Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Régimes spéciaux : l’exemple de la Banque de France

Catherine Mills

 

Les attaques contre le régime spécial de retraites à la Banque de France sont un ballon d’essai pour la remise en cause des régimes spéciaux de retraites, prochaine étape d’une nouvelle réforme régressive de l’ensemble des régimes de retraite

La création d’un régime de retraites pour les agents de la Banque de France est une tradition historique qui remonte à 1808. Il s’agissait de fidéliser les agents, en garantissant

leur salaire, leur qualification, leur renouvellement, donc leur retraite, comme une nécessité pour assurer le service de la Banque au développement économique de la nation.

Il faut bien comprendre que la retraite, pour les entreprises comme pour l’ensemble de l’économie, n’est pas une charge mais un moyen de garantir le remplacement des salariés âgés par de plus jeunes, mieux formés, plus dynamiques. Ceci constitue un facteur de renouvellement et de reproduction de la force de travail, et ceci contribue à accroître la productivité du travail. En même temps, l’entretien des retraités et de leurs familles permet d’assurer l’essor de la consommation privée et collective et constitue donc une source de débouchés pour les entreprises. En conséquence, cela contribue à stimuler l’incitation à investir des entreprises et, à partir de là, l’emploi et la croissance.

Le financement des retraites, à son tour, nécessite une politique familiale dynamique permettant d’assurer le renouvellement des générations, l’anticipation de la force de travail de demain, mais implique évidemment une politique active de création d’emplois, de formation des salariés et de développement des salaires, apte à garantir des rentrées de cotisations. La crise du financement des retraites, tout particulièrement à la Banque de France, réside dans le refus de l’État et de l’employeur Banque de France d’assurer une financement dynamique de ce régime. Cela résulte fondamentalement de l’insuffisance des créations d’emplois, lors notamment du départ en retraite des employés, des compressions d’effectifs, notamment avec la suppression de succursales, de la volonté de freiner l’évolution des salaires. Cela résulte aussi de la montée des emplois précaires, du freinage des politiques de promotion salariale tout particulièrement pour les femmes, des limites des politiques de formation continue et de promotion en fonction des qualifications. Emploi, salaires, lien du système de retraites à un nouveau type de croissance et de gestion des entreprises sont au cœur du financement des retraites de la Banque de France comme ailleurs. L’emploi, la qualification, la promotion des agents de la Banque de France, le niveau des salaires contribuent au financement des retraites de la Banque de France mais aussi permettent d’assurer le financement de l’économie pour le développement économique et social lui-même.

Cependant, une réflexion devrait être menée pour sécuriser le financement des retraites de la Banque de France, d’autant que de nouveaux besoins vont monter pour permettre le renouvellement des agents : financement des retraites anticipées pour les emplois pénibles, pour les agents ayant commencé tôt leur activité, faire face à l’arrivée à l’âge de la retraite des générations nombreuses, accroître le niveau des basses retraites (notamment des femmes), etc. Au contraire, il s’agirait de freiner l’éviction précoce des travailleurs vieillissants mais avec de bons emplois et de bons salaires.

Ce financement repose en particulier sur la participation de la Banque de France à un nouveau type de croissance et de gestion des entreprises fondé sur le développement des ressources humaines (emplois, salaires, formation, qualifications, promotion des salariés). Cela doit garantir l’augmentation des cotisations des salariés mais l’employeur lui-même et l’État doivent être responsabilisés et contribuer au financement des retraites de la Banque. Une réflexion pourrait être engagée pour brancher davantage le régime de retraites sur un nouveau type de croissance qui, à mon sens, sera davantage stimulé en étant fondé sur la répartition, sur la solidarité, plutôt que sur les placements financiers risqués d’un régime de capitalisation. Il s’agirait aussi de viser une mise à contribution des placements financiers de la Banque, peut-être pourrait-on instaurer une nouvelle cotisation sur les revenus financiers nets de la Banque ? Cela inciterait à une création de monnaie et à un nouveau crédit permettant de stimuler la croissance réelle de l’économie tout particulièrement centré sur le développement de l’emploi et de la formation, plutôt que de la croissance financière. La Banque devrait aussi, dans l’immédiat, alimenter le fonds de réserve des retraites, en s’abstenant de distribuer des dividendes à l’État car un réinvestissement de l’employeur et de l’État pour faire face à l’indispensable financement des retraites des agents est incontournable. Une réflexion devrait être lancée sur de nouvelles cotisations et de nouvelles contributions de l’employeur et de l’État pour faire face au financement des retraites.

Il est indispensable d’agir de façon dynamique pour redresser une pyramide des âges catastrophique, ce qui exige une politique de création d’emplois et d’embauche de jeunes, comme une politique de transformation d’emplois précaires en emplois stables, une politique de formation continue et de promotion salariale (notamment pour les femmes mais ceci exigerait aussi de nouvelles formules de garde des enfants). Le développement des ressources humaines, la sécurisation de l’emploi et de la formation, la sécurisation du financement des retraites constituent aussi la clef pour que la Banque de France contribue au financement de l’économie, de la croissance réelle, des emplois, gage de l’anticipation du financement des retraites et de la solidarité pour toute la société.

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