Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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L’intérêt du retraitement des combustibles nucléaires

ClAufortLa France doit faire un choix entre les contraintes imposées par une gestion propre des déchets de l’énergie nucléaire et les risques du réchauffement climatique. Or l’abandon du réacteur surgénérateur Super-phénix en 1998, l'arrêt en mai 2000 de la mission chargée de définir l'emplacement d'un site granitique destiné aux recherches concernant le stockage en profondeur des déchets que (IPSN) risquent de précipiter des choix qui fermeront toutes alternatives réelles sans véritable débat démocratique et citoyen. Quant à la sortie de IPSN (Institut de Protection de Sûreté Nucléaire) du CEA elle met en cause à terme les compétences de l’Institut et son indépendance de jugement vis-à-vis du pouvoir politique.

Une nouvelle étape de l'offensive antinucléaire est maintenant engagée. Elle se propose d'obtenir, de la part du gouvernement, l'abandon du retraitement des combustibles nucléaires, c'est-à-dire la fermeture programmée de l'usine de la Hague située dans le département de la Manche. La cohérence de l'industrie nucléaire nationale serait ainsi gravement remise en cause. Un point fort de cette campagne est déjà prévu en France. Les partisans de l'abandon du nucléaire comptent organiser un grand rassemblement national contre le retraitement le 21 octobre 2001.

Les arguments diffusés par les médias sont majoritairement en faveur de l'abandon du retraitement. Ils se concentrent sur son coût qui serait un handicap pour la compétitivité de l'électricité dans le cadre de la dérégulation de celle-ci. Or ce coût est faible. Toutes les chaînes de télévision militent aujourd'hui, sans le dire explicitement, pour l'abandon du retraitement, le passage obligé vers

l'arrêt de l'énergie nucléaire. Elles ignorent systématiquement les conséquences qu'auraient cet arrêt sur le réchauffement climatique, l'indépendance d'approvisionnement, l'équilibre de la balance commerciale et la mise en cause du potentiel industriel de notre pays.

Dans ce contexte, l'attitude du gouvernement est équivoque. Il déclare en permanence que le développement de l'énergie nucléaire est un des axes de la politique énergétique nationale tout en étant plus que complaisant à l'égard de tous ceux qui cherchent à détruire la cohérence de notre industrie nucléaire.

Qu'est-ce que le retraitement- recyclage du combustible nucléaire ?

Le retraitement-recyclage des combustibles « usés » (c'est-à-dire ayant déjà été utilisés une fois dans un réacteur classique du parc nucléaire d'Electricité de France) consiste à traiter ces derniers pour séparer :

l'uranium et le plutonium réutilisables sous forme de combustible MOX (oxyde mixte d'uranium et de plutonium) ou de combustible utilisable dans les réacteurs rapides;

les déchets radioactifs (actinides mineurs et produits de fission) pour les conditionner de manière sûre.

D'une manière générale, le plutonium suscite l'inquiétude des populations. Une des raisons de cette inquiétude tient à l'utilisation militaire qui en a été faite, mais aussi à sa radiotoxicité du fait que les différents isotopes du plutonium les plus abondants ont une très longue durée de vie. Or ce corps apparaît inévitablement dans l'utilisation du combustible nucléaire classique à oxyde d'uranium.

Une étude récente de l'AEN (Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire) vient de montrer que les incidences radiologiques des deux cycles du combustible (avec ou sans retraitement) sont faibles. Elles se situent bien en-deçà de toute limite de dose réglementaire définie pour le public et les travailleurs et sont insignifiantes par rapport aux expositions imputables au fond naturel de rayonnement. En outre, cette étude conclut que la différence entre les incidences radiologiques des deux cycles de combustible ne constitue pas un facteur déterminant en faveur de l'une ou de l'autre option. La santé n'est donc pas un enjeu du choix entre les cycles de combustible nucléaire avec ou sans retraitement-recyclage.

Les différents enjeux de ce choix technique

Le développement de ce type de procédé n'est autre que la mise en œuvre, par l'industrie nucléaire depuis plusieurs décennies, d'orientations qui caractérisent le développement durable. Il s'agit, du recyclage des produits réutilisables du cycle nucléaire, de la gestion responsable des ressources énergétiques existantes de la planète et d'une contribution essentielle à la lutte contre le réchauffement climatique.

1 - Le recyclage des produits réutilisables du cycle nucléaire

Le recyclage des produits réutilisables qui constitue l'objectif du retraitement permet par ailleurs de conditionner les déchets ultimes en vue d'un stockage ou d'un entreposage

La France, comme le Japon, l'Allemagne jusqu'à maintenant, l'Angleterre et la Russie, envoie les combustibles « brûlés » dans des usines chimiques spécialisées où sont séparés les différents éléments contenus : les produits de fission, les actinides, le plutonium, l'uranium, les produits d'activation des structures. Ce retraitement permet de séparer les matières réutilisables (le plutonium dans les combustibles dits « MOX » et dans les surgénérateurs et l'uranium de retraitement, soit 96 % des combustibles « brulés ») de ce que l'on considère aujourd'hui comme des déchets comme cela commence à se pratiquer à un autre niveau pour les ordures ménagères.

Un gramme de plutonium renferme environ une énergie équivalant à une tonne de pétrole.

La valorisation éventuelle des déchets à plus long terme par les générations futures est une hypothèse envisageable.

A cet égard l'industrie nucléaire propose trois voies pour le traitement du plutonium :

L'utilisation du plutonium dans les réacteurs rapides qui permettent de le brûler avec efficacité.

Cette solution de l'utilisation du plutonium est la meilleure car les réacteurs rapides (du fait de leur spectre rapide de neutrons) sont indifférents à la composition isotopique du plutonium comme des actinides mineurs. Ils sont décrits comme des réacteurs « mange-tout ». Au contraire, dans les réacteurs à neutrons thermiques qui utilisent le combustible MOX, les isotopes pairs du plutonium sont des poisons de la réaction en chaîne de fission.

Cette solution de l'utilisation du plutonium dans les surgénérateurs envisagée un temps par le Royaume-Uni, la Russie et le Japon a été abandonnée par la France en 1998. Tôt ou tard, il faudra revenir sur cette voie pour l'utilisation la plus efficace du plutonium. Cet abandon constitue la première remise en cause de la cohérence des choix nucléaires de notre pays. Son but était de fragiliser notre pays dans sa position de leader mondial dans cette technologie. Il nous oblige à nous engager dans la deuxième voie précédemment citée : celle du MOX.

Le recyclage du plutonium dans les réacteurs classiques du parc nucléaire d'EDF par la voie du MOX.

En l'absence de surgénérateurs (du type de Superphénix), c'est actuellement la voie pratiquée par notre pays. Pour le parc nucléaire français actuel, le rapport « Charpin-Dessus-Pellat » de juillet 2000 sur l'économie prospective de la filière nucléaire, confirme l'intérêt environnemental du retraitement-recyclage pour un impact économique faible. La poursuite du retraitement-recyclage au-delà de 2010 devrait permettre d'économiser 5 % d'uranium naturel et de réduire de 12 à 15 % les quantités de plutonium à gérer. En contrepartie, ce choix entraîne un surcoût de 1,3 % de l'électricité d'origine nucléaire, soit environ 0,15 centime par kWh. Si notre pays n'avait pas choisi cette stratégie nucléaire, le stock de plutonium serait 30 % supérieur à ce qu'il est aujourd'hui.

 

Le stockage du plutonium considéré comme un déchet.

Il convient de constater, qu'en poursuivant un but énergétique dans les deux premières voies, le retraitement atteint aussi un but potentiellement écologique. En séparant l'uranium et le plutonium, on réduit la radiotoxi-cité des déchets puisque ces deux éléments sont responsables de la part la plus importante de celle-ci.

Le raisonnement à la base de la stratégie du retraitement doit être gardé en mémoire pour le cas de l'entreposage direct des combustibles irradiés. Celui-ci peut se justifier dès lors que l'on souhaiterait attendre la mise au point de techniques meilleures pour neutraliser la radioactivité. Dans ce cas, il y a tout lieu de penser que le premier objectif serait de résoudre les cas de l'uranium et surtout du plutonium. C'est très exactement l'apport principal du procédé PUREX mis en œuvre actuellement pour la séparation de ces éléments. Les performances enregistrées ont dépassé les attentes avec un taux de séparation du plutonium de 99,9%.

2 - La gestion responsable des ressources énergétiques existantes de la planète

Pour la production d'électricité, le nucléaire constitue une alternative crédible à l'épuisement des ressources fossiles non-renouvelables.

Ce faisant, avec le retraitement-recyclage, nous mettons à la disposition des générations futures des quantités considérables d'énergie disponible, qui leur permettront peut-être d'éviter partiellement les crises que ne peuvent manquer d'engendrer les futures pénuries d'énergie. Nous leur léguons, les savoir-faire susceptibles de les mettre en valeur. L'ensemble du cycle du combustible ainsi conçu est pris en compte dans le prix du kWh fourni. Même s'il engendre un léger surcoût à court terme, il ne remet pas en cause la compétitivité de l'énergie nucléaire. Il réduit les coûts de l'énergie des générations futures tout en améliorant la gestion des déchets ultimes.

3 - Une contribution à la lutte contre le réchauffement climatique

Parmi toutes les activités humaines en cause dans ce réchauffement climatique, celles qui relèvent de l'utilisation des ressources fossiles pour la production d'énergie sont de loin les plus importantes. La croissance de leur utilisation entraîne une augmentation exponentielle de la production des gaz à effet de serre, principalement de la part des pays développés. Si ces pays en ont la volonté politique, ils ont les moyens d'agir contre le réchauffement climatique puisque l'énergie nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre. Cette forme de production d'énergie est donc à même de répondre aux besoins énergétiques croissant de la planète sans entraîner le réchauffement climatique. Le retraitement-recyclage, qui permet une utilisation maximum de la totalité de l'énergie contenue dans les matières fissiles, va dans le sens de la préservation de l'environnement et du climat.

Nous devons faire un choix entre les contraintes imposées par une gestion propre des déchets de l'énergie nucléaire et les risques de réchauffement climatique.

Les conséquences d'un abandon du retraitement

L'abandon du retraitement des combustibles usés aujourd'hui aurait de nombreux inconvénients. Il détruirait une cohérence industrielle que nous avons construite durant plusieurs décennies, qui est un facteur important de notre indépendance énergétique pour plusieurs siècles. Le retraitement-recyclage des combustibles, notamment les options choisies du cycle français, sont sans équivalent dans le monde. Notre pays possède des installations de retraitement opérationnelles jusqu'en 2030. Elles sont les premières du monde parmi les quatre pays qui ont fait le choix de retraiter leur combustible nucléaire (la France, le Royaume-Uni, le Japon et la Russie). C'est cette position dominante sur le retraitement qui a permis à l'industrie française de vendre les centrales nucléaires à l'étranger. C'est cette position dominante acquise par notre pays qui est la raison des attaques d'organisations internationales, qui visent plus la France que les choix industriels qu'elle développe.

Le poids économique du retraitement est vital pour le Nord-Cotentin. Les contrats en cours d'exécution à La Hague pour des clients étrangers représentent un chiffre d'affaires de 7 milliards de francs par an sur dix ans. La logique économique voudrait qu'au minimum, les installations de retraitement françaises soient utilisées pendant la durée de vie pour laquelle elles ont été conçues et que l'option du retraitement soit confirmée pour au moins une vingtaine d'années.

La vie économique d'une région serait remise en cause par l'abandon injustifié du retraitement. Il nous obligerait à engager des recherches sur le stockage des combustibles usés sans retraitement, alors qu'aucune expérience internationale ne montre actuellement les avantages de cette solution.

Par ailleurs, ce choix d'abandon de l'utilisation du plutonium civil ne nous empêcherait pas d'avoir à gérer le plutonium militaire issu du désarmement nucléaire. Ce dernier, en effet, peut être utilisé pour la production d'énergie civile. En « brûlant » aujourd'hui les plutoniums militaire et civil dans les réacteurs classiques, notre pays s'engage ainsi dans la réalisation d'un développement durable, allant dans le sens du désarmement, de la non-prolifération nucléaire et de la paix.

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Par Aufort Claude, le 31 mars 2001

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