Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Congrès du Parti socialiste : changement de fond ou changement de posture ?

Le congrès du PS, selon le rapport de la commission des résolutions présenté par E. Besson, aurait opéré sa synthèse «sur la base du texte majoritaire qui a été enrichi». Le rapporteur ajoute que «les amendements retenus n’ont pas altéré sa cohérence». Cependant, le point nouveau le plus important introduit par le débat de congrès concerne la «question européenne», puisque le rapport d’E. Besson précise : «Les français ont voté le 29 mai dernier. Le traité constitutionnel a été rejeté par une majorité de nos concitoyens. Ce n’était pas le choix du Parti socialiste, mais la volonté populaire doit être respectée. Nul n’en doutait, mais nous le réaffirmons clairement».

Pourtant, dans sa motion, François Hollande, rendait la victoire du «non» le 29 mai responsable de bien des maux : «Il y a eu certes un «non» de gauche, authentiquement européen. Mais il n â pas provoqué le choc annoncé, ni la renégociation du texte : l’idée constitutionnelle est en sommeil pour longtemps. Pire, des forces centrifuges se sont mises en route... C’est l’Europe qui menace de se défaire, le détricotage de la construction européenne qui peut commencer».

Alors, n’y a-t-il pas une petite contradiction entre la confirmation de la cohérence d’une motion majoritaire qui, jusqu’ici était construite sur l’idée que la victoire du «non» le 29 mai a été une mauvaise chose, et des amendements de congrès qui prétendent respecter sur ce point la volonté populaire, même si la motion Hollande a toujours prétendu rassembler les socialistes du «oui» et ceux du «non».

Quoi qu’il en soit l’accord s’est fait autour de deux grandes questions : la question européenne et la question sociale.

LA QUESTION EUROPÉENNE :

L’accord réaffirme l’attachement du PS «à la perspective fédérale» dont on sait qu’elle signifie une dépossession et un éloignement des décisions des citoyens et des salariés au profit d’appareils bureaucratiques au sommet de la construction politique européenne, tandis que serait finalement niée l’existence de la Nation.

Le texte propose un plan de relance de l’Europe prévoyant notamment :

que les socialistes «s’engagent à explorer la mise en œuvre d’outils susceptibles de mieux protéger l’industrie européenne et son avenir» avec, à la clef, «une exigence renforcée sur le tarif extérieur commun». C’est très vague et peu crédible, mais cela peut rassurer ceux qui en ont assez de mondialisation capitaliste. Signalons cependant que cette intention floue n’est aucunement accompagnée d’une proposition de mise en cause de la libre circulation des capitaux et des délocalisations massives d’entreprises européennes ou de centres de recherche vers les USA et les pays émergents.

Sont proposées aussi «la mise en œuvre d’un gouvernement économique, une nouvelle réforme du pacte de stabilité et le contrôle démocratique de la BCE dont les statuts doivent intégrer parmi les objectifs la défense de la croissance et de l’emploi». il y a là quelques nouveautés non négligeables. C’est d’abord la référence explicite à la nécessité de réformer à nouveau le pacte de stabilité. Certes on ne saura pas dans quel sens, mais la motion Hollande ne parlait pas de réformer le pacte. Tout le problème est de savoir si le PS demeure attaché à l’objectif fondamental du pacte : le freinage des dépenses publiques sociales. Rien n’est dit là dessus. Plus significativement, le congrès a affirmé la nécessité d’un «contrôle démocratique de la BCE dont les statuts doivent intégrer parmi les objectifs la défense de la croissance et de l’emploi».

La motion Hollande affirmait elle : «il ne s âgit pas de revenir sur l’indépendance de la banque centrale, systématique dans toutes les grandes démocraties, mais d’obliger à la prise en compte de l’objectif de croissance et d’emploi».

Il y a donc manifestement eu ici un apport fabiusien. Mais il oblige à pousser le débat sur la politique monétaire de la BCE : s’agit-il seulement de faire baisser le taux d’intérêt de la BCE au prétexte de soutenir la croissance et l’emploi, ce qui ne conduirait qu’à rendre plus facile le crédit pour les opérations financières et les sorties de capitaux ? Ou s’agitil, comme nous le proposons, de :

Moduler les taux d’intérêt de la BCE : les abaisser d’autant plus que les crédits bancaires qu’elle serait appelée à «refinancer» servent à des investissements programmant plus d’emplois et de formation et les relever pour les crédits servant aux opérations financières . Autrement dit, on rendrait la politique monétaire de la BCE sélective en faveur de l’emploi et d’un nouveau type de croissance réelle. Mettre en cause radicalement les règles du pacte de stabilité pour aller vers un pacte de relance pour l’emploi et la croissance avec les nouvelles technologies. Dans ce cadre, la BCE serait appelée à soutenir directement, par création monétaire, une relance des dépenses publiques de développement (santé, éducation, culture, recherche, logement....). Simultanément serait contrôlée l’utilisation des fonds publics versés aux entreprises pour en établir l’efficacité pour l’emploi et la croissance.

Placer la BCE sous le contrôle des parlements européens et nationaux avec la possibilité d’une plus grande autonomie de chaque pays membre de l’ Union en matière de politique de crédit, conformément à ses besoins propres de développement.

Le texte propose aussi le retrait «des projets de directives anti-sociales que la droite européenne porte (directive Bolkestein, temps de travail)». C’est un pas en avant vers les réclamations anti-libérales. Mais, le PS se prononce-t-il pour une mise en cause définitive du principe de concurrence libre et non faussée ? Met-il en cause la déréglementation des services ? Surtout quels principes de coopérations nouvelles met-il en avant dans ces domaines ? De même, il propose l’adoption d’«une directive cadre sur les services publics», mais en quoi cette directive permettrait-elle de mettre en cause l’idée de services d’intérêt général et de services économiques d’intérêt général ? Rien n’est dit là-dessus, or on sait que c’est par ces distinctions que les eurocrates cherchent à favoriser la privatisation des entreprises publiques par exemple.

Toutes ces interrogations se retrouvent cristallisées dans le fait que le texte affirme : « nous souhaitons la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel plus court et centré sur les institutions et les valeurs de l’Union ».

Rappelons que cette idée, qui revient à éliminer du champ de la rédaction d’un nouveau projet de traité européen toute la partie III du projet battu au référendum ( les politiques et le fonctionnement de l’Union, intégrant notamment la BCE), avait été avancée par V. Giscard d’Estaing et reprise par L. Fabius.

Ajoutons que le texte propose de doubler le budget de l’ Union européenne en le portant à 2% du PIB et de faire financer cela par un impôt européen qui prendrait la forme «d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés».

La proposition peut séduire ; elle paraît en fait de pure forme. Il s’agit, ce faisant, de s’abstenir de faire une quelconque proposition de réforme de la fiscalité des entreprises au niveau national, tandis que l’on ignore le risque qu’une telle mesure pourrait entraîner du point de vue des délocalisations vers les Etats-unis, notamment, puisque rien n’est dit sur la libre circulation des capitaux et rien n’est proposé en matière de pouvoir d’intervention des travailleurs sur les gestions des entreprises.

LA QUESTION SOCIALE : Emploi :

Le texte annonce que le PS reviendra «sur ces réformes (de droite) qui sont autant de reculs en les abrogeant pour aussitôt les remplacer par des réformes profondes et progressistes». Cela débouche sur la promesse de mettre en cause le CNE pour au contraire «pénaliser le recours abusif aux contrats précaires et (..) sécuriser les parcours professionnels».

Notons que cette promesse était déjà dans la motion Hollande. Celle-ci s’inscrit dans la visée d’une «société du plein emploi». C’est à dire, comme le revendique aussi désormais Sarkozy pour 2015, non pas l’emploi pour tous, mais le maintien d’un volant de chômage (5% de la population active, soit plus de 1,5 million de chômeurs). Aussi, précise la motion Hollande, la sécurisation des parcours professionnels viserait à «permettre des transitions pour chaque salarié durant toute sa vie active entre les temps de formation, d’emploi et de reconversion». Il est clair que «le temps de reconversion» signifierait ici un passage éventuel par le chômage. Quoi qu’il en soit, la proposition socialiste ne dit rien sur la nature de nouveaux contrats de travail, rien sur les financements ni sur les pouvoirs, au contraire de nos propositions sur le Sécurité d’emploi ou de formation. Celle-ci viserait, au contraire à éradiquer le chômage grâce à une mobilité choisie dans la sécurité de revenus et de droits relevés avec quatre grands chantiers immédiats :

Une meilleure indemnisation des chômeurs et leur retour à l’emploi stable et correctement rémunéré choisi, avec la formation nécessaire choisie ;

La conversion des emplois précaires en emplois stables et correctement rémunérés ;

La sécurisation des parcours professionnels;

La détermination d’objectifs chiffrés annuels contraignants d’emplois et de formations.

Protection sociale :

Le texte annonce que le PS, contrairement à la loi Fillon qui serait abrogée, entend «pérenniser (le système de retraites par répartition) en lui assurant un financement plus juste». Mais rien de plus n’est dit là dessus. Rappelons que la motion Hollande se prononce pour une réforme des cotisations sociales patronales dont une part serait non plus assise sur les salaires versés, mais sur la valeur ajoutée de chaque entreprise. Ce serait négatif, puisque cela reviendrait, en fait, à asseoir en partie le financement de la protection sociale sur les profits, lesquels sont beaucoup plus fluctuants que les salaires. De plus cela fonctionnerait comme une incitation à la délocalisation des profits, tandis que les patrons seraient d’autant plus légitimés pour exercer un pouvoir sur la Protection sociale.

Par ailleurs, la motion Hollande ne propose nullement de revenir sur les exonérations de cotisations sociales déjà accordées (plus de 20 milliards d’euros). Or, il s’agirait de mettre à contribution les revenus financiers des entreprises et des banques et de réformer le calcul du taux de cotisation sociale patronale : il serait modulé selon l’évolution d’un ratio rapportant la masse des salaires versés à la valeur ajoutée globale de chaque entreprise ; ainsi les entreprises seraient incitées à créer plus d’emplois, à faire progresser les qualifications et les salaires, tandis qu’elles seraient pénalisées sur leurs placements financiers. Et nous proposons d’en finir avec les baisses de cotisations sociales patronales.

Services publics :

Le texte annonce la volonté du PS de faire revenir EDF à 100% publique, mais sans rien dire sur la nécessité de transformer sa gestion, son financement et ses coopérations. D’ailleurs rien n’est dit sur la mise en cause de l’ouverture du marché unique européen de l’énergie. Surtout, rien n’est dit sur la mise en cause des privatisations et l’avenir du secteur public.

35 heures :

S’agissant des 35 heures, le texte ne promet que de rétablir le paiement des heures supplémentaires sans promettre une extension de la RTT aux petites entreprises qui en sont aujourd’hui exclues. Surtout il ne propose pas de revenir sur le contenu des lois Aubry, ni même d’examiner les conditions pour que la RTT soit effectivement accompagnée de fortes créations d’emplois et d’une sortie effective du gel des salaires.

Salaires :

En matière de politique salariale, le texte propose d’engager «une augmentation du SMIC dans la durée : il atteindra 1500 euros au cours de la prochaine législature». Comme l’a reconnu B. Delanoë (Europe1 le 21/11/05) cela donne du temps et ne fera pas énormément à terme du fait qu’on ne sait pas s’il s’agit de 1500 euros bruts ou nets et s’il s’agit de 1500 euros en valeur(incluant l’inflation) ou en volume (hors inflation).... Cela étant il s’agit ici formellement d’une proposition de Fabius. Le texte annonce «un vaste mouvement de négociation sur les salaires» dans la foulée, mais il n’est pas du tout articulé à la formation et à l’emploi et rien n’est dit sur la façon dont les PME pourraient être épaulées pour y faire face, alors même que le texte ne propose rien de nouveau face aux délocalisations.

Fiscalité :

En matière de réforme fiscale le texte propose de fusionner l’impôt sur le revenu et la CSG, comme l’envisage la droite, ce que nous contestons formellement : il faudrait, au contraire, commencer à mettre en déclin la CSG par la mise à contribution des revenus financiers des ménages, des entreprises et des banques au même niveau que les salaires et en modulant le taux des cotisations sociales patronales. Le texte annonce le relèvement de la progressivité de l’IR sans mettre en cause la non taxation dont jouissent les revenus financiers du capital. Il promet de revenir sur la baisse de l’ISF sans du tout annoncer la nécessaire réforme de cet impôt : Nous proposons de relever son barème et de soumettre à cet impôt les équipements professionnels selon leur utilisation pour ou contre l’emploi. Mais rien n’est dit sur la fiscalité des entreprises et, particulièrement, sur la taxe professionnelle dont nous proposons l’élargissement de la base aux actifs financiers des entreprises et des banques.

Droits et moyens financiers

Le texte annonce vouloir lutter contre «les licenciements de profit ou les licenciements boursiers », mais seulement «en leur imposant des efforts financiers en matière de ré industrialisation et de reclassement des salariés». Il annonce que, ce faisant, serait rétablie et renforcée la loi de modernisation sociale. En réalité il omet de rappeler ce qui était le plus important : le droit de contre-proposition des Comités d’entreprise, avec un droit de suspension des plans de licenciement, une obligation pour les employeurs d’examiner les contre-propositions des salariés et de motiver leur éventuel refus ; l’appel à un médiateur en cas de conflit irrésolu.

Nous proposons, nous, un droit de moratoire suspensif, le droit de contre-proposition des CE, la réunion de tables rondes pour examiner les solutions alternatives aux suppressions d’emploi avec appel à de nouveaux financements des banques ; le maintien dans l’emploi avec la formation nécessaire quand c’est possible, ou le droit à un reclassement choisi avec la formation, moyennant le maintien aux effectifs de l’entreprise jusqu’à la stabilisation de la situation des intéressés.

Nous proposons à cet effet la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation : ceux-ci prendraient en charge une partie des intérêts versés aux banques (bonifications) par les entreprises sur leurs crédits pour l’investissement en fonction des emplois et des formations qu’elles programmeraient. Ces FREF constitueraient la base pour un futur Fonds National pour l’Emploi et la Formation que l’on doterait de l’argent utilisé jusqu’ici pour les exonérations de cotisations sociales patronales (plus de 20 milliards d’euros). Celui-ci, de concert avec un Pôle public financier autour de la CDC, des services financiers de la Poste, des caisses d’épargne..., contribuerait à développer un nouveau service public du crédit au service d’une politique industrielle et de services conçue pour sécuriser et promouvoir l’emploi et la formation de chacun-e.

Enfin, la proposition envisagée par le texte «pour taxer les revenus excessifs liés aux importations en masse de produits concurrents des produits communautaires», sans plus de précisions, paraît assez démagogique.

europe / social démocratie

 

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