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L’espoir du «non» pour une Europe de progrès social

EDITORIAL

Avec le référendum, nous sommes face à un choix de société. Voulons-nous consacr er le règne de «la concurr ence libre et nonfaussée » ? Ou bien voulons-nous dire stop à l’Europe libéra le pour faire prévaloir la solidarité, la coo pérat ion, le progrès social ? En un mot : acce ptons-nous ou refusons -nous le libéralisme ? Il est vrai que la pédagogie du renoncement mar telée sur tous les tons depuis des décenn ies plaide pour se conformer à l’état de choses actue l. N’est-il pas temps d’en finir avec ces chaînes de l’impossible, avec ces régress ions sociales répétées et ajoutées , avec cette emprise de plus en plus for te de la renta bilité financière et des logiques capitalistes sur la marche de nos sociétés ? La situat ion que conna issent aujourd’hui les salariés dans leur ensem ble, les chômeurs , les retraités, mais auss i les jeunes , et les femmes de façon plus par ticulière, n’est pas acce ptab le. Il y en a asse z. D’autr es politiques sont possibles, à con dition de les vouloir.

Le «non» rassemb le largement à gauc he. Il rassemb le largement parce qu’il porte cette exigence antilibérale dont la gauc he a besoin. Il rassemb le parce qu’il ouvre la pers pective de changer vraiment la vie. Il rassemb le parce qu’il est seul à même de relever corr ectement les défis de notr e temps . On nous parle souvent des consé quences du «non» et des incer titudes qu’il soulève. Le «non» ne règle pas tout , loin de là, mais il ouvre la porte d’un autr e avenir. Le «oui», lui est bardé de cer titudes , et ses consé quences seront dramatiques pour nos vies quotidiennes . L’Europe, quelle belle idée ! Quelle belle idée si elle était au ser vice des peuples et des hommes et des femmes . Mais ce n’est pas le cas. N’en déplaise au Président de la République, c’est parce que nous sommes européens que nous allons voter «non».

Partout sur le cont inent , le monde du tra vail et de la créat ion subit le désastr eux échec des politiques de baisse du coût du tra vail, de sout ien à la renta bilité des capitaux qui sont menées depuis bientôt quinze ans. Elles ont encoura l’irresponsab ilité sociale et environnementa le des grands groupes. Cela con duit à la catastr oph e : chômage de masse , précar ité, pauvreté galopante . La croissance de l’Union européenne décroche de celle du reste du monde . La recherche et l’ense ignement supér ieur sont dramatiquement affaiblis mettant en péril notr e capacité à maîtriser les nouvelles techno logies dans plusieurs secteurs impor tants comme les biotec hnologies.

Ce piteux bilan est reconnu par tous , y com pris par la Commission européenne . A tel point que les par tisans du «oui» préten dent répondr e aux insuffisances sociales criantes de la construct ion européenne alors que, tout au contra ire, le projet de Const itut ion a été réd igé pour cadenasser cette orientat ion néolibéra le contr e le progrès social. C’est d’ailleurs l’objet de tous les ar ticles inst ituant la concurr ence non corr igée et non maîtrisée donc cou pe-gorge comme horizon indépassa ble contr e toute forme de coo pérat ions, de toute la par tie III du texte (t roisquar ts des ar ticles) , de presque toutes les anne xes. En fait, c’est la promot ion systémat ique des prélèvements financ iers sur les richesses contr e les dépenses publiques , sociales, salariales, de la guerr e économ ique contr e le par tage et le co-développement . Giscar d et ses pairs, confits dans leur dogmatisme, souha itent nous enfermer pour « 50 ans » dans une véritab le prison de mise en concurr ence des peuples et des tra vailleurs . Que l’on vienne m’expliquer ce que sera l’Europe sociale quand on affirme de la sor te le règne du marché partout et qu’on organise le dumping social à l’intér ieur de l’Union et avec le reste du monde .

C’est pour quoi la possible victoire du «non» fait se lever un formidable espoir en France et en Europe. Si le «non» rassemb le les salariés dans leur divers ité c’est qu’il est fondé sur la pers pective d’avancées pour une autr e Europe et le désir d’un apport créateur de la France à sa construct ion démocrat ique. C’est la base de son caractèr e majoritaire chez les électeurs et électr ices de gauche, socialistes , commu nistes , écologistes , rad icaux, d’extrême -gauc he et alter mond ialistes , chez les ouvriers , les employés, beaucou p de salariés.

La crainte du «non» con duit de nom breux par tisans du «oui» à tricher avec la vérité du texte. Rappelonsleur : la Charte des droits fondamentau x, pour tant si faible, n’a aucune force contra ignante (art. II-111-2 et déclarat ion 12 anne xée) ; l’harmon isat ion sociale est laissée aux forces du marché (art. III-209) ce qui signifie la mise en concurr ence pour baisser les coûts salariaux ; les ser vices publics ne sont pas protégés, au contra ire la notion de ser vices d’intérêt écono mique généra l a été créée pour les mettr e en cause , leur privatisation est même encoura gée (art. III-144 et 148). Ils oublient de parler de la Banque Centra le Européenne (BCE) inst ituée , avec la Commission européenne , comme pouvoir fondamenta l dans ce projet de Const itut ion, sans aucun contrô le des citoyens , avec pour seul object if le sout ien des marchés financ iers . Ils taisent que le Pacte de stab ilité inst itue const itut ionne llement le rat ionnement permanent des dépenses publiques sociales. Enfin, ils omettent même pour cer tains de pren dre en com pte la par tie III, de loin la plus cons istante .

«C’est un compromis», nous d i t-on . Mais un com promis passé entr e qui et qui ? Qui a élaboré ce texte, à par tir de quelles aspirations populaires ? Il n’y a pas de com promis poss ible entr e la gauc he et le libéra lisme, entr e les aspirations sociales et les logiques libéra les. C’est toujours le deuxième terme qui l’emporte. Et en l’occurr ence , dans le texte, c’est lui qui domine, et de loin, puisque les ambitions sociales sont des intent ions, pas toujours très audacieuses , app elées à rester lettr es mor tes. Nous pensons qu’une rené gociation est d’autant plus poss ible que de très nom breux par tenaires politiques, syndicalistes , assoc iatifs sont dispon ibles pour débattr e et définir de propositions pour un progrès social hardi en France et en Europe. Et nous pouvons proposer des axes fondamentau x d’une telle renégociation : développement des ser vices publics et des coo pérat ions; déploiement d’une politique industr ielle plutôt que de la concurr ence mor tifère; engagement de l’Europe pour l’élévation globale du niveau des droits; réforme des inst itut ions européennes pour une véritab le démocrat ie; mesur es de sécur isation de l’emploi et de la format ion avançant vers la pers pective d’un système de sécur ité d’em ploi ou d e format ion afin d’éra diq uer le chômage; BCE sous contrô le des citoyens, agissant pour l’emploi, la croissance au lieu de la domination des marchés financ iers ; démocrat ie par ticipative et d’inter vention du niveau local jus qu’aux niveaux nationaux et européen; action pour la paix, le partage et le co-développement au lieu de la tute lle de l’OTAN et de l’OMC. Face aux mesur es de régress ion impensab les contenues dans l’agenda 2005-2010, il y a d’ores et déjà de nom breuses propositions à faire valoir imméd iatement .

Je veux saluer ici le tra vail d’élaborat ion d’Economie et Politique, qui joue un rôle de force de proposition extrêmement per tinent . D’autr es propositions pour une autr e Europe, souvent convergentes , ont émané de différentes sens ibilités de gauc he. De cette richesse , il faut se saisir pour faire naître d’un débat citoyen, des revendications populaires capables de mettr e en œuvre d’autr es logiques et d’autr es choix de société.

Demain, si le «non» l’empor te, des por tes seront ouvertes pour faire prévaloir d’autr es options. La position de la France devra se constru ire de façon démocrat ique; il faudra une grande consu ltat ion nationale : «quelle Europe voulons-nous

 

Marie-George

BUFFET

 

 

 

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