Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Constitution : les dirigeants européens veulent faire diversion

Rosa Moussaoui

Lors du Conseil européen de Bruxelles, les chefs d’Etat de l’Union n’avaient qu’une question en tête : comment trouver des solutions pour contourner le verdict des urnes français es et néerlandaises, qui rendent de fait le traité constitutionne l caduc ?

Acette interr ogation, ils ont répondu par le mépr is et l’arrogance , concentrés dans cette phr ase du Premier ministr e luxembourgeois, Jean-Claude Junker : «Je veux croire obstiné ment que ni les Français, ni les Néerlandais n’ont voté contre le traité constitutionnel».

Dans ce conte xte, décréter une «pause» dans les ratifications vise à stopper la conta gion du «non» dont les étu des d’opinion ont fait état partout en Europe. C’est également une manière de maintenir le traité const itutionne l sous perfusion dans l’attente d’un conte xte, d’une configurat ion et de con ditions plus favora bles pour faire «passer la pilule».

Le père du projet de const itut ion, Valéry Giscar d d’Estaing, a d’ailleurs eu le mérite de dire tout haut ce que les élites européennes pensent tout bas. Il faut, suggère-t-il le plus cyniquement du monde , donner du temps au temps , «laisser se dissiper aux yeux des Français la tromperie de la renégociation miraculeuse», faire ratifier les par ties I et II, qualifiées de «proprement const itutionne lles» en les assor tissant éventue llement d’une déclarat ion de bonnes intent ions, tout en laissant la partie III (con sacrées au politiques) en vigueur au titre des traités déjà existants . La straté gie fait des émules, puisque l’UMP, par la voix d'Hervé de Charette, son secréta ire national aux Relations internat ionales, a proposé elle auss i une «ratification séparée par la France de la partie I du traité constitutionne l». Si ceux qui préconisent explicitement de faire revoter les França is et les Néerlandais sur le même texte ne se bouscu lent pas au portillon, pour cer tains, la straté gie de contournement cons istera it à atten dre une alternance dans les deux pays pour faire ratifier par la voie parlementa ire tout ou par tie du texte.

 

La faille d’un tel raisonnement : il se constru it sur l’idée selon laquelle ces votes n’ont été motivés que par l’impopularité des gouvernements , et mésest ime ainsi la profondeur d’un débat inédit, notamment en France , sur les enjeux européens . Reste , const itut ion ou pas, que derrière les discours consensue ls sur la nécess ité de «réconc ilier l’Europe avec les citoyens» et la préten due opposition entr e «le modè le anglosaxon» et un soi-disant «modè le social européen», demeur ent, par tout , des politiques fondées sur la libéra lisat ion tous azimuts , la flexibilité, c’est à dire la précar isation du marché du tra vail, le démantè lement des protect ions sociales et la priorité à la Finance au détriment de l’emploi, de l’invest issement , du développement humain. De ces politiques , qui alimentent l’opposition grand issante des peuples aux orientat ions libéra les imposées à la construct ion européenne , il n’a jamais été quest ion lors du dernier sommet européen. Si cer tains concè dent l’existence de ce qu’ils app ellent un«malaise», il n’est pas quest ion pour eux de céder un iota sur les politiques com pilées dans le tra ité const itut ionne l et mises en causes par les citoyens.

«Lors des débats aux Pays Bas et en France, des questions et des interrogations ont été soulevée s, des peurs ont surgi, qui font toutes ensemble que nous ne pouvons pas faire comme si rien ne s’était passé», a ainsi déclaré Jean Claude Junker. Pur effet de style, puisqu’en réponse à ces «interr ogations»,

M. Junker réaffirme, au mépr is de la démocrat ie : «Nous estimons tous que le traité constitutionnel donne la bonne réponse à de nombreuses questions que les Européen s se posent. Nous estimons donc que le processus de ratification doit continuer. Il n’y a pas de meilleur traité, et donc il ne saurait y avoir, ne fut-ce que la perspective d’une renégociation».

En cam pant ainsi sur leurs positions, comme en multipliant les tentat ives de diversion, les eurolibérau x font le choix du déni de démocrat ie face à l’émergence des peuples dans un débat européen confisqué de longue date. C’est dire si le bras de fer inauguré avec la cam pagne référendaire pour imposer une renégociation assoc iant les peuples, pour une Europe sociale et démocrat ique, ne fait que commencer

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