Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Chroniques européennes

Yann Le Pollotec

Depuis janvier 2005, avec la libéra lisat ion du marché du textile et de l’habillement , une marée de vêtements produits en Chine, remplit les rayons des hypermar chés et des autr es ense ignes commer ciales. Les grands distribu- teurs de l'habillement ont, sans la moindre hésitation, aban- donné leurs fourn isseurs européens et magrébins (1) après les avoir pressurés et, de ce fait, empêchés de se modern iser pour résister à la concurr ence chinoise. Consé quences : l'Union européenne , comme le Maghreb, sont submer gés par des vagues de licenc iements et de fermetur es d'entr eprise.

Face à un tel sinistr e social et industr iel il a fallu des mois de com bat des syndicats et des profess ionne ls du secteur , app uyés par l’act ion parlementa ire des députés de la GUE/NGL (2), et la «grande peur» du référendum sur le Traité const itut ionne l, pour que le Comm issa ire eur opéen au commer ce extér ieur, Peter Man delson, daigne enfin se décider à agir. Le 10 juin 2005 à Shanghai, un accor d très limité, a été passé entr e le Commissaire Mandelson et la Chine, pour cont ingenter les impor tations de cer taines caté- gories de textile (pull-over, panta lon,...) vers l'Europe. Alors que la Commission européenne et les gouvernements ont capitulé devant l’OMC en sacr ifiant l’industr ie textile euro- péenne et du Sud, Peter Mandelson, en bon élève de son maître Tony Blair, n’a pas manqué de para der devant les caméras de télévision du monde entier.

C&A, H&H, Carrefour piégés comme de vulgaires contrebandiers ?

Or, depuis la mi-août , les marchandises chinoises s'accu- mulent dans les ports européens , bloquées par le dépasse- ment des quotas d'impor tation, en application de l'accor d de Shanghai. A qui fera-t-on croire que cette situat ion inédite dans toute l'histoire du commer ce internat ional, est le fait du hasar d, de la surpr ise ou de l'incom pétence ? Des géants de la distr ibution internat ionale comme C&A, H&H, Carr e- four,…avec leur armée de juristes , d’économ istes , de logis- ticiens se sera ient-ils fait piéger comme de vulgaires contr e- bandiers ? Vu les stoc ks et les sommes en jeu, on peut en douter et s’interr oger : A partir d’assurances données en haut lieu, ces entr eprises transnat ionales ne tentent -elles pas un cou p de force pour imposer définitivement à l’Union euro- péenne , le libre-éc hange sans entra ve, et donc rendre immé- diatement caduques les accor ds de Shanghai et créer ainsi un précé dent irréversible ? A moins que l’Union européenne soit atte inte d’un degré de déliquescence politique extrême ?

Mais, en déclarant qu’il se sentirait investi d'une «obligation mor ale et politique» vis-à-vis des grossistes européens , en versant des larmes de crocodile sur les petits détaillants et les plus pauvres qui risquent de ne pas pouvoir acheter des habits pour passer l’hiver, P. Mandelson voudrait encoura ger ceux qui veulent torp iller l’accor d qu’il ne s’y prendrait pas autr ement .

En outr e, il menace le Parlement eur opéen et les Etats membr es : «Le prix d'un rejet de mes propositions retom- berait sur les consomm ateurs», Mais en se gardant bien de les rendre publiques . P. Mandelson réclame, en fait, un véri- tab le chèque en blanc. Cependant, le 30 août , devant la Commission «commer ce internat ional» du Parlement euro- péen, Mandelson a commencé à lâcher le morceau sur ses intent ions : «la mond ialisation entr aîne néce ss airement des gagnants et des perdants, et cel a on ne peut le dire aux peuples europ éen s» sur tout à la veille de référendums ou d’échéances électora les, alors «il faut faire preuve de sens tactique, pour rassu rer le s cit oyens». Le rôle des poli- tiques, des gouvernements responsa bles doit être de «calmer les inquiétudes populaires» et non d’essa yer de réguler ou de changer le monde .

Compétitivité ou coopération, telle est la question !

«L’a ccord de Shanghai, s’inscrit dans cette persp ective , c’est un procé dé tacti que tr ansitoire», affirme-t-il, l’agenda de Lisbonne , c'est-à-dire la com pétitivité à tout prix, étant l’alph a et l’oméga de la politique européenne .

Or la conjonctur e politique actue lle de l’Union européenne

- Présidence britann ique, victoire prévisible de la droite en Allemagne, très large majorité pro-libérale au Parlement eur opéen – ne rend-elle pas tentant , pour les dirigeants européens , d’organiser, en douceur une sor te de cou p de force ultra-libéra l pour faire oublier les résu ltats des réfé- rendums frança is et hollan dais ?