Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Rendre les licenciements acceptables ou en finir avec les licenciements, le chômage et la précarité?

Débat d’Economie et Politique organisé avec le PCF, les groupes communistes du Sénat et de l’Assemblée nationale (3 mai 2001)

Introduction du débat

La multiplication des plans dits sociaux suscite un important débat. Indignation et rejet s’expriment fortement.

Selon un sondage BVA-l’Humanité, publié le 1er mai, 64% des salariés mettent en cause la pression des marchés financiers et des actionnaires. Mais ils sont nettement plus partagés quand à la possibilité d’y faire quelque chose. Si 12% pensent qu’un gouvernement peut résoudre le problème en profondeur, et 26% en améliorer les aspects essentiels, ils sont 31% à penser qu’on ne peut en améliorer que quelques aspects et 28% qu’on n’y peut pas grand chose.

Cela me paraît situer une question politique majeure.

S’agit-il seulement de rendre les licenciements plus acceptables ? C’est pour l’essentiel la philosophie qui guide les propositions du PS, étant admis selon lui qu’on ne peut agir que dans le respect des règles de l’économie de marché (capitaliste). Cela peut donner quelques améliorations. Mais il ne saurait s’agir d’empêcher les plans sociaux.

Les communistes pensent qu’il est possible de faire bien mieux : répondre aux exigences immédiates (c’est le sens des amendements déposés par les parlementaires communistes) en s’inscrivant dès maintenant dans la perspective d’en finir avec les licenciements, le chômage et la précarité.

Ce projet communiste que nous travaillons à préciser, et dont les options font l’objet de débats parfois aigus, je le caractériserai comme celui d’unenouvelle démocratie sociale pour promouvoir un nouveau statut du travail, fondé sur la sécurisation de l’emploi avec la formation, et pour faire reculer le pouvoir de nuisance des marchés financiers.

Il ne participe pas d’une démarche de surenchère, mais d’une recherche d’alternative.

Licenciements et croissance

Pour des réponses opératives, il faut partir de ce qui se passe.

En quasi-totalité les « plans sociaux » sont le fait de grands groupes transnationaux aux chiffres d’affaires records.

Pour beaucoup d’entre eux, les carnets de commandes sont pleins et les profits énormes.

Bref, des licenciements lorsqu’il y a croissance. Une croissance très forte dans des secteurs comme l’aéronautique, le transport aérien ou les technologies de l’information et de la communication

nouvelle démocratie sociale pour promouvoir un nouveau statut du travail, fondé sur la sécurisation de l’emploi avec la formation, et pour faire reculer le pouvoir de nuisance des marchés financiers.

Il ne participe pas d’une démarche de surenchère, mais d’une recherche d’alternative.

Licenciements et croissance

Pour des réponses opératives, il faut partir de ce qui se passe.

En quasi-totalité les « plans sociaux » sont le fait de grands groupes transnationaux aux chiffres d’affaires records.

Pour beaucoup d’entre eux, les carnets de commandes sont pleins et les profits énormes.

Bref, des licenciements lorsqu’il y a croissance. Une croissance très forte dans des secteurs comme l’aéronautique, le transport aérien ou les technologies de l’information et de la communication.

Quant aux entreprises déclarant perdre de l’argent : Bull, AOM, Air-Liberté, Air-Littoral, hier Cellatex, les problèmes ont pour origine des choix stratégiques délibérés des actionnaires principaux de démanteler l’entreprise, pour valoriser leur capital ailleurs. Des choix d’autant plus nocifs que désormais un retournement de la croissance mondiale se profile.

Nouveau système productif, globalisation, et nouvel âge du capitalisme

Alors que se passe-t-il ? On assiste depuis plusieurs années à une vague de mégafusions, encouragées par les privatisations.

Emergent d’énormes groupes transnationaux qui lèvent des financements considérables sur le marché des capitaux privés pour constituer, par fusions-acquisitions, des réseaux planétaires de centaines d’usines, de laboratoires et de bureaux d’études...

Ces groupes s’appuient sur la révolution des technologies de l’information et des communications pour transformer le système productif et le travail lui-même.

Cette organisation en réseau globalisé, vise à partager les coûts qui explosent des innovations et du contrôle des technologies, tout en poussant l’extension des marchés pour répartir les risques et élargir les marges.

Dans cette nouvelle ère de la production et des activités de services, les capacités humaines sont le facteur décisif d’efficacité.

Les niveaux de formation ont considérablement progressé. Les femmes prennent de plus en plus leur place.

Mais très contradictoirement, le capitalisme accompagne ces transformations majeures d’une régression sociale qui a peu de précédents où ce qui est visé c’est l’entière disponibilité de la personne à la logique de l’argent. En France cet objectif structure la conception du MEDEF de la refondation sociale : dégager au maximum le social de la compétence de l’Etat pour livrer les salariés, dans le rapport le plus individualisé et inégalitaire possible, à la domination patronale, de façon à dégager de nouvelles marges au capital dans le partage de la valeur ajoutée.

C’est un nouvel âge du capitalisme : l’entreprise « patrimoniale » et « entrepreneuriale », comme le pilotage et le financement étatique des grandes entreprises autour d’un projet industriel intégrant une certaine régulation sociale relèvent d’une époque passée.

Désormais c’est l’univers impitoyable du primat des marchés financiers et de la valorisation actionnariale, avec une implication sans précédent des Etats pour soutenir les marchés financiers. Dans ce monde, le travail n’est qu’une variable d’ajustement. L’ensemble des activités humaines tendent à devenir des marchandises.

Logique boursière contre responsabilité sociale de l’entreprise

Il ne s’agit pas d’une caricature. La majorité des plans sociaux jouent la bourse et le rendement financier contre les dépenses salariales.

Les restructurations conjuguent licenciements, abandons d’activités, délocalisations, mais également externalisa-tions, filialisations, sous-traitance, création de nouvelles activités ... On objecte qu’il y a plus de création d’emplois que de destruction. C’est exact, mais cela contribue à rendre insupportables les pratiques qui consistent à « jeter » des milliers de personnes humaines.

Car quels emplois sont créés à la place des emplois détruits, avec quelles conditions de travail ?

Leurs caractéristiques dominantes sont la précarité, les horaires atypiques (travail de nuit, travail du dimanche), l’in-tensification du travail, la non reconnaissance des diplômes pour les jeunes, des salaires et des droits réduits...

C’est cela aussi les plans « sociaux » de Danone, Michelin, Alstom...

Actionnaires et experts libéraux nous expliquent que pour être compétitif, il faut produire des « P’tits Lu » et des pneus la nuit et le week-end.

L’apparition dans le vocabulaire courant des notions de « souffrance au travail », de « gestion par le stress », de « harcèlement moral » ne relève pas de l’imaginaire salarial.

Et qui assume le coût social de telles pratiques ? Toujours les salariés et la collectivité.

Pour les mêmes raisons de « compétitivité » les grands groupes font également des économies sur les dépenses nécessaires à la réduction des risques humains et environnementaux (Total-Erika ; oligopoles de l’agroalimentaire et dangers de l’agriculture et de l’élevage intensifs...).

On pourrait encore évoquer les conséquences des dominations des marchés financiers dans l’industrie pharmaceutique ou informatique.

Mais que vaut cette conception de la « compétitivité » où seul prévaut le rendement financier et l’obsession de la baisse des dépenses salariales ? Quelle est cette société où des groupes transnationaux, dont la puissance provient du travail de millions de salariés et qui bénéficient d’aides publiques considérables, exigent que la responsabilité sociale de l’entreprise se limite à produire de la valeur pour l’actionnaire ? Est-il acceptable, au regard de cette responsabilité sociale que l’on continue de confondre l’entreprise, les groupes, leur système de pouvoir avec leurs seuls actionnaires ? Et faut-il accepter que le champ de la politique et de l’Etat se limite à panser les plaies ?

Espace, mais besoin d’une dynamique sociale et politique plus forte, pour construire une alternative

La grande majorité de la population supporte de plus en plus difficilement cette vulnérabilité sociale et cette domination des marchés financiers sur tous les aspects de la vie humaine. Ce sentiment nourrit la critique de la représentation politique dominante qui accompagne ce mouvement, invitant au « réalisme » selon lequel il y aurait des règles indépassables : celles du marché capitaliste.

Avec la vague des licenciements boursiers, monte l’exi-gence du refus des licenciements.

Comment répondre à cette attente ? La question est politique, bien plus que technique. Et les réponses font débat, entre communistes et parmi les citoyens. Il est important et utile que les opinions s’expriment et se confrontent pour construire des réponses communistes convaincantes et mobilisatrices. Cette soirée en est l’occasion. Chacune et chacun s’exprimera avec son approche. Je le fais avec la mienne.

Notre objectif est d’en finir avec tous les licenciements économiques, mais également avec le chômage et la précarité.

Les licenciements chez AOM, Air Liberté, Air Littoral, Bull ou Moulinex ne sont pas plus acceptables que ceux de Danone, Michelin ou Alstom...

Il ne suffit donc pas de chercher à les rendre moins douloureux. Il s’agit de modifier le système de pouvoirs qui y conduit et la régulation même du marché du travail. En matière de propositions immédiates, nous disposons déjà d’un outil qui conserve toute sa pertinence et qui est le fruit d’un travail important: la proposition de loi relative aux licenciements économiques déposée par les parlementaires communistes en avril 1999.

C’est un point d’appui pour des avancées immédiates dans le débat actuel.

Nous proposons de suspendre tous les plans sociaux et de faire avancer un ensemble de dispositions qui permettent, non pas de renouer avec l’autorisation administrative de licenciement qui est inefficace, mais d’aller à une véritable alternative aux gestions actuelles des ressources humaines et financières.

Il s’agit de travailler à un statut salarial qui permette de faire évoluer la société, les entreprises, tout en assurant à chaque citoyen, tout au long de sa vie active, une sécurité d’emploi ou de formation et donc une continuité de droits et de revenus.

Loin d’être rigide – qu’est-ce qui peut être plus rigide et plus borné qu’un licenciement ? – cette solution permettrait de dépasser la « flexibilité » du marché (au nom de laquelle est poussée la précarité) pour maîtriser avec souplesse les transformations nécessaires des entreprises, changer le travail, et cela du local au mondial. Elle vise plus d’efficacité économique.

Sans rejet social il s’agit de favoriser les mobilités professionnelles et ascensionnelles choisies dans une ou plusieurs entreprises, et cela du niveau du bassin d’emploi jus-qu’aux autres niveaux.

Comment avancer dans cette direction ? Trois objectifs me paraissent essentiels :

  1. En avançant vers de réels pouvoirs des salariés permettant de transformer la gestion des entreprises et de les amener à assumer toutes leurs responsabilités sociales.

Il s’agit de donner de véritables pouvoirs d’expertise, de propositions sur les stratégies industrielles, l’organisation et le contenu du travail, les choix technologiques, les financements. Le droit d’intervention doit être effectif en permanence, en amont de toute restructuration ou plan social.

Développer et créer les institutions nécessaires, de l’en-treprise au groupe, du régional au mondial pour que les salariés puissent exercer ces pouvoirs. Les comités d’entreprises, les comités de groupes sont les institutions de base pour ce développement.

En même temps, il est nécessaire d’aller plus loin pour intervenir sur les réalités actuelles des entreprises organisées en réseaux du régional au mondial. Il faut insister sur ces deux niveaux qui sont décisifs, sur les nouvelles initiatives politiques que cela appelle, à l’échelle de l’Europe et du monde.

  1. Financements, crédit, fonds publics et démocratie sociale.

Il serait très illusoire de vouloir aller dans le sens d’une démocratie sociale sans agir pour se libérer de la dictature des marchés financiers.

Et dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres le dispositif répressif ne suffit pas. Il faut de nouveaux financements pour faire reculer l’appel au marché financier.

Le niveau actuel des enjeux de société, la maîtrise des nouvelles technologies, appellent d’importants moyens financiers. Il y a donc besoin d’une intervention des salariés et des élus, notamment dans les bassins d’emplois pour :

contrôler l’usage des fonds publics, en finir avec l’allé-gement des charges sociales patronales,

orienter le crédit des banques et institutions financières vers l’emploi et la formation,

intervenir dans la politique financière des entreprises et dans la gestion de l’épargne salariale.

La démocratie sociale au cœur des enjeux de changement

Je pense qu’il faut considérer la démocratie sociale comme le pivot d’une alternative pour l’emploi.

Elections et mouvement social aidant, face à la montée des licenciements boursiers et du mécontentement social, le gouvernement semble commencer à accepter quelques propositions allant dans ce sens. Mais c’est encore bien timide. A l’évidence, le compte n’y est pas.

Il y a besoin d’une détermination politique beaucoup plus forte pour faire avancer la démocratie sociale et faire reculer la dictature boursière. Cette détermination, les communistes l’ont. Démocratiser l’économie, pour sécuriser l’emploi-for-mation et utiliser l’argent autrement, ces propositions peuvent identifier une alternative aux options qui prédominent aujourd’hui à gauche. Elles peuvent fonder aussi des initiatives en Europe et au niveau mondial.

Elles sont bien sur soumises au débat, un débat qu’il s’agit de nourrir dans toute la société, et particulièrement dans le monde du travail, sur les lieux du travail, pour contribuer au développement d’une véritable dynamique sociale et politique. Elles suscitent des initiatives d’action, des pétitions qui recueillent du succès dans plusieurs départements.

Nous sommes à un moment où s’affirme un divorce très profond entre les attentes, les exigences des salariés et la « gouvernance » actuelle des entreprises. Il y a une recherche d’alternative tout à fait nouvelle, notamment chez les cadres.

Le Parti communiste peut répondre à cette disponibilité en construisant, en faisant vivre avec les citoyens un projet pour lequel l’en-treprise, le travail sont au cœur des enjeux de changement.

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Par Marchand Nicolas , le 31 mars 2001

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