Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La crise du capitalisme : défi pour une autre construction mondiale

La profondeur et la gravité de la crise demeure trèssous-estimée. Partout dans le monde, la crise de la croissance, la remontée du chômage massif durable, l’explosion de la précarité exacerbent les antagonismes sociaux et internationaux. Cela rend d’autant plus urgent la constr uction de majorité d’idées et de luttes pour des réformes radicales : face à la montée de l’insécurité sociale, quelle hardiesse d’une autre construction sociale et de pouvoirs sur l’argent en France et en Europe ?

face à la montée de l’agressivité américaine quelle radicalité d’une autre construction mondiale et quels renversements d’alliancespossibles entre pays d’Europe et pays en développement et émergents ?

 

Placés devant l’exigence grandissante de résultats tangibles en matière d’emploi, de qualification, les gouvernements tentent de détourner les craintes de l’insécurité sociale soit vers des revendications populistes, soit vers l’insécurité physique et la violence, voire la guerre, avec la recherche d’une « union sacrée » pour soutenir la rentabili té des groupes.

Et, dans le même temps, les Etats ou les ententes d’Etats, cherchent à renforcer leur soutien aux marchés financiers et à la rentabilité des groupes par des baisses uniformes des taux directeurs des banques centrales, des baisses d’impôts et de cotisations sociales. Mais cela aggrave le rationnement du crédit bancaire pour l’emploi, la formation et la croiSsance réelle, les restr ictions des dépenses publiques sociales, la fuite en avant dans les privatisations. De p l us ces poli t i ques échouent à relancer l a croissance r éel le de manière durable car elles minent un peu plus l’efficacité de l’offre en y propageant le cancer financier tout en freinant la demande globale. Elles accentuent en fait le freinage de la croissance

Face à ces choix, on assiste à une montée de la contestation et des luttes sur deux fronts : celui de la paix et celui de l’emploi. C’est, notamment, la nouveauté des manifestations mondiales préventives contre la guerre ou encore, dans chaque pays, la montée de l’exaspération face aux suppressions d’emplois, aux fermetures de sites, aux plans sociaux. Une jonction est sans doute possible entre tous les mouvements alter-mondialistes, pacifistes et les luttes sociales qui demeurent le plus souvent nationales.

D’où le besoin d’une nouvelle construction et de nouvelles solutions en Europe et dans le monde, d’où l’importance nouvelle que revêt l’inter vention des salariés, des élus, des populations de chaque pays sur les gestions pour tenter de les réorienter pour pouvoir construire, à partir du local, jusqu’au mondial, de nouvelles interventions de l’Etat, une maîtrise radicale des marchés. Car il y a une course de vitesse entre les réponses sécuritaires, guerrières et les possibilités de réponses de maîtrise radicale des marchés pour leur dépassement.

Pour faire face aux responsabili tés, il est nécessaire de prendre en compte les développements récents de la crise au risque sinon d’un nouveau décalage avec les exigences sociales, d’un manque d’ambition de ce qu’il faudrait faire face à la droite, d’une sous-estimation de la bataille de fonds contre les idées libérales et sociales-libérales.

Un ralentissement durable de la croissance

Une « croissance molle ».

Le ralentissement de la croissance pourrait être plus durable que lors des précédentes crises conjoncturelle, avec une « croissance molle » pour plusieurs années.

En 2001, le ralentissement de la croissance a été mondial. En 2002, après un court rebond, l’affaiblissement a aussi été mondial. Partout le chômage, la précarité, l’insécurité sociale progressent. Et, pour 2003, les prévisions de croissance sont revues en baisse.

Aux Etats-Unis, l’activité ne devrait pas retrouver en 2003, le rythme qui était le sien avant 2001. Les deux principales économies de la zone euro subissent un sévère ralentissement avec des r isques de récession. La croissance russe n’accélère pas et celle du Japon, après deux années de récession, sera à peine positive. En Amérique Latine et en Asie, les perspectives pour 2003 sont très dépendantes de l’évolution du prix du pétrole et du dollar. En Europe centrale et orientale, la reprise semble compromise.

Une crise de suraccumulation des capitaux réels et financiers.

Cette nouvelle crise de la croissance à l’échelle mondiale correspond à l’éclatement de la suraccumulation des capitaux réels et financiers en 2001 avec, au cœur, les technologies informationnelles et les Etats-Unis touchés de plein fouet.

Elle se situe dans le cadre de la crise systémique de freinage de la croissance et de chômage massif que nous connaissons depuis une trentaine d’année (1).

Du côté réel, avec les économies massives de moyens matériels et de travail vivant permises par la révolution informationnelle, nous assistons à une limitation de la demande d’investissements matériels plus forte que lors des crises précédentes.

Du côté financier, la baisse de la Bourse concoure à l’éclatement des surendettements des entreprises, des ménages et des banques qui renforce le freinage du crédit, du pouvoir d’achat.

Cela se conjugue avec le renforcement des pressions sur les dépenses salariales, l’emploi, les qualifications et les dépenses publiques sociales. Cela contribue, dans un premier temps, à relever la rentabilité des capitaux et entraîne, par la suite, une insuffisance de la demande globale, d’où une nouvelle chute de la rentabilité financière et des titres financiers.

Tout cela révèle le besoin de changements de structures et de régulation pour s’émanciper de la domination du capital.

De nouveaux facteurs de freinage.

Mais désormais, il y aurait des facteurs nouveaux de freinage de la croissance réelle qui concernent notamment une inflexion de l’utili sation des profits des entreprises et l’ambivalence des dépenses d’ armement.

  • Les profits sont de moins en moins utili sés pour l’investissement réel, au développement des populations et de plus en plus pour racheter des titres, rembourser les dettes, racheter des entreprises. En effet, tout le système de soutien aux profits (aides publiques, subventions, exonérations fiscales et sociales, marchés publics, politique monétaire,…) révèle son caractère nocif avec les pressions contre l’emploi et les salaires, les baisses uniformes des taux directeurs des banques centrales, les baisses d'impôts, le rationnement des dépenses publiques sociales, la progression des dépenses d’armement.

Aux Etats-Unis, en Europe, comme en France, les entreprises se sont énormément endettées pour leurs opérations de fusions, d’acquisitions, de rachats d’actions etc. Elles doivent désormais utili ser beaucoup plus leur profit à rembourser leur dette et à payer les charges financières qui explosent relativement à leurs ressources.

Les liquidités créées par l’abaissement des taux de la Réser ve fédérale et de la BCE notamment ont servi à alimenter le marché financier. Elles ont financé l’absorption des obligations publiques et des entreprises par les banques et les autr es investisseurs.

Le soutien de l’Etat au profit fait donc problème avec son caractère régressif, d’où la nécessité comme jamais de réformes structurelles commençant à remettre en cause le système de pouvoirs et la régulation capitaliste

  • Il faut aussi considérer l’impact sur la croissance de la montée des dépenses d’armement et de la guerre.

Depuis 2001, on constate une tendance à la hausse des dépenses militaires, mais aussi des dépenses de sécurité intérieure, particulièrement dans les principaux pays développés, particulièrement aux Etats-Unis mais aussi en France.

Ces dépenses ont un caractère ambivalent. D’une part, elles soutiennent les dépenses et les profits de secteurs particulièrement frappés par la crise. Mais elles ont aussi un effet anti-croissance.

L’OCDEsouligne que « Cela pourrait évincer la création de capacités directement productives, renchérir le capital, […] détourner des activités de recherche-développement au profit de projets militaires [avoir] des effets négatifs sur la croissance à moyen terme, via plusieurs facteurs ( une moindre accumulation du capital, une population active civile en diminution, les pertes résultant du redéploiem ent de capitaux). […]Au total, l’opinion qui prévaut est que le renforcement des capacités militaires aura probablement un effet négatif à long terme sur la croissance économique (2) etc. ».

Un renforcement de l’agressivité des Etats-Unis pour pérenniser sa domination.

Face aux difficultés de leur croissance durablement ébranlée par le krach des nouvelles technologies et face à la contestation grandissante de leur système de domination mondiale les Etats-Unis redouble d’agressivité. Ils entendent, ce faisant, préserver leur avance technologique et faire soutenir par le reste du monde leur propre croissance.

Cela rend encore plus urgent une nouvelle construction mondiale et un renversement d’alliance de l’Union européenne avec les pays du Sud pour mettr e un terme à la domination prédatrice américaine.

L’arme monétaire.

Durant les années quatre-vingt-dix, les Etats-Unis ont constitué tout à la fois la locomotive mondiale, avec leur forte croissance, leur maîtrise des nouvelles technologies, et le prédateur mondial en raison de leurs importations massives de capitaux. Celles-ci se sont effectuées en par tie au détriment des investissements et de l’emploi du reste du monde, particulièrement de l’Union européenne et du Japon mais tout aussi gravement au préjudice des pays émergents et en développement.

Monnaie commune mondiale de domination, le dollar est une arme fondamentale de l’arsenal politico-économico-militaire des Etats-unis. Mais, depuis début 2001, celui-ci baisse. C’est, avant tout, en raison de la faiblesse de la croissance et de l’ampleur des déficits extérieurs et budgétaires.

Toutefois, la crainte d’un effondrement catastrophique du dollar oblige les par tenaires des Etats-Unis à intervenir pour limiter cette baisse (3). L’Etat américain peut alors utili ser la tendance, ainsi maîtrisée, au décrochement du dollar pour relancer les exportations, afin de faciliter l’écoulement des surproductions de leurs groupes dans le monde entier. Ainsi, en bénéficiant du soutien obligé de leurs principaux partenaires économiques, les Etats-unis veulent relancer, à leur détr iment, leur croissance réelle tout en maintenant la capacité d’attr action financière du dollar et de Wall Str eet. Celle-ci leur sert à capter les capitaux du monde entier nécessaire au financement du gigantesque déficit de leurs paiements courants.

Les multipl es baisses des taux d’intérêt directeurs de la Réserve Fédérale ont sans doute participé à soutenir Wall Street et à maintenir ces flux de capitaux en permettant aux groupes et aux banques tr ès endett ées de se refinancer à moindre frais.

Le plan Bush sur dix ans pourrait être utilisé de la même façon. En effet, 364 milliards de dollars servent à baisser les impôts sur les dividendes et sur le revenu. Cela va stimuler avant tout la Bourse, en favorisant les rachats de titre au lieu de l’investissement réel.

Ainsi, malgré la dépréciation du dollar, le Japon, la zone euro et les économies émergentes (particulièrement d’Asie) exportent toujours énormément de capitaux vers les EtatsUnis.

Mais cette politique privant le monde entier de ressources nécessaires pour leur développement risque, en retour, d’avoir un effet dépressif sur la demande mondiale.

L’arme militaire.

Les pressions militaires et la guerre sont le dernier élément de l’agressivi té américaine. Au nom de la « lutte contre le terrorisme ou la menace d’armes de destr uction massive », il s’agit :

  • de stimuler la demande d’armements,
  • de maîtriser le pétrole des pays arabes dans une stratégie pétrolière rendue encore plus hégémonique et agressive du fait de la nécessité jugée absolue par les dirigeants américains de s’assurer sur la longue durée un contrôle économique et politique étroit sur les régions pétrolières en rejetant les efforts de rationnement éventuel sur d’autr es zones,
  • de récupérer les craintes de l’insécurité sociale, conséquences de la politique de Bush, pour les dévoyer vers les questions de l ’insécurité et de la violence afin de construire une « union sacrée » à l’intérieur du pays pour le soutien à la rentabilité des groupes, pour la guerre économique,
  • de peser sur les flux de capitaux, par ticulièrement des investissements directs afin de les orienter. Le MoyenOrient, «poste avancé »de la zone dollar aux portes de l’Europe, permettrait ainsi d’accentuer la concurrence avec l’euro, avec une reconstruction en Irak, monopolisée par les grandes firmes américaines. Ainsi, au début des années quatre-vingt-dix, la reconstruction du Koweit avait joué un rôle important dans ce sens multipliant les grands contrats au profit des multinationales américaines qui en avaient bénéficié en quasi-totalité.

Cependant, le contexte actuel est différent, puisque les Etats-unis ne peuvent plus compter sur les indemnités de guerre de l’Arabie Saoudite tr ès distante de l’intervention en Irak ou sur celles de leurs principaux partenaires de l’OCDE, eux mêmes opposés dans la foulée de la France et de l’Allemagne, ni sans doute sur celle du Japon dont l’économie stagne. Or, en 1991 le versement de ces indemnités avaient contribué de manière significative au redressement des paiements courants américains et au rééquilibrage de leur balance des paiements.

Au total il y a un enjeu de domination mondiale et sur l’Europe, à partir du Moyen Orient.

La montée des protestations contre l’hégémonie américaine.

Ainsi, comme le relève Paul Boccara, il semble que les Etats-Unis joueraient moins le rôle de locomotive de la croissance mondiale tout en continuant à prélever massivement les capitaux sur le monde entier. L’at titude américaine peut donc renforcer les protestations et les défis d’émancipation de la domination américaine dans les pays développés comme dans les pays en voie de développement. Le vaste mouvement mondial contre la guerre en Irak renforce encore le besoin d’alliance pour se dégager de l’hégémonie des Etats-Unis. Ceci, conjugué avec la montée des besoins de partages mondialisés non dominateurs pour le co-développement des populations, renforce l’exigence d’une autre construction mondiale sur tous les plans.

Dans cette optique, l’Union européenne aurait une responsabili té nouvelle, et les lutt es pour un autre modèle social de sécurisation de l’emploi et de la formation aussi : celle de favoriser un rapprochement avec les peuples du Sud, de concrétiser une nouvelle alliance, et le mouvement social celui de permettr e une convergence des émancipations.

Besoin d’une nouvelle construction mondiale et d’un rôle nouveau pour l’Union européenne.

En Europe, les exigences des groupes et des marchés financiers contre les dépenses publiques et la fiscalité, le besoin d’une monnaie for te pour les placements les contrôles financiers des multinationales sont à l’or igine des difficult és persistantes et de l ’accentuation des problèmes.

Dans ce contexte les divisions entre Européens montent, notamment au sujet de la guerre, le condominium francoallemand est réactivé, la compétition intra-européenne s’accentue, avec la perspective de l’élargissement en 2004. Cette construction européenne pour la domination financière envenime les concurrences entre les peuples et prive l’Union des moyens d’une politique rassembleuse non seulement vis-à-vis des pays d’Europe centrale et orientale mais aussi vis-à-vis de l’Afrique et du Moyen-Orient.

D’où le besoin de changer le contenu social et les pouvoirs de l’Union.

Une croissance européenne plus faible qu’aux Etats-Unis.

Dans la zone euro, la croissance demeure inférieure à la croissance américaine en 2002 et 2003. Les taux d’intérêt réels européens demeurent supérieurs aux taux américains. Cela renforce la pression de la finance sur le réel. Ce sont les deux principales économies de la zone qui sont le plus en difficulté. Les pressions déflationnistes se renforcent en Allemagne avec le risque de contagion en France et au reste de la zone. L’industrie française est en récession.

Pour relever leur profit, les entreprises font d’importants efforts pour accroître la productivité apparente du travail, réduire leurs surcapacités de production. Dans ces conditions, le chômage et la précarité remontent partout. Les baisses des taux directeurs de la BCE ont été tardives, suivistes de la Réserve Fédérale. Surtout, elles ont servi principalement à soutenir les marchés financiers à accroître les portefeuilles de titres financiers des banques, à faciliter le rachat d’actions par les entreprises.

Surtout, dans le gigantesque bras de fer entre l’Europe et les Etats-Unis pour attirer les capitaux, les sorties de capitaux vers les Etats-Unis demeurent massives. Ces fuites de capitaux ont un aspect dépressif. La création monétaire pour l’emploi et la formation en Europe s’en trouve rationnée.

L’échec du modèle européen de guer re économique contre les Etats-Unis.

D’où, avec ces pressions déflationnistes, les appels à de nouvelles baisses des taux directeurs de la BCE et les pressions insistantes pour mettr e en cause les contraintes du Pacte de Stabilité qui s’avèrent intenables. Cette construction monétaro-financière risque de faire sombrer toute la zone dans la récession ainsi que les pays intégrant l’Union. Mais pour l’heure, aucun dirigeant ne met en cause la construction européenne de guerre économique. Ainsi, l’Allemagne, la France dépassent déjà le critère de déficit public. Cela conduit les deux gouvernements à des gels de dépenses publiques sociales. L’Allemagne prévoit des augmentations d’impôts. Le gouvernement français entend lui maintenir les baisses d’impôts, les exonérations de cotisations sociales pour les plus gros revenus et les patrimoines, pour les groupes contre tous les besoins du monde du travail et de la création.

Surtout, les dirigeants européen refusent de toucher à la monnaie, au crédit, à la BCE. Ils font tout pour protéger l’euro actuel conçu comme monnaie unique pour les placements financiers. Or, ce type de politique favorise le cancer financier. Il échouera à relancer la croissance réelle de manière durable. Il participera à une nouvelle progression du chômage et de la précarité.

Le besoin d’un autre modèle social, d’autr es financements et d’autres pouvoirs.

Un modèle social novateur.

Un autre modèle novateur pourrait être proposé en raison même de la gravité des défis actuels de la construction européenne : ralentissement de la croissance, élargissement à l’Est, nouvelles pressions multiformes des Etats-Unis, mise en cause, jusque dans les milieux dirigeants européens des contraintes du Pacte de stabilité, recherche d’une gouvernance économique.

Les pays européens deviennent dépositaires d’une responsabili té considérable dans le monde face à l’agressivité des Etats-Unis, pour une véritable coopération mondiale de co-développement avec les pays en développement et émergents. L’euro utilisé autrement pourrait contribuer à promouvoir un nouveau système monétaire international avec une monnaie commune mondiale mettant fondamentalement en cause la domination du dollar.

Il est urgent de mobiliser tous les instruments de la politique économique pour soutenir la croissance réelle, l’emploi, la formation en France, en Europe mais aussi dans le monde.

  • Il convient d’abord de faire reculer le financement des entreprises par appel au marché financier dans toute l’Union.

C’est pour cela qu’une baisse des taux d’intérêt for te mais très sélectivement orientée en faveur de l’emploi et de la formation est indispensable.

Un changement des missions prioritaires de la BCE en faveur de l’emploi, de la formation est nécessaire.

Une mise en cause de l’indépendance de la BCE est urgente. Elle devrait être contrôlée et orientée par le Parlement européen et les parlements nationaux. Ces derniers, en dialogue avec leur banque centrale nationale respective, disposeraient d’un pouvoir de modulation de la distribution du crédit bancaire dans leur pays, grâce à la possibilité de subventions publiques baissant les taux d’intérêt. Cette bonification serait d’autant plus forte que les projets à financer programmeraient plus d’emplois et de formations. Simultanément, il s’agirait d’ouvrir tout ce champ à l’inter vention décentralisée des salariés, des citoyens, des syndicats et associations, des élus, avec le pouvoir de proposer des projets d’emplois et de formations, de développement des activités, susceptibl es de solliciter, dès le terrain, le crédit bancaire. Une concertation de toutes ces interventions pourrait être organisée jusqu’au niveau européen, avec une transformation profonde du Comité économique et social européen et du Comité des régions.

A cette fin, la BCE pourrait appuyer, en le «refinançant », l’essor d’un nouveau crédit sélectif à long terme danschaque pays européen pour l’emploi, la formation, la recherche, contre les investissements financiers.

La BCE pourrait également soutenir, par création monétaire, l’essor de dépenses budgétaires en matière de santé, de recherche, d’éducation et de formation…

  • Cela permettr ait de sort ir du Pacte de stabili té et de donner un tout autre sens à la recherche d’une gouvernance économique de l’Union.
  • L’essor de ces nouveaux financements contribuerait à l’avancée de nouveaux critères de gestion d’efficacité sociale dans les entreprises, particulièrement dans les entreprises publiques et mixtes, où il s’agirait aussi de développer des pouvoirs effectifs d’intervention et de contre-proposition des salariés et de leurs organisations. Cela permettrait de contrer le mouvement actuel de privatisation avec le démembrement des ser vices publics.

Une voie ambitieuse.

Cette voie ambitieuse pourrait s’inscrire dans la visée d’un nouveau traité de l’Union. Elle appelle un haut niveau de luttes communes et convergentes. Mais elle est à la mesure des défis du moment, en cherchant un progrès radical du modèle social européen vers un système de sécurité d’emploi ou de formation. Déjà, d’ailleurs, cette voie se cherche au travers des lutt es contre les licenciements et pour de bons reclassements avec les formations nécessaires ou des luttes pour la transformation des emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés ou encore des luttes des chômeurs et des Rmistes pour l’accès ou le retour à l’emploi choisi avec des formations elles-mêmes choisies…

Cette voie est réaliste car elle répond au besoin absolu d’une relance commune en Europe très différente des relances publiques traditionnelles. Ce faisant, elle permettrait de dépasser la fausse alternative entre la fuite en avant dans le fédéralisme et le rejet de toute coordination qui entraînerait la prédominance d’un grand marché ouvert à l’impérial-libéralisme des Etats-Unis.

Le besoin d’une autre croissance.

Une autre croissance véritablement importante et durable dans l’Union européenne devrait donc reposer désormais, de façon prioritaire, sur le développement des populations elles-mêmes, de leurs capacités productives et de leur formation, de leurs consommations en produits et en services, de leur vie sociale et de leurs activités créatrices. Les part ages pour un co-développement mondial, qu’il serait possibl e d’impulser par une autre orientation des pays de l’Union européenne et leur rapprochement fondamental des pays en développement et émergents, répondraient aux exigences radicales nouvelles tenant à la révolution écologique et à la révolution démographique. ■

 

  1. Paul Boccara : Economie et Politique, septembre-octobre 2002.
  2. OCDE. Perspectives économiques. Juin 2002.

Voir article de Denis Durand dans Economie et Politique, mai-juin 2002.

La crise du capitalisme : défi pour une autre construction mondiale

 

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