Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La région Picardie et l'emploi, un enjeu crucial

Jean Charles Dubart

Le comité régional de Picardie du PCF a organisé une réunion de travail centrée sur l'emploi et la formation le samedi 15 octobre à Creil, avec la participation de Alain Morin Rédacteur en chef d'Econom ie et Politique; près de 40 élus régionaux, conseillers généraux, conseillers municipaux, responsables syndicaux et responsables fédéraux et locaux du PCF de l'Aisne, la Somme et l'Oise, militants représentatifs de l'ensemble des couches de la population picarde, ont répondu à cette invitation.

En apparence l'évolution «mensue lle» du «marché du travail» conna ît une pose, en Picardie comme en France mais tous les sonda ges montr ent que ce sujet est aujourd'hui la préoccu pation principale des Picards ; en évolution annue lle, la Picardie conna ît malgré tout un accr oissement de la deman de d'emploi de 3,1% tand is qu'au niveau national, elle diminue de 0,8%. D'autant plus que la notion de deman deurs d'emploi de caté gorie 1 est tout à fait réductr ice ; au niveau national 40% de deman deurs d'emploi n'ont plus de cou ver tur e sociale ; l'ensem ble des chômeurs et des précaires représentent plus de 7 millions de personnes pour un chiffre de demandeurs d'emplois de caté gorie de 1 de 2,4 millions ! Au-delà de l'inefficacité apparente des mesur es Villepin (apparentes parce que leur inefficacité ser t en fait les objectifs de la politique de la droite....), il y a une perversité qui permet toute une série de manoeu vres. En premier lieu, en programmant une exonérat ion tota le des cotisations sociales patronales sur les salaires des smicards pour 2007, on incite le patronat à tirer tous les salaires vers le SMIC avec en prime la désta bilisation du financement de la sécur ité sociale et le chanta ge sur l'ensemble des salariés. Du cou p, la France devient un pays de bas salaires. La baisse des coûts salariaux est systémat ique, au nom de la com pétitivité, au lieu de développer les capacités humaines, la recherche, la format ion, la qualificat ion et de la coo pérat ion pour partager un cer tain nom bre de coûts autr es que salariaux. Cette politique a violement fait reculer la part des salaires dans la valeur ajoutée des entr eprises et monter celle des profits. Elle a abouti à une insécur ité sociale générale, depuis le chômeur ou l'ouvrier non qualifié jusqu'à l'ingénieur, le cadre ou maintenant le salarié de la fonct ion publique. Il ne faut pas chercher ailleurs ce que des commen tateurs appelle la morosité des frança is ! C'est cela qu'il faut remettr e en cause radicalement en s'appuyant sur des interventions publiques à par tir des collect ivités , notamment celles dirigées par la gauc he, pour responsab iliser les entr eprises socialement et terr itorialement et pour modifier les rappor ts entr e les banques et les entr eprises. Aujourd'hui, on cherche à faire monter un patriotisme régional autour des pôles de com pétitivité ou dans le cadre des discuss ions sur les SRDE. Il s'agit de faire monter un large consensus autour des thèmes comme ceux de l'attract ivité des terr itoires, visant à attirer chez soi les capitaux dispon ibles sur les marchés financiers , poussant ainsi à la mise en concurr ence des terr itoires, des régions , pour la guerr e économ ique. Ce vocabulaire n'est pas innocent et des camara des insistent sur l'idée que l'économie doit d'abord répondr e aux besoins des hommes et favoriser leur épanou issement .

 

Les Schémas régionaux de développement économique (SRDE)

Le schéma régiona l de développement économ ique, censé faire l'objet d'un débat démocrat ique, est un document visant à structur er le développement économ ique du terr itoire dans le cadre de la décentra lisat ion. Cependant à travers la volonté de faire un « diagnost ic partagé » et à partir de proposer des solutions qui soient elles auss i partagées, on sent poindre des objectifs fortement intégrateurs autour de solutions conformes aux volonté du patronat afin d'attirer les capitaux internat ionaux en leur faisant de nouveaux cadeau x, et au nom de l'emploi de développer des aides financières aux entr eprises et une fiscalité favora ble à leurs profits.

 

Si la région Picardie semb le en retard, les documents dont nous disposons semb lent confirmer ces orientat ions. Les discussions à venir feront apparaître un quadruple enjeu :

  • Le débat sur le SRDE sera-t-il l'appr entissage d'une élaborat ion démocrat ique, maîtrisée par les citoyens et les travailleurs disposant des moyens d'analyse et d'inter vention dans les inst itut ions ?

  •   Le SRDE préparera-t-il un avenir des terr itoires fondé sur une sécur isation et une promot ion de       l'emploi    et de la format ion, en mob ilisant tout autr ement les moyens financiers dispon ibles ?

  • Plus précisément , est ce que l'on va responsab iliser les entr eprises sur l'emploi et la format ion, chercher à modifier les rappor ts entr e les banques et les entr eprises pour l'emploi et de la format ion des populations ou bien va-t-on cont inuer à distribuer des cadeaux aux entr eprises sans contr ep ar t ie p our l' em ploi avec seu lement d es souha its d'éventue lles retom bées sociales ?

  • Va-t-on constru ire les out ils financ iers , comme un Fonds régiona l pour l'emploi et la format ion, afin que les objectifs sociaux annoncés se concrét isent dans la réa lité ?

Se saisir de ces enjeux pour empêcher ces tentat ives d'intégration et de collaborat ion aux objectifs du capital, c'est la responsab ilité qui incom be au parti et à ses élus tout comme aux militants syndicaux également confrontés à ces quest ions.

Comment construire un Fonds régional pour l'emploi et la formation en Picardie à partir des dispositifs existants en les transformant.

Pour atténuer les consé quences sociales de la gestion des entr eprises et leurs décisions contr e l'emploi et les terr itoires, une batter ie de dispos itifs d'aides directes ou indirectes aux entr eprises et aux populations touchées a été mis en place, y com pris par la majorité précé dente . Ces dispos itifs disposent de 19 millions d'euros environ. Si cer tains visent à favoriser des embauc hes, nom bre d'entr e eux (avances à l'artisanat , capital risque , aide à l'invest issement , aide à l'immob ilier d'entr eprise,...) hérités du passé partent du principe que l'aide financ ière de l'entr eprise devrait favoriser des créat ions d'emplois, mais sans les rendre obligato ires. A noter le dispos itif de «Fonds régiona l d'initiative locale pour l'emploi» visant l'accom pagnement des initiatives originales pour l'emploi, notamment pour la créat ion de nouvelles activités et de nouveaux ser vices d'appui aux besoins de proximité. Ce dernier dispos itif pourra it-il amor cer un fon ds régiona l de type nouveau responsa bilisant les entr eprises et les banques ? Pour cela, il faudrait fortement réévaluer son financement et sa conce ption même.

 

  1. L'objectif et les moyens d'actions :

L'objectif, c'est l'emploi, sa créat ion et son maintien en liaison avec la format ion pour l'emploi. Les moyens d'actions, c'est de parvenir à changer les relations entr e les banques et les entr eprises à partir de la mob ilisation d'un cré dit à moyen et long terme en incitant à l'emploi et à la prise en charge de tout ou partie des intérêts par des fonds publics des investissements matér iels et de recherche avec des taux d'intérêt d'autant plus abaissés pour l'entr eprise que sont programmés de l'emploi efficace et de la format ion pour un meilleur emploi. Mais pour faire avancer une telle responsa bilisation des entr eprises et des banques il faut des droits nouveaux pour les tra vailleurs . Comment cela se passe sur un projet : soit les fonds publics sont directement mobilisés l'euro près) pour financer l’emploi (par exemple 3 000 par emploi), soit cette somme est mob ilisée pour abonder les intérêts d'un emprunt auprès d'une banque partenaire du Fonds (par exemple 3 000 pour ramener de 5 à 0% les intérêts d'un emprunt de 60 000 ) à travers l'engagement de trois emplois à 1 000 par emplois. Cette bataille ouvre une porte pour la con quête de pouvoirs d'inter vention sur les masses financ ières autr ement plus cons idéra bles. Elle concerne auss i l'enjeu politique du contrô le de l'ensem ble des fonds publics versés directement ou non aux entr eprises. À par tir de la situat ion picar de, un Fonds régional pour l'emploi et la format ion pourra it rendre beaucou p plus efficace cer tains dispos itifs existants . Ce projet peut viser :

  1. d'une part, un développement de l'activité de l'entr eprise, avec des investissements matér iels et éventue llement d'application de recherche,

  2. d'autr e part, des créat ions et trans format ions d'emplois corr es pondantes en contr e par tie : pour embauc her des chômeurs dans la localité ou dans la région, avec éventue llement des format ions ; pour trans former en CDI des emplois existants précaires dans l'entr eprise, CDD, intér im, temps partiel ; pour des format ions en cours d'emplois, etc. Le Fonds régional, en fonct ion de l'impor tance des créat ions et trans format ions d'emplois et selon le barème qu'il aura adopté, se prononcera sur le projet et l'octr oi de fonds, sur le montant des cré dits bonifiés, sur leur garant ie, sur la durée et sur les taux de prise en charge, tota le ou partielle, des intérêts par lui.

Prenons deux cas concrets en Picardie : Celui de Goosens 4P emballag es

98 emplois sont menacés en raison des press ions de la grande distribution et de Nestlé sur ses prix de vente , une mise en concur rence internat ionale, des aides publiques alléchantes à l'étran ger. Si le conse il régional et le conse il généra l les deux conjointement étaient saisis et versa ient, pour le maintien de 100% des emplois, une contr ibution mutua lisée de l'ordre de 1 000 par emploi sauvegardé après évidemment une expertise pour voir si les difficultés de l'entr eprise sont réelles. Cela permettra it de dégager les moyens d'une bonification de 98 000 et de baisser ainsi de 5% les taux d'intérêt d'un cré dit d'investissement de près de 2 millions d'euros con ditionné au maintien de l'emploi. Ainsi, un montant de cré dits bien plus impor tant que la vente des murs de l'entr eprise avec une dépense publique bien moindre sera it dispon ible pour la sauvegarde des emplois. Pour inciter à une préser vation d’un maximum d’emplois les bonifications seraient modu lées, c'est-à-dire dans ce cas elles seraient abaissées si la totalité des emplois n’est pas maintenue . Leur for te dégress ivité sera it incitative au maintien de l’effectif. Par exemple elle pourra it se limiter en cas de préser vation de la moitié seulement des 98 emplois à une réduct ion de 1% des taux d’intérêt au lieu de 5%. Il est à noter que, contra irement au dispos itif De Robien qui finança it des exonérat ions de cotisations sociales patronales sur les emplois préser vés encoura geant les entr eprises à«gonfler»leur soit disant sureffectif, ce dispos itif res ponsa bilise l’entr eprises qui devra prélever sur ses profits pour rembourser son emprunt et par ailleurs favorise la deman de d’investissement pour d’autr es secteurs de l’industr ie et contr ibue ainsi à une relance globale.

 

Deuxi ème cas : la filière agro alim entaire.

Comme institution, Le Fonds régional présidé par le président du conse il régional ou son représentant serait un atout pour const ituer un tel pôle qui pourra it assoc ier au delà du cré dit agricole des banques mutua listes , les caisses d'épargne,... Il pourra it le favoriser dès le niveau régional sans atten dre sa réalisation au niveau national. La prise en charge publique d'une partie des intérêts en fonct ion des efforts sur l'emploi et sur la format ion, sécur iserait les projets. Cette sécur isation pourra it être renforcée par un dispos itif de fonds de garant ie des cré dits qui est une sor te de mutua lisation des risques cré dit. Le fonds existe déjà dans la région, mais il est réser aux seules très petites entr eprises. Il pourra it êtr e élargi. Pour que de tels projets puissent avancer, il est donc nécessa ire que les pouvoirs des populations et des salariés sur l'argent soient fortement renforcés. Il ne s'agit pas de dériver vers un Fonds pour la créat ion d'entr eprise et des dotations en capital. C'est pourquoi, leur poids doit être prépondérant dans le conse il d'administrat ion du FREF qui serait chargé d'étu dier les projets et de décider les niveaux et les conditions de bonification des cré dits. L'extens ion de ce dispos itif dans les régions permettra it de soustra ire progressivement le monopole de l'utilisation du cré dit pour les opérat ions financières au ser vice des marchés financiers.

Il ferait monter une triple exigence :

  • la const itution d'un pôle financ ier national public à par tir des banques publiques ou mutua lisées existantes capable d'entra îner les banques commer ciales dans de tels monta ges financiers.

  • le bascu lement progressif des fonds consacrés aux exonérat ions de cotisations sociales patr onales (22 milliards d'eur o en France et environ 500 millions d'euro pour la Picar die) permettant ainsi de casser le mécan isme incitant à la baisse des salaires.
  • une press ion sur la Banque centra le eur opéenne pour rentr er dans ce jeu en "refinançant " à taux abaissé les cré dits des banques finançant ce type de projet d'investissement favorisant l'emploi et de la format ion.

A l'issue d'une réunion la discuss ion fut particulièrement riche l'engagement fut pris de lui donner des prolongements publics, seuls capables de mettr e ce sujet à l'ordre du jour du débat politique citoyen, se retrouver très vite pour aborder un autr e sujet d'impor tance pour la Picar die, la mise en oeuvre, avec la région Champagne Ardennes, du pôle de compétitivité industrie et agro-ressources.

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