Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Dans un marché pétrolier en ébullition les USA à la recherche d’une stratégie dans le domaine de l’énergie

Le baril de pétrole brut au niveau de 75 dollars. Le débat sur les causes d’une telle situation est relancé. Elles sont maintenant familières au grand public : augmentation de la consommation notamment celle de la Chine, de l’Inde, et du Japon, faiblesse de la marge d’augmentation possible des capacités de production (2,5 millions de barils/jour soit 3% de la production mondiale de 2004), faiblesse des investissements des pays producteurs en omettant de parler de la faiblesse de ceux des grandes compagnies pétrolières, déficit dans les capacités de raffinage de ces dernières entraînant dans les périodes estivales de fortes tensions sur l’essence, notamment aux USA, enfin effet amplificateur de la spéculation sur les marchés de New York et de Londres de l’ordre de 10 à 15% des prix qui se manifeste à chaque évènement politique dans les régions productives.

En ce qui concerne les pays producteurs on oublie de mentionner que la production n’est pas comme un robinet que l’on ferme ou que l’on ouvre a volonté et que pendant une longue période le souci de ces derniers avait été de réduire la production pour essayer de raffermir les prix. L’OPEP affirme un objectif de 1900 milliards de dollars d’investissements sur vingt ans et de 5 millions de b/j supplémentaires en 2010 (38 millions de b/j). En ce qui concerne les grands pétroliers si le marché ne les avaient pas encouragés pendant la période de bas prix ils se sont empressés, à peine la reprise apparue, de satisfaire d’abord leurs actionnaires, de réaliser des méga-fusions et d’augmenter leur production par l’achat de concurrents.

A tout cela il faudrait, naturellement ajouter la question de fond, à savoir, le manque de pérennité des ressources en hydrocarbures. Rappelons que l’on consomme aujourd’hui deux barils de pétrole brut pour chaque baril trouvé. Ce dernier devient d’accès de plus en plus difficile et il est souvent d’une qualité nécessitant un raffinage plus complexe et donc plus onéreux.

Jusqu’à présent cette situation semblait être prise avec une certaine philosophie par les autorités américaines qui la surveillaient plutôt préoccupées de ses effets sur la croissance et l’inflation. Dans ce contexte le souci écologique était évoqué pour satisfaire une opinion sensibilisée et se limitait à quelques mesures fiscales en faveur de l’utilisation de voitures moins consommatrices ou hybrides qui ont surtout profité aux fabricants japonais, à l’annonce de projets de relance du nucléaire et surtout à un rappel de l’utilisation de l’éthanol provenant du mais. Dans ce domaine les USA ont une longue tradition liée au soutien aux producteurs de cette céréale. L’éthanol ainsi obtenu étant utilisé en mélange avec l’essence pétrolière dans un carburant appelé « gasohol ». Le ton semble avoir changé. L’opinion de ceux qui étaient soucieux de la dépendance américaine à l’égard du pétrole (les USA ont consommé en 2004 937 millions de tonnes de produits pétroliers en raffinant 345 millions de tonnes de pétrole brut de leur production et 503 millions de tonnes de pétrole brut étranger et en important entre autres 20 millions de tonnes d’essence) se durcit... On parle maintenant moins de dépendance que d’ « adduction » au sens d’une liaison organique, ou d’addiction. Le sénateur Richard G. Lugar président de la commission des affaires étrangères du Sénat déclarait récemment : « quand le Président Bush a dit : l’Amérique ne doit plus être liée au pétrole cela a été un moment important. Ses racines texanes, ses efforts pour permettre les forages dans l’arctique, ses liaisons avec l’industrie pétrolière donnaient l’impression qu’il pensait avant tout pétrole ». Dans le numéro du 17 avril de Business Week l’ex-Président Clinton semble aller dans le même sens et voudrait encourager la production du « biodiesel » que nous appelons « diester » pour les voitures, les camions et même les navires. Ce même magazine évoque souvent maintenant les énergies renouvelables, qui un temps étaient seulement envisagées comme un moyen de réduire l’effet de serre, pour les considérer aussi comme un moyen de réduire les besoins en pétrole. Pour l’éthanol on fait état de recherches pour le produire sur une large échelle et de façon moins onéreuse à partir des très importants déchets de l’agriculture. Alors que l’on était prudents en matière de piles à combustible le Président Bush vient très récemment de donner ses lettres de noblesse au moteur à hydrogène.

Cette nouvelle approche de la part des autorités américaines traduit sans aucun doute un certain désarroi.

 

Quelles en seraient les causes ?

On peut indiquer sans en déterminer l’ordre d’importance :

Le pourcentage de produits pétroliers, utilisés pour les transports aux USA, atteint plus de 70% de la consommation totale avec 391 millions de tonnes pour la seule essence auto. Le Président Bush devant l’inquiétude soulevée par la hausse du prix de l’essence et l’indignation engendrée par les fabuleux bénéfices des pétroliers a décidé de réduire provisoirement le niveau des stocks de sécurité pour essayer d’atténuer la tension, d’enrayer la spéculation et de rassurer l’opinion avant les élections de l’automne.

Avec 5% de la population mondiale les USA consomment 25% de la production de la planète.

Les importations de pétrole brut proviennent pour 50% de l’OPEP où ce sont les gouvernements qui fixent les prix à travers les sociétés d’Etat et contrôlent 77% des réserves mondiales. Les Etats-Unis ont importé en 2004 31 millions de tonnes d’Irak, 52 millions de tonnes du Nigeria, 68 millions de tonnes du Venezuela, autant de pays de l’OPEP considérés comme peu sûrs ou même hostiles.

Les consommations de l’Inde et de la Chine respectivement en 2004 de 199 et 308 millions de tonnes ont une croissance très rapide et constitueront une sérieuse concurrence à l’achat. Les relations qui s’établissent dans ce domaine entre l’Arabie Saoudite et la Chine ne peuvent pas ne pas contribuer à l’inquiétude des autorités américaines.

Les investissements « productifs » des pétroliers américains hors OPEP ont déçu, ils ne semblent pas être à la hauteur des espérances notamment en raison des difficultés dues aux conditions de partenariat et aux réglementations fiscales envisagées. La Russie ne semble pas aussi ouverte à l’expansionnisme américain qu’on l’espérait. D’une manière générale les efforts « hors OPEP » des compagnies internationales ont du mal à compenser les baisses de production en mer du Nord et aux Etats-Unis.

Enfin, la naissance de nouveaux réseaux d’intérêts et de nouvelles zones pétrolières dans le monde renforce l’inquiétude des Américains qui voient s’affaiblir dangereusement la domination que les Etats-Unis exerçaient sur les marchés des hydrocarbures. Les relations Russie, Iran, Inde, Chine créent de nouvelles solidarités. Un réseau de pipelines va relier la Russie à la Chine et au Pacifique, créant un centre de gravité asiatique. En Amérique Centrale et du Sud le Venezuela milite pour une coopération solidaire. Les dernières élections dans cette région (Equateur, Bolivie et Pérou) sont marquées par la volonté de ne plus abandonner à l’étranger les ressources nationales en pétrole ou en gaz. La Bolivie vient de nationaliser son gaz.

Doit-on considérer les récentes déclarations dont nous avons fait état comme de simples « bravades » politique ? Les Américains veulent-ils, contraints et forcés, vraiment « sortir du pétrole en engageant une tentative de révolution énergétique ? L’avenir le dira.

Toutefois, même avec leur compétence technique et leur puissance économique, une véritable alternative semble difficile à imaginer dans l’immédiat. Le solaire, l’éolien, les biocarburants seraient des « supplétifs » incontestablement utiles mais ne pourraient pas amener le bouleversement, semble-t-il, souhaité, même en complément d’une extension importante de la fission nucléaire elle-même limitée par les précautions nécessaires et les ressources en uranium. D’aucuns pensent que seules la fusion nucléaire et l’hydrogène autrement que tirées des hydrocarbures pourraient constituer une véritable alternative. Toutefois, elles appelleraient, notamment en raison de l’importance des recherches et des investissements (voir l’ITER) et de leur intérêt pour toute l’Humanité, un engagement commun, une véritable coopération internationale. Avec l’ITER il y a déjà un début. Il est, de plus, difficile d’accepter l’idée que l’on pourrait obtenir, par le simple jeu du capitalisme, des résultats décisifs à la hauteur de l’objectif.

Notre ami Paul Syndic, disait, avec raison, dans un colloque sur le Pétrole et la Pétrochimie (Marseille fin 2005) qu’il fallait gérer par la coopération internationale le déclin du pétrole en prenant de plus en compte la nécessité de réduire rapidement la dégradation de notre écosystème. Il proposait, dans cette optique, une série de démarches allant d’un audit international indépendant chargé d’estimer, dans la transparence totale, les réserves mondiales de pétrole à la création d’un « fonds mondial de l’énergie » alimenté par une taxe internationale destinée à aider les PED et les pays émergents à se doter des systèmes énergétiques les moins dépendants du pétrole. Qu’on pourrait ajouter et lier, si possible à leurs propres ressources naturelles. Cela en passant par un accord international pour un juste prix des hydrocarbures, tenant compte de toutes les contraintes.

Le désordre actuel ne pourrait que s’amplifier avec la progression du déclin des ressources pétrolières. La coopération s’impose. Le Fonds mondial de l’énergie ne pourrait-il pas également financer et organiser les recherches dans le domaine des énergies renouvelables et propres, supplétives et/ou alternatives ? Les pays producteurs devraient naturellement être associés directement à ces recherches afin de trouver intérêt à gérer leurs propres ressources d’une manière « conservatrice » tant pour eux-mêmes, en allongeant la période de revenus stables que pour le reste du monde. Il faut penser notamment aux besoins de la pétrochimie que l’on pourrait satisfaire plus longtemps à l’aide d’hydrocarbures économisés, bien que l’on parle déjà de matières plastiques agricole.

Un article PDF, ci-joint, de Alain Vigier

 

 

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Dans un marché pétrolier en ébullition les USA à la recherche d’une stratégie dans le domaine de l’énergie

Par Vigier Alain , le 31 mars 2006

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