Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Face à la guerre et à la crise, l’audace d’un esprit de révolution pour le XXIe siècle

EDITORIAL DE DENIS DURAND

Le sang coule en Irak. Une armée surpuissante réduit un peuple au désespoir sous prétexte de lui rendre la libert é. Ce n’est sans doute pas un hasard si les armes se mettent à parler au moment tous les indicateurs économiques du monde capitaliste sont en train de tourner au rouge. Même les économistes les plus conformistes, ceux qui ne cessaient, depuis trois ans, de prédire la reprise pour demain matin, ne se risquent plus à la promettre avant 2004. Ainsi, pendant que les entreprises guerrières du gouvernement américain mettent en péril la sécurité du monde, les exigences des marchés financiers et les politiques économiques augmentent encore l’insécurité sociale pour des milli ons d’êtr es humains confrontés à la précarité et aux licenciements, dans les pays en voie de développement comme dans les métropoles du capitalisme mondial.

« Plus que jamais, l’ex igence d’une maîtrise de leur destin par tous les êtres humains s’affirme de façon concrète, qu’il s’agisse de la lutte contre la guerre ou du partage des informations, des ressources et des pouvoirs pour mettre fin à l’insécurité sociale et fonder l’aven ir de la planète sur le déve loppe ment de tous les homm es. »

Cependant, quelque chose s’est passé ces derniers mois : des foules immenses se sont rassemblées dans les rues de toutes les capitales pour exprimer l’opposition des peuples à la logique de guerre. Cette ir ruption, qui n’a pas été sans effet sur le déroulement de la crise et sur la défaite psychologique et diplomatique du gouvernement américain à l’ONU, donne une dimension nouvelle aux mobilisations qui, depuis quelques années, ont dénoncé la « mondialisation capitaliste » et affirmé qu’« un autre monde est possibl e ». Plus que jamais, l’exigence d’une maîtrise de leur destin par tous les êtres humains s’affirme de façon concrète, qu’il s’agisse de la lutte contre la guerre ou du partage des informations, des ressources et des pouvoirs pour mettre fin à l’insécurité sociale et fonder l’avenir de la planète sur le développement de tous les hommes.

Ce rapprochement donne des chances supplémentaires à l’élaboration d’une alternative au système capitaliste, à ses contradictions et à sa crise actuelle.

 

« Jacques Chirac espère-t-il… s’appuyer sur la popularité de sa politique étrangèrepour balayer tous les obstacles à son entreprise

de généralisation de l’insécurité sociale ? »

 

Il souligne, à l’inverse, ce qu’a de paradoxal le cours politique qui prévaut dans les principaux pays de l’Union européenne. Les mêmes Jacques Chirac et Gerhardt Schröder, qui ont pris la tête de l’opposition internationale aux entreprises guerrières de George Bush junior, sont aussi les chefs de gouvernement, qui sous la tutelle d’une BCE soucieuse avant tout de défendre le taux de profit s’engagent, simultanément, dans des stratégies de précarisation de l’emploi et de démantèlement de la protection sociale dans leur propre pays. En Allemagne, c’est le tournant pris après les élections en faveur d’une flexibilisation maximum du marché du t ravail, malgré l’opposition déclarée des syndicats, soutiens tr aditionnels du Par ti social-démocrate au pouvoir. En France, sur fond de démagogie populiste, ce sont les attaques contre les régimes de retraite et le système de santé, les menaces de privatisations, l’att aque frontale contre la fonction publique et la remise en cause, dès les premiers mois du gouvernement Raffarin, des moindres avancées de la majorité précédente En matière de protection contre les licenciements ou de contrôle des aides publiques aux entreprises. Jacques Chirac espère-t-il tirer parti de cette énorme contradiction, et s’appuyer sur la popularité de sa politique étrangère pour balayer tous les obstacles à son entreprise de généralisation de l’insécurité sociale ? La réponse est entre les mains du peuple français.

La difficulté est que cette réponse n’est pas toute faite, prête à l’avance. Le social-libéralisme et sa culture de délégation à l’État pour « corriger »à la marge le marché , si en vogue en Europe après l’effondrement du système soviétique, débouche manifestement sur un échec. Rapprochement cruel : son héraut, le Premier ministre britannique Tony Blair, repoussait naguère l’idée même de révolution comme un archaïsme. Le voilà en train de mettre le ProcheOrient à feu et à sang, dans la pire tradition coloniale des siècles passés. Au contraire, une nouvelle modernité de l’esprit de révolution ne pourrait-elle pas inspirer la construction d’une alternative aux politiques actuelles vers une démocratie participative et d’ intervention , dont le besoin se fait si for tement sentir ?

 

« Pour y faire face, celui-ci a besoin de se rassembler dans des majorités d’idées, de lutte et de vote pour des solutions radicalement transformatrices. »

 

L’avenir de la protection sociale, l ’éradicat ion du chômage, une réorientation profonde de la construction européenne et, pour réussir tout cela, un effort pour dégager nos sociétés de l’emprise des marchés financiers : autant d’enjeux décisifs qui se posent, en France, au mouvement populaire. Pour y faire face, celui-ci a besoin de se rassembler dans des majorités d’idées, de lutte et de vote pour des solutions radicalement transformatrices. Il est en droit d’attendre une contribution originale du PCF à cette entreprise. Pour y répondre, celui-ci a besoin de repères révolutionnaires, profondément renouvelés. Miser sur le potentiel d’une créativité marxiste nouvelle liée aux luttes sociales peut donner à ce parti l’audace, malgré son affaiblissement, de jouer un tel rôle, sans inféodation au social-libéralisme dominant ni abandon aux tentations gauchiste. Cela peut aussi lui donner la force de favoriser le rassemblement des plus démunis aux plus qualifiés, des forces capables de gagner des batailles politiques conjuguant lutt es pour la paix et lutt es pour une sécurité d’emploi ou de formation avec de nouveaux pouvoirs d’inter vention directe des salariés et des citoyens deux dimensions essentielles du dépassement du capitalisme.

On mesure, à l’ampleur de ces défis, l’importance des réponses que le 32e congrès du Parti communiste français est appelé à leur apporter.

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Par Durand Denis , le 31 janvier 2003

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