Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sarkozy : la guerre sociale pour projet politique

Rosa Moussaoui

Rupture ? Lantienne sarkozyste, assortie ou non du qualificatif « tranquille », définit mal les projets du candidat UMP à l’élection présidentielle en matière de politique économique. En réalité, l’ex-ministre des Finances est porteur d’un projet d’approfondissement des politiques aux conséquences économiques et sociales désastreuses conduites depuis 2002 par la droite dans les domaines de l’emploi, de la politique fiscale et des droits sociaux. Ces politiques au service de la Finance et des privilégiés ont été sanctionnées par les électeurs en 2004 et en 2005 à l’occasion du référendum sur la constitution européenne ? Qu’à cela ne tienne, Nicolas Sarkozy est prêt à arrondir…. son discours. Mais pas son projet.

 

Dans un entretien fleuve publié le 9 novembre dernier par le quotidien économique les Echos, le chef de l’UMP s’est ainsi fait à nouveau, à peu de frais, pourfendeur des

«patrons voyous» et défenseur des «laissés pour comptes de la mondialisation». Un pur artifice de langage, déjà expérimenté en juin dernier lors d’un meeting à Agen et unanimement repris par les médias dominants. Mais à y regarder de plus près, l’injonction faite à «ceux qui délocalisent pour faire monter le CAC 40» est bien douce : les entreprises sont simplement –et cyniquementpriées de se plier à une « déontologie du licenciement » sur laquelle le candidat de la droite reste de toutes façons peu disert. C’est que, pour l’éphémère ancien ministre des Finances, tout découle d’un dogme indiscutable : «On n'a pas à être pour ou contre la mondialisation. C'est un fait ». Fidèle aux fondamentaux néo-libéraux, il estime, en somme, que la globalisation est un phénomène « naturel » auquel les décisions politiques seraient étrangères et auquel les sociétés devraient se plier sans autre possibilité de choix...

En découle un programme économique et politique d’aggravation de la guerre sociale actuellement menée contre les salariés, les jeunes, les chômeurs.

Un projet contre l’emploi

Alors que l’un des premiers actes politiques de la droite après son retour aux affaires fut de détricoter la loi relative au contrôle des fonds publics perçus par les entreprises, le chef de l’UMP est aujourd’hui contraint de prendre en compte l’indignation et le sentiment d’injustice que soulèvent les licenciements dans les entreprises ayant bénéficié de ces fonds. Mais il se contente, en guise de réponse, de plaider pour «la conditionnalité des subventions et des aides aux entreprises », simplement priées de se plier à une « déontologie du licenciement». Cette déclaration d’intention posée, Le programme de l’UMP déroule un inventaire à la Prévert des cadeaux fiscaux dont devraient selon le parti de droite bénéficier les entreprises. Au nom d’une prétendue «revalorisation du travail» et de la «liberté de travailler plus pour gagner plus» justifiée par un discours méritocratique, l’UMP entend en finir avec les 35 heures. «Toute heure supplémentaire et toute RTT convertie en temps de travail seront exonérées de charges sociales et d’impôt sur le revenu», précise le projet rendu public à la mi-novembre.

La pierre angulaire de ce projet législatif étant la poursuite du «big bang fiscal» inauguré par l’actuel gouvernement Nicolas Sarkozy propose également la défiscalisation complète des emplois de services à la personne, une vaste réforme de la taxe professionnelle qui mettrait encore davantage à mal les finances des collectivités locales, ou encore la multiplication des zones franches au bilan pourtant peu reluisant en matière de création d’emploi.

Autres propositions avancées par Nicolas Sarkozy : la création d'un «instrument financier public pour des prises de participation dans les entreprises stratégiques», une sorte de béquille du capital chargée de renflouer les entreprises privées en difficulté, ou encore l'instauration de «conditions fiscales favorables à l'émergence de fonds de pension français».

Outre la poursuite de politiques de défiscalisation et d’exonération de charges sociales patronales pourtant en échec et périlleuses pour les finances publiques et les comptes sociaux, l’UMP, toujours prompte à fustiger «l’égalitarisme et l’assistanat», prône une politique toujours plus coercitive et culpabilisante à l'endroit des chômeurs. En «fusionnant» ANPE et UNEDIC, Nicolas Sarkozy veut resserrer encore le contrôle des chômeurs en exigeant qu’ils «recherchent véritablement une activité (…) sous peine de voir leur droits à une indemnisation réduits ou supprimés». Ces mesures iraient de concert avec «l’obligation d’activité pour les bénéficiaires d’un minimum social».

Quant à l’exigence des salariés de voir leur pouvoir d’achat revalorisé, LUMP entend y répondre en les contraignant à travailler plus et par la «création d’un régime incitatif pour les entreprises de moins de 50 salariés pour qu’elles mettent en place un régime de participation». A contrario, les «retraites chapeaux» et les «golden parachutes» tant décriés par Nicolas Sarkozy devant les caméras feraient simplement l’objet d’un bien vague «encadrement».

 

Guerre au droit du travail

En ultralibéral conséquent, Nicolas Sarkozy entend substituer le «contrat» à la «loi» pour en finir, comme le demande avec insistance le MEDEF, avec les garanties et droits collectifs que les luttes des salariés ont jusqu’ici réussi à préserver.

Le projet de l’UMP prévoit ainsi «une loi organique faisant obligation à l’Etat de laisser au maximum les partenaires sociaux (…) régler les problème relevant de leurs compétences».

En clair : LEtat devrait se tenir à l’écart du tête à tête entre patronat et salariés et se garder de rééquilibrer par la loi un rapport de force défavorable à ces derniers.

En matière de droit du travail, la réforme phare de l’UMP consisterait dans la «création d’un contrat de travail unique à durée indéterminée dont les droits pour les salariés augmenteront avec le temps». «Les entreprises, précise le texte, gagneront de la souplesse et les salariés de la sécurité grâce à l’assurance

«salaire et retour à l’emploi» ». Derrière l’apparente prise en compte de la forte aspiration à une sécurité des droits et de revenus, cette proposition correspond en fait à l’extension à tous les salariés d’un contrat «flexible» de type CNE. Un contrat précaire, puisque le nouvel embauché ne bénéficierait pas immédiatement des mêmes droits qu’un salarié plus ancien. On se souvient d’ailleurs que le désaccord qui opposait le Premier ministre au ministre de l’Intérieur pendant la crise du CPE portait moins sur le fond que sur la forme, le premier voulant institutionnaliser la précarité pour les moins de 26 ans, le second plaidant pour un contrat unique d’insécurité sociale pour tous. Au passage, Nicolas Sarkosy projette de réviser les règles de représentativité des syndicats en instaurant par exemple la «liberté de présentation des candidats au premier tour des élections professionnelles». Objectif : atomiser la représentation des salariés et les désarmer dès l’échelon entreprise pour faire pencher toujours plus le rapport de force en faveur de l’employeur.

Casser les protections sociales

Lun des points centraux du programme politique de l’UMP concerne la poursuite des politiques de démolition du système de protection sociale solidaire. Ces points du programme sont d’ailleurs l’œuvre de François Fillon, architecte des contre-réformes des retraites et du système de santé de 2003 et 2004, aujourd’hui proche conseiller politique de Nicolas Sarkozy.

La logique à laquelle obéissent ces propositions est celle d’une compression accrue des dépenses publiques et sociales, en cohérence avec les impératifs européens fixés par le Pacte de stabilité et de croissance. LUMP propose ainsi «l’inscription dans la Constitution d’une règle d’or selon laquelle le déficit des finances publiques n’est autorisé que pour financer des dépenses d’investissement». Le parti de droite se fixe en outre comme «objectif de la législature» de «ramener sur cinq ans la dette publique sous la barre des 60% du PIB». «La progression des finances publiques» serait en outre «limitée à 1,5% en volume».

Alors que l’UMP entend multiplier les avantages fiscaux des entreprises et des privilégiés (Outre de nouvelles exonérations de charges sociales patronales, Nicolas Sarkozy s’engage par exemple à «explorer la piste» d’une exonération de la résidence principale de l’ISF et promet de supprimer les droits de succession sur tous les patrimoines), le poids de la réduction des dépenses serait supporté par les salariés.

Parmi les propositions avancées : la mise en place d’une «franchise annuelle non remboursable pour tous les actes de soins», la «suppression de la dispense de recherche d’emploi pour les seniors et des mises en retraites anticipées», ou encore la «remise à plat des régimes spéciaux de retraites». Conjuguées au leitmotiv de la «liberté de travailler plus longtemps», ces mesures visent, à terme, à achever la contre-réforme du système de protection sociale qui avait soulevé en 2003 un véritable front du refus parmi les salariés. Avec pour horizon la généralisation du recours à la capitalisation et aux assurances privées, qui viendraient se substituer complètement aux retraites par répartition et à la Sécurité sociale. Et satisfaire les appétits des compagnies privées qui lorgnent sur le marché potentiel colossal que représente la protection sociale.

Ces quelques propositions illustrent les desseins de guerre sociale et de révolution conservatrice qui animent le chef d’une droite libérale et populiste. Une guerre sociale déjà à l’?uvre, et que l’UMP de Nicolas Sarkozy entend poursuivre, au delà de l’emploi, de la protection sociale et du droit du travail, sur tous les fronts : éducation, jeunesse institutions, politique sécuritaire, réforme de l’Etat, Europe, etc.

Le fil conducteur d’un tel projet : un désengagement continu de l'État pour substituer aux politiques sociales le «compassionate conservatism» cher à G. W. Bush que Nicolas Sarkozy rêve d'importer sous forme de «rupture» avec le modèle social français.

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