Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Licenciements: l’exigence de pouvoirs nouveaux des salariés

La multiplication des plans de licenciements, dès après les élections municipales, dans le but de relever la rentabilité financière, au point même qu’on a pu parler de licenciements purement boursiers, a profondément choqué l’opinion. A plus de 80%, selon les sondages, les gens estiment en substance que ces licenciements mas massifs, qui sont surtout le fait de grands groupes, sont d’autant plus immoraux que ces derniers ont réalisé des profits historiquement élevés au cours de l’année écoulée.

Une certaine irritation se fait jour à l’encontre de cette préférence bien française des gestionnaires, grands actionnaires et banques pour le chômage et la précarité, tandis que prospèrent les placements financiers.

Le sentiment est encore très confus, mais il grandit : il faut en finir avec cette facilité dont disposent les employeurs qui fait que tout problème pour l’entreprise, qu’il soit avéré ou postulé, doit se conclure encore et toujours par des suppressions d’emploi, une contraction de la masse salariale.

L’argument toujours ressassé de la compétitivité, face à une mondialisation perçue comme hostile, s’il arrive encore le plus souvent à faire se résigner, finit aussi par lasser dès lors que la croissance dont elle est sensée être le ressort essentiel s’accompagne en fait de plus d’insécurité, de précarité, de mal vivre pour l’immense majorité des salariés et de leurs familles.

Face aux charrettes de licenciements qui, désormais, concernent plus de 35 000 emplois directs en France – sans compter les ravages « collatéraux » pour nombre de PME et sous-traitants des groupes – le PCF a pris l’initiative d’encourager la protestation et avancer des propositions.

La grande manifestation de Calais a obligé le gouvernement à donner l’im-pression d’un début d’écoute en amendant le projet de loi « fourre tout » dit de « modernisation sociale » pour sa seconde lecture par l’Assemblée nationale.

Cependant, et malgré la forte journée de manifestations organisée par la CGT le 22 mai dans toute la France, les mesures retenues par E. Guigou et L. Jospin, outre leur insuffisance quelque peu provocante, sont velléitaires. Pire, elles pourraient s’avérer inefficaces, voire contre-productives en concédant au patronat, sous prétexte de réalisme.

Une certaine irritation se fait jour à l’encontre de cette préférence bien française des gestionnaires, grands actionnaires et banques pour le chômage et la précarité, tandis que prospèrent les placements financiers.

Le sentiment est encore très confus, mais il grandit : il faut en finir avec cette facilité dont disposent les employeurs qui fait que tout problème pour l’entreprise, qu’il soit avéré ou postulé, doit se conclure encore et toujours par des suppressions d’emploi, une contraction de la masse salariale.

L’argument toujours ressassé de la compétitivité, face à une mondialisation perçue comme hostile, s’il arrive encore le plus souvent à faire se résigner, finit aussi par lasser dès lors que la croissance dont elle est sensée être le ressort essentiel s’accompagne en fait de plus d’insécurité, de précarité, de mal vivre pour l’immense majorité des salariés et de leurs familles.

Face aux charrettes de licenciements qui, désormais, concernent plus de 35 000 emplois directs en France – sans compter les ravages « collatéraux » pour nombre de PME et sous-traitants des groupes – le PCF a pris l’initiative d’encourager la protestation et avancer des propositions.

La grande manifestation de Calais a obligé le gouvernement à donner l’im-pression d’un début d’écoute en amendant le projet de loi « fourre tout » dit de « modernisation sociale » pour sa seconde lecture par l’Assemblée nationale.

Cependant, et malgré la forte journée de manifestations organisée par la CGT le 22 mai dans toute la France, les mesures retenues par E. Guigou et L. Jospin, outre leur insuffisance quelque peu provocante, sont velléitaires. Pire, elles pourraient s’avérer inefficaces, voire contre-productives en concédant au patronat, sous prétexte de réalisme.

De nouveaux moments forts de protestation exigeante s’avèrent à l’évi-dence nécessaires, à l’instar de la manifestation nationale du 9 juin co-organisée par le PCF à la demande de salariés et syndicats de l’entreprise « LU ».

C’est en fait tout un mouvement social qui, du local jusqu’au niveau européen, en passant par les niveaux régionaux et nationaux, qui pourrait prendre forme, à partir particulièrement de ce qui est entrepris en France. Il pourrait bousculer les conservatismes de sommet en faisant avancer l’exigence de droits et de pouvoirs pour les salariés, les citoyens, les élus, sur les moyens mêmes de réaliser des avancées sociales, à partir des enjeux d’emploi et de formation, face au pouvoir, devenu fou avec les nouvelles technologies, dont dispose les employeurs de rejeter et maintenir dans le chômage des millions de salariés.

La surdité du gouvernement

Le gouvernement avait décidé de commencer en fanfare la session de printemps du parlement : le dispositif permettant de légaliser le plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) obligatoire et ses conditions devait être examiné en procédure d’urgence.

Noyé dans un projet de loi portant « diverses dispositions d’ordre social, éducatif et culturel », il modifie le code du travail et, selon les vœux du MEDEF, ouvre la voie en pratique à une obligation pour nombre de chômeurs de finir par accepter des emplois déqualifiés, délocalisés et moins bien rémunérés que ceux qu’ils auraient perdus, ou des formations débouchant sur ce type d’emploi.

C’est au total un élément essentiel de pression sur le taux de salaire que L. Jospin a décidé ainsi d’introduire dans le droit social français, contre l’avis de la CGT et FO représentant cependant la majorité des salariés.

Seuls les députés communistes ont voté contre l’ensemble de ce projet de loi pour manifester leur opposition radicale à son titre premier permettant de légaliser la nouvelle convention Unedic.

L’Assemblée nationale l’a cependant adopté, le PS formant majorité avec une partie de la droite.

C’est dans la même foulée que le gouvernement a présenté le projet de loi de modernisation sociale votée en première lecture à l’Assemblée nationale en janvier et au Sénat en avril derniers, et qu’il a été contraint d’amender pour la seconde lecture.

Que recouvrent en substance ces amendements ?

Pour l’essentiel, ils introduisent dans le droit des licenciements des éléments que la jurisprudence avait déjà fait avancer en pratique sur le terrain.

D’abord le plan social est rebaptisé « plan de sauvegarde de l’emploi » avec la même inspiration que celle qui a conduit L. Jospin à introduire en France l’impôt négatif sous le vocable plus présentable de « prime pour l’emploi ».

Au-delà, quatre amendements retiennent particulièrement l’attention.

C’est d’abord l’allongement de la durée des congés de conversion pour le reclassement des salariés licenciés dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. Ce dispositif, qui doit disparaître avec le PARE, ne permet finalement qu’un répit pour les salariés rejetés par leur employeur, leur contrat de travail étant prolongé pendant cette période. Mais au bout de ce délai, comme dans la logique du PARE, ils pourraient alors être contraints d’accepter des emplois ne correspondant pas à leur qualification et aspirations, s’ils n’ont pu se reclasser.

Le PS s’est contenté de défendre l’extension du droit au congé de reclassement aux entreprises de plus de 50 salariés, contre 1 000 dans la mouture adoptée par le Sénat, tout en se ralliant à l’idée de ne pas toucher à la définition du licenciement économique.

J-M. Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a prétendu chercher ainsi à « obtenir une obligation de résultat en matière de reclassement ». Mais cela sans jamais se poser la question des moyens nécessaires, en matière de financement notamment, pour que les salariés soient reclassés dans des emplois voulus et non subis, à des niveaux de qualification et de rémunération qui ne soient pas inférieurs à celui de l’emploi dont chacun a été éjecté avant de se retrouver au chômage.

Un autre amendement du gouvernement tend à inscrire dans la loi la jurisprudence « Samaritaine » permettant au juge d’ordonner la réintégration des salariés lorsque le plan social est jugé « nul et non avenu ».

Il ne s’agit donc en l’espèce que d’une simple transcription dans la loi d’une disposition qui, dans la pratique, a déjà fait son chemin, ce qui –il faut en convenir- n’a guère de quoi faire faire un bond à la responsabilisation sociale des entreprises.

Cela semble d’autant plus vrai que E. Guigou, à l’heure où nous mettons sous presse, refusait un amendement des députés communistes tendant à durcir la définition des licenciements économiques.

Le gouvernement envisageait aussi de renforcer les procédures de concertation avec les comités d’entre-prise. Mais on voit bien qu’il ne s’agit pas seulement d’accroître le pouvoir d’information, voire même de négociation des comités d’entreprise sur les plans sociaux et les reclassements. Cela demeure en effet très en deçà de la nécessité d’un droit collectif nouveau nécessaire des Comités d’entreprise et représentants des personnels non seulement d’être consultés, mais de faire prévaloir des solutions autres que les licenciements ou, lorsque ceux-ci s’avèrent incontournables, de faire prévaloir de bons reclassements répondant aux attentes avec un contrôle sur l’utilisation des fonds.

Il faut prendre garde en effet aux dispositifs « poudre aux yeux » où l’on dirait aux salariés qu’ils peuvent parler tout en continuant de leur interdire de toucher l’utilisation par leur entreprise des profits, des fonds publics et des crédits dont elle dispose.

La mesure envisagée sur ce point par le gouvernement est en fait largement contrebattue par tout le dispositif d’incitations qu’il ne cesse de développer pour baisser le coût salarial des emplois et encourager le placement des fonds des entreprises sur les marchés financiers.

Le refus de favoriser un progrès des droits des salariés face au pouvoir formidable de leurs employeurs de les rejeter dans le chômage et, ainsi, de faire pression sur le taux de salaire, est apparu de façon plus nette encore quand il a décidé de s’opposer à un amendement d’initiative communiste tendant à introduire un droit d’oppo-sition suspensif du Comité d’entre-prise sur les licenciements économiques pour faire rechercher d’autres solutions.

Enfin, « une obligation » de réindutrialisation pour les grandes entreprises a été introduite par le gouvernement. Elles pourraient s’en acquitter soit en investissant directement, soit sous la forme d’une participation à des sociétés de reconversion, soit les deux.

En fait cela se pratique déjà, avec des résultats très contradictoires et précaires du point de vue de l’emploi en quantité et en qualité et des exigences de développement régional durable. Les plus grands groupes (comme Usinor avec ses Sodi) ont leurs sociétés de reconversion et elles arrivent à tirer énormément de fonds publics.

Une obligation de réindustrialisa-tion exigerait une obligation de résultat en termes d’emplois stables et correctement rémunérés, et en formations débouchant sur de bons emplois, avec un contrôle des salariés, des citoyens (associations de chômeurs...), des élus.

Maîtriser le marché pour le dépasser.

Pour faire pièce aux licenciements il faut une cohérence audacieuse des mesures à mettre en œuvre, en s’ap-puyant sur les salariés, y compris pour bien traiter les problèmes rencontrés par les entreprises là où ils sont avérés. Cette cohérence renvoie à un triangle conjuguant des pouvoirs, des moyens financiers, des objectifs sociaux.

Premièrement, il faut plus de pouvoirs non seulement pour les salariés, mais pour les citoyens et les élus.

Il faut promouvoir beaucoup plus le rôle et l’initiative des Comités d’entre-prises, des syndicats. Mais, en l’es-pèce, il ne s’agit pas seulement de mieux organiser le face à face entre salariés et patrons. Il faut aussi un appui des salariés sur des dispositifs publics et sociaux.

Il ne s’agit pas que l’Etat « administre » les entreprises. Mais il faut que la loi y libère l’intervention des salariés dans les gestions pour les changer et organise, autour des entreprises, l’intervention d’autres acteurs essentiels sans lesquels les rapports de force resteraient dominés par le patronat : les élus, les associations de chômeurs, les formateurs... Et cela pour empêcher les rejets du chômage, les rendre impossibles.

Deuxièmement, ces pouvoirs nouveaux ne doivent pas être seulement des pouvoirs d’information et de consultation sur les emplois. Ils doivent porter jusque sur les décisions des plans de financement et d’inves-tissements des entreprises.

Car c’est l’argent et son utilisation qui commandent tout. Attention aux mesures « tape à l’œil » qui reviendraient, une fois passé l’effet d’an-nonce, à dire en substance aux travailleurs : « vous pouvez être consul tés sur les restructurations, mais pas touche au grisbi ! ». A fortiori si ces mesures sont envisagées pour...2002 !

C’est tout de suite qu’il faut favoriser l’intervention des salariés, des citoyens, des élus sur l’utilisation de tout l’argent : les profits, les fonds publics et les crédits bancaires dont disposent les entreprises. La bastille des choix de gestion doit tomber.

On ne saurait se contenter de vagues discussions sur les restructurations, puis de négociations sur les reclassements, sans avoir le droit de contre-proposer pour réorienter les choix financiers des entreprises et leurs coopérations. Et cela d’autant plus si les reclassements conduisent à l’obligation de fait pour les salariés d’accepter des salaires et des conditions d’emploi en recul comme en ouvre la voix la nouvelle convention Unedic et le PARE.

Il en va de même s’agissant de l’ob-jectif annoncé de « réindustrialisa-tion » des bassins frappés par les restructurations des entreprises. S’il s’agit de se contenter d’apporter des financements pour des investissements industriels sans obligation de résultat pour l’emploi, la formation et la recherche avec un suivi nécessaire pour tous les acteurs de terrain, cela ne fera que de nouveaux gâchis.

 

Trois propositions peuvent être avancées pour conforter les réorientations nécessaires, outre le rejet nécessaire du Pare :

l’entreprise qui veut licencier doit être menacée de rembourser tous les fonds publics (locaux, régionaux, nationaux et européens) qu’elle a perçus, sur les cinq dernières années, afin de l’obliger à examiner d’autres solutions aux problèmes qu’elle prétend ainsi traiter. Tout de suite, il faut que le gouvernement cesse de traîner les pieds avec la loi Hue sur le contrôle des fonds publics. Les décrets d’appli-cation doivent être pris sans tarder et dans toute leur ampleur !

une sur-cotisation pour l’assurance chômage peut être instituée pénalisant les entreprises portées à licencier. Ce dispositif de type bonus-malus procurerait des recettes qui serviraient alors à doter un Fonds national et décentralisé auprès d’une nouvelle Unedic, en partenariat avec l’Anpe, ouvert à l’intervention des salariés. Il servirait à prendre en charge (bonifier) une partie des taux d’intérêt des crédits à l’investissement des entreprises, en fonction de leurs engagements contrôlables en emplois et en formation, démultipliant ainsi la portée de ces fonds ;

car les relations entre les banques et les entreprises doivent impérativement changer. D’où la nécessité de favoriser l’initiative des salariés, des citoyens et des élus sur ce domaine décisif. C’est ce que permettrait la constitution, là où des problèmes se posent ou s’anticipent, de tables rondes économiques et financières.

Troisièmement, tout cela doit aider à ancrer dans la vie des objectifs sociaux très hardis. On ne saurait, en effet, se contenter de dispositifs faisant un peu payer les licenciements ou visant à faire patienter les salariés quelques mois de plus pour ensuite les jeter ou les contraindre à accepter n’importe quel emploi.

Il faut au contraire, sans attendre 2002, viser une grande ambition de qualification de chacune et de chacun pour sécuriser les travailleurs.

Cela concerne les pouvoirs, non seulement de proposer, mais de contraindre et d’inciter financièrement à des engagements d’emplois stables et de qualité. Et cela s’articule à l’enjeu crucial de la formation. Il ne s’agit pas de viser des formations aboutissant à l’adaptation possible à un emploi déqualifié. Aussi il est indispensable d’accroître le pouvoir des élus, des associations de chômeurs, des Comités d’entreprise, en liaison avec l’AFPA et les Greta sur le contenu et les fonds concernant la formation comme les emplois.

C’est tout de suite que les salariés de Danone, Marks & Spencer, AOM-Air Liberté et les autres veulent des réponses. La grande manifestation du 21 avril à Calais indique que de nouveaux rapports de force pourraient être construits en répondant hardiment à ces attentes. Pour cela il faut oser se placer dans la visée d’une régulation nouvelle commençant à maîtriser le marché du travail capitaliste pour le dépasser, au lieu de chercher à le replâtrer. La visée communiste d’une sécurité d’emploi et de formation pour chacune et chacun est plus que jamais d’actualité. n

 

28 mai 2001

 

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Par Dimicoli Yves , le 31 mars 2001

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