Depuis la fin des années 80, avec notamment le livre blanc sur les retra ites de Michel Rocar d en 1991, la bata ille idéologique fait rage autour de quelques thèmes simples.
Dans cette bata ille d’idées les choses ne sont pas figées . Il est clair que les tenants des fonds de pensions sont plus discrets (dans les mots) qu’il y a quelques années . L’éclatement de la bulle bours ière n'est pas pour rien dans cette souda ine discrét ion. Mais on peut y voir auss i les retombées des scanda les liés au type de gouvernance des entr eprises imposé par les fonds de pension. Ce recul apparent a pu tranqu illiser dangereusement . C’est ainsi que des formes camou flées de fonds de pension ont commencé à se mettr e en place, sans susc iter de réact ions suffisantes (voir encar t page 13).
En effet, pen dant toutes ces années gouvernements et patr onat ne s’en tiennent pas à une bata ille d’idées. Des changements profonds commencent à se mettr e en place. Ainsi, à partir de la moitié des années 80 s’inverse le mouvement , cont inu depuis 1945, de hausse des cotisations patronales. Le patr onat met en avant le dogme de l’imposs ibilité d’augmenter les cotisations patr onales, voire la nécess ité de les diminuer au nom de la com pétitivité des entr eprises. En 1993, Dès son arr ivée au pouvoir, avec les décrets du 22 juillet, le gouvernement Balladur met en œuvre, pour le privé, une grande par tie des propositions du livre blanc de Michel Rocar d :
La progress ivité des mesur es, étalée sur 10 à 15 ans , avait masqué l’impor tance du danger.
Dans la foulée des décr ets Balladur qui por taient sur la retra ite de base, le CNPF a réuss i à imposer en 1993 et 1996 des accor ds sur les retra ites com plémenta ires qui par taient du préalable, non négociable, du blocage des cotisations.
L’effet de ces mesur es se fait sent ir de manière progressive mais ira en s’accé lérant . Le Conse il d’orientat ion des retra ites (COR) a est imé que leur effet sur la baisse du taux de remplacement (ratio montant de la retra ite / salaire) sera it de 20 points en moyenne .
Mais il est intér essant de voir plus en détails les différenciations. L’accor d AGIRC, pour les cadres, est beaucou p plus dracon ien que celui de l’ARRCO. La CGT a pu calculer que pour les cadres supér ieurs le taux de remplacement pourrait passer de 51% en 1998 à 37% en 2040. On voit l’intérêt pour les par tisans des fonds de pension qui visent plus par ticulièrement cette caté gorie sociale.
Les mesur es Balladur ont des effets particulièrement désastreux pour les femmes touchées de plein fouet par les mod ificat ions du mode de calcul (25 meilleur es années et allongement de la durée de cotisation).
La propor tion de femmes n’ayant pas du tout cotisé ou ayant une carr ière incom plète avait tendance à diminuer régulièrement avec la généra lisat ion du tra vail des femmes . Mais le passa ge des 10 meilleur es années à 25 ans et l’allongement des carr ières a pour consé quence de recommencer à creuser l’écar t entr e les retra ités hommes et femmes , plus for tement encor e que chez les actifs. Ce sont en effet les femmes qui sont les plus frappées par le chômage, qui subissent le temps par tiel, qui interr ompent leur tra vail pour éduquer les enfants . Les quelques avantages liés aux enfants (bonification d’années) com penser ont de moins en moins ces han dicaps et ils sont eux auss i menacés .
Déjà aujour d’hui, la pension moyenne des femmes est de 848 euros contr e 1 461 eur os pour les hommes . Soit un écar t supér ieur à 40%.
A ces effets directement liés aux réformes déjà engagées, il faut ajouter l’augmentat ion rapide des cotisations prélevées sur les retra ites . Après la créat ion d’une cotisation maladie de 2 % pour les retra ités , la montée en puissance de la CSG créée en 1991 et augmentée en plusieurs éta pes a frappé tout par ticulièrement les retra ités dont les contr ibutions sont ainsi passées en 15 ans de 2% à 7,5%. On peut craindre que ce mouvement ne soit pas fini quan d on prend conna issance des propositions du congrès du PS pour la retra ite, ou d’une par tie de la droite pour l’assurance maladie. Tous proposent d’utiliser de plus en plus la CSG pour dédouaner les entr eprises de leurs responsa bilités . Or la CSG est un pr élèvement d’autant plus renta ble qu’il frappe uniformément les plus pau vres (c hômeurs et retra ités com pris, à par tir du smic) au même taux que les plus riches.
La dernière mesur e des décrets Balladur c’est le passa ge de l’indexation des pensions par rappor t à l’évolution des prix et non plus des salaires. C’est la mesur e qui, à terme , coûtera le plus cher aux retra ites . C’est auss i la plus lour de de valeur symbo lique puisqu’elle rompt la solidarité entr e les générat ions . Elle prive les retra ités du bénéfice des progrès de la productivité ainsi que des luttes des actifs. (Pour le chiffrage du coût des mesur es Balladur, voir l’article de C. Mills dans ce numér o).
On a donc une première raison d’exiger une rée lle réforme du système de retra ite. Garder les mécan ismes mis en place ces dernières années se tradu irait par une dégradation de plus en plus rap ide du niveau des retra ites . M. Fillon ne se prive pas d’utiliser l’argument que le gouvernement de gauc he n’a pas abrogé les décr ets Balladur. C’est vrai. Mais n’est-il pas temps de tirer les leçons des err eurs de cette période.
it
Une réforme contre les femmes 66 %, déjà, des femmes partent en retraite avec une carrière incomplète : carrières plus heurtées (éducation des enfants, une femme sur trois à temps partiel (non choisi pour la moitié d’entre elles), alors qu'elles prennent leur retraite en moyenne à 62 ans, 2 ans plus tard que les hommes. De plus elles subissent, en activité, un écart des salaires hommes femmes de 25 %, Le projet Fillon va aggraver leur situation : allongement de la durée de cotisation à 168 trimestres (quarante-deux ans) -article 5 du projet de loi- instauration du système de décote dans le public contre les femmes qui, en moyenne, ne cotisent que 30,5 années. Pour le public, les bonifications liées aux enfants sont supprimées: Avant décembre 2003, chaque enfant ouvrait droit à une amélioration de 2 % du montant de la retraite. L’avantage est supprimé pour les enfants nés après le 1 janvier 2004. Si on introduit, dans le projet, une validation des périodes d'interruption liées à la petite enfance, par contre pour les femmes qui continueront à travailler aucune validation ou bonification supplémentaire ne leur sera accordée. Pour le privé : les bonifications seront maintenues, mais elles seront partiellement ou pas du tout retenues pour le calcul de certains droits (minimum contributif, départ anticipé) |
s
Ce (gros) préalable étant posé, il reste à examiner la réa lité des problèmes à venir.
Indexation sur les prix : une machine à laminer les retraites Avec le changement de référence de l'indexation des retraites celles-ci ont perdu 10 % de leur pouvoir d'achat. Selon le COR, ce seul dispositif fera perdre 1pouvoir d'achat par rapport aux actifs en 2040. Avec le changement de référence pour l'actualisation des salaires antérieurs nécessaire au calcul de la pension, la perte sera de l'ordre de 12 % au terme du processus BalladurFillon. Déjà par ce mécanisme le salarié qui a cotisé toute sa carrière au plafond de la sécurité sociale ne touche pas 50 % de celuici, mais seulement 44 %. |
La démograph ie est le premier de ces problèmes . Il n’est bien sûr pas quest ion de céder à ceux qui utilisent l’argument du doublement du nom bre de retra ités pour tout brader. Mais nier la réalité du problème reviendrait juste ment à leur laisser le terra in libre.
Il y a donc beso in de tra vailler des solutions nou velles avec l’am bition d’amé liorer la situat ion du plus grand nom bre des retra ités qui ne sont pas, loin de là, des privilégiés. Il faut impérat ivement trouver des financements nou veaux.
Reprenons donc quelques-uns des arguments utilisés
.Les faits :
La durée de vie va cont inuer à augmenter ? C’est effect ivement une consé quence pr évisible des progrès de la médec ine. Mais pas seulement de la médec ine. Cet allongement de la durée de vie dépend d’autr es facteurs , notam ment sociaux (con ditions de vie et de tra vail…), environnementau x… Dire cela c’est montr er que le danger existe auss i de recul. L’exem ple des pays de l’Est et, pire encor e, celui de l’Afrique montr e que rien n’est irré vers ible.
A l’autr e bout de la vie le nom bre à venir de naissances est un facteur qui lui auss i dépen d de facteurs soc iaux nom breux et com plexes.
En Europe, seule l’Irlan de et peut-êtr e la France sont en capacité d’assur er le renou vellement natur el des généra tions. La situat ion est beaucou p plus préoccu pante dans les autr es pays. Il faut donc refuser le fata lisme et voir comment aller vers ce renou vellement . On ne peut ignor er l’impact d’une politique réellement volontar iste en matière d’aide aux familles. Il existe auss i un lien com plexe mais réel entr e l’évolution de la nata lité et les crises économ iques et de société.
En clair, rien ne permet d’affirmer que le taux de nata lité et donc le nom bre de futurs actifs, à moyen terme , est connu d’avance . Dans ce doma ine auss i les choix politiques peuvent avoir une influence .
Les tra vaux du COR montr ent que la par t des dépenses de retra ite dans le PIB va s’accr oître de 50% entr e 2020 et 2040 (+6 points , de 12,6 à 18,6%) ce qui n’est pas insur montab le. Ainsi, de 1960 à 2000, cette croissance des dépenses a été deux fois plus rap ide passant de 6 à 12 %. Il faut en même temps dégager les moyens de financement nécessa ire au développement des retra ites et ne pas s’en tenir à l’idée qu’on pourra it régler le problème en répar tissant un peu mieux, c’est -à-dire plus justement les richesses .
La part des salaires dans la valeur ajoutée globale (voir graphique dans le pdf)
En revanc he une act ion réso lue pour remonter la par t salaires dans la valeur ajoutée (ce lle-ci a baissé de 10 points depuis 1983) est nécessa ire.
De même , il est indispensab le de sor tir de la logique des exonérat ions de charges sur les bas salaires qui tire tous les salaires vers le bas et prive les régimes de retra ite de cotisations.
Mais il ne suffira pas de faire des propositions visant à répar tir plus justement l’effor t. On ne pourra pas se dispenser de répondr e à la quest ion de savoir comment sat isfaire des beso ins croissants , sans augmenter les richesses créées . Cela impliquera it de rom pre avec les orientat ions libéra les et social-libéra les pour impulser une toute autr e logique.
La proposition de constru ire une sécur ité d’emploi et de format ion permettra it de répondr e à cette quest ion centra le du doss ier des retra ites . En ruptur e avec la logique du capitalisme, elle const itue une issue concrète aux problèmes de la crise actue lle en faisant le lien entr e l’emploi, l’essor des capacités humaines et de la production rendu possible par la révolution informat ionne lle, l’exigence de droits et de pouvoirs nou veaux pour les salariés. ■