Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Zone euro : L’emploi industriel en danger de mort

Yann Le Pollotec

Entre délocalisations, licenciements et faillites des PME/PMI, l’emploi industriel s’effondre en zone Euro. Après le textile, l’agroalimentaire et l’électroménager, c’est au tour de l’automobile, de l’aéronautique, de l’électronique, et de l’informatique.

Quelque soit, le niveau des salaires et de la protection sociale, du Portugal à la Belgique en passant par la France et l’Allemagne, les emplois industriels sont détruits par dizaine de milliers : Plus de 10.000 emplois depuis le début 2006 chez les équipementiers automobiles en France, 4000 chez Volkswagen Belgique, 1200 chez Opel Portugal,…

Tout un tissu industriel, constitutif du savoir faire européen, est en train de disparaître. Le patronat investit et crée des emplois en zone dollar, et les profits sont rapatriés en zone Euro. Pour garder les derniers emplois, les différents bassins industriels de la zone Euro se livrent une concurrence féroce et mortifère en matière d’aides publiques et de fiscalité. On tente de culpabiliser les salariés en mettant en cause leur protection sociale et leur salaire. Mais, jamais depuis cinquante ans, ils n’ont été aussi productifs et précarisés. Jamais, depuis plus de trente ans la part des salaires dans la valeur ajoutée n’a été aussi faible. Depuis l’instauration de l’Euro, le pouvoir d’achat des salariés est dévoré par une hausse des prix considérable sur les loyers, les automobiles, l’alimentation, l’énergie, les assurances, conjuguée à une érosion fortes des bas et moyens salaires. Le niveau de compétitivité des travailleurs de la zone Euro n’est pas responsable des difficultés de l’industrie européenne. A contrario la politique de la Banque centrale européenne (BCE), avec l’euro fort et le crédit cher, décourage l’investissement industriel et plombe les prix des produits manufacturés produits en zone Euro. En cinq ans, le dollar a perdu plus de 40% de sa valeur par rapport à l’euro, ni la BCE, ni les gouvernements des Etats membres de la zone Euro, ni la Commission européenne n’ont pris la moindre mesure contre la politique monétaire des Etats Unis.

Si cela continue ainsi, la population de la zone Euro se composera de travailleurs pauvres effectuant des petits boulots de services indélocalisables, d’assistés sociaux, d’assistants sociaux au sens large du terme d’une poignée de rentiers de la finance, et de forces de sécurité publiques, comme privées, pour les protéger du reste de la population. Ainsi, la zone Euro pourra sans problème réduire ses émissions de CO2 sans recourir à l’énergie nucléaire. Face à ce Waterloo de l’emploi industriel, la Commission et le Conseil européen ne jurent que par la stratégie de Lisbonne et la création d’un mystérieux « Fonds européen d'ajustement à la mondialisation ». La stratégie de Lisbonne fait le pari d’une société européenne de la Connaissance. Il s’agit en fait de mener une guerre économique planétaire pour réserver à l’Union européenne, au Japon et aux Etats-Unis, les industries et les services à forte valeur ajoutée dans le cadre d’une vaste zone de libre échange atlantique. Mais, ni la Chine, ni l’Inde, ni la Russie ne comptent se laisser enfermer dans le rôle de l’atelier ou de la société de services à faible valeur ajoutée du monde. Ces pays forment chaque année des centaines de milliers d’ingénieurs et de chercheurs de niveau comparable ou supérieur à leurs homologues européens. Ils développent d’importants centres de recherche, ils ont des ambitions fortes dans les secteurs de l’aéronautique, de l’informatique, de l’énergie, de l’automobile, des nouveaux matériaux, de la pharmacie….

Dans le même mouvement, les grands groupes industriel «européens», n’ont que faire des salariés d’Europe, ils se contrefichent de la croissance, du développement, de la création d’emploi en Europe et de l’avenir de leur sous traitants locaux. Ils pratiquent le chantage à l’emploi pour tirer un maximum des territoires ils s’implantent et une fois qu’ils ont fini de piller l’argent public, ils s’installent ailleurs. Pour eux, la stratégie de Lisbonne, n’est qu’un moyen de plus pour siphonner les finances publiques. Ils considèrent leurs sous traitants non comme des partenaires, mais comme des variables d’ajustement afin de limiter les dépenses d’investissement et les risques financiers dus à la baisse du dollar. Ils se vivent comme des groupes mondiaux, sans aucune attache territoriale, dont la seule vocation est de satisfaire au mieux leurs actionnaires qui voient leurs dividendes exploser. Le mouvement des capitaux placés à très court terme, dans leurs recherches d’une rentabilité maximum dans un minimum de temps, vérole totalement les stratégies industrielles des entreprises. Les mouvements de ces capitaux spéculatifs sont de véritables fléaux pour l’investissement, la recherche/développement et l’emploi industriel stable. C’est pourquoi, la fuite en avant de l’Union européenne dans la course à la compétitivité et dans la guerre économique, est non seulement dérisoire mais elle est extrêmement dangereuse pour l’avenir des peuples d’Europe. La stratégie de Lisbonne conduit l’industrie européenne droit dans le mur, la seule voie raisonnable est celle de la coopération. Par ailleurs, le futur «Fonds européen d'ajustement à la mondialisation» tant vanté par les institutions européennes, n’est qu’une opération de propagande et de charité : 500 millions d’euros annuel soit 23 euros par chômeur européen pour se former aux nouvelles technologies. L’industrie européenne a un grand avenir devant elle, mais à condition d’avoir une politique monétaire et de crédit qui soutienne l’emploi, l’investissement durable, la croissance et non les requins de la finance. Cela implique de mettre fin à l’indépendance de la BCE et des banques centrales nationales, en les mettant sous le contrôle du Parlement européen et des parlements nationaux. Les institutions européennes doivent prendre leurs responsabilités en faisant que les mouvements spéculatifs de capitaux soient fortement taxés. Les salariés avec leurs syndicats et les citoyens avec leurs élus doivent pouvoir intervenir dans les gestions et les choix stratégiques des grands groupes pour les responsabiliser vis-à-vis des territoires et de leurs entreprises sous-traitantes. Les salariés de l’industrie n’ont pas besoin de fonds européens de charité pour rendre le chômage plus supportable, mais d’une sécurisation de leur emploi, d’une valorisation de leur savoir faire et de formations pour maîtriser aux mieux les futures avancées technologiques. La « Charte pour un avenir durable de l’industrie automobile européenne » que Jacky Hénin a mis en débat avec des syndicalistes et des élus de toute l’Union européenne, le 4 novembre à Rouen, s’inscrit entièrement dans cette esprit.

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.