Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Contrat d'accompagnement : réponse populiste et réactionnaire aux exigences salariales et à travailler autrement

La crise du capitalisme due à la suraccumulation descapitaux pousse le système dansune folle fuite en avant. Les exigencesde rentabilité supposent une aggravation de l'exploitation du travail, concrètement la baisse des dépenses de salaires et la mise en cause des conquêtes sociales.

Pour la réalisation de cet objectif, la précarisation accrue des travailleurs constitue un axe stratégique comportant diverses déclinaisons : intérim, CDD, mise en concurrence des travailleurs par l'immigration sélective et les délocalisations, mise en concurrence des terr i toires, sous traitance, licenciements…

Mais cette précarisation à laquelle il faut ajouter, la baisse constante des cotisations sociales, le tassement des salaires, le gel ou le recul des garanties collectives des statuts salariaux ne semblent plus suffire.

De la loi Madelin à la loi Dutreil

Aller plus loin dans les innovations régressives : tel semble être l'objectif du «contrat d’accompagnement »de la loi Dutreil qui par ailleurs a permis à la droite parlementaire de divi ser par deux le produit de l'impôt sur les fortunes.

M. Madelin, du temps du Gouvernement Juppé, avait déjà été à l'origine d'une loi visant à facili ter la remise en question du statut des salariés, avec ses garanties en facilitant leur passage dans un statut de travailleur indépendant. Ce texte permettait de priver n'importe quel travailleur de ses droits sociaux, ceux du code du travail, ceux de la sécurité Sociale, ceux de la convention collective et notamment de le priver du Smic et des barèmes de salaires des accords collectifs. C'est ainsi que s'étaient multipli és les prétendus artisans du bâtiment qui, travaillant pour un seul donneur d'ordre, étaient en fait des salariés privés de leurs droits. A l'occasion des lois Aubry le groupe communiste a été à l'initiative d'un amendement abrogeant la loi Madelin. Cet amendement fut adopté par la majorité de l'époque.

Avec le "contrat d'accompagnement" introduit dans le projet Dutreil, le Medef et son gouvernement qui ont de la suite dans les idées récidivent.

Evincer des travailleurs de leur statut

Avec le « contrat d'accompagnement » de quoi s'agit-il ? Pour bien comprendre, le plus simple est de prendre l’exemple de Bouygues et des autr es majors du BTP qui possèdent de nombreuses fili ales dans le bâtiment et les t ravaux publics et qui raflent la grande majorité des marchés. Ces filiales qui ont de moins en moins de salariés, sous traitent de plus en plus à des entreprises de moindre importance qui elles aussi font de même. Chaque intermédiaire prélève sa dîme au passage, la plus grosse part étant réservée aux majors. En bout de course le prix offert pour les t ravaux à réaliser est devenu tout petit et on trouve une entreprise art isanale qui a le plus grand mal à respecter les lois sociales, à payer de bons salaires, à respecter les barèmes des conventions collectives tout en assurant la sécurité des travailleurs ou qui s'en sort souvent en utili sant des travailleurs clandestins.

Or, aujourd’hui il y a encore des lois et des pratiques sociales qui peuvent empêcher l’extension et le la généralisation de ce type de comportement d’un autre âge : l'interdiction du prêt de main d'œuvre à but lucratif, l'interdiction du marchandage, l'inspection de travail qui vient y mettre son grain de sel, des salariés qui réclament, des syndicats qui contestent, la lutte officielle contre le travail clandestin, des tribunaux qui, en cas d'accident du travail, recherchent la responsabilité des donneurs d'ordres. En bref il y a des risques pour les organisateurs alors que le développement de cette cascade pourrait rapporter encore plus gros dans le bâtiment mais aussi dans d'autres branches d'activité.

Il faut donc, pour le patronat, changer la loi et légaliser ces pratiques. D'où, hier, la loi Madelin, et, aujourd’hui, la loi Dut r ei l qui v a encore plus loin en met t ant en pl ace, avec l e

« cont r at d 'accompagnement », un dispositif facilitant les choses pour les grandes entreprises et en tentant d’att irer les salariés dans un miroir aux alouett es.

Ainsi, une entreprise pourra s’adresser à l'un de ses ouvriers, en jouant sur son aspiration à l’indépendance, à la libert é, et même à un meilleur salaire pour lui proposer de devenir son égal, de devenir patron. Et, au nom de cela, il peut lui proposer de conclure un contrat d'accompagnement prévu par le Gouvernement Raffarin, l’accompagner pour les formalités de création de son entreprise, lui prêter pendant un, deux ou trois ans le matériel nécessaire, gérer sa comptabili té, lui sous traiter des chantiers. Pendant la première année le salarié pourrait rester salarié à temps partiel dans l’entreprise et n’aurait aucune charge à payer. Pendant une période et dans le cadre d’un contrat les éventuelles difficultés seraient même supportées par le donneur d’ordre.

Mais cette apparente liberté risque vite d’être la liberté de travailler 60 heures par semaine, de rester à la maison sans salaire lorsqu’il n’y a pas de marché, d’accepter ou de refuser les prix imposés, de ne pas respecter les règles de sécurité.

C'est tout ce processus qui est organisé par le titr e II de la loi Dutreil. Grossièrement la manœuvre consiste à baptiser juridiquement indépendant un travailleur qui reste au sens économique et social un salarié parce qu'il ne possède pas ou si peu ses moyens de production ou sa clientèle.

Un projet de régression sociall

Après avoir obtenu depuis 20 ans des exonérations massives de cotisations sociales, ce qui a permis de faire passer de la poche des salariés à celle des patrons une part croissante des richesses créées par le travail, le MEDEF veut davantage, il veut maintenant faire baisser le salaire directement perçu par les travailleurs. Comme il est difficile de casser les garanties collectives contenues dans le code du t ravail et les conventions collectives, la technique choisie est de priver le maximum de personnes de ces garanties : ce qui serait ainsi rendu légal pour les ouvriers du bâtiment serait bien entendu transposable à

d'autres secteurs d 'act i v i t é : des i n f o rm at i c i en s payés à l a mission, des vendeuses appelées gérantes, des cuisi ni er s p rest ataires de services, des entrepreneurs de mise en rayon dans les super marchés, ( i l y a quelques années le magasin Carrefour de Toulouse avait ainsi baptisé entrepreneur, le manœuvre chargé de r anger l es cad di es sur l e parking)

De plus, la privat ion des droits du code du travail serait un formidable accélérateur de la flexibilité et de la précarité en supprimant les obstacles existant dans la législation. Cela ajouté à la disparition de toute règle concernant la durée du travail nous aurions un facteur supplémentaire de chômage. Avec un pseudo indépendant à 70 heures faisant le travail de deux salariés protégés par le code du t ravail on aurait mécaniquement un travailleur de trop.

Répondre autrement aux aspirations

Lors de l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale les députés communistes ont combattu de pied ferme les orientations du gouvernement. Ils n'en sont pas restés à la critique, mais ont formulé des contre propositions, y compris pour permettre le développement et la sécurisation d'entreprises de petite taille et permettre à des travailleurs de sortir du salariat : c'est ainsi qu'ont été proposées sous forme d'amendements des mesures détaill ées :

  1. contre le dumping social en interdisant les pratiques de fixation des prix qui conduisent à la surexploitation des travailleurs indépendants par les grands donneurs d'ordres,,

  2.  des aides financières au démarrage de l'activité pour les ouvriers et techniciens qui veulent s'installer,des aides à l'embauche pour ces micro entreprises sous la forme de prise en charge des intérêts des emprunts pour l'emploi ou la formation

  1. le maintien du bénéfice des dispositions du code du travail ou des conventions collectives pour les indépendants qui travaillent en sous traitance.

Ces amendements, tous repoussés par la droite évidemment, peuvent être utilisés pour alerter les salariés et favor iser le développement des luttes sur ces questions, ils s'inscrivent dans le projet des communistes pour la sécurisation de l'emploi et de la formation qui peut dès maintenant trouver une plus grande place dans notre action . Ce qui exige sur toutes les grandes questions -précarité, durée du travail, formation, pouvoirs des travailleurs, services et entreprises publiques, politique du crédit, territoires, financement de la protection socialel’élaboration de propositions concrètes au ser vice des lutt es.

 

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