J.C. BauduretLe MEDEF a eu une révélation : il ne suffit pas d’indem-niser les chômeurs, il faut aussi les aider individuellement à retrouver un emploi par des conseils et une formation adaptée
Au nom de cette géniale idée la nouvelle convention Unedic permet :
– aux entreprises de récupérer en 3 ans l’essentiel des 71 milliards d’éco-nomies réalisées sur les cotisations de chômage;
– et surtout , avec le « PARE » de substituer la logique du contrat individuel à celle du droit. Les responsables du chômage deviennent les chômeurs eux-mêmes !
Oui, c’est vrai, M. Seillière a du génie... en matière de marketing. Nul doute qu’il faut un grand talent pour faire approuver par certaines organisations syndicales deux « revendications » patronales essentielles au nom de la prétendue « innovation sociale » que constituerait le traitement individualisé du chômage.
Mais la duplicité du Medef dépasse le génie-marketing de son chef : Soudainement il veut imposer à l’Unedic une « nouveauté » contre laquelle il se bat depuis 6 ans à l’APEC (1).
Il faut qu’il n’ait aucun scrupule pour revendiquer la paternité de l’idée du traitement personnalisé du chômage. De nombreuses initiatives, d’origines diverses, l’avaient mis en application avant qu’il ne feigne de la découvrir. L’APEC en a conduit une, malgré l’opposition du Medef, concernant les chômeurs de longue durée.
L’objectif était de mettre au point des services appropriés à une réinsertion professionnelle, destinés à une population particulièrement fragile, au bord de l’exclusion sociale.
Cinq cents cadres, chômeurs de longue durée (12 ou 24 mois) ont bénéficié individuellement pendant un an d’un suivi personnalisé par un consultant APEC attitré.
Pour mesurer l’efficacité du dispositif, un échantillon contre-type de même taille et présentant les mêmes caractéristiques de fragilité vis-à-vis de l’emploi (2) était constitué de cadres ne bénéficiant que des services ordinaires de l’Association.
La comparaison est éloquente : 60 % des cadres suivis individuellement ont retrouvé un emploi en moins d’un an contre 24 % dans l’échantillon contre-type (tableau). Pour ces 60 %, la durée moyenne de retour à l’emploi est inférieure à 6 mois.
Mais pour en arriver là il a fallu batailler pendant 2 ans dans les instances de l’APEC tout en dénonçant publiquement et constamment le scandale que constituait l’accumula-tion systématique de réserves financières inutilisées, plus importantes chaque année, alors que l’emploi des cadres ne cessait de se dégrader.
Finalement c’est en février 97 que le Medef votait, du bout des lèvres, un budget prévoyant une « expérimentation » sur 3 années (97, 98, 99) concernant les cadres chômeurs de longue durée.
Conformément aux objectifs de départ les consultants impliqués dans cette expérimentation ont rationalisé leur démarche et élaboré une méthodologie à l’issue de l’expérimentation (1999). Sous la pression du Medef et des menaces qu’il commençait de faire peser sur l’existence des organismes paritaires, la direction de l’APEC a tout fait pour qu’elle ne soit pas mis en œuvre. Malgré le succès de l’expérimentation elle ne prévoyait aucun financement dans le budget 2000 pour passer à un traitement généralisé. Il a fallu que les 5 organisations syndicales exigent dans l’unité la poursuite des opérations à une plus grande échelle pour que le Medef et la direction consentent à passer de l’«expérimentation » à une « expérience » (sic) sur deux centres APEC.
Tableau : Efficacité du suivi individuel
|
Cadres du dispositif |
Cadres témoins |
Reprise |
60 % |
24% |
Reprise en CDI |
37,2% |
19,4% |
Reprise avec un statut cadre |
41,4% |
17,5% |
Rémunération supérieure ou égale |
19,2% |
8,5% |
Travail plus intéressant (avis du sujet) |
37,2% |
13,2% |
Base : 301 cadres du dispositif et 301 cadres témoins. Tableau synthétique d’après « Expérimentation Chômeurs longue durée ». Département Etudes et Développement Apec, 21 décembre 1999.
Cette expérience arrive aujourd’hui à son terme. La direction laisse entendre qu’elle n’est pas concluante. Mais dans le même temps elle s’en prévaut dans l’objectif d’établir avec l’UNEDIC une convention...sur l’appli-cation du PARE. Le Medef n’a pas le monopole de la duplicité... !
Il y a néanmoins d’énormes différences entre l’« expérimentation » APEC et le « PARE » MEDEF.
Les cadres entrés dans le dispositif APEC l’ont accepté sur la base d’un volontariat réel, sans aucune sorte d’incitation ou de menace d’ordre administratif et encore moins financier.
La seule motivation était celle du retour à l’emploi et beaucoup ont consenti des sacrifices pour y parvenir : 23 % ont accepté des contrats précaires, 19 % la perte du statut cadre, 41 % une rémunération inférieure.
Néanmoins, 40 % des cadres du dispositif étaient toujours sans emploi après un an de recherche assistée. Sont-ils pour autant coupables et condamnables comme le prévoit le PARE ?
On mesure encore mieux les pièges du PARE quand on sait que, parmi les cadres sollicités pour ce suivi personnalisé, environs 60 % des « éligibles » ont refusé d’entrer dans le dispositif APEC. Une proposition analogue, assortie de menace de radiation et de contraintes financières ferait certes baisser fortement cette proportion mais avec des conséquences extrêmement néfastes sur le nombre et la qua- lité des emplois retrouvés. Enfin, se pose également la question des moyens. L’APEC a employé pendant 2 années pleines 5 consultants et 2 assistantes à temps complet pour mener à bien le suivi personnalisé des 500 cadres. On ne peut certes extrapoler par une simple règle de trois les effectifs nécessaires au traitement de 2 millions de chômeurs : il est clair que le coût d’un produit développé en laboratoire n’a rien à voir avec celui d’un produit industriel. On ne peut néanmoins faire l’impasse sur cette question des moyens.
S’il est tout à fait clair qu’une assistance personnalisée à la recherche d’emploi peut être très bénéfique, il est tout aussi clair qu’elle doit se faire sur la base d’un droit ouvert à tout chercheur d’emploi, y compris pour son premier emploi, sans contrepartie et que la nation doit se doter de moyens suffisants pour rendre effectif le droit au travail inscrit dans la Constitution.
JC Bauduret : ancien administrateur de l'APEC
Il y a actuellement 0 réactions
Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.