Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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IP Marti? 10 mois de luttes avec des propositions alternatives;

Quels enseignements de la victoire ?

 

Olivier Del Rizzo

 

Quels enseignements peut-on tirer de 10 mois d’une lutte victorieuse pour contribuer au débat de préparation des assis es pour la sécurisation de l’emploi et de la formation ? IP Marti est un équipementier automobile du bassin d'emploi de Montbéliard qui est le deuxième bassin d'emploi de France dans le berceau de l'automobile Peugeot. Le 1er nov embre 2005 , les dirigeants de l’entreprise, détachés par la multinationale américaine Burgess Norton France, actionnaire principal de IP Marti, annonc ent aux salariés la fermeture de l'entreprise, le lic enciement de l'ensemble du personne l et la délocalisation de la production sur le site italien. Les salariés et les populations du bassin d’emploi font le choix de résister, et de contre-proposer des solutions alternatives.

Dès l’annonce de son intent ion de fermer les portes de l’entr eprise, la réact ion a été imméd iate : un refus caté gorique de ce chanta ge et du plan dit «de sauvegarde de l'emploi». La direction pensa it pouvoir acheter le silence et la rés ignat ion des salariés en leur proposant des chèques «valises». Les salariés ont refusé et engagé la bataille en s’appuyant sur le fait qu'il n'y avait aucune raison objective, ni financ ière, ni économ ique pour une telle décision. Durant la première phase de la bata ille, pendant soixante trois jours , nous avons occu l’entr eprise. Avec beaucou p d'événements et d'ense ignements for ts.

Les quatre fondations de la victoire :

  1. La solidarité territoriale :

Il y a eu une énorme solidarité de lutte et financ ière parce que l'entrée en résistance sur ces quest ions d'emploi et de délocalisation sur le bass in de Mont béliard a fonct ionné comme un déclic face aux grands donneurs d'ordre. En effet cette décision du groupe amér icain de fermer l'usine et de délocaliser n’a pu êtr e prise qu’en accor d avec le donneur d'ordre PSA car IP Marti réa lise 60% de son chiffre d'affaires avec PSA. Donc il y avait une double res ponsabilité : celle de la multinationale amér icaine, mais également celle du donneur d'ordre. Il y a eu vraiment un grand mouvement de solidarité et les gens se sont reconnus dans ce conflit.

  1. Le combat judiciaire :

Comme on occu pait l'entr eprise, évidemment les patrons de celle-ci ont fait une démar che judiciaire pour deman der l'expulsion des salariés de l'entr eprise. Mais à l'opp osé de leurs attentes , le tribunal de Mont béliard a conc lu autr ement : il a déclaré l'occu pation légale puisque les salariés protégeaient leur out il de tra vail, l'entr etena ient , insinuant donc, que leur com bat était juste . C'est une décision importante contr e laquelle la direct ion a fait app el dans un premier temps . Mais, par la suite, com pte tenu du rappor t de force sur le pays de Mont béliard, elle s’est rétractée . Cette décision du tribunal fait maintenant jurisprudence . Tous les syndicalistes , qui, dans les entr eprises , sont confrontés à ce genr e de situat ion, pourr ont s'app uyer sur cette jurisprudence .

  • La responsabilisa tion sociale et territoriale de PSA : Au dépar t les dirigeants de PSA ont déclaré qu'ils ne pouvaient pas s'immiscer dans les affaires de leurs fournisseurs . Mais, deux mois plus tar d, le rappor t de forces ayant grand i, la direction a été obligée de changer de position en assurant qu’en cas de reprise, elle cont inuera it à assur er une charge de tra vail à IP Mar ti.

  • Lintervention dans la gestion de l’entreprise et la mise en échec de la liquidation financière :

Après avoir organisé l'assèc hement de la trésor erie de l'entreprise, la direction a deman à la chambre de commer ce de Mont béliard la liquidation judiciaire de l'entr eprise. S'il y avait liquidation judiciaire, il n'y avait plus d'entr eprise, c'était fini. Donc, nous l'avons com battue avec notr e cabinet d'avocats , le cabinet Grimbach , et obtenu le redressement judiciaire de six mois. Or, comme il n'y avait plus d'argent dans l'entr eprise, en principe, le juge aura it prononcer la liquidation judiciaire. Il l'a fait uniquement parce qu'il y avait un rappor t de forces impor tant sur le pays de Montbéliard, et sur tout parce que l'on avait avancé des propositions alternat ives cré dibles à la fermetur e de l'entr eprise.

Dans cette lutte , à l'initiative des élus commun istes s’est mis en place un comité de sout ien sur le bass in de Mont béliar d rassemb lant très largement , notamment des élus de régions dans leur divers ité. Mais cette grande mob ilisat ion n’a été poss ible que parce que des objectifs et des propositions cré dibles avaient été élaborés et const ituaient le ciment de ce rassemb lement .

Pendant six mois, plusieurs objectifs ont été fixés avec les salariés :

  • mainten ir la mob ilisat ion,
  • tra vailler avec les salariés et la population à un projet industr iel por teur de propositions développant l'avenir de cette entr eprise,
  • travailler à la recherche d'un repreneur en s’appuyant sur la garant ie de PSA qui s'éta it engagé sur les marchés.

Un repreneur a été trouvé en août dernier: une entr eprise alleman de qui a acce pté la con dition exigée par les salariés pour cette reprise : pas de Fonds de pens ion dans son capital.

La reprise par un industr iel déjà spéc ialisé comme équipement ier automo bile a été acce ptée par les salariés. Il s'agit de l'alleman d UKM (ent reprise de 500 salariés) qui s'est engagé sur l'em ploi avec des engagements précis pour retrouver l'ensem ble des emplois d'ici un an ainsi qu’à mettr e en place le plan industr iel. Aujourd’hui l’entr eprise a réouvert ses portes, mais une dizaine de salariés n'ont pas encor e repris le travail. Ils se sont engagés dans une format ion dans le cadre d'un contrat de trans ition profess ionne lle. Avec l’engagement écrit de l’entr eprise devant les pouvoirs publics que l'ensem ble des salariés sera repris dans l’année .

C'est une belle victoire qui montr e l’atout que const ituent des propositions alternat ives et qui nécess itera encor e toute la vigilance des salariés et des populations pour que les engagements soient tenus .

 

 

Débat autour des Assises pour l’emp loi à la Fête de l’Hum anité

 

 

IP Marti :

Quand le juge justifie l’occup ation de l’entre prise

Extrait de l'ordonnance de référé du 1er décem bre 2005 statuant sur la deman de au juge «de const ater que les personnes assignées, et tout autre personne de leurs fait occupent illégalement les locaux de l'entre prise de Vieux Charmont, por t ant a insi a tte inte aux dro it s fon d ament aux de propriété, de la liberté du tr avail, de la liberté d'alle r et venir , faisant cour ir un risqu e à la sécurité des personnes et des biens et entr avant illici tement l'activité de l'entre prise. Elle sollici te par cons équent leur expulsion sous astre inte de 152,45 par jour de ret ard et par personne, si besoin avec le concours de la force pub lique, ainsi que de leur condamnation aux entier s frais et dépens».(...)

 

Sur le fond de la demande :

«S’il se dégage d'une jurisprudence constante que le droit de grève n'e mporte pas celui de disposer arbitrairement des lieux de travail, encore faut-il rapporter la preuve que l'occupation des locaux constitue effective ment un trouble manifestement illicite, ce qui est notamm ent le cas lorsqu'elle entrave grave ment la liberté du travail, ou lorsqu'elle constitue une réelle atteinte à la sécurité des biens et des personnes. Concernant l'entrave à la liberté du travail, il y a lieu de relever que la direction a clairement affiché sa volonté,..., de cesser les activités sur le site et de licencier 70 personnes (sur les 71 qui travaillent à Vieux Chamont).

Preuve est par ailleurs rapporté que, conformément à ce qui a tendance à se multiplier depuis plusieurs mois dans des entreprises localisées en France, mais dirigées par des personnes ou groupes étrangers, la Direction avait dès le 19 nove mbre 2005, sans aucune information préalable des partenaires sociaux pris la décision de déménager une grande partie du stock de pièces terminées, pour une destination inconnue des salariés, mettant ainsi directement en péril la poursuite de l'activité et de l'entreprise et permettant légitimement de craindre qu'elle continue à disposer de l'outil de production pour réaliser ses projets. Le rapprochement de ses effets permet d'affirmer qu'il n'était plus de l'intention de la direction de permettre la poursuite du travail sur ce site. On ne saurait donc reprocher à ce jour aux salariés, à l'exception il est vrai des deux co-manager, d’entraver grave ment la liberté de travail des personnels non grévistes.... Concernant l’atteinte à la sécurité des personnes et des biens, il y a lieu de remarquer que la volonté affichée des grévistes est de maintenir leurs activités, et donc leur outil de travail, contrairement à la direction qui veut cesser toute activité sur le site et a déjà commencé à déménager des éléments du stock.

... En fait le souci affiché par la direction est de faire expulser les grévistes non pas pour reprendre l'activité de production, mais dans le seul but de pouvoir pénétrer dans les lieux et y tenir la réunion du comité d'entreprise qui pourrait consacrer enfin la fermeture définitive du site. Dans ces conditions il ne saurait être fait droit à la demande d'exp ulsion présentée par la BURGESS NORTON FRANCE, laquelle conservera la charge des dépens de la présente instance.

 

PAR CES MOTIFS (...)

  1. DEBOUTE la société BURGESS NORTON FRANCE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions.

  2. La CONDAMNE aux dépens de la présente instance.

 

 

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Par Del Rizzo Olivier , le 31 juillet 2006

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