Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Le NON ouvre une nouvelle phase possible de prise en mains par les peuples de la construction européenne.

Interview de Paul Boccara (*)

Le résultat de ce référendum sur le traité constitutionnel européen met en lumière le fort rejet d'une constitution jugée «libérale» et des conséquences que celle-ci a induit. Qu'elle est selon vous la signification du vote du 29 mai ?

Le «Non» signifie le rejet du tra ité, mais auss i l’exigence d’une autr e construct ion de l’Union. Une nouveauté du non des électeurs de gauc he est que toute cette mou vance , y com pris le PCF et l’extrême gauc he, est désorma is acquise au beso in d’une Union eur opéenne , mais pour une autr e Union. Le niveau des discuss ions , l’émanc ipation des méd ia dominants ont été remar quables.

Les divisions de la gauc he sur la rés ignation à la dominat ion exacer bée des mar chés, ont commencé à reculer. Cela renvoie à des rappr ochements entr e caté gories de salariés, qualifiés et peu qualifiés, par le bas, avec la progress ion du chômage et de la précar ité et par le haut avec le besoin de format ion et de maîtrise de son sor t, face aux défis du démantè lement du modè le social et du refoulement des as pirat ions nou velles.

D’où le rejet de cette construct ion hyper libéra le : avec la concurr ence dite libre et non faussée , c’est-à-dire sans maîtrise démocrat ique, entr e salariés, avec les délocalisat ions , contr e les ser vices publics, avec la Ban que centra le eur opéenne pour les mar chés financ iers contr e l’emploi. D’où l’idée de renégociation pour un autr e tra ité. Le vote a contr ibué au Non des Pays-Bas. Il a eu un grand retent issement dans tous les pays eur opéens . Il ouvre une nou velle ph ase poss ible de prise en mains par les peu ples de la construct ion eur opéenne . Il inter pelle les forces du non de gauc he pour la poursu ite du com bat mais auss i celles de gauc he qui ont voté «oui».

Pour autant, les promoteurs du «oui» maintiennent qu'il n'y aurait pas de réponse alternatives, notamment sur le plan économique, à un tel projet européen. Que répondez-vous à cette fin de non recevoir de la volonté populaire majoritaire par nos libéraux, la droite mais aussi par l'état major du Parti socialiste ?

Les forces de droite qui ont fait cam pagne pour le «oui» tentent de gagner du temps , pour faire passer quan d même , sous une forme ou une autr e, l’essent iel du Traité. Pour les forces de gauc he ayant prôné le «oui», la contra diction monte entr e le maintien de leur orientat ion et le beso in de se démar quer de la droite avec des exigences sociales. Apr ès les référen dums frança is et néer lan dais, le Traité, qui exige l’unan imité est devenu ca duc. Pour que le Prés ident de la République res pecte le vote , il devrait :

  • avec le retra it de la signatur e de la France , deman der l’engagement d’un processus de renégociation pour un autr e Traité,

  • organiser un processus de consu ltat ion des Français sur les axes d’un nou veau tra ité, en relation avec des processus ana logues de consu ltat ion des peu ples eur opéens .

Giscar d d’Estaing propose de se limiter à un texte dit str ictement const itut ionne l, reprenant les par ties I et II du Traité, en laissant de côté la par tie III sur les principes économ iques et monéta ires. Cela maintiendrait les dispositions déjà en vigueur de la par tie III, celle sur la BCE du Traité de Maastr icht ou celle du Pacte de stab ilité, opp osées à l’emploi, aux dépenses publiques , au progrès social, avec le tabou sur les orientat ions économ iques.

Les exigences de renégociation pour un autr e tra ité, de consu ltat ion des França is sur les axes de cette renégociation et des contenus de ces axes doivent faire par tie des enjeux des élect ions de 2007. Dès maintenant , des luttes , déjà por teuses des nou velles exigences , peuvent êtr e déployées .

Selon les études d'opinion, la principale des préoccupations de la population réside dans «l'insécurité sociale» et l'emploi. Le «nouveau» gouvernement de la France tente ailleurs de répondre «à sa façon» à ces difficultés et aux attentes exprimées en faveur d'une politique sociale. Que pensez-vous des mesures annoncées à ce sujet par le premier ministre Dominique de Villepin ?

De Villepin, avec son «plan d’urgence pour l’emploi», tente de récupér er de l’influence , et de contourner l’exigence d’un autr e tra ité. Il redou ble de déma gogie et de dispos itions archi-libéra les : flexibilisat ion et baisse des cot isations sous préte xte d’inciter aux em bauc hes.

Le contrat «nou velle em bauc he», à la période d’essa i, de licenc iements très faciles, éten due à deux ans , intr oduit cette casse du droit pour les «très petites entr eprises» d’abor d. L’em bauc he des moins de vingt-cinq ans ne com pte plus dans les seuils de 10 salariés, pour avoir des délégués du personne l, et de 50, pour un comité d’entr eprise. Les contrats aidés publiquement pour jeunes dans les secteurs public et assoc iatif, avec leurs bas salaires et leur précar ité, tels les «contrats d’accom pagnement vers l’emploi», sont amplifiés, comme les «contrats initiative emploi» analogues pour le secteur privé.

Pour les baisses des charges sociales sur les bas salaires, les poussant et tirant tous les salaires vers le bas, sans contr epar tie en em ploi mais déprimant la deman de, on veut ajouter quelques milliards de fonds publics à la vingtaine déjà gâchés et les suppr imer com plètement en 2007 au niveau du SMIC.

Pour que les chômeurs acce ptent n’impor te quel em ploi, c’est la car otte et le bâton : la prime de mille eur os, l’aggravation des suppr ess ions d’allocat ions en cas de refus. On pousse le cumu l «em ploi-retra ite». Les faveurs aux em plois de ser vices aux par ticuliers , par les baisses de cot isat ions , les «chèques em ploi», les rémunérat ions à la tâche , se bercent d’illusions sur les résu ltats , alors que les emplois dans les ser vices publics pourra ient avoir une tout autr e am pleur.

Vous êtes vous-même à l'origine de la proposition faite par le PCF en faveur d’une «sécurité d'emploi ou de formation». En quoi consiste-telle et répond-elle à la crise économique que nous vivons ?

Face aux éc hecs des politiques menées depuis une trentaine d’années , il faut des changements rad icau x. On a dit «on a tout essa yé». Puis Le Monde du 7 juin décou vre la «Sécur ité soc iale profess ionne lle» de la CGT, en la raba issant au maximum et en cac hant qu’une de ses sour ces est notr e proposition d’ «Une Sécur ité d’em ploi ou de format ion» (1).

Celle-ci veut éra diquer le chôma ge. Les économ ies de tra vail et de moyens matér iels de la révolution techno logique le relancent sans cesse , avec les press ions capitalistes contr e les salaires et les dépenses sociales. Mais la volut ion informat ionne lle exige d es d é p enses d e recherche et de format ion. Beaucou p plus mass ives, elles fourn iraient deman de et act ivité.

Pleinement réa lisé, un système de Sécur ité d’emploi ou de format ion assur e, à chacune et chacun , un em ploi ou une format ion, avec une cont inuité de bons revenus et droits, des passa ges de l’une à l’autr e act ivité maîtrisés par les intér essés . Cela permettra it un « dépassement » d u chômage : sa suppr ess ion réuss ie, car si on enlève son mal, on garde sa force, la suppr ess ion d’em ploi pour le changement techn ique, mais par la mise en format ion avec un bon revenu.

Pour commencer , il faudrait un retour à l’emploi choisi des chômeurs avec d’autr es sout iens , des pouvoirs de propositions des comités d’entr eprise contr e les licenc iements , des conversions d’emplois précaires en stab les, des objectifs annue ls de créat ions d’em ploi et de format ion, une autr e utilisat ion des fon ds publics.

Les enjeux économiques actuels engendrés par la mondialisation ne nous obligent-ils pas à envisager les choses à une dimension plus appropriée, à dimension européenne voire mondiale ?

Avancer vers un système de sécur ité d’em ploi ou de format ion suppose des moyens financ iers et des pouvoirs novateurs au niveau eur opéen . Cela renvoie au c œ ur économ ique et monéta ire hyper-libéral du Traité rejeté .

La Banque Centra le Européenne doit êtr e contrô lée par les Parlement eur opéen et nat ionau x et avoir une mission primor diale emploi. Il faut une «baisse sélective» des taux d’intérêt du «refinancement » des ban ques par la BCE, jus qu’à des tau x zéro, pour les cré dits aux invest issements , matér iels et de rec herche, avec des tau x très abaissés , d’autant plus qu’est programmé de l’emploi efficace , avec des format ions . Déjà, en France des Fon ds régionau x pourr ont pren dre en charge une par tie des intérêts des cré dits, en exigeant des contr epar ties en em plois, en abaissant les charges financ ières au lieu des charges sociales

Contr e le Pacte de Stab ilité s’opp osant aux dépenses publiques , un Pacte de progrès favorisera it les recherches avec la format ion, une expans ion industr ielle et des ser vices . La BCE doit souten ir les dépenses publiques utiles par des prises de titres d’em prunts publics.

Une démocrat ie par ticipative permettra it d’utiliser ces moyens, avec des pouvoirs des citoyens et des tra vailleurs dans les entr eprises, les ser vices publics et les localités , leurs concer tat ions , aux niveau x régiona l, nat iona l et eur opéen, avec les assem blées élues . Cela débouc herait sur une autr e construct ion mond iale : une refonte du FMI et une monna ie commune mond iale pour de nou veau x financements , une démocrat isat ion des inst itut ions inter nat ionales pour le co-développ ement des peu ples.

(*) Au Patriote Côte d’Azur Hebdo du 24/06/05 au 30/06/05.

(1) Paul Boccara, Une sécurité d’emploi ou de formation, Éditions «Le Temps des Cerises», Pantin, 2002.

 

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