Voici un ouvrage qui réuss it le tour de force d'êtr e à la fois clair et pédagogique tout en restant scientifique et d'un bon niveau théorique et empirique. Un ouvrage qui va cons idéra blement aider tous ceux qui, dans le renou vellement d'un mar xisme vivant, cherchent à la fois à inter préter le monde et à le trans former. Ce tra vail de fond permettra aux lecteurs d'Economie et Politique et d'Issues de prendre un peu de recul face à l’évènement et de disposer d'un cadrage théor ique et empirique d'ensem ble dans lequel ils reconna îtront l’influence de l’école mar xiste systémique de la régulation.
Cet ouvrage va const ituer un out il de tra vail précieux sur lequel on pourra revenir, avec lequel on pourra tra vailler sérieusement . Il va aider à la fois les militants mais auss i les ense ignants et les étu diants . Il pourra se subst ituer avec bonheur au fameu x Les rouages de l'économie nationale de Jean-Marie Alber tini, qui a si longtemps dominé avec ses simplifications pédagogiques mais auss i ses silences dommageables. Il const itue un out il pour com battr e toutes les variantes de la pensée unique et pour sor tir de "l'horr eur économ ique".
Ce livre est bien constru it, bien écrit, bien référencé . Dans chacune de ses leçons , Nasser Mansour i Guilani por te en premier lieu un diagnost ic, propose ensu ite une analyse en confrontant au préalable diverses théor ies, effectue la critique des politiques économ iques dominantes en France , avance enfin des propositions. Il aidera cons idéra blement les militants , en leur fourn issant des out ils pour leurs luttes , leurs inter ventions, les construct ions nou velles à impu lser.
Cet ouvrage s'app uie sur des références solides, bien actua lisées , il app or te des out ils empiriques, notam ment des stat istiques pr écieuses . L'auteur élabore de nom breux tab leaux et graph iques (pas toujours suffisamment lisibles cependant) et l'on doit saluer tout l'intérêt des étu des de cas , souvent brûlants et actue ls. La présentat ion en colonnes rend plus digeste un texte dense et la lectur e de l'ouvrage est très agréab le. C'est à la fois une initiation mais au-delà un out il d'analyse et de synthèse permettant d'affronter les débats actue ls les plus chauds mettant en jeu la théor ie et la politique écono miques.
C’est le cas en ce qui concerne les textes fondateurs , comme d'ailleurs le non retour aux tra vaux pour tant séminaux de la fin des années 1960 et du début des années 1970. Il en résu lte quelquefois une cer taine impréc ision des nouvelles inter prétat ions et des développements des conce pts mar xistes , les quels sont souvent cons idérés comme connus .
Après une analyse for t utile des problèmes démo graphiques, l'auteur pointe la quest ion centra le: celle du recul du taux d'activité (10 points chez les hommes de 1975 à 1997 mais + 5 points chez les femmes) . Il montr e que la France est caractér isée par un faible taux de créat ion d'emplois en même temps qu'une progress ion rap ide des emplois précaires et mal payés. La mutat ion du salariat est analysée ainsi que la progress ion de la précar ité. Au-delà d'une croissance dite « plus riche en emplois », on peut noter qu'il s'agit sur tout d'une croissance « pauvre en salaires » et en emplois stab les, en même temps qu'on ass iste à une dévalorisation inquiétante du tra vail qualifié dont l'impor tance progresse beaucou p alors que montent l'exigence de format ion et d'une ruptur e avec toutes les formes de discrimination (notam ment concernant les femmes) . Le taux de chômage reste mass if et pers istant même s'il recule un peu, notamment chez les jeunes (en par ticulier en liaison avec les emplois-jeunes) . L'explicat ion dominante du chôma ge est dénoncée par Nasser Mansour i, du taux de chômage natur el du libéra l Milton Friedman, au taux de chômage d'équilibre du néo-keynésien E. Phelps. Ce dernier dogme de la pensée unique fait des ravages auss i bien auprès de Jean-Paul Fitouss i, disciple de E. Phelps, qu'auprès des inst itut ions officielles. On relève notamment l'influence de ce dogme sur les tra vaux effectués par le Commissaire du Plan, Jean-Michel Char pin, lequel dans le rappor t L'aven ir de nos retraites s'en tient à un taux de chômage d'équilibre de 9%. Nasser Mansour i analyse alors finement le « modè le » amér icain et effectue la critique de la straté gie per verse de l'OCDE pour l'emploi.
« soutenab le ». Il ne s'agit pas de faire du « productivisme » à tout prix mais de s'intér esser au contenu de cette croissance , d'où le rejet d'une croissance centrée sur des emplois pauvres et précaires. Nasser Mansour i-Guilani pose comme centra le la quest ion du type de productivité. L’ou vrage aura it d’ailleurs gagné à intégrer l'analyse publiée dans la revue Issues (2) sur les facteurs de la crise de str uctur e et notamment sur le rôle cruc ial de l'élévation du rappor t capital/pr oduit comme déclenc heur de la crise. Auss i, il ne critique pas les illusions stat istiques, négligeant la diminution du stoc k de capital par l'accé lérat ion des retra its au cours de la crise systém ique et ne cons idérant pas l'impor tance de la baisse récente du rappor t capital/pr oduit, même si elle est plus for te aux Etats -Unis. Cette baisse renvoie auss i bien aux nou velles techno logies qu'à leur utilisation sous domination de renta bilité financière poussant au chômage mass if.
Apr ès avoir montré que la VA a trois dest inat ions – salaires, impôts et taxes, profit brut – l'auteur reprend le débat (enco re à affiner) sur la natur e des cot isations sociales présentées souvent de façon discutab le comme une forme socialisée du salaire et non comme prélèvement sur les profits. Il fourn it un très intér essant tab leau sur le rappor t salaires/ VA selon les br anc hes. On pour rait d'ailleurs calculer auss i le rappor t charges sociales/ VA.
Il analyse la baisse de la par t des salaires dans la VA (8 points dans les entr eprises industr ielles et de ser vices de 68,8% en 82 à 59,7% en 98). Alors que dans le même temps , la par t des profits et sa dest ination renforcée vers les placements financ iers au détr iment des invest issements productifs s'accr oissent . Nasser Mansour i critique le dogme selon lequel les coûts salariaux sera ient trop élevés en France com parat ivement à d'autr es pays de l'OCDE. Pour souten ir cette thèse , il aura it pu utilement s’app uyer sur d'autr es sour ces que l'OCDE, les tra vaux de Pierre Concialdi notamment aura ient per mis d'affiner cette étu de (3). L'auteur critique la course aux exonérat ions des cotisations patr onales, notamment sur les bas salaires (la trappe à bas salaires) en par ticulier, il réfute le rappor t Malinvaud et la thèse de l'excès du coût du tra vail (qui sera it lié aux charges sociales sur les emplois les moins qualifiés).
Reprenant les analyses de Paul Boccara sur la révolution informat ionne lle, il montr e quels points d'app ui cela fourn it pour une nou velle civilisation, une nou velle régulation avec la montée de critèr es non marchands (par tage et non échange marchand).
Il pointe la nécess ité et l'insu ffisance d'une réor ientat ion de la politique conjonctur elle, l'urgence d'un nou veau type de plein emploi des ressour ces humaines. Nasser Mansour iGuilani renvoie alors à la proposition de construct ion d'un nou veau système de sécur ité d'emploi et de format ion (7).
L'auteur insiste auss i sur la nécess ité de res ponsa biliser les entr eprises ainsi que sur l'impu lsion d'un nou veau type de productivité. Il pose for tement la quest ion de la place du secteur public. Il réaffirme la nécess ité d'une réor ientat ion de la finalité du marché financ ier. En ce qui concerne une refonte efficace du financement de la protect ion sociale, s'il situe à sa juste place la proposition de réforme de l'ass iette des cotisations patr onales, sa présentat ion un peu troptechn ique de la modu lation des cotisations patronales reste cependant difficile (8).
Nasser Mansour i-Guilani term ine son ouvrage sur l'économie frança ise par un plaidoyer pour des propositions visant à réor ienter le type de construct ion eur opéenne , ainsi qu'à impliquer la France dans un véritab le co-développement de tous les peuples. ■
Nasser Mansour i-Guilani, L'économie française en 10 leçons, Editions de l'Atelier, Points d'app ui, 1999, 125 F.
Cf. Pour une vision critique, Paul Boccara, cours de 2ème année, Histoire de la pensée économique, cité dans Catherine Mills, Economie et Politique, les courants fondateurs. Valeur et répartition, éditions Montchrestien, collection AES, 2ème édition, 1997.
Paul Boccara, Issues, n° 1, 4e trimestre 1978, pp. 5-68 et n° 2, 1er trimestre 1979, pp. 67-138, « Travaux statistiques sur le système productif français et théorie des facteurs de la crise de structure ». Voir aussi Issues, n° 35, 3e trimestre 1989, Colloque international, « Nouvelle phase de la crise et enjeux des issues ».
Pierre Concialdi, « Coûts de main d’œuvre et protection sociale : une perspective internationale », in Sociétés et représentations, sept. 99
« Protection sociale : quelle réforme ? », pp. 49-63.
Conseil d’analyse économique, Retraite et épargne, Olivier Davanne, Jean-Hervé Lorenzi, François Morin ; La Documentation française 1998.
Jean-Michel Charpin (dir.), L’avenir de nos retraites, rapport au Premier ministre, CGP, La Documentation française 1999.
Cf. Paul Boccara, « Un ensemble de mesures monétaires et financières cohérentes » Economie et Politique, novembre-décembre 1998.
P. Boccara, Issues, n° 47-48, 4e trimestre 1995. 1er trimestre 96. Voir aussi in « Protection sociale : quelle réforme ? », Sociétés et représentations, septembre 1999, « Pour une sécurité d’emploi ou de formation : au-delà du plein emploi traditionnel ».
Avancée par P. Boccara dès 1977, sur laquelle j’ai personnellement travaillé dès 1983. Cf. notamment C. Mills, Economie de la protection sociale, Sirey 1994.
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