Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Flextronics : Populations et salariés de Laval payent les stratégies de déclin

 

Fabien Maury

 

 

LA SITUATION.

Flextronics a l’intent ion de fermer son usine de téléphone por tab le à Laval avec à la clé 503 licenc iements écono miques. Les premières lettr es de licenc iement arr iveront le 2 novembre. Le précé dent plan de sauvegarde d’emploi avait entra îné le licenc iement de 65 salariés qui n’ont toujours pas retr ouvé d’emploi.

LA STRATÉGIE DU GROUPE FLEXTRONICS

Les caractéristiques de l’entreprise et du secteur

Flextronics est un groupe amér icain dont le siège social est à Singapour. C’est un fourn isseur de ser vices de fabrication électr onique (conce ption, fabrication) dans les domaines de l’automo bile, de la médec ine, de la commun icat ion etc .

 

C’est un secteur l’obsolescence est rapide et le renouvellement incessant face à la concurr ence . Cela signifie une montée rapide des coûts de R&D.

 

Les donneurs d’ordre (comme Alcate l) sont de plus en plus exigeants avec la recherche du moindre coût , du moindre délai, de la meilleur e qualité, n’hésitant pas à exiger des soustraitants leur déloca lisat ion dans les pays à faible coût salarial, en Asie par ticulièrement .

La stratégie du groupe

Pour faire face aux exigences des donneurs d’ordre à celles des actionnaires, Flextronics a pratiqué d’impor tants rachats d’entr eprises ou d’unités de production par exemple celles de l’équipement ier cana dien Nortel. Pour cela, le groupe s’est mass ivement endetté en 2003. Et, pour s’ajuster, il ne cesse depuis de faire pression contr e les emplois, les dépenses de format ion et les salaires.

Les résultats du groupe : malgré des difficultés en Europe, une explosion des profits dans le monde :

  1. Selon les est imations de la direction, les ventes de Flextronics progresser ont entr e 4 et 10% en 2005 après avoir augmenté de 10% sur l’ensem ble de l’année 2004 (soit 15,9 milliar ds pour 2004) ;

La par t du chiffre d’affaires réa lisé en Europe s’est littéralement effondrée d’un quar t passant de 38 à 28% entr e juin 2004 et juin 2005 alors que la par t réa lisée en Amérique progressa it de 37% passant de 16 à 22% et celle réa lisée en Asie croissait de 9% passant de 46 à 50% ;

Le taux de renta bilité du capital (ROITC) a été multiplié par 3 entr e juin 2003 et juin 2004 (pour atte indre 25%).

I. A LAVAL, ALCATEL, FLEXTRONICS ET GOUVERNEMENT : LA STRATÉGIE DU DÉCLIN.

En 2001, Flextronics a racheté l’éta blissement de Laval à Alcate l. Le groupe frança is cont inuait d’êtr e le principal client de l’éta blissement (60% du chiffre d’affaires) . Il exigeait toute fois d’énormes baisses de coûts encoura geant ainsi aux délocalisations . En 2004, Alcate l avait dramatiquement rédu it ses comman des con duisant à une réduc tion mass ive du chiffre d’affaires de Flextronics-Laval (divisé par 3 en 4 ans) .

Flextronics s’était engagé à une diversification du site auprès des pouvoirs publics. Toutefois, le plan de suppr ess ions d’emplois de l’époque avait cons isté à faire partir les jeunes techn iciens pour tant indispensab les à une diversification des activités.

Désorma is, Alcate l a décidé de cesser ses achats , abandonnant ce type de production au groupe chinois TCL. Par ailleurs , Thalès avionique qui devait const ituer un relais au recul des comman des d’Alcate l a décidé d’abandonner Flextronics comme sous-traitants au nom de la chasse aux coûts .

Tout se pass e comme si trois stratégies de déclin se conjuguai ent :

celles d’Alcatel qui, au nom de la renta bilité, a sans cesse accrue la press ion pour exiger de ses fourn isseurs des coûts toujours plus bas, allant lui-même jusqu’à mass ivement déloca liser en Asie au détr iment de l’emploi et des productions en France et en Europe ;

celle de Flextronics qui a profité d’avanta ges publics non pas pour diversifier les activités et développer l’emploi mais pour gérer le déclin du site et déloca liser ses activités en Asie, à la suite de ses donneurs d’ordre ;

celle de l’Etat, François d’Aubert en tête (maire de Laval et ex-ministre du budget) qui a laissé faire, encoura geant ainsi l’irres ponsa bilité sociale, terr itor iale et techno logique de ces deux grou pes. Il s’interr oge aujour d’hui sur les res ponsa bilités d’Alcate l, mieux vaut tar d que jamais… Mais, si ce n’est pas de la démagogie, alors qu’il exige, avec nous , que le gouvernement fasse press ion sur la direction généra le de ce groupe pour par ticiper à la recherche d’une solution de cont inuité des activités de Flextronics à Laval !

Par ailleurs , il inadmissible de déresponsa biliser encor e plus ces groupes, d’acce pter leur vandalisme social, terr itor ial, techno logique en affirmant , comme le fait Jean Arthuis, président du Conse il Généra l de Mayenne , qu’il suffit d’une plate-forme multimoda le pour mainten ir 100 emplois sur 500, et en laissant tranqu ille Flextronics, Alcate l etc . M.Arthu is s’enor gueillit d’avoir aler le premier sur le phénomène des déloca lisat ions. Il a donc sans doute par ticulièrement été bien placé pour voir venir celle de Flextronics. Qu’a-t-il fait pour prévenir et aler ter ?

IL FAUT RESPONSABILISER SOCIALE M ENT ET TERRITORIALE M ENT FLEXTRONICS ET ALCATEL

Le gouvernement doit prendre ses responsab ilités . Il n’est pas possible de se défausser à bon com pte sur la Commission européenne comme le fait Chirac dans le cas de HewlettPackard.

L’institution immédiate d’un moratoire suspensif sur les décisions de fermeture et de suppressions d’emplois.

Le gouvernement doit imposer un morato ire si besoin ait en menaçant l’entr eprise d’exiger le remboursement de toutes les aides publiques .

La réunion d’une table ronde avec obligation de résultats ouverte aux salariés et syndica ts de Flextronics mais aussi à ceux des sous-traitants et fournisseurs.

Le gouvernement doit tout de suite réun ir les dirigeants de Flextronics, d’Alcate l, de Thalès, les syndicats de ses entr eprises, les élus concernés . Cette réunion doit avoir pour but de trouv er les solutions pour assurer la continuité des activités de Flextronics tout à la fois, à par tir des productions actue lles mais auss i dans le respect des engagements de divers ificat ions.

Alcate l et Thalès dépen dent plus ou moins du public : propriété du ca pital, avanta ges fiscau x, exonérat ions sociales, sub vention diverses , aides indirectes de toutes sor tes , comman des publiques etc. Le gouvernement a les moyens de faire pression sur eux pour les impliquer dans la recherche d’une solution.

On voit à ce propos a conduit la privatisation de groupe comme Alcatel. Il faut exiger un chang ement du statut de cette entreprise avec une appropriation sociale de ses capitaux propres, de sa gestion, de ses financements.

Et Thalès, aujourd’hui encor e contrô par l’Etat, doit œuvrer pour l’intérêt commun dans la recherche d’une solution.

Dans le cas des suppressions d’emplois s’avéreraient finalement nécessaires, il s’agira d’exiger de Flextronics mais aussi d’Alcatel et de Thalès :

qu’ils assur ent le maintien dans l’emploi modern isé des salariés concernés , avec les format ions nécessa ires ;

que Flextronics cont inue de garder à ses effectifs, avec maintien du salaire, les tra vailleurs dont l’emploi pourra it êtr e suppr imé jus qu’à ce qu’ils aient choisi un reclasse ment , avec la format ion si nécessa ire ;

qu’ils contr ibuent au re-développ ement du potent iel productif et techno logique dans le bass ins d’emploi, avec par ticulièr ement le sout ien des sous-traitants et fourn isseurs .

Il faut que ces groupes et le gouvernement prennent les dispositions nécessaires à une véritable sécurisation des parcours professionne ls de tous les salariés potentiellement victimes de la décision de Flextronics. En aucun cas, il ne faut acc epter que les suites de cette affaire se traduis ent par le rejet dans le chômage des intéressés, directs ou indirects.

Nous sommes bien dans un chantier concr et de lutte pour ce grand projet d’avenir qu’est la sécurité d’emploi ou de formation.

 

La création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation (FREF).

Il visera it, à cette occas ion, à mob iliser le cré dit dans chaque région, à par tir de fon ds publics du Conse il régional, pour souten ir la modern isat ion nécessa ire et le développ ement de toutes les entr eprises concernées , en liaison avec des objectifs chiffrés et contrô lables d’emplois et de format ions .

Ainsi, ce Fonds prendrait en charge une par tie des intérêts payés par les entr eprises éligibles à leurs banques pour financer leurs invest issements . Plus ceux-ci programme raient de créat ions et de maintiens dans l’emploi avec les format ions nécessa ires et plus le coût du cré dit pour les entr eprises sera it ainsi allégé. L’usine de Laval fait auss i les frais du surendettement de Flextronics. Elle a besoin d’un

« bol d’oxygène ». La créat ion d’un FREF, à cette occas ion, que pourra it décider sans atten dre la région en discutant du projet de budget 2006, permettra it à cette entr eprise d’accéder à un cré dit bon marché indispensab le à la poursu ite de son activité.

La responsabilité de l’Union européenne est engagée.

Le gouvernement doit exiger de Bruxelles qu’un dispositif conservatoire et dissuasi f soit recherché à l’éc helle de toute l’Union eur opéenne vis-à-vis des multinationales qui enten dent rédu ire la part de l’UE dans leur chiffre d’affaires, dans leurs emplois et dans leur masse salariale.

Vu l’ampleur prise par le phénomène des délocalisations vers les pays émer gents , notamment dans les industr ies de main d’œuvre , une nouvelle donne doit êtr e recherchée en Europe car il faut bien constater un état de crise manifeste dans plusieurs secteurs .

Si l’emploi dépend avant tout des res ponsa bilités nationales, ce type de phénomène por te une con damnat ion des orientat ions actue lles de l’Union, notamment celles de la Commission et de la BCE. Ces inst itut ions n’ont plus le droit de plaider l’irresponsab ilité !

 

Contrat de site du bassin de Laval

Avec le contrat de site du bassin de Laval, un plan de conversion vient dêtre impro-

visé en catastr ophe après les suppr essions mass ives d’em plois chez Flextronics pour tenter de calmer les effets de l’implosion sociale de ce bass in d’emploi. Avalisé par le CIADT du 24 octo bre dernier, il doit impérat ivement êtr e finalisé le 30 novembre.

 

Dans ce contrat les salariés de l’électr onique

/méta llurgie devraient chercher une éventue lle con vers ion autour de 3 axes :

« les points forts que constituent les pôles de compétitivité volet "EMC2" (matériaux composites) et "images et réseaux" (réalités virtuelles).

les atouts économiques locaux actuels, notamment les entreprises du secteur agro alimentaire et du secteur de la valorisation des déchets ;

les ressources humaines à travers un pôle d'excellence dans les domaines de l'apprentissage et de la formation professionne lle.»

 

Dans une pers pective auss i floue, des fonds évalués à 49,2 millions d'eur os devraient êtr e mob ilisés :

«24 millions d'euros pour les aides économiques et l'attractivité du territoire,

1, 5 million d'euros pour la formation et l'apprentissage,

24,2 millions d'euros pour la prospection et l'innova tion.»

  • Qui paiera ?
  •  
  • L’engagement financ ier des trois collect ivités terr itor iales concernées (con seil régional, conse il généra l, communautés d'aggloméra tion de Laval), à hauteur de 2 millions d'euros chacune est déjà assurée . Mais les entr eprises n’a pp or ter ont q ue mo ins d e 0,5 million d'eur os «au titre des obligations qui leur sont faites, par le Code du travail, de faciliter la reconversion des salariés et la création d'activités nouvelles». Si Flextronics a été sollicité pour un financement com plémenta ire, Alcate l semb le bien, lui, tota lement épargné. L’Etat , dans ce monta ge «décide, dès à présent d’apporter 5 millions d’euros en soutien». Pour le reste , le chanta ge au pr ès des collect ivités locales va cont inuer.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.