Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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sur l’enseignement de l’économie

Nous avions publié en 2000, dans la revue Issu es la « lettre ouverte des étudiants en économie aux professeurs et responsables de l'enseignement de cette discipline ». Répondant à cet appel de pr emièr es Rencontres sur l'enseignement de l'économie vont se tenir . Nous avons jugé utile de publier la présentation de celles-ci faite par le collectif d'organisation.

COMPRENDRE L’ÉCONOMIE POUR COMPRENDRE LE MONDE : UNE EXIGENCE DÉMOCRATIQUE

La démocratie meurt quand les citoyens sont dépossédés des moyens d’intelli gence et de transformation du destin collectif. A un moment où les phénomènes économiques qui pèsent le plus sur l’existence individ uelle et sociale sont majoritairement présentés comme des

«contraintes », des «lois », des «mécanismes », c’est-à-dire des fatalités devant lesquelles l’humanité est impuissante, il est de la plus grande nécessité de s’interroger sur la manière dont s’opère la diffusion ou, bien souvent, la non d i f fusion des moy ens i nt el lect uel s per met t ant de comprendre la nature du système économique qui régit les sociétés, et plus fondamentalement encore, permettant de saisir le rôle que joue l’économie dans la société, dans le fonctionnement politique, dans la marche du monde.

Les premières Rencontres sur l’enseignement de l’éco nomie , co-pilotées par ATTAC et l’Institut de recherches de la FSU avec le partenariat actif d’associations d’étudiants, d’enseignants et de la revue Alternatives économiques, visent à poser publiquement et le plus largement la question :

Comment l’enseignement et la formation peuvent-ils donner effectivement aux citoyens les instruments théoriques et factuels qui leur sont indispensables pour comprendr e le sens des transformations économiques et sociales et avoir prise sur ces évolutions ?

ANALYSER ET RÉFORMER L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉCONOMIE

La formation du citoyen passe d’abord par le système d’enseignement. On est en droit d’attendre d’un service public la diffusion d’une culture objective, pluraliste et critique, indispensable au jugement éclairé en matière de faits économiques et sociaux. On peut également penser que cette culture économique et sociale devrait être une composante de la culture commune transmise à tous les jeunes tout au long de leur scolarité.

Qu’en est-il en réalité ? Cet enseignement fait aujour d’hui débat.

Le mouvement des étudiants pour la réforme de l’enseignement de l’économie lancé au printemps 2000 a alerté l’opinion : les facultés de sciences économiques tr ansmettent un savoir le plus souvent clos sur lui-même, atemporel, dogmatique et non pluraliste, qui ne permet pas même à ceux qui veulent devenir des spécialistes de l’économie de saisir le mouvement du monde ! Propos qui, pour vifs qu’ils aient paru, ne faisaient que suivre et précéder la substance des rappor ts les plus officiels ( Vernières, Fitoussi), qui eux-mêmes ne faisaient que dire, avec plus ou moins de force, ce que beaucoup d’universitaires jusque-là isolés pensaient depuis longtemps.

Dans un tout autre sens, l’enseignement de sciences économiques et sociales en lycée fait l’objet d’attaques virulentes et régulières de la part d’une presse d’inspiration libérale (L’Expansion, Capital) au nom d’une adaptation de l’école aux « réalités », ce qui revient à dire, sous la plume des détracteurs, que la culture transmise aux élèves devrait nécessairement obéir aux courants idéologiques dominants.

Il s’agit avec ces Rencontres de commencer un premier état des lieux et, avant d’apporter les réponses, de s’interroger collectivement sur les réalités. L’économie s’enseigne dans de multiples disciplines et à de multiples niveaux. Cet enseignement est tantôt lié à des sections dites générales, tantôt à des formations technologiques et professionnelles ; s’il apparaît parfois explicitement, il est également intégré à d’autr es disciplines (Histoire-Géographi e, Technologie). Il faudrait également jeter un regard critique sur les contenus et les pratiques de ces divers enseignements : qu’est-ce qui est enseigné ? Comment ? Dans quel esprit ? Avec quels objectifs ? Mais il y a bien d’autres questions à se poser, à commencer par la vision de l’économie transmise par les médias ou la formation permanente des adultes.

En même temps, il est indispensable de réfléchir aux transformations à apporter à ces enseignements comme aux moyens de mettr e en valeur et de développer ce qui, dans le système scolaire, contribue aujourd’hui à l’exercice d’une citoyenneté éclairée. Il conviendrait dans cet esprit de réfléchir à ce qui devrait être commun à toutes les formations et ce qui relèverait d’une spécialisation dans l’enseignement secondaire comme dans l’enseignement supérieur. De même, il faudrait certainement repenser l’art iculation entre ces différents niveaux.

Des discussions sur les programmes sont en cours dans plusieurs disciplines, des rapports sont parus, des expériences ont déjà lieu, des propositions alternatives existent, qu’elles visent la mutation dans un sens pluraliste de l’enseignement de l’économie considérée comme une science valide en tant que telle ou qu’elle passe par une science sociale unifiée. Les Rencontres auront, entre autr es buts, celui de mettr e en commun les acquis de ces expériences et les propositions de changement afin de les faire connaître à un plus large public et de les faire porter par un mouvement d’opinion plus vaste.

ÉCLAIRER L’OPINION PUBLIQUE PAR LA FORMATION CONTINUE DES CITOYENS ET LE LIBRE DÉBAT

La diffusion des instruments de compréhension du monde social et économique ne s’arrête pas au seul système d’enseignement, lequel d’ailleurs n’est pas fermé aux influences et exerce lui-même une action sur la formation et la circulation des idées. La question se pose plus largement à l’échelle de toute la société : quelles sont les médiations et instances sociales et politiques qui contribuent à former (ou à déformer) l’opinion en matière de culture économique et sociale ? Multiples sont les questions que nous devons nous poser et nombreux sont les citoyens qui ressentent le manque de vrais débats contradictoires, de véritables explications et analyses, remplacés la plupart du temps par des opérations de communication.

Nous avons cité plus haut des titr es de la presse économique. On aurait pu citer des émissions de radio ou de télévision, voire des noms de journalistes spécialisés dans le domaine : quelle représentation dominante de l’économie découle de cette information ?Y a-t-il en direction du grand public une réelle pluralité de l’information économique et sociale ? Les partis politiques, les syndicats, les associations constituent-ils encore des sources de formation, de réflexion et de pluralisme ? Leur influence a-t -el le t endance à régresser au profit des experts spécialisés ? Et les organismes publics et les administrations, quel rôle jouent-ils dans l’animation du débat économique et social ? Enfin, à une époque d’hyper-concentration du secteur, quelle fonction joue l’édition dans le débat économique ?

Les Rencontres devront s’attacher à définir les conditions d’un vrai réveil du libre débat public. Comment les acteurs de la vie sociale, comment les institutions en charge de la formation « tout au long de la vie » peuvent-ils jouer un rôle nouveau et accru? Comment la presse et les médias pourraient-ils faire leur travail d’information et de discussion de façon plus ouverte et pluraliste ?

UNE PREMIÈRE ÉTAPE

Les Rencontres n’ont pas pour but de défendre une quelconque contre-orthodoxie, qui r isquerait d’apparaître comme la simple symétrie des discours dominants.

Leur objet n’est pas seulement de critiquer ce qui se passe même si la critique est un moment nécessaire. Il s’agit de penser les conditions d’une refonte de la formation en matière économique et sociale et de proposer dès à présent des pistes de transformation.

Le champ entier des problèmes ne sera évidemment pas exploré en une journée. L’objectif sera atteint si, outre l’écho qu’auront ces premières Rencontres, elles ouvrent la voie à des travaux plus approfondis et des publications originales et de qualité à destination d’un public plus vaste.

 

Le Collectif d’organisation des Rencontres.