Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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La chasse aux chômeurs

La chasse aux chômeurs

 

Catherine Mills

Après l'arsenal anti-chômeurs de la loi dite de cohé sion sociale de Jean-Louis Borloo du 18 janvier 2005 , puis le décret publié au journal officiel du 5 août, c'est la circulaire n° 2005

33 parue le 5 septembre 2005 de Jean Gaeremync k, délégué général à l'emploi au ministère de Gérard Larcher, qui organise une véritable chass e aux chômeurs. L'objectif fondamental est de réduire le nombre des chômeurs indemnis és et les dépenses d'indemnisation du chômage, de dégonfler artificiellement les statistiques du chômage, en obligeant à un retour rapide et forcé à l’emploi précarisé, quel que soit le niveau de salaire, de qualification, et quels que soient les choix des chômeurs. Contradictoirement, les politiques menées, freinent la demand e et le développement des capacités humaines, s’opposent aux créations d’emploi. Cela fait exploser le déficit de l’UNEDIC, tandis que celuici sert d’alibi au MEDEF pour exiger de nouvelles mesures régressives contre les chômeurs lors des négociations pour la nouvelle convention UNEDIC en décembre.

  • La circulaire Gaeremynck :

La culpabilisation des chômeurs

Adressée aux pr éfets , aux directeurs de l’ANPE et des ASSEDIC, la circulaire précise la gradat ion des sanct ions inédites pour traquer tous les «manquements » dont pourraient se rendre cou pables les chômeurs dans leur recherche d'emploi et définit les moda lités de leur applicat ion. Les chômeurs sont cons idérés comme seuls responsa bles de leur maintien au chômage. Les «manquements » sont classés en trois groupes.

Ces sanct ions sont mises en oeuvre à différents niveaux. C’est d'abord l'ANPE qui procè de à la radiation des demandeurs d'emploi pour une période donnée . Les sanct ions doivent êtr e transm ises sans délai au préfet qui prend les décisions définitives portant sur les droits aux revenus de remplacement .

Arbitraire et autoritarisme au service du MEDEF

Pour l'instant le MEDEF n'a pas obtenu le pouvoir de radiations pour les ASSEDIC elles-mêmes . Cependant décret et circulaire inst ituent une échelle de sanct ions contra ignantes , les autorités compétentes ANPE-préfet-ASSEDIC ne conser vent qu'une faible latitude dans la qualificat ion du «com portement » des chômeurs , c'est-à-dire la déterm ination de l'infract ion la plus appropriée. Une fois reconnu «cou pable», aucun critère social ou humain ne peut venir atténuer la sanct ion infligée au deman deur d'emploi. Mais la circulaire ouvre la porte à l'arbitraire le plus tota l dans l'appr éciation par les ser vices de l'emploi et les préfectur es de la réalité du manquement reproché aux chômeurs . Si l'on préten d assur er une plus grande proportionna lité de la sanct ion aux manquements constatés avec des sanct ions légères mais effectives pour les manquements dits moins graves, on inst itue auss i des sanctions «légères» pour des manquements «difficiles à appr écier», c’est à dire dont l'existence n'aura it pas été démontrée avec exactitude , forgeant un nouveau «conce pt juridique» particulièrement arbitraire.

La circulaire abonde systémat iquement dans le sens le plus défavora ble aux deman deurs d'emploi : pour les refus d'emploi, il conviendrait de pousser plus fermement les demandeurs d'emploi de plus de six mois et a fortiori de plus de douze mois à acce pter les offres d'emploi qui s'éloignera ient de la cible définie initialement . Ceux-ci devant envisager plus facilement une réorientat ion sur tout si on les y oblige avec des mesur es de suppr ess ion provisoire, de réduct ion pour deux à six mois, de suppr ess ion définitive.

Concernant l'aggravation des sanct ions pour «manquements répétés » la circulaire éten d son applicat ion en cas de «nou veau x manquements ». Ainsi une insu ffisance de recherche d'emploi suivant un refus d'emploi donnera lieu à une aggravation des sanct ions : réduct ion de l'allocat ion de 50 % dès le deuxième manquement , suppr ession définitive au troisième. La circulaire aggrave donc le décret. Des recours sont cer tes possibles, mais l'objectif, affirme la circulaire, est de ne pas voir s'accumu ler les dossiers au recours , et de respecter les nouvelles procé dures.

L'objectif fondamental est de réduire le nombre des chômeurs indemnisés et les dépenses d'indemnisation du chômage.

  • La convention ANPE-UNEDIC-Etat, en discuss ion, préten d rappr ocher des institutions chargées des placements et de l'indemnisation du chômage. D’un côté tout en gardant (pour l'instant et en apparence) le ser vice public de l'emploi (ANPE), on introduit sa mise en concurr ence avec des officines privées censées êtr e plus efficaces , première éta pe vers la privatisation. De l'autr e, on organise le dépeçage de ses missions en accr oissant les pouvoirs de l'UNEDIC et des ASSEDIC (sous statut paritaire privé) mais dominées par le MEDEF et la logique gestionna ire de cer tains syndicats . Tout cela sous prétexte d'efficacité. Il s'agit sur tout de faire du chiffre dans la diminution des effectifs des chômeurs indemnisés et des dépenses d'indemnisation en inst ituant une véritable course au retour rapide et forcé à l'emploi précaire. L'UNEDIC aura it alors pour mission principale la gestion des flux du retour accéléré à l'emploi précaire. La créat ion du dossier unique du deman deur d'emploi, malgré un habillage sédu isant est un out il majeur de cette straté gie. Les maisons de l'emploi (300 à venir) en applicat ion de la loi Borloo s'inscr ivent auss i dans cette logique. On vise une gestion terr itoriale de l'emploi. Il s'agirait de fédérer et coor donner à l'échelle d'un bassin d'emploi et autour des collectivités terr itoriales l'inter vention des différents acteurs et des diverses institutions concourant au ser vice public de l'emploi. Ceux-ci doivent analyser les besoins de main-d’œuvre pour les offrir aux deman deurs d'emploi. La place des organisations syndicales reste floue dans leur com position.
  • Convention UNEDIC :

les positions en présence en décembre 2005 .

La convention UNEDIC du 31 décem bre 2002 définissait des règles d'indemnisation des deman deurs d'emploi gravement durcies ainsi que les taux de cotisation. Elle arr ive à expiration en décem bre 2005. Mais les négociations de la nouvelle convention UNEDIC, qui s'ouvrent en décem bre 2005, balisées par le déficit cumu lé, plus de 14 milliards € de 2002 à 2005, seront marquées par la volonté du MEDEF et des forces libérales de mettr e un coup d’arrêt aux dépenses d’indemnisation en obligeant à un retour à l’emploi rapide et forcé.Ainsi le MEDEF opposé à tout relèvement des cotisations qui signifiera it selon sa logique une hausse du coût du travail veut faire porter le fardeau sur «les cou pables» selon lui, les chômeurs . Denis Gautier-Sauvagnac, président de l’UNEDIC, revendique le rétab lissement de la dégress ivité des allocat ions (1). Son rétab lissement ferait économ iser 2 milliards € par an. Le MEDEF cons idère cette dégressivité comme un moyen de pousser les chômeurs à reprendre un emploi. Pour l'instant , les syndicats , y com pris la CFDT, refusent cette mesur e. Les experts de l'UNEDIC ont calculé les effets d'autr es pistes de réduct ion des droits des chômeurs :

  • raccour cissement des durées d'indemnisation : Faire passer de 7 mois à 6 mois la durée d'indemnisation d'un chômeur qui a travaillé 6 mois, entra înera it 0,275 milliard € d'économ ies. Si l'on rédu isait de 23 mois à 22 mois la durée d'indemnisation d'un chômeur qui a tra vaillé 14 mois (caté gorie la plus nom breuse) cela rappor tera it 0,37 milliard €. Si l'on révisait de 23 mois à 20 mois cette durée d'indemnisation, cela économiserait 1,15 milliard € (2),
  • l'UNEDIC explore auss i la piste de l'augmentat ion des taux de cot isat ion: une augmentat ion de 0,1 point pour les employeurs et les salariés, faisant passer le taux de cotisation tota le à 6,6% dont 4,1% pour les employeurs et 2,5% pour les salariés, cela rappor tera it 0,4 milliard €. Une augmentat ion de 0,25 points pour les cotisations des employeurs et des salariés ferait rentr er 1 milliard €.
  • Les négociations sur la nouvelle convention UNEDIC : où en est-on ?

Le MEDEF consacr e l’essent iel des séances de tra vail aux mesur es préten dant faciliter le retour à l’emploi visant à reculer l’examen des sujets les plus brûlants et à diviser le front syndical. Jean-Claude Quentin pour FO cons idérait que ces discuss ions n’engageaient pour l’instant que 1,5% des dépenses . Pour le représentant de la CGT, Maura d Rabhi, on discute des points seconda ires pour éviter de parler des ressour ces du régime. Le MEDEF cherche à contourner le souha it des syndicats d’instaur er une taxation sur le travail précaire. Michel Coquillon pour la CFTC cons idère que «le texte présenté est com plètement désé quilibr é, on voit bien les effor ts deman dés aux chômeurs , mais on recherche en vain celui des entr eprises».

Refusant toute hausse des cotisations, le MEDEF préten d rétab lir l’équilibre financ ier de l’UNEDIC, à partir de deux diktats , le rétab lissement de l’allocat ion unique dégressive et la réduct ion des durées d’indemnisation. Pour essa yer de diviser le front syndical, apparemment unanime pour l’instant , pour refuser ces mesur es, il gagne du temps en centrant la discuss ion sur le contrat de professionna lisat ion semb lant faire consensus : validation des acquis et de l’expérience , en mettant l’accent sur les salariés âgés de plus de 45 ans et plus de vingt ans d’activité, avec des format ions à l’embauc he en fonct ion des besoins des entr eprises. Le MEDEF souha ite 50 000 contrats de profess ionna lisation par an cons idérés comme le fer de lance du retour à l’emploi. Pour inciter les chômeurs à adopter le dispos itif, l’UNEDIC assur erait au chômeur un revenu supér ieur de 10% à son allocat ion chôma ge en com pensant la différence avec le salaire effectivement perçu lors du dernier emploi.

Ce serait donc, une nouvelle fois, une aide aux entr eprises incitées à renforcer la pression sur le coût du travail. FO est ime néanmo ins que ces contrats de profess ionna lisation avec un rythme de retour à l’emploi de 80 000 personnes par an pendant cinq ans feraient économ iser 13,6 milliards d’euros à l’UNEDIC et permettra ient donc de ne pas rédu ire les dépenses d’indemnisation des chômeurs . En revanc he, sur le retour à l’équilibre financ ier de l’assurance -chômage, le MEDEF refuse d’envisager toute hausse des cotisations et veut imposer la réduct ion des durées d’indemnisation cons idérée comme le seul moyen d’obliger les chômeurs à un retour à l’em ploi rap ide. Ceux-ci sont bien évidemment cons idérés comme les seuls responsa bles de leurenfermement dans le chômage.

Six axes de propositions alternatives

1-Améliorer radicalement l'indemnisation du chômage

  • Améliorer radicalement les con ditions d'entrée , la stab ilité et l'augmentat ion des taux et de la durée d'indemnisation. Viser des taux d’indemnisation moyens à la hauteur du Smic.
  • Refuser le rétab lissement de la dégressivité des droits à l'assurance chômage et garant ir les con ditions de sa suppr ession définitive.
  • Réta blissement des droits des salariés et des syndicats de s'opposer aux licenc iements et de faire des contr e-propositions pour mainten ir et développer l'emploi,

2 -S'opposer à la montée de la précarité qui pèse sur les dépenses d'indemnisa tion tout en comprimant les rentrée s de cotisations

  • Moduler les taux de cotisation patronales et les accr oître sur les emplois précaires.
  • Transformat ion des emplois précaires en emplois stab les et à plein temps avec un nouveau droit des salariés à exiger cette trans format ion.
  • Une meilleur e indemnisation des précaires en accr oissant la période de référence pour ceux qui empilent de cour tes périodes d'emploi précaires et de retour au chômage.

3 -Pour les jeunes

  • Une allocat ion autonom ie format ion en commençant par les plus modestes devrait viser le développement de leur formation et de leur qualificat ion.
  • Pour les 20 % les plus défavorisés, une allocat ion jeune isolé proche du RMI.
  • Réhabiliter l'allocat ion d'inser tion tout en les accom pagnant  par un tutorat individualisé pour une inser tion véritable dans l'emploi, à partir des format ions voulues.

4 – Pour une aide véritable au retour à l'emploi y compris par la formation choisie

  • Réhabiliter le «droit de refus pour motif légitime».
  • Améliorer les con ditions d’un retour à l'em ploi des chômeurs : logement , transpor ts gratu its, garde des enfants , primes pour effectuer toutes les démar ches nécessa ires.
  • Nouvelles missions pour le ser vice public de l'emploi :
  •  appr écier la conformité des emplois et format ions proposés aux qualificat ions, rémunérat ions et souha its de mob ilité positive et de sécur ité des chômeurs . Stopper sa mise en concurr ence avec des officines privées (première éta pe vers sa privatisation) et dégager des moyens nouveaux en person nels formés pour ces nouvelles missions, ces nouveaux publics.

5- Pour la formation continue, choisie, permettant une mobilité de progrès pour un retour à un emploi de qualité

  • Développer la validation des acquis et de l'expérience professionne lle
  • S'atta quer aux inégalités à l'égard de l'accès aux format ions cont inues .
  • Rendre effectifs ces nouveaux droits individualisés à la format ion (DIF).
  • Garant ie et cont inuité du revenu pendant les périodes de format ion.
  • Des Fonds régionau x pour l'emploi et la format ion devraient viser une inser tion dans l'emploi à partir de la format ion. Cela impliquera it auss i une évaluation, un contrô le des fonds publics visant leur efficacité véritable, en termes d'emploi et d'inser tion dans l'emploi qualifié.
  • Pour le financement
  • Relèvement des cotisations patr onales, modu lation des taux de cotisations patronales visant à pénaliser les entr eprises qui licenc ient et multiplient les emplois précaires.
  • Mettr e un terme aux exonérat ions de cotisations patr onales.
  •  Des Fonds régionau x pour l'emploi et la format ion par la prise en charge de bonifications d’intérêts devraient inciter à des cré dits à très bas taux d’intérêt des banques, de façon sélective en faveur des entr eprises qui développeraient les investissements productifs centrés prioritairement sur le développement de l'emploi et de la format ion. Leur taux d’intérêt sera it d’autant plus abaissé que les créat ions d’emploi et les qualificat ions sera ient programmées et réalisées .
  • Assujettir les revenus financ iers des entr eprises à une nouvelle cotisation pour financer l'augmentat ion des droits et revenus des chômeurs , des précaires, des titulaires de minima sociaux, ainsi que pour des aides véritables visant une insertion dans l'emploi ou dans la format ion choisie et de qualité.

6 - Pour des droits, pouvoirs, institutions de type nouveau

  • Réta blir un système d'indemnisation du chômage unifié mais non état ique afin de sor tir de la coupure assurance/ass istance ... Instituer des élections des représentants des salariés aux organismes de gestion des fonds sociaux, au suffrage universe l sur listes syndicales, avec la reconna issance des nouveaux syndicats (FSU, Groupe des dix solidaires, UNSA) et la représentat ion des assoc iations de chômeurs visant le développement de l’emploi et de la format ion.
  • De nouveaux par tenar iats ANPE-UNEDIC-organismes de format ion-collect ivités terr itor iales-entr eprises-syndicats et assoc iations doivent êtr e montés avec de nouveaux droits pour les salariés et les chômeurs .
  • Au-delà, il s’agirait de travailler à la construct ion avec tous les acteurs sociaux d’un nouveau système de Sécur ité d’emploi ou de format ion, une construct ion révolutionna ire de dépassement du marché du tra vail avec comme objectif l’éra dication du chômage et de l’insécur ité sociale fondamenta lement liée à la privation d’emploi et à la montée de la précar isation. On visera it à garantir à chacun e et à chacun une continuité de droits et de revenus relevés, permettant d’êtr e soit en emploi, soit en format ion (ou en activité) avec un revenu garant i, de telle sor te que cela assur e de nouveaux débouchés, à partir de la format ion dans un nouvel emploi de qualité. Ainsi sera ient assurés avec des financements mutualisés et de nouveaux droits et pouvoirs, la sécur ité, la cont inuité de droits et de revenus , ainsi qu’une mob ilité de progrès, de promot ion et choisie.Ÿ

Cette mesure avait été instaurée en 1992-1993 avec l'accord de la CFDT, elle conduisait à diminuer de 17% tous les quatre mois le montant des allocations chômage. Elle avait été supprimée par la convention UNEDIC de 2000-2001, avec le Pare.

Le durcissement des conditions d’entrée à l’assurance chômage envisagé aujourd’hui exclurait 154 000 demandeurs d’emploi.

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