Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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RASSEMBLER POUR IMPOSER DES CHANGEMENTS PROFONDS, ET DÉMOCRATIQUES EFFECTIFS

 

EDITORIAL

Alain Morin Rédacteur en Chef d’Économie et Politique

Les défis de l’insécurité sociale et de la précarité, de nouveaux pouvoirs, des moyens des travailleurs et des citoyens contre cela et pour une autre vie sont au cœur d’un projet de transformation sociale de progrès, sur lequel on doit pouvoir rassembler très largement à gauche au delà des délégations et des promesses des candidats aux élections présidentielles et législatives.

 

Rien dans les mesures annoncées par D. de Villepin, au cours de la Conférence sur l’emploi et les salaires, n’est de nature à commencer àrépondre au bilan accablant de l’insécurité des politiques économiques et sociales dressé, à cette occasion, par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC). Celui-ci a désigné la précarité de l’emploi comme le principal responsable de « la vie désormais plus difficile » ressentie par une grande majorité de la population.

Linsécurité généralisée de l’emploi y est pointée comme le facteur déterminant dans les difficultés d’accès au logement et au crédit, dans la faiblesse du revenu annuel : la moitié des Français vivent avec moins de 1315 euros par mois et 10 % avec 845 euros en moyenne.

Pourtant, la droite et le Medef continuent de prétendre que la précarisation de toutes les générations de salariés, des plus démunis aux plus qualifiés, à tous les stades de la vie active permettra le recul du chômage. Pour cela, ils banalisent le CNE, le CTP et le contrat senior, tout en culpabilisant et menaçant les chômeurs s’ils n’acceptent pas n’importe quel emploi.

Le CERC incrimine « les hauts niveaux de rentabilité des entreprises », en fait l’état de soumission de celles-ci au capital financier et à leurs critères, qui les pousseraient à faire des salariés « la principale variable d’ajustement ».

Cette mise en cause exige d’autres critères de gestion et d’utilisation des moyens financiers mis à la disposition des entreprises et des pouvoirs nouveaux de propositions alternatives des salariés et de leurs organisations.

Les profits des grands groupes explosent : les bénéfices nets des entreprises du CAC 40 pourraient atteindre 100 milliards d’euros cette année. Une proportion croissante de ces profits part à l’étranger, avec les délocalisations contre la croissance nationale : en un an, 303 milliards d’euros de capitaux, sont sortis de France. Le solde entre les sorties et les entrées de capitaux s’élevant à 115 milliards d’euros.

Alors que nombre de PME rencontrent des difficultés, l’argent des profits, des fonds publics et du crédit capté par les groupes sert surtout aux placements financiers ( OPA, rachatsd’actions, …).

Cela met en déficit notre commerce extérieur et aggrave la tendance à la réévaluation de l’euro, favorisant les placements financiers à laquelle pousse aussi la politique monétaire de la BCE avec ses taux d’intérêt élevés contrecarrant le crédit pour l’emploi en France.

Face à la démagogie populiste et ultra libérale de N. Sarkozy, S. Royal, de son côté, qui se veut la candidate de « l’ordre économique juste » prétend utiliser « les vertus avérées du diagnostic partagé » et des « efforts partagés », capter les aspirations à une démocratie participative ainsi que celles d’un « syndicalisme de masse qui permette de rééquilibrer les rapports entre le capital et le travail » pour aller vers un « pacte social rénové » dont « l’État serait garant ». Cependant, ces orientations n’entendent toucher ni aux pouvoirs exorbitants du patronat, sur les décisions de gestion dans les entreprises, notamment avec des pouvoirs d’intervention des salariés, ni à l’utilisation des moyens financiers.

La candidate ne remet pas en cause, non plus, les immenses fonds publics pour les exonérations des cotisations sociales patronales poussant à l’abaissement de tous les coûts salariaux et à l’écrasement vers le Smic de toute la hiérarchie des salaires à l’origine des cercles vicieux de la crise. Les remboursements qu’elle évoque n’empêcheront pas la création d’emplois à bas coût contre des emplois stables ailleurs. Quant à ses velléités sur la BCE, significatifs du recul du consensus dans la société sur les choix anti-emploi de celle-ci, elles ne disent rien non plus du nécessaire caractère sélectif de l’abaissement des taux d’intérêt pour les investissements dans la mesure ils programment emplois et formations, ni des pouvoirs des travailleurs sur l’utilisation de nouveaux crédits.

Pour battre la droite, refouler le populisme de Le Pen et faire réussir la gauche, il faut s’engager vers des changements s’attaquant à la précarité et au chômage à partir de nouveaux principes : sécuriser, au lieu de précariser, aller vers un système de sécurité d’activités professionnelles et de revenus avec des rotations entre emploi et formation, exiger une expansion et une démocratisation de la formation, avancer graduellement mais sûrement dans une sécurisation de toutes les situations de précarisation, mettre en place des incitations et obligations efficaces pour les entreprises pour cela avec de nouveaux pouvoirs des travailleurs et des citoyens, des CE et des syndicats, des associations de chômeurs, des élus.

Cela passe par la suppression du CNE, la transformation de contrats précaires en emplois stables et correctement rémunérés et la création de nouveaux contrats sécurisés, en commençant par les jeunes.

Cela requiert un service public et social de sécurisation de l’emploi et de la formation avec, dans l’immédiat, un relèvement de l’indemnisation des chômeurs et un gros effort pour leur retour à l’emploi choisi avec une formation choisie.

Cela appelle aussi de nouvelles incitations et obligations pour les entreprises : obligations de pourcentage d’emploi des jeunes ; incitations à des gestions d’efficacité sociale,…

Des esures nouvelles sur les licenciements, reclassements et délocalisations sont nécessaires, avec des pouvoirs de suspension des décisions controversées et de contre-propositions des salariés, y compris en amont des difficultés, sur la gestion prévisionnelle des emplois.

Les prélèvements sur les entreprises doivent être étendus, réformés ou modulés : pour la formation, pour encourager l’essor des salaires et des qualifications au lieu de la précarité et des placements financiers.

Dans les bassins et les branches, l’organisation de groupements d’entreprises pour la sécurisation des parcours de vie de toutes les populations, avec des coopérations et des mutualisations doit être encouragée. Cela permettrait de consolider les filières avec la promotion de la formation, de la qualification, de la recherche, avec la participation des salariés à la gestion, par une tout autre utilisation des nouvelles technologies et de l’argent dans les entreprises.

Pour cela, on pourrait convertir les 23 milliards d’euros annuels consacrés aux exonérations de cotisations sociales patronales en un Fonds national. Celui-ci prendrait en charge une partie des taux d’intérêt pour les crédits d’investissements des entreprises en fonction des emplois qu’elles programmeraient. On mobiliserait ainsi des centaines de milliards d’euros de crédits à taux très abaissés que la BCE serait contrainte alors, en partie, de refinancer.

Ce Fonds serait régionalisé et permettrait de changer les rapports banques-entreprises.

Il serait le partenaire financier de Conférences régionales et nationale annuelles avec la participation démocratique des syndicats, des associations, des élus, outre les représentants des entreprises, des institutions financières, des services publics de l’emploi et de la formation. A partir d’un bilan des situations régionales et nationales, ces conférences proposeraient des créations et transformations d’emplois avec les formations nécessaires, pour aboutir à des engagements chiffrés et contrôlables.

A l’appui de ce nouveau dispositif sur le crédit bancaire, serait créé un pôle public financier, autour de la Caisse des dépôts. Lensemble pousserait à une réorientation de la politique monétaire de la BCE encourageant d’autant plus le crédit pour les investissements que ceux-ci programmeraient plus d’emplois et de formations, et le rationnant pour les opérations financières.

Mais tout cela doit renvoyer à de nouveaux pouvoirs d’intervention des travailleurs et des citoyens dans les entreprises, les bassins d’emploi, face aux défis de la mise en concurrence, et non de la coopération, des pôle de compétitivité pour des propositions alternatives de sécurisation des emplois et de promotion de la formation en liaison avec les recherches.

En Europe, il s’agirait de rompre avec la logique du Pacte de stabilité européen en appelant nos partenaires à un pacte de progrès social organisant une relance concertée des dépenses publiques de développement (éducation-formation, recherche, santé, logement social, culture…) avec le soutien de la création monétaire de la BCE.

Cela marcherait de pair avec une réforme fiscale encourageant les revenus du travail et de la création, pénalisant les revenus financiers du capital, élargissant la taxe professionnelle aux actifs financiers des entreprises et des banques, modulant l’impôt sur les sociétés pour favoriser la croissance réelle et l’emploi efficaces.

C’est pour commencer sans tarder à avancer dans ce sens que le PCF, avec d’autres, appelle à la tenue, dans chaque département et région, et jusqu’à l’échelle de tout le pays, d’Assises pour sécuriser l’emploi et la formation. Celles-ci contribueraient, à partir de cahiers de propositions, à la rédaction citoyenne d’une grande proposition de loi de sécurisation sociale de l’emploi et de la formation. Ce serait l’engagement dans un processus de démocratie participative en actes et pas seulement en paroles, instaurant de nouveaux droits des travailleurs et des citoyens et de nouveaux appuis institutionnels publics et financiers pour ces pouvoirs.

La candidate communiste de rassemblement des forces antilibérales et de progrès social peut, avec cet appel à la mobilisation ainsi qu’avec des luttes comme sur les services publics, servir de point d’appui, au-delà de toutes les ambitions politiciennes, à une mobilisation citoyenne partout sur le terrain des luttes dans le pays pour imposer des changements profonds, démocratiques effectifs.

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Par Morin Alain, le 30 September 2006

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