Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 : l’enlisement dans les politiques d’austérité

L’objectif n° 1 de ce PLFSS est de dégager toutes les économies possibles sur chacune des branches de la Sécurité sociale. Avec un ciblage particulier sur la branche famille, dans la continuité du Pacte de responsabilité, qui construit la liquidation du principe d’universalité des prestations familiales et ouvre la voie à une remise en cause des fondements de la Sécurité sociale.

Le PLFSS pour 2015 : la mise en musique du Pacte de responsabilité

Ce texte s’inscrit dans la mise en œuvre du pacte dit de responsabilité dans la logique du « donner-donner » du Medef. Ce pacte exige 50 milliards d’économies d’ici 2017 dont 20 milliards sur le dos de la Sécurité sociale ainsi que des réductions des cotisations patronales notamment pour la politique familiale.

Ce PLFSS prétend poursuivre le rétablissement des comptes, freiné en 2014 par des recettes stagnantes, en liaison avec la politique d’austérité qui a cassé la croissance, accru encore le chômage et partant dégradé les rentrées de cotisations. Il s’agirait d’accélérer cette même politique, en considérant qu’elle tendrait à une réduction des déficits en 2015. Or les ressources de la Sécurité sociale seront minées par la compensation du Pacte de responsabilité. Aussi, l’objectif n° 1 de ce PLFSS est-il de dégager toutes les économies possibles sur chacune des branches de la Sécurité sociale.

Conséquences pour les usagers et la santé, pour les familles, pour les retraités

Assurance maladie : effets d’annonce et réalité du rationnement

L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) serait réduit à 2,1 % au lieu de 2,4 %. Les économies attendues seraient de 3,2 milliards d’euros en 2015.

On prétend faciliter l’accès aux soins, réorienter le système de santé vers la proximité et la qualité, favoriser la prévention, mais sans moyens et en renforçant la diminution de l’offre sanitaire publique.

L’amplification du virage ambulatoire vise surtout à réaliser des économies sur l’hospitalisation et ne s’attaque pas réellement à la crise de la démographie médicale. La réforme Touraine, c’est la Loi Bachelot aggravée. C’est le rôle renforcé des Agences régionales de santé (ARS) pour décider de la « pertinence » des soins, pour cibler les établissements les plus concernés par la non pertinence, mis sous observation l’ARS pourra décider des pénalités financières. L’« efficience » de la dépense des hôpitaux devrait conduire à la mutualisation des systèmes d’informations ou les achats, au développement des groupements hospitaliers de territoire.

On invite au « juste prix » des médicaments et à la promotion des génériques au lieu d’une véritable politique de l’industrie pharmaceutique. On propose une réforme du mécanisme de régulation des dépenses remboursées de médicaments visant à garantir la compatibilité de l’évolution du chiffre d’affaire des médicaments avec l’objectif gouvernemental de stabilité des dépenses de médicaments.

Un racket contre les familles

L’objectif affiché serait de recentrer les prestations vers les besoins prioritaires, en prétendant soutenir les familles les plus vulnérables, au détriment des principes d’universalité de la politique familiale. La branche famille atteint un déficit proche de 3 milliards d’euros par an depuis 2010, pour le PLFSS, le maintien de ce déficit fragiliserait la légitimité de cette branche. Celle-ci devrait participer aux efforts d’économies, alors qu’on la prive de 30 milliards d’euros de cotisations patronales d’ici 2017, en application du pacte de responsabilité, et qu’on transfère le financement sur les familles. Le PLFSS initial préconisait cinq mesures pour économiser 700 millions d’euros. Finalement prétextant d’une pression des députés socialistes, certaines sont momentanément reportées et remplacées par un nouveau principe de modulation des allocations familiales en fonction du revenu. Les cinq mesures initiales :

  •  Moduler la prime à la naissance en fonction du rang de l’enfant

La réforme tourne le dos à l’objectif de l’universalité et du versement des prestations quel que soit le rang de l’enfant. Actuellement, la prime à la naissance et à l’adoption est versée, sous condition de ressources, en une seule fois au 7e mois de grossesse pour chaque naissance ou pour chaque adoption. Au 1er avril 2014, le montant de la prime à la naissance s’élève à 923,08 €. Elle permet de faire face aux premières dépenses liées à l’arrivée de l’enfant. Il est alors avancé que les dépenses principales sont effectuées pour le premier enfant. Le PLFSS prévoit que cette prime pourrait être modulée, pour tous les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2015, elle serait inchangée pour le premier enfant, mais servie à taux réduit (308 €) pour les deuxièmes naissances et les suivantes. C’est donc divisé par trois. Cela concerne les familles modestes.

  •  Une réforme démagogique et de régression du congé parental

On prétendait favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales au sein du couple, et améliorer le taux d’emploi des femmes tout en soutenant la natalité, et en permettant aux parents d’avoir des enfants sans sacrifier leur vie professionnelle. Le PLFSS affichait promouvoir l’articulation entre la vie familiale et la vie professionnelle et réorienter les interventions de la politique familiale vers des services offerts aux familles en faveur de l’emploi des femmes. Le gouvernement annonce aujourd’hui offrir aux familles 275 000 nouvelles places d’accueil du jeune enfant d’ici fin 2017 (sans précision).

Déjà, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014 a remplacé le complément de libre choix d’activité (CLCA), prestation versée au parent qui cesse ou qui réduit son activité professionnelle pour s’occuper de son enfant, par la « prestation partagée d’éducation de l’enfant » (Preparee). Celle-ci serait partagée entre les parents : une période de congé est réservée à chaque parent, et est perdue s’il n’en demande pas le bénéfice. On prétend limiter les effets négatifs du CLCA : sa durée, qui est l’une des plus longues d’Europe, conduit à retirer du marché du travail les femmes (qui représentent 96 % des bénéficiaires), notamment les moins qualifiées ou en situation d’emploi précaire.

La réforme de la durée du congé parental serait maintenue à 3 ans au total pour le couple à partir du deuxième enfant, si chaque parent recourt intégralement au congé. L’effet prétendu était une augmentation de la proportion de pères prenant un congé et un raccourcissement de la durée moyenne d’éloignement du marché du travail des mères. Pour la branche famille de la Sécurité sociale, la réforme représenterait une économie sur le coût de la nouvelle prestation du fait de la réduction de la durée moyenne de congés pris à compter du deuxième enfant, notamment dans le cas où le second parent (le père) n’aurait pas recours à tout ou partie des droits qui lui seront réservés.

En réalité, l’objectif c’est « économies-économies », cela conduira de fait à une diminution du congé parental pour la mère, le tout maquillé derrière une fausse prétention d’égalité homme-femme.

  •  Décaler la majoration des prestations familiales en prétendant mieux l’articuler au coût de l’enfant

Les familles qui ont au moins deux enfants de moins de 20 ans à charge avaient droit aux allocations familiales, quelle que soit leur situation familiale ou leurs revenus. En outre, le montant des allocations familiales est majoré de 64,67 € par mois lorsque l’un des enfants atteint l’âge de 14 ans, sauf s’il s’agit de l’aîné d’une famille de 2 enfants.

Il est prétendu que cet âge de 14 ans ne correspond pas à un moment clé de la vie alors que le passage au lycée, estimé à 16 ans, conduit à un fréquent surcoût, lié à l’autonomie croissante de l’adolescent. De fait, le report de 14 à 16 ans de cette majoration viserait à réaliser des économies sur la branche famille.

  •  Aligner la date de versement de l’allocation de base de la PAJE sur celle des autres prestations familiales

L’allocation mensuelle de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) est attribuée, sous condition de ressources, c’est-à-dire aux plus modestes, à compter de la date de la naissance de l’enfant et jusqu’à son troisième anniversaire. Actuellement, à la différence des allocations familiales, cette allocation est versée dès le mois de naissance de l’enfant. On prétend que cela induit de la complexité et un manque de visibilité. Il a été décidé que pour les enfants nés à compter du 1er janvier 2015, le versement de l’allocation de base de la PAJE débutera au début du mois suivant la naissance de l’enfant, à l’instar de la majorité des prestations familiales. L’objectif réel encore une fois est de faire des économies sur le dos des familles.

  • Rendre plus progressives les aides à la garde du jeune enfant

Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) est versé, sans condition de ressources, aux familles qui font garder leur(s) enfant(s) de moins de 6 ans par un(e) assistant(e) maternel(le) ou une garde à domicile. La branche famille prend également en charge tout ou partie des cotisations sociales. En plus du CMG, les parents qui font garder leur enfant bénéficient d’une aide fiscale, sous la forme d’un crédit d’impôt sur le revenu.

La Cour des comptes a récemment stigmatisé le caractère « anti-redistributif » des aides à la garde, qui profiteraient plus aux familles aisées qu’aux familles modestes.

Actuellement, le montant du CMG perçu varie en fonction des revenus, mais les familles dont les revenus sont supérieurs à 4 000 € mensuels reçoivent le même montant que les familles dont les revenus sont bien inférieurs. Mais ici encore l’objectif de la réforme tend à rompre avec le principe d’universalité de la prestation en confondant politique familiale et politique de redistribution des revenus. Et l’on s’attaque aux familles où les deux parents travaillent, par exemple aux couples d’enseignants ou de cadres.

La réforme prétend moduler plus fortement le CMG, en créant une tranche supplémentaire de revenus visant les familles les plus aisées : les familles de cette 4e tranche percevront un CMG réduit.

  •  Le nouveau texte proposé. «Le gouvernement ouvre la boîte de Pandore»

Modulation des allocations selon le revenu, exonération de cotisations patronales…, Valls et Hollande s’attaquent aux principes qui ont fait l’efficacité de notre système de protection sociale.

Quelle est la portée de la modulation des allocations familiales en fonction du revenu? Cette mesure s’inscrit dans une volonté construite pas à pas, mais de façon ferme et accélérée, de remettre en cause l’ensemble du modèle social français. C’est d’une gravité exceptionnelle. Remettre en cause le principe d’universalité, subordonner les allocations familiales à des conditions de revenu, c’est ouvrir la boîte de Pandore : demain, cela peut être le système de santé publique réservé aux pauvres, les couches moyennes et supérieures étant obligées d’aller se soigner dans le privé. On est devant un mécanisme de destruction des principes mêmes de notre Sécurité sociale où, quel que soit le revenu, on peut bénéficier des prestations familiales, d’un système de retraite, d’un système de santé socialisé, solidaire. L’universalité, c’est la nécessité de couvrir le « coût de l’enfant », quel que soit le rang de l’enfant, quel que soit le revenu de la famille. Cela a largement contribué au redressement démographique de la France et à son redressement écono­mique, après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, la politique familiale de la France permet d’atteindre un taux de fé­condité de 2 enfants par femme. C’est l’un des rares pays d’Europe assurant le renou­vellement de sa population.

Le gouvernement justifie son projet par un souci de justice sociale… Avec cette réforme, on tend à diviser les familles entre elles. Et on tend à confondre une politique familiale avec une politique sociale. Il y a des inégalités de re­venu, c’est vrai, mais il faut les combattre ailleurs : par la politique fiscale, une aug­mentation du Smic et des salaires, l’incitation pour les femmes à concilier enfant et travail, une égalisation par le haut des salaires fé­minins et masculins. La politique familiale n’est pas une politique de redistribution des revenus, ni une politique de redistribution entre les familles ; c’est une solidarité hori­zontale entre ceux qui n’ont pas d’enfant et ceux qui en ont. C’est une politique d’aide à l’enfant. Il est scandaleux de considérer que l’enfant des couches moyennes ou su­périeures doit être discriminé. Le fait qu’une famille choisisse d’avoir un nouvel enfant ne doit pas être pénalisant, désincitatif. C’est la raison d’une politique pour la famille qui soit universelle. À cet argument de la justice sociale, on peut opposer celui de l’efficacité économique et sociale. Une politique familiale, cela relance consommation privée et collective, contribue à l’entre­tien et à la formation des jeunes. Du même coup, c’est un facteur de développement de la produc­tivité du travail. Le but réel de cette mesure est la réduction des dépenses publiques et sociales.

La branche famille de la Sécurité sociale est aussi mise en cause par un autre biais, celui du finan­cement: le budget 2015 prévoit ainsi de nouveaux allégements de cotisations patro­nales pour la famille, au nom du pacte de responsabilité. La famille, nous dit-on, ça ne concerne pas l’entreprise… Avec ce pacte de responsabilité, il s’agit d’aller vers la suppression des cotisations patronales pour la famille, qui faisaient partie de la tradition historique : les patrons eux-mêmes, à la fin du xixe siècle, qui avaient besoin de force de travail, ont créé des prestations familiales qu’ils finançaient. De là est né le compromis fait à la Libération, qui a repris le financement par la cotisation patronale. Maintes fois, le patronat a tenté de le remettre en cause, en réclamant une fiscalisation de la politique familiale. On nous dit qu’on ne voit pas pourquoi ce serait aux entreprises de payer. Mais ce sont quand même elles qui en profitent les premières, la politique familiale leur permettant de bénéficier du développement de la force de travail. Au final, qui va financer ? Cela sera reporté sur les familles : CSG ? TVA sociale ? On ne sait pas encore. Liées à l’en­treprise, ancrées dans le lieu de création de richesse, les cotisations sociales jouent un rôle dynamique. Elles servent à développer les prestations sociales et donc la reproduction de la force de travail et son développement, à élargir la consommation et donc les débou­chés des entreprises, et, ainsi, à l’incitation à investir, à la possibilité d’une nouvelle crois­sance. En s’attaquant au principe de la coti­sation et aux prestations, on va contribuer à cette croissance nulle, au blocage des inves­tissements productifs, et au chômage qui explose. On ne va pas du tout régler le pro­blème des déficits de cette façon.

Si l’on veut éviter ces coupes dans les presta­tions familiales, et, au-delà, répondre aux immenses besoins de protection sociale non satisfaits, la question du financement est posée. Que proposons-nous? Il faut d’abord s’appuyer sur le principe de la cotisation sociale, et donc refuser la fiscalisation qui permet plus facilement le rationnement, qui fait peser l’effort sur les seuls ménages et qui, du coup, prive de recettes qu’on pourrait obtenir en lien avec l’entreprise, l’emploi. Mais développer les rentrées de cotisations, cela implique impérativement de changer la politique économique et sociale mise en œuvre, et la gestion des entreprises. En lieu et place de la politique d’exonération de cotisations patronales qui ne crée pas d’emploi et coûte cher à l’État, nous proposons de réformer ces cotisations. Aujourd’hui, plus une entreprise embauche, accroît les salaires et la formation, plus elle paie relativement. Au contraire, plus une entreprise licencie, pratique les placements financiers et réduit les salaires, moins elle va payer. Une réforme consisterait à moduler les taux de cotisation de telle sorte que les entreprises qui dépensent plus pour les salaires, en part de la valeur ajoutée, que la moyenne de leur branche paient relativement moins. Alors que les entreprises qui au contraire ont un rapport salaires/valeur ajoutée plus faible que la moyenne devraient payer plus. Il s’agit d’enclencher ainsi un cycle vertueux et une dynamique nouvelle. Nous proposons également de soumettre les revenus financiers des entreprises et des banques au même taux de cotisation que les salaires. Sachant qu’on peut évaluer à 300 milliards d’euros ces revenus financiers, cela ferait entrer 15 milliards d’euros à la branche famille de la Sécurité sociale. Cela permettrait de faire face à l’urgence, de pénaliser cette montée des revenus financiers contre les prélèvements sociaux. Cela s’inscrirait dans notre bataille contre le coût du capital et pour des dépenses d’expansion sociale nouvelle et des services publics.

Conséquences pour les retraités

On prétend soutenir le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes alors que l’assurance vieillesse contribue fortement à la réduction des déficits.

La loi du 20 janvier 2014 prétendant garantir l’avenir et la justice du système de retraites produit déjà ses effets dévastateurs. Le régime général d’assurance vieillesse serait à l’équilibre en 2017 : malgré la conjoncture difficile, le déficit, qui atteignait presque 9 milliards en 2010, a déjà été divisé par 5 (-1,7 milliard en 2014).

La règle d’indexation en fonction d’une inflation très faible conduit cette année à un coefficient de revalorisation nul. Trois mesures prétendent augmenter les petites retraites, en réalité cela ne concerne que les 500 000 personnes au minimum vieillesse et non les 5 millions de personnes au minimum contributif de la CNAV.

Le « trou » de la Sécurité sociale : un problème de recettes et non de dépenses

Un problème de recettes

La Sécurité sociale est asphyxiée par la volonté de réduire les prélèvements obligatoires, en particulier les cotisations patronales. Le PLFSS a les yeux rivés sur la mise en œuvre du pacte de responsabilité. Les politiques d’austérité compriment les rentrées de cotisations, imposent une réduction des dépenses tout azimut. Cela participe à l’enfoncement dans la stagnation et le chômage.

La faible progression des recettes en 2014 est liée au ralentissement de la croissance et à la remontée du chômage qui résultent principalement des conséquences des politiques d’austérité. Ces prévisions se fondaient sur une hypothèse de croissance de +0,9 % du PIB et de 2,2 % pour la masse salariale en 2014. L’amélioration des perspectives conjoncturelles n’a pas eu lieu. La France et toute la zone euro ont subi le contrecoup des politiques d’austérité. La croissance française est prévue à +1,0 % en 2015 après +0,4 % en 2014. Ce qui paraît encore une fois bien optimiste. La progression de la masse salariale est limitée à 1,6 % en 2014, nettement en-deçà de la progression de 2,2 % retenue en LFSS initiale. Par ailleurs dans la zone euro, l’inflation se maintient durablement à un niveau très faible (+0,4 % en août 2014). On peut même parler de déflation.

Cette révision du scénario économique se traduit par une correction significative à la baisse des prévisions de recettes, de plus de 1,2 milliard d’euros pour les cotisations sociales, ainsi que des autres prélèvements, notamment les prélèvements sociaux sur le capital, qui ont reculé de près de 1 milliard d’euros par rapport à 2013. La réduction du déficit en 2014 par rapport à l’année précédente est donc fortement contrariée. Ainsi, le déficit du régime général se réduirait, mais à un rythme inférieur à celui de l’année précédente, et s’établirait à 11,6 milliards d’euros, notamment grâce à l’amélioration du solde de la branche vieillesse. Seule la hausse des cotisations d’assurance vieillesse dues par les employeurs et les salariés, pour 0,05 point chacun, représentant une recette de 400 millions d’euros pour la CNAVTS, tend au redressement des comptes de la Sécurité sociale, notamment de la branche vieillesse.

Au contraire malgré une modération des dépenses, on assiste à une hausse du déficit de la branche maladie, aussi cette branche est-elle particulièrement dans le collimateur.

Le déficit cumulé de l’ensemble constitué par le régime général et le FSV s’établirait en 2014 à un niveau identique à celui de l’année précédente, soit 15,4 milliards d’euros. La reprise de la réduction des déficits à partir de 2015 reposerait, selon le PLFSS, principalement sur des efforts significatifs sur les dépenses. Cela constitue bien un des rares engagements que le gouvernement veut tenir, pour assurer la contribution de la Sécurité sociale au redressement global des finances publiques.

Le gouvernement a engagé avec le pacte de responsabilité une réduction des prélèvements pesant surtout sur les entreprises. Le coût de ces baisses de recettes est de 6,3 milliards d’euros pour la Sécurité sociale en 2015.

Austérité renforcée pour les dépenses

Le gouvernement maintient son « engagement » de réaliser les économies prévues :

– décalage d’avril à octobre de la revalorisation des pensions de retraite ;

– ralentissement de la progression des dépenses d’assurance maladie : 10 milliards d’euros d’économie à horizon 2017, soit près de 3,2 milliards d’euros dès 2015 ;

– les mesures dites de « modernisation » des prestations familiales visent à réaliser 700 millions d’économies dès 2015 ;

– des économies sur la gestion des organismes de protection sociale, avec un objectif de 1,2 milliard d’euros d’économies en 3 ans, dont près de 500 millions d’euros en 2015, qui s’ajoutent au plan d’économies de 500 millions d’euros au titre de 2013 et 2014. Cela va entraîner des compressions d’effectifs.

Il s’agirait au total de réaliser 5,6 milliards d’euros d’économies, principalement en dépenses, par rapport à la projection tendancielle.

Notre opposition à ce PLFSS. Nos propositions alternatives

Pour résister à cette politique économique et sociale désastreuse, les communistes veulent engager un travail de rassemblement et avancer des propositions alternatives radicales et réalistes.

La Sécurité sociale contribue au développement de la demande effective, elle permet des prestations ainsi qu’un service public de santé qui contribuent à la dynamique de la force de travail et donc à sa productivité. La dynamique de son financement à partir des cotisations sociales est ancrée à l’entreprise lieu où les salariés créent les richesses.

Un nouveau financement est indispensable. Nous proposons le développement des cotisations sociales, notamment au travers d’une modulation des taux de cotisations patronales en fonction du développement de l’emploi, de la qualification et des salaires. Nous voulons dissuader de la montée des revenus financiers des entreprises au détriment des prélèvements sociaux, de la croissance réelle et de l’emploi. Soumettre ces revenus financiers (dividendes et intérêts) : 300 milliards d’euros qui se montent à 2 fois le montant des cotisations patronales, au même taux que les cotisations patronales actuelles sur les salaires dégagerait plus de 80 milliards d’euros pour l’ensemble des caisses de Sécurité sociale.

C’est bien l’emploi, les salaires et la formation source d’un nouveau type de croissance qui constituent le socle d’un développement du financement. Notre modèle social, au lieu d’être déstructuré par les politiques libérales, devrait être défendu et développé.

Notre opposition au PLFSS 2015 et nos propositions: exposé des motifs à un amendement global sur le financement de la Sécurité sociale

à sa naissance en 1945, la création de la Sécurité sociale visait à répondre aux enjeux de sortie de la crise systémique du capitalisme et du libéralisme de l’entre-deux guerres. Elle se donnait deux objectifs principaux. D’une part, répondre au besoin de justice sociale dans la France d’après-guerre en dépassant les insuffisances des législations sociales de la fin du xixe et du début du xxe siècle (ROP, législations familles, lois sur les assurances sociales de 1928-1930…) par une nouvelle législation prenant en charge l’ensemble des besoins sociaux de tous les Français. D’autre part, faire de cette nouvelle législation sociale un outil de la reconstruction économique du pays en assurant une efficacité productive et sociale nouvelle, à partir de la richesse créée dans l’entreprise. Malgré les réticences de certains, la démarche fut un succès.

Nos propositions d’amendements s’inscrivent dans cette philosophie. à partir d’une réforme d’ensemble du financement de la Sécurité sociale, elle se donne pour finalité une nouvelle efficacité économique et sociale, qui réponde aux besoins sociaux actuels et à venir tout en ouvrant la voie d’une sortie de la crise systémique en cours que nous vivons.

Ce que ne propose pas ce PLFSS 2015.

En effet, tandis que ce PLFSS nous propose de nouveau une réduction de la dépense socialisée pour faire face aux déficits de la Sécurité sociale, aucune mesure structurelle n’est engagée pour répondre au ralentissement de ses recettes assises sur la masse salariale. Au contraire, il vise la réduction des prélèvements sociaux et incite au développement des prélèvements financiers du capital.

Car les déficits structurels de la Sécurité sociale ne s’expliquent pas par des dépenses excessives. Ils sont la conséquence d’un manque à gagner considérable du côté des recettes imputable à ce ralentissement de la masse salariale, lui-même conséquence directe de la montée du chômage, de la précarisation de l’emploi, revendiqué au nom de la baisse du coût du travail et de la financiarisation des gestions d’entreprise.

Le taux de croissance de la masse salariale était de 6 % en 1999 (4 % en moyenne annuelle de 1999 à 2009). Il plafonne désormais à 1,2 % en 2013. C’est une perte globale de recettes potentielles pour la Sécurité sociale d’au moins 24 milliards d’euros entre 2009 et 2014, si l’on tient compte des estimations de la Commission des Comptes de la Sécurité sociale qui évalue à 2 milliards d’euros de recettes pour la Sécurité sociale le point de croissance de masse salariale.

Or, cette pression sur la masse salariale, que le gouvernement reprend malheureusement à son compte au nom de la baisse du coût du travail des entreprises et qui s’incarne dans la Pacte de responsabilité, répond clairement aux objectifs de rentabilité financière immédiate des gestions d’entreprises.

Non seulement cette pression accélère le transfert opéré sur les 40 dernières années de la part de la richesse produite destinée aux travailleurs et à leur famille vers la rémunération des profits. Un mouvement qui a vu la part des profits dans la valeur ajoutée s’accroître de 8 points et celle des salaires se réduire d’autant.

Mais surtout, cette position accentue la logique de financiarisation des gestions d’entreprise qui se traduit par le fait que leurs profits proviennent des profits financiers et non de leur activité elle-même. Ces profits financiers ne contribuent pas au financement de la protection sociale. Pire, ils se développent contre la croissance réelle, contre l’emploi et les salaires, et donc contre le besoin de recettes nouvelles de la Sécurité sociale.

Véritable cancer de l’économie, et partant de la société, ces revenus financiers bruts des entreprises, qui sont aussi le coût du capital qu’elles paient, doivent pouvoir être mis à contribution pour le financement de la Sécurité sociale. Selon les comptes de la Nation (base 2010), ils représentent en 2013 de 236,2 milliards d’euros pour les sociétés non financières et 90,1 milliards d’euros pour les institutions financières. Soit un total de 326,3 milliards d’euros prélevés sur l’économie au bénéfice des actionnaires et de la finance qui représente 28,1 % de la valeur ajoutée et ne contribue que très marginalement au financement de la Sécurité sociale.

C’est pourquoi, dans la Partie I de notre amendement, nous proposons de soumettre à cotisation sociale ces revenus financiers. Ceux-ci seraient soumis aux taux actuels des cotisations sociales employeurs de chaque branche de la Sécurité sociale : 13,1 % au titre de la branche maladie, 8,3 % au titre de la branche vieillesse et 5,4 % au titre de la branche famille.

Ainsi pourraient être générés 87,45 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour la Sécurité sociale décomposés en :

42,75 milliards d’euros pour la branche maladie ;

27,08 milliards d’euros pour la branche vieillesse ;

17,62 milliards d’euros pour la branche famille.

Cette contribution nouvelle, qui dépasse largement les besoins de financements actuels des organismes sociaux, permettrait alors de mener une politique sociale active répondant véritablement aux besoins actuels de la population mais aussi à venir (sanitaire, vieillissement, dépendance, petite enfance…).

D’autre part, sa nature même permettrait d’engager un processus de réduction de la CSG aujourd’hui prélevée uniquement sur les ménages. Ce qui rééquilibrerait les sources de contribution fiscale au financement de la Sécurité sociale (revenus d’activité des ménages/revenus financiers des entreprises).

Mais plus encore, en rendant moins incitatifs les revenus financiers des entreprises, cette cotisation sociale additionnelle permettrait d’engager le combat contre la spéculation en poussant la réorientation de l’activité économique et les gestions d’entreprise vers la production de richesse réelle. Ainsi, loin d’en faire une source de financement pérenne, ce prélèvement fiscal aurait vocation à s’éteindre dans la durée faute de base fiscale de prélèvement.

C’est pourquoi encore, parallèlement à ce dispositif, la partie II de notre amendement propose de le combiner avec l’institution d’un dispositif de modulation des cotisations sociales employeurs en fonction de leurs politiques salariales et d’emplois.

L’idée est simple et efficace. Dans un mouvement général de hausse progressive des cotisations sociales patronales, il s’agit de moduler le taux de cotisation sociale patronale de chaque entreprise en fonction de l’écart entre son rapport « masse salariale/valeur ajoutée » et celui moyen de sa branche d’activité. Plus cet écart serait négativement élevé, c’est-à-dire plus l’entreprise préfère accroître sa valeur ajoutée en faisant des économies sur l’emploi et les salaires et en développant ses revenus financiers, et plus elle serait soumise à des taux de cotisations patronales élevés. à l’inverse, plus cet écart serait positivement élevé, c’est-à-dire plus l’entreprise adopte une stratégie de gestion vertueuse à l’égard de l’emploi et des salaires par rapport aux pratiques de sa branche, et en proportion moins ses taux de cotisations sociales seraient élevés.

La logique de ce nouveau dispositif est fondamentale. Il ne s’agit pas tant de récompenser les vertueux et de punir les vicieux. En dissuadant ainsi la course à la croissance financière, aux économies massives sur l’emploi et les salaires, il s’agit avant tout de responsabiliser socialement et solidairement les entreprises face au développement de l’emploi, des qualifications et des salaires, pour enclencher un nouveau type de croissance centré sur le développement de la ressource humaine. Il s’agit d’engager le combat contre les critères de gestion des entreprises tournés essentiellement vers la rentabilité financière immédiate et d’opposer des critères de gestion assis sur le développement des capacités humaines.

Inciter à la croissance réelle à partir du développement de l’emploi, des salaires, de la formation, en bref de l’accroissement du rapport masse salariale/valeur ajoutée, c’est la condition d’un réel « gagnant-gagnant » pour la Sécurité sociale et les assurés sociaux comme pour l’entreprise.

Pour la Sécurité sociale, ce dispositif permettrait de renouer avec la croissance régulière et importante de ressources de cotisations sociales patronales qui n’ont cessé de se réduire depuis le début des années 1990.

Pour les assurés sociaux, l’arrivée de nouvelles cotisations patronales permettrait de réduire relativement leur contribution qui a compensé le retrait de la contribution employeur. Ces ressources dynamiques supplémentaires permettraient aussi de mettre fin à la réduction systématique du niveau de la prise en charge socialisée.

Pour les entreprises enfin, le développement de l’emploi, des salaires et des qualifications pour développer les ressources de cotisations sociales de la Sécurité sociale permettrait, d’une part, d’augmenter le revenu disponible des ménages, et donc d’accroître la demande intérieure et le potentiel de débouchés, qui leur fait cruellement défaut aujourd’hui pour causes justement de politiques d’austérité et de politiques d’entreprises contre l’emploi et les salaires ! D’autre part, cette dépense sociale accrue et dynamisée des entreprises constituerait globalement un moteur d’accroissement de la productivité du travail et donc un facteur de nouvelle croissance.

 

 

 

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