Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007

Catherine Mills

 

La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2007, alors qu’elle prétend réduire le déficit de l’assurance maladie, va en réalité l’aggraver tout en s’attaquant à la santé des malades.

L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) se limite à une hausse de 2,5%, ce qui sera insuffisant pour faire face à l’augmentation inéluc table et nécessaire des besoins de santé en relation avec le niveau de développement, les nouveaux fléaux, le progrès médical scientifique et technique, le vieillissement de la population, la nécessité de répondre à la dégradation de la santé des plus modestes et de sortir des inégalités de santé.

Ce véritable rationnement des dépenses de santé ne permettra pas d’affronter la crise de la démographie médicale et paramédicale et la déplorable implantation géographique des médecins qui tend à engendrer de véritables déserts médicaux et à faire exploser les inégalités régionales et sociales en matière d’offre de soins et de résultats en termes d’indicateurs de santé. Le taux directeur d’augmentation des dépenses de soins de ville dans l’ONDAM, même s’il a légèrement augmenté à la suite des protestations des médecins, n’atteint que o,8%, ce qui se traduira par une baisse en euros constants. Pour les soins hospitaliers, le taux directeur est de 3,5%, ce qui ne permettra pas de sortir des déficits considérables des hôpitaux (0,8 milliard d’euros de déficit en 2006), alors que la Fédération hospitalière de France (FHF) réclamait + 4,2%. La sous-estimation des besoins de financement est encore plus forte pour les établissements hébergeant des personnes âgées : la revalorisation est de 13%, au lieu du minimum de 20,6% réclamé par la FHF compte tenu des annonces du plan gouvernemental «solidarité grand âge». La hausse en définitive programmée ne permettra pas de faire face aux besoins réels de santé qui accompagnent le vieillissement.

Les assurés sociaux demeurent bien les seuls à faire les frais de l’application de la réforme Douste-Blazy, et la réalité est pire encore que les prévisions pessimistes que nous annoncions en 2004. Leuro supplémentaire mis à la charge des patients pénalise avant tout les patients en ALD pour lesquels la notion même de remboursement à 100% n’existe plus. Le fameux parcours de soins « vertueux » aboutit à décourager la consultation des spécialistes ou à diminuer de façon drastique leur remboursement, tandis que la course aux dépassements d’honoraires non remboursables s’accélère. Dans le même temps, le forfait hospitalier poursuit son ascension avec un euro supplémentaire par an pour atteindre en 2007 16 euros et un nouveau forfait de 18 euros s’applique sur les actes médicaux supérieurs à 91 euros. La fuite en avant dans les déremboursements de médicaments déclarés inefficaces se précipite, alors que les industries pharmaceutiques peuvent mettre sur le marché des médicaments déclarés innovants beaucoup plus chers. Le gouvernement organise ainsi l’explosion de leurs profits. Il vient de faire un cadeau de 76 millions d’euros aux laboratoires pharmaceutiques en diminuant leur contribution appliquée au chiffre d’affaires. Aucune incitation n’est prévue pour développer la recherche et l’investissement de l’industrie pharmaceutique, alors que leurs dépenses publicitaires atteignent le double des dépenses de recherche en fonction du chiffe d’affaires.

La « réforme » Douste-Blazy tend en réalité à réduire les dépenses de santé publiques et socialisées tout en organisant l’envolée des dépenses de santé privées. Les vrais bénéficiaires en sont les assureurs complémentaires, dont les intérêts financiers se nourrissent du rationnement des plus pauvres et de la couverture de plus en plus individualisée des plus riches. C’est une autre société qui se profile dominée par la logique de l’ultra-libéralisme aux antipodes d’une société solidaire. Comme l’a souligné la députée communiste Jacqueline Fraysse, d’un côté le gouvernement diminue la couverture de base des patients, en organisant le transfert vers des complémentaires privées pour ceux qui le peuvent, et de l’autre côté, il fait voter pour la souscription des ces complémentaires de nouvelles aides supportées par le budget de l’État.

Concernant la question du financement, le déficit tendrait à se ralentir en 2007 : 8 milliards d’euros pour l’ensemble de la Sécurité sociale, dont 3,9 pour l’assurance maladie. Cependant ces prévisions se fondent sur un taux de croissance des recettes sensé provenir de la reprise de la croissance, d’un ralentissement du chômage et d’une hausse de 4,6% de la masse salariale, mais ceci se révélera hélas surestimé. En réalité, on table sur de nouvelles ponctions sur les malades, sur l’offre publique de soins et sur les diminutions de remboursement, en institutionnalisant un sous-financement chronique des dépenses de santé. La preuve en est que, contrairement à ses rodomontades, le plan Douste-Blazy, sans redresser l’équilibre financier des dépenses de santé, ne visait qu’à réduire les dépenses publiques et socialisées et l’offre publique de soins.

Le déséquilibre financier annoncé pour 2007 ne prend pas en compte le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ni celui du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA), soigneusement omis par le ministre Xavier Bertrand. Il faut alerter aussi sur la fuite en avant dans les exonérations de charges patronales (25,6 milliards d’euros prévus en 2007), dont une partie n’est pas compensée et fait défaut à la Sécurité sociale. Lefficacité de ces exonérations en matière d’emploi est largement contestée, y compris désormais dans une récent rapport de la Cour des Comptes.

En réalité, le déficit financier global de la Sécurité sociale pourrait atteindre 11 milliards d’euros en 2007, dont 3,5 milliards pour la branche vieillesse, chiffre sur lequel le gouvernement reste bien discret. Car contrairement à ses affirmations, la loi Fillon sur les retraites de 2003 ne garantit en aucun cas le financement des retraite de demain, alors que l’ensemble des dispositifs de 1993 (sous le gouvernement Balladur) et de 2003 entraîne des ponctions insupportables sur le dos des retraités. Le gouvernement continue de parier sur une baisse de moitié du chômage à moyen terme qui dégagerait des marges de manœuvre pour le financement des retraites, hypothèse peu réaliste au regard de la politique de l’emploi suivie aujourd’hui. La droite renvoie à 2008 et au rendez-vous d’étape prévu par la loi Fillon qui risque bien d’aboutir à de nouvelles restrictions des conditions d’accès à une retraite à taux plein.

Une véritable réforme conjuguant progrès social et efficacité économique et sociale est indispensable par une Sécurité sociale refondue et développée, afin de répondre aux besoins sociaux du XXIe siècle. Pour cela, il faut battre la droite et réussir à gauche, ce qui exige une politique de rupture avec le capitalisme et l’hyperlibéralisme. Un programme résolument anti-libéral et pour une société conjuguant solidarité et efficacité est indispensable. Il doit associer objectifs sociaux, moyens financiers et pouvoirs des salariés, des usagers et des populations. Une combat pour un financement solidaire et efficace des la Sécurité sociale, implique de s’appuyer sur la base emploi, salaires, sur un nouveau type de croissance centré sur le développement durable des ressources humaines.

Rappelons que 1% de croissance du PIB, c’est 2,5 milliards d’euros de ressources supplémentaires pour la protection sociale, qu’un accroissement de salaires de 1% représente 1,5 milliard d’euros en plus, que 100 000 chômeurs en moins, à condition qu’ils retrouvent véritablement un emploi, c’est aussi 1,5 milliard des ressources en plus. Mettons en avant la nécessité d’une action à la racine pour un nouveau type de croissance, de production des richesses, un nouveau type de gestion des entreprises centrée sur le développement des ressources humaines fondant l’accroissement de la part des salaires dans la valeur ajoutée. Ceci nécessite un accroissement des dépenses pour la formation, pour la qualification et pour la recherche.

Il s’agirait de construire un nouveau système tendant à la sécurisation de l’emploi et de la formation, sources de nouvelles ressources pour la protection sociale, en visant l’éradication du chômage, la continuité des revenus et des droits sociaux relevés.

Instituer un cotisation nouvelle sur les revenus financiers des entreprises au même taux de cotisation que les salaires en visant à dissuader la fuite en avant dans les placements financiers et à inciter à une autre utilisation des fonds (des entreprises, des fonds publics, du crédit).

Il faut travailler à une mise en débat d’une réforme de l’assiette des cotisations patronales. Si la base salaires des cotisations doit être défendue, une réforme s’impose pour sortir du type de gestion des entreprises et du type de politique économique qui organisent la baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée en déprimant les recettes de la Sécurité sociale. Ainsi avons-nous proposé une réforme de l’assiette des cotisations patronales qui permettrait de tenir compte du rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée, de telle sorte que les entreprises qui accroissent ce rapport puissent être soumises à un taux relativement abaissé, alors que celles qui réduisent la part des salaires dans la valeur ajoutée (licenciements, économies sur les salaires, fuite en avant dans les placements financiers…) puissent au contraire être assujetties à des taux beaucoup plus lourds. Lobjectif est d’assurer des rentrées de cotisations supérieures (taux et masse), en favorisant la croissance réelle, l’emploi, le développement des salaires, de la formation et de la qualifications des salariés.

 

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