nos yeux toutes les batailles microéconomiques, en les prenant sous tous leurs angles s’incluent de fait dans les batailles macroéconomiques. Par exemple entre notre cas et la lutte du printemps dernier pour la retraite il y a un lien énorme. En France y a t il trop de « bénéficiaires » de solidarité ou bien trop de salariés privés d’emploi ? Trop de reversements ou remboursements ou bien un manque avant tout de recettes ?

Quant aux propos contenus dans le rapport du CAE (Conseil d’Analyse Economique) fait par Messieurs Olivier Blanchard et Jean Tirole et remis à Monsieur Raffarin, nous tenons juste à poser les questions suivantes en raison de notre expérience : quel « impôt de licenciement » payeraient dans le futur les entreprises en liquidation (plus de 48000 pour 2003 selon les estimations) ? Et si ces liquidations sont le fait des grands groupes (donneurs d’ordre), est-ce que ces groupes payeraient ces fameux impôts ? Ce rapport du CAE n’est rien qu’un numéro d’illusionniste. Nous affirmons que les meilleurs défenseurs de l’emploi, de la Sécurité sociale, de la retraite… de la situation du pays, ce sont les salariés avec leurs syndicats et non pas les grands groupes, pardon je dois dire plus exactement les « pétainistes industriels ou financiers ». Si l’on souhaite que les salariés et syndicats soient plus efficaces pour l’intérêt général il convient non pas de leur enlever des droits mais au contraire de leur donner plus de droits et de pouvoirs. Ainsi peut-être que la France d’en bas cesserait-elle d’être de plus en plus « enterrée » ! En tous cas malgré la mise en liquidation de l’entreprise, nous voulons retrouver nos emplois mais aussi que toutes les cotisations non payées aux organismes sociaux soient réglées par Alcatel.

Sur ces points, nous ne sommes pas prêts d’abandonner ni d’aller vers un pseudo compromis. A nous d’exiger ensemble avec les forces politiques qui veulent s’attaquer à ces scandales que le Gouvernement s’en prenne véritablement aux « patrons voyous ».

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Des bastilles à prendre

Par Ottaviani Jean Pierre, le 30 November 2003

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