Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

Economie et Politique - Revue marxiste d'économie
Accueil
 
 
 
 

Chine : des défis tous azimuts

En un quart de siècle la Chine a sûrement connu les plus grandes transformations de toute son histoire moderne.

La politique économiqu e et sociale cherche sa cohérence dans ce qui est appelé une «économie socialiste de marché» : recherche de l’efficaci té économiqu e des entreprises, soutien de l’initiative de chaqu e individu, encouragement à l’entreprise privée et/ou personne lle, remise de la terre aux famill es des paysa ns, recherche des investissements étrangers avec la conscience du prix nécessaire à payer, édification d’un Etat de droit dans tous les domaines de la vie de la société. Si la concurrence et la compétition sont considérées comme incontournables pour leur insertion mondiale, le rôle décisif et coordinateur de l’Etat central sur les grandes orientations macroéconomiques est censé déterminer et assurer une cohérence nationale dans la conduite de la politique économiqu e et sociale, cela en s’appuyant notamment sur ses pouvoirs dans les industries clés et le système financier.

Cette straté gie s’est accom pagnée d’une restructura tion des entr eprises d’Etat avec des licenc iements mass ifs et des privatisations impor tantes . Contra irement à la période précé dente , la concurr ence est vantée comme un levier nécessa ire dans la vie économ ique et sociale. Fin 2003 outr e la décision d’accé lérer le cours des réformes dans l’organisat ion de l’administrat ion et le fonct ionnement des grandes entr eprises publiques , la tâche majeur e à engager concerne la mise en place d’un mécan isme apte à promou voir le développ ement coor donné de l’économ ie des 22 provinces , 4 régions auto nomes et 4 municipalités qui const ituent la Chine, depuis la côte Est, la plus dynamique, jus qu’aux régions «périphériques» largement sous-développées. Cela passera it par l’éta blissement d’un système de mar ché moderne , unifié, ouver t, concurr ent iel et ordonné (1), reposant sur des régimes divers de la propriété, avec une prédominance du secteur public fondamenta lement affirmée . Une des consé quences politiques directes de cette évolution a été la décision histor ique d’acce pter l’adh ésion au Par ti des dirigeants d’entr eprises privées, qui sont nom breux depuis cette date à la solliciter.

La dialect ique du développ ement actue l de la Chine pourra it sans doute se résumer dans une proposition com plexe de la sor te :

  • constru ire une société socialiste assurant les poss ibilités de développement à tous les Chinois dans toutes les par ties du pays,

  • la réaliser dans le cadre d’un environnement mond ial avec lequel il faut nécessa irement coo pérer (reconna issance d’une inté gration dans un mar ché mond ial unique, entrée à l’OMC, recherche des appor ts pour com bler rap idement le retar d techno logique) alors qu’il est régi de manière très majoritaire selon un système de relations inégalitaires de prédation,

  • éviter les affrontements qui mettra ient en cause les objectifs mêmes de ce développ ement

  • réaliser ce développ ement , en « coor donnant » initiative individuelle et direct ion centra lisée pour les options fon damenta les, devant favoriser une dynamique d’élévation du niveau de vie, du niveau cultur el et du niveau éducat if comme base pour la mise en ?uvre d’une démocrat ie dans des termes de plus en plus plura listes , en con duisant la mise en place d’une société civile fondée sur une pers pective dynamique du caractèr e universe l des droits de l’homme .

QUESTIONS ECONOMIQUES

Les autor ités chinoises en lançant la réforme écono mique se trouvaient confrontées à un premier défi colossa l. La restructurat ion des entr eprises d’Etat , qui assura ient l’essent iel de la production industr ielle du pays, remetta it en cause tout le modè le social dans lequel l’entr eprise assura it à chaque salarié un ensem ble de ser vices qui cou vraient tous les as pects de sa vie (logement , santé , scolarité des enfants et act ivités périscolaires, loisirs, etc.). Dès lors la Chine s’ouvre largement sur l’extér ieur et fait app el aux invest isseurs étran gers , privés et publics.

Durant les 25 années qui viennent de s’écou ler, de 1978 à 2004, la Chine a connu une croissance moyenne annue lle de 9,3%. Mais cette croissance est cons idérée comme trop élevée. Hu Jintao a souha ité une «croissance équilibrée». Le Gouverneur de la Ban que Centra le de Chine Zhou Xiaoc huan a pr écisé «les contrôles macroéconomiques, qui ont produit leurs premiers effets, sont toujours dans une phase cruciale. Tout relâchement pourrait conduire à une rechute». Le FMI qui ant icipe une chute de la croissance à 7% pour 2005 n’exclut pas un retournement brutal de la situat ion économ ique.

Cette croissance s’alimente de l’élargissement de la consommat ion de masse , d’un robuste commer ce extérieur et de programmes d’invest issements ambitieux tant de l’Etat que des entr eprises.

Depuis 25 ans , la Chine a att iré 420 milliards de dollars d’invest issements directs étran gers (IDE) soit un quar t du tota l des IDE en direct ion des pays en développ ement depuis 10 ans . La Chine est le premier récipien daire des invest issements étran gers ; ils ont augmenté de 21% dans les 9 premiers mois de 2004 par rappor t à la même période de 2003. Le nom bre des entr eprises à capitaux étran gers autor isées à s’éta blir en Chine s’éta blit autour de 500 000 et leurs invest issements cumu lés s’élèvent à 550 milliards de dollars . Les firmes à capitaux étran gers représentent 30% de la production industr ielle et plus de la moitié du tota l des expor tat ions chinoises.

D’autr es indices témo ignent de l’am pleur des trans formations et des effor ts déployés pen dant ce cour t laps de temps . 1,7 million de km de routes ont été constru its dont 19 000 km d’autor outes . Le réseau ferr oviaire du pays a augmenté de 70% et son réseau aér ien transpor te 100 millions de passa gers/an . Le pays invest it 1% de son PIB dans la recherche scientifique– soit 60 milliar ds de dollarsce qui le place au 3ème rang mond ial après les USA et le Japon pour le volume de l’invest issement consent i.

Dans le cadre même de ce bon d en avant, l’économ ie souffre de problèmes graves. La pénur ie en éner gie d’origine nat ionale et l’insu ffisance des réseau x et moyens de transpor t péna lisent gravement , pour le moment , les effor ts de développ ement . En outr e le développ ement de l’économ ie peut ne pas êtr e à l’abri de difficulté monéta ire. Niu Li, économ iste au Centr e d’Informat ion d’Etat, aver tit que le gouvernement devrait cons idérer les risques d’inflation, étant donné la press ion à la hausse des prix. L’indice des prix à la consommat ion a augmenté de 4% les 8 premiers mois de 2004 par rappor t à la même période de l’année précé dente , atte ignant en août les 5,3%.

Quant au yuan, la monna ie chinoise arr imée au dollar US au taux fixe de 8,3 yuans pour 1 dollar, les Etats Unis en deman dent tou jours une réé valuat ion pour alléger le déficit de leur balance des com ptes: Aujour d’hui on est ime les réser ves de la Chine en devises à plus de 400 milliards de dollars , dont une par tie impor tante invest ie en bons du Trésor US. Le taux d’épargne des ména ges, parmi les plus élevés du monde , est proche de 40% du PIB, ce qui offre à l’économ ie et à l’Etat des moyens d’invest issements de plus en plus cons idéra bles.

Dans le ca dre de cette politique économ ique et de l’«ouverture», les invest isseurs étran gers sont att irés par des avanta ges cer tains que leur offre la Chine: taille d’un mar ché potent iel lié à l’enr ichissement ou à l’aisance d’une par tie impor tante et croissante de la population (en viron 250 millions de personnes) , main d’œuvre abondante , disciplinée, performante , acce ptant des salaires très bas et des con ditions d’existence souvent spar tiates . Le problème des « délocalisations » vers la Chine se pose dans ce cadre-là : un taux de profit pour les capitaux occidentau x reposant sur la faiblesse des salaires une press ion cons idéra ble à la baisse des salaires dans les pays développ és, voire de cer tains pays à économ ie émer gente , une sour ce d’em plois pour les tra vailleurs chinois, un trans fer t de techno logie positif, un ensem ble de contra dictions trans itoire probablement mais lour d dans le présent .

QUESTIONS DE SOCIETE

Le résu ltat de la restructurat ion et de la privatisation des entr eprises d’Etat décidées en 1997 ne s’est pas fait atten dre : depuis 1998, les entr eprises d’Etat ont ainsi licenc ié 27 millions d’ouvriers (2). Lucien Bianco , sinologue frança is, affirme que dans les régions où se concentr e l’industr ie, le chômage atte indrait 20% de la population act ive. Plus de 40% des entr eprises d’Etat sont dans une situat ion financ ière critique, ce qui se tradu it, pour leurs salariés, en généra l, par une baisse des salaires, une diminut ion du tau x des pens ions de retra ite et des indemnités de licenc iement , conjuguée, dans de nom breux cas , à leur versement aléato ire. En 2001, le secteur privé national a réa lisé environ un quar t de la production industrielle. Ce taux s’élève à 45% avec l’app or t des entr eprises étran gères.

Depuis le début des réformes , en 1978-80, la société chinoise, jus qu’alors largement homo gène avec deux grands groupes de population, les paysans et les ouvriers des grandes entr eprises industr ielles, s’est rap idement différenciée (3).

Ces facteurs de désé quilibre se sont vite manifestés dans le développement économ ique et social. Les paysans , qui représentent maintenant 70% de la population conna issent une amé liorat ion de leurs con ditions de vie bien plus lente que celles des habitants des villes. Même si ce nom bre tend à diminuer. 28 millions de paysans vivent au dessous du seu il de pauvreté. Les écar ts se sont nettement élargis depuis 1997 dans l’échelle des revenus . Les revenus urbains sont en moyenne 5 à 6 fois supér ieurs aux revenus des paysans (4).

La société devient du plus en plus com plexe et divers ifiée avec l’émer gence d’une société civile encor e balbutiante mais qui discutera et manifestera de plus en plus ses désaccor ds avec les autor ités . Il s’agit-là d’une trans format ion d’impor tance liée à l’app arition de nom breux facteurs d’inégalités . De ce point de vue le pays est dramatiquement divisé entr e les régions for t développées de l’Est où les couc hes dirigeantes et les nou veaux cadres de la modern ité disposent d’un niveau de vie élevé et les régions occidenta les ou périph ériques, encor e largement exclues du bénéfice des progrès, où la population n’a de fait qu’un accès limité à la santé , à l’éducat ion et aux biens de la consommat ion moderne . En outr e, les tra vailleurs venus des cam pagnes à la rec herche ne jouissent d’aucune protect ion sociale une fois arr ivés dans les zones urbaines, tand is que nom bre d’ouvriers des entr eprises publiques, victimes des restructurat ions industr ielles et de l’effondrement des unités de production caractér istiques du socialisme égalitar iste de l’époque maoïste, confrontés aux difficultés de recyclage de leurs com pétences , pâtissent lour dement de cette modern isat ion.

Les phénomènes qui ont le plus marqué ces 25 dernières années sont , d’une par t, l’émer gence d’un exode rura l mass if et , d’autr e par t, la dispar ition progress ive du modè le à la fois économ ique, social et administrat if de l’entr eprise d’Etat . L’app arition d’une nou velle caté gorie sociale, les tra vailleurs issus de la cam pagne émigrés en ville att irés par l’ouver tur e des chantiers de construc tion et le développ ement industr iel, est à mettr e en parallèle avec la per te de statut des ouvriers du secteur public, caté gorie autr efois privilégiée. On cons idère que le nom bre de migrants concerne une population d’en viron 120 millions de personnes . Peu ou pas qualifiés ils sont cantonnés le plus sou vent aux tâches les plus difficiles. 2 em ployés sur 3 dans l’industr ie sont des tra vailleurs migrants , 90%dans le bâtiment et la construct ion, 80%.dans les mines et les industr ies extract ives. Ils sont en situat ion de grande précar ité (5).

Pour tant , ce sont les zones rura les qui, dans les années 80, ont , les premières, tiré bénéfice des réformes : les autor ités redistr ibuèr ent aux paysans les terr es sur les quelles ils ont toute latitude à choisir leurs cultur es, à en ven dre libr ement les produits sur le mar ché pour autant qu’ils ont rempli les quotas de fourn itur e à l’Etat . Mais, rap idement , de nom breux paysans renoncent à la cultur e des cham ps et par tent att irés par les revenus supér ieurs que leur offre le mar ché du tra vail dans les zones ur baines. Comme tra vailleurs migrants ils ne sont cou ver ts par aucun statut légal, n’app ar tenant ni à la société rura le au sein de laquelle ils ne rés ident plus, ni à la société ur baine qui ne leur reconna ît aucun droit, pas même celui de se syndiquer, sans pers pective de promotion ni aucune reconna issance d’ancienneté . Tant qu’ils sont des tra vailleurs tempora ires, leurs employeurs n’ont pas à verser pour eux de cot isat ions sociales. En janvier 2003, le gouvernement a publié un premier décr et pour tenter de les proté ger : désorma is, l’em ployeur d’un tra vailleur tempora ire doit lui fourn ir un contrat de tra vail précisant le type d’em ploi, sa durée et le montant de sa rémunérat ion.

La pauvreté reste un ph énomène de masse , principalement ressent ie dans les cam pagnes. Si le gouvernement centra l et les gouvernements régionau x engagent des invest issements , même insuffisants , pour lutter contr e la pauvreté , une par tie cons idéra ble en est détournée à d’autr es fins au niveau des exécut ifs locau x (6). Le tab leau est sombr e assurément , mais il se con jugue pour tant , avec d’immenses progrès réalisés dans les 25 premières années de la Réforme : La population très pauvre dont le revenu annue l ne dépasse pas 637 yuans a for tement diminuée de 250 millions de personnes en 1978 à 29 millions en 2003, de 30,7%, à 3,1% de la population tota le. Le Pnu d (Programme des Nations-Unies pour le Développement) souligne cette même tendance , relevant que le nom bre de personnes vivant avec moins d'un dollar par jour a chuté de 33% de la population tota le en 1990 à 16% en 2000 (7). Les différences de niveau de vie sont impr essionnantes . Le revenu annue l par tête atte int, selon Les Echos du 28 janvier 2004, près de 3 500$ dans les régions côt ièr es orienta les , contr e 364$ dans la pr ovince du Guizhou (Sud-Ouest) . La faça de mar itime de la Chine capte à elle seule 80% des invest issements directs étran gers . Reste que le revenu individuel n'est que l'un des nom breux critèr es à par tir desquels est calculé l'indice dudévelopp ement humain (HDI), Sur beaucou p de critèr es, relève le Pnu d, la Chine a encor e de gros progrès à faire, notamment en mat ièr e d e réduct ion d u nom br e d e victimes de la famine, d'élargissement de l'accès à l'eau pota ble et de diminution du taux de mor talité infant ile.

La mise en œuvre de ces réformes , dans les années 90, a généré des mou vements de rés istance (8) de la par t de celles et ceux qui en éta ient directement victimes sous forme de mou vements divers (sit-in, grèves, manifesta tions diverses) . Ces mou vements divers de protestat ion restent loca lisés et dépour vus d’orientat ion politique délibérée . Ils const ituent toute fois un aver tissement sérieux pour les autor ités car ils sont visibles, populaires, souvent soutenus par les syndicats et les autor ités locales. Ils placent les autor ités devant un dilemme difficile : cont inuer à subventionner un potent iel industr iel déficitaire ou risquer de nouveaux troubles. Ils témo ignent tout autant de la vitalité profonde de la société et de sa capacité de dynamisme.

Préoccupés par les dispar ités qui se creusent entr e la faça de côt ière, riche et les régions pauvres de l’Ouest , le Par ti et les autor ités s’em ploient à développ er l’Ouest . Avec un développement des infrastructur es, routes , voies ferrées , voies de navigation, infrastructur es aér iennes . En fait, depuis 1999 l’Etat s’em ploie à développ er ces régions qui réun issent 10 des 22 provinces du pays. Tout cet ensem ble concentr e 23% de la population tota le de la Chine, et seulement 15% du PIB et 4,5% des invest issements étran gers .

LA QUESTION SOCIALE

Le Par ti et les autor ités gouvernementa les ont pris consc ience que la hausse du taux de croissance ne suffisait plus par lui-même à assur er leur légitimité aux yeux de la majorité de la population. L’é quipe nou velle autour du président Hu Jintao a mis l’accent sur la réduct ion des inégalités , comme un enjeu cruc ial pour la vie politique dans les années à venir. Il n’y a toujours pas de système véritab le de sécur ité sociale à l’éc helle du pays ; des fonds d’urgence sont parfois débloqués pour faire face au mécontentement lié à une situat ion localement critique. Des effor ts plus générau x se mettent en place. Depuis 2001, il existe une «allocat ion minimum vital» et des effor ts sont déployés pour structur er l’aide sociale. C’est à par tir de novem bre 2002, que les tra vailleurs migrants ont commencé à bénéficier d’une nouvelle politique, le nom bre est si impor tant et leur rôle si décisif dans l’expans ion économ ique que leur statut d’«exclus» doit êtr e réso lu positivement (9).

Wen Jiabao, Premier ministre, a dit sa crainte de troubles sociaux (10) et il a es quissé des mesur es à pren dre pour rédu ire la fiscalité pesant sur les paysans et permettr e d’augmenter les sub ventions agricoles. Il s’est auss i engagé à créer 9 millions d’em plois nou veaux dans les villes et à réembaucher 5 millions d’ouvriers licenc iés des entr eprises nationales. Il a été annoncé (11) que la Chine redoublera d’effor ts dans 4 domaines pour rédu ire la dispar ité entr e régions rura les et urbaines, fossé qui est aujour d’hui une «quest ion clé» (12).

Les chercheurs chinois pensent que la tendance à la bipolarisation de la société s’accentuera et nuira inévitablement à la stab ilité sociale si on laisse libre cours aux seules forces du marché. Ils assur ent que le gouvernement devra toujours inter venir pour rédu ire les écar ts dans la distr ibution des richesses sociales, par la fiscalité, par les trans fer ts de capitaux pour l’exécut ion de projets d’équipements et de développ ements nécessa ires que les capitaux privés sont inca pables d’entr epren dre et mener à bien, en un mot par la régulation centra le assurée par l’Etat .

DEMOCRATIE DROITS DE L’HOM ME PARTI

La réforme politique menée par le gouvernement s’est tradu ite par un renforcement du rôle du droit dans la vie de la société et un développement de la démocrat ie de base dans les villages et les quar tiers . Ces mesur es contr ibueraient à l’effor t de développement et d’ouverture du pays et de la société. Le rôle dirigeant du Par ti restera it fondamenta l et const ituera it la clé de voûte de tout l’édifice.

Le développ ement économ ique impose également , un énorme effor t de format ion inte llectue lle et de créat ivité scientifique et techn ique, Ce développement inte llectue l et culturel lui-même, dans un tel cadre, ne peut que contr ibuer à une évolution démocrat ique progress ive et originale.

Dans le pays, de nom breux colloques débattent du plura lisme politique et abordent l’ana lyse des formes et des processus de la démocrat isation. En 2003, l’essa yiste, Mao Yus hi, a publié (13) un ar ticle intitulé «Chacun a son rôle dans la réforme politique» dans lequel il pr écise notamment «La Chine ne pourra pas deven ir un pays développé si elle n’engage pas une réforme politique», qu’il définit par son dou ble object if «démocratie et Etat de Droit». Or, pr écise-t-il, «la réforme politique est très en retard par rapport à la réforme écono mique et devient donc maintenant une tâche urgente. Si on n’accélère pas le rythme de cette réforme politique, la réforme écono mique va se heurter à des difficultés supplémentaires».

C’est au niveau du village que la Chine a fait, à par tir de 1988, l’appr ent issa ge des élect ions démocrat iques. Dans une bonne moitié des villages, les « conse ils villageois » sont élus au suffrage universe l. Si les paysans osent maintenant dire leur mécontentement et voter pour des can didats qui ne sont plus obligato irement membr es du PCC ces élect ions directes sont limitées aux comités villageois.

Le Par ti s’est lancé dans une pratique généra lisée de concer tat ion avec la «société civile», pour la préparat ion des décisions (14).

Le gou vernement chinois encoura ge les syndicats chinois à élargir leurs échanges avec les syndicats étran gers afin de «faire progresser le trava il syndical international et de sauvegarder la paix mondiale et le développement en commun» (15). Cette démar che est un signe qu’une réflexion tra verse la société et la direct ion du Par ti Commun iste Chinois sur le contenu de la démocrat ie et les formes plura listes de par ticipation à la vie sociale.

La q uest ion d e la p eine d e mor t est ou ver tement évoquée pour la première fois en Chine. Des juristes ont app elé à éliminer la peine de mor t des sanct ions appliquées pour les cou pables de délits économ iques (16). Si le fait même de parler de ce problème représente une avancée , l’applicat ion de la mor t dans l’arsena l des peines judiciaires, reste contra ire au principe universe l de just ice humaine (17).

La quest ion des droits de l’Homme devient une préoccu pation dans la vie sociale et politique de la Chine (18). Un forum d’exper ts et d’univers itaires s’est tenu le 15 mars 2004 pour discuter de la significat ion qu’il y a d’inscrire dans le texte de la const itut ion «la protection des droits de lhomme». Un consensus s’est dégagé pour cons idérer qu’il s’agissa it là «d’une pierre angulaire dans le développe ment des droits de l’homm eet améliorer l’image internationale de la Chine comm e celle d’un pays respectueux et protectrice des droits de lhomme». La par tie autocr itique est dite avec autant de franch ise : «Il est vrai que pour toute une période après la fondation de la Nouvelle Chine, le termedroits de l’hommeétait considéré comme un slogan de la bourgeoisie, avan sous l’influence «gauchiste». Mais rapidement la tendance erronée a été corrigée et le Parti à nouveau brandit la bannière des droits de l’homme». La relation entr e la citoyenneté et le res pect et l’enr ichissement des droits de l’homme sera it la con dition nécessa ire pour l’épanou issement des individus.

Le multipartisme ? On en parle, et les autor ités avancent alors une liste de «partis démocratiques» (19). Il n’en reste pas moins qu’un par ti politique ne peut voir le jour s’il n’a pas l’autor isat ion du PCC.

Aujour d’hui, l’object if du PCC est moins le plura lisme que l’amé liorat ion de «la capacité de gouvernance» du Par ti (20). Pour amé liorer cette gouvernance il convient de lutter contr e l’inca pacité, la corru ption, la per te de cré dibilité devant la population. Il est nécessa ire de cré dibiliser les cadres et, pour ce faire, disposer d’une administrat ion  «compétente», «honnê te», «propre», «à l’écoute du peuple». C’est en fait un début de démocrat ie interne au sein du Parti en atten dant l’existence d’un contr e-pouvoir extérieur au par ti, qui pour le moment n’est pas toléré .

Si le Par ti gouverne le pays depuis 55 ans , il n’en reste pas moins, souligne le document que «le mode de gouvernance du Parti et le mécanisme de direction étaient encore à perfectionner.» : et de citer dans le désor dre, faiblesse de dirigeants sur les plans idéologique et théor ique, manque d’efficacité, incom pétence pour gouverner en conformité avec la loi, inca pacité de résoudr e les problèmes com pliqués, manque du sens des res ponsa bilités , manque d’intégrité, abs ence de méthode de tra vail, sans parler du problème de la corru ption «qui pers iste sér ieusement ». D’où la nécess ité de pren dre des mesur es pour corr iger ces problèmes qui remettent en cause l’efficac ité de gouvernance du par ti.

EN CONCLUSION

Peut-on raisonnab lement poser la quest ion que la Chine soit devenue un pays capitaliste ? La réponse est probablement beaucou p moins simple que la quest ion même . Ce développement chinois, dans le cadre de la mond ialisat ion libéra le, const itue pour nous , un véritab le enjeu politique et social. Il nous impose cer tainement la recherche des con ditions nécessa ires à réun ir pour const ituer un autr e type cohérent de développ ement au niveau mond ial, intégrant les dispar ités actue lles dans le niveau de développement que conna issent les différentes par ties du monde , et ne reposant pas sur la seule mesur e du retour sur invest issement . Ÿ

Notes:

(*) Collaboratrice-Relations internationales du PCF

1) Si ces deux derniers concepts, associés, dans le cadre de notre économie libérale, nous apparaissent antithétiques, ils constituent effectivement l’enjeustratégique du développement chinois (note de l’auteur)

(2) Selon l’International Herald Tribune du 3 mars 2003

3) Dans un rapport publié en 2001, l’Académie des Sciences Sociales de Chine distinguait 10 couches sociales et relevait une expansion rapide des couches intermédiaires. Ces groupes sociaux se différencient fondamentalement par leur niveau de revenus, en conséquence du renoncement à la politique égalitariste de la période maoïste. Au bas de l’échelle se situe l’immense masse des centaines de millions de paysans, même si leur nombre tend à diminuer suite à l’exode rural en direction des zones à industrialisation rapide et à une certaine modernisation de l’agriculture. A l’autre bout de l’échelle, une couche de personnes qui «disposent de ressources économiques considérables a émergé et s’agrandit». Une enquête publiée par la revue «La Chine au présent» en septembre 2004, révèle que le nombre de Chinois possédant 1 million de dollars US (non compris les biens immobiliers) a augmenté de 12% en 2003 pour atteindre 236 000 personnes. Ces millionnaires se concentrent surtout dans les villes.

4)En 2003, par exemple, les dépenses moyennes par individu dans les campagnes étaient seulement de 12 yuans par jour (environ 1 euro), ce qui représentait seulement 27,6% de ce qu’un habitant des villes pouvait dépenser. Les dépenses de santé pour la population rurale (70% de la population totale) représentaient 33% des dépenses totales de santé du pays, en retrait de 3 points au cours des 7 dernières années (Li Ling,-semaine Actuel Marx 2004). Dans le domaine de la protection sociale un déséquilibre important existe au détriment des campagnes : dans les villes, un nouveau type d’assurance sociale et de retraite a été mis en place ainsi qu’un système de secours pour les chômeurs et les pauvres ; dans les campagnes, seulement 1,08 million de personnes perçoivent une retraite et les trois-quarts des ménages ne disposent pas du minimum vital. Désormais, santé, travail et éducation ne sont plus garantis pour tous. L’école, la santé, le logement, services autrefois prodigués par l’Unité de Travail (danwei), au sein de l’entreprise, sont payants aujourd’hui, et fort cher relativement au niveau des revenus, même si des systèmes de bourses tendent à en limiter les effets.

5) Un exemple caractéristique de la vie de ces migrants est relaté par l’Ambassade de France à Pékin (dans son bulletin «La France en Chine» du 26/1/04), repris de la presse chinoise («Le Quotidien des Ouvriers»). Un journaliste a suivi un migrant du Hebei en 2003 : sur 115 jours, il a travaillé 45 jours, dormi à la belle étoile 68 jours, n’a pas mangé à sa faim pendant 70 jours, est tombé malade 2 fois, a été volé 2 fois, frappé 2 fois, escroqué 3 fois et a tenté de se suicider 1 fois. Il a travaillé pour 11 patrons différents pour un revenu total de 415 yuans (et il faut environ 10 yuans pour 1 euro). L’accès à l’école pour les enfants de migrants reste difficile. Des réseaux d’écoles privées s’organisent pour faire face à cette demande dans des conditions précaires

6) Ainsi la Commission Nationale des Comptes a-t-elle montré que de 1997 à la fin du premier semestre 1999, si les gouvernements, central et provinciaux, ont investi 48,8 milliards de yuans dans la lutte contre la pauvreté dans 592 districts pauvres, 4,343 milliards avaient été utilisés illicitement (détournement, truquage des comptes ou détournés pour dépôt sur des comptes secrets). Selon Beijing Information de septembre 2004, «la réquisition arbitraire et massive des terres par le gouvernement pour un développement aveugle a abouti à une baisse du niveau de vie des paysans; ces terres sont souvent confisquées par les autorités locales de mèche avec les spéculateurs fonciers, sans parler des taxes et impôts locaux prélevés par les autorités locales de manière arbitraire».

(7) Pourtant, le 16 juillet dernier, Liu Jian, responsable de la lutte contre la pauvreté auprès le Conseil des Affaires d’Etat révélait, fin 2003, que la population vivant sous le seuil de pauvreté avait augmenté de 800 000 personnes en la seule année 2002 pour s’établir à 29 millions. Le bureau d’assistance aux pauvres près le Conseil des Affaires d’Etat a précisé que le nombre de pauvres – à savoir toute personne disposant d’un revenu annuel de 882 yuans qui permet de franchir le seuil de subsistance, «manger à sa faim et se vêtir chaudement» s’élève à 56,17 millions.

(8)Ainsi en 2003, dans le Liaoning (nord-est) des manifestions monstres avec des dizaines de milliers de participants sont révélatrices de l’émergence d’un véritable mouvement ouvrier qui a d’ailleurs été sévèrement réprimé. Dans les campagnes, des mouvements se sont produits contre les impôts excessifs, contre les expropriations foncières, contre les comportements abusifs des représentants locaux de l’administration, etc.

9) Une enquête menée en 2002 par le ministère de l’Agriculture a révélé la modification structurale du flux migratoire : 22% des «nouveaux urbains» ont migré avec leur famille et plus de la moitié d’entre eux dispose d’un emploi fixe. Le 3 janvier 2003, le Conseil des Affaires d’Etat a publié une circulaire reconnaissant que «l’exode rural est une tendance accompagnant nécessairement l’industrialisation et la modernisation» et a appelé à protéger les «droits légaux» des migrants. Certains d’entre eux possédant un logement et disposant de revenus fixes se voient délivrer un «livret de résidence urbaine pour personnes d’origine rurale».

10)Lors de la session parlementaire de mars 2004,

11)Lors d’une conférence de presse tenue à Pékin le 9 mars dernier.

12) a) restructurer la production agricole en conformité aux demandes du marché, b) réformer le système fiscal pour alléger le poids des charges incombant aux agriculteurs, c) augmenter les investissements pour la construction d’infrastructures dans les régions rurales afin d’améliorer les conditions de production, de transport et de vie des agriculteurs, d) continuer de faire avancer l’urbanisation afin de créer les conditions permettant à la main-d’œuvre excédentaire dans les régions rurales à trouver des emplois dans les bourgs et les villes proches.

13) Dans «China Daily» l’organe officiel du PCC en direction des étrangers.

14) Les gouvernements aux différents échelons ont mis sur pied toutes sortes d’organismes consultatifs auxquels sont conviés des experts, des sociologues, des économistes côtoyant des fonctionnaires et des cadres du parti. Ces comités aident les autorités à mieux adapter leurs prises de décisions à la réalité sociale et locale. Ces consultants sont désignés par les autorités sur la base de leurs compétences reconnues, mais sans que les divers groupes sociaux ou les groupes d’intérêts puissent encore s’organiser de manière autonome.

15) C’est ce qu’a proposé Hu Jintao le 11 octobre dernier à Pékin lors d’un forum international sur la «globalisation économique et le syndicat», forum organisé par les Syndicats chinois pour renforcer les échanges et la coopération entre les syndicats de différents pays (la Confédération Mondiale des Syndicats, l’Organisation de l’Unité des Syndicats Africains, la Confédération Générale des Syndicats Arabes, la confédération Générale des Syndicats de l’Union des Etat Indépendants, etc.).

16) Cette proposition fait l’objet de vifs débats. Faut-il supprimer la peine de mort pour les crimes économiques ? Actuellement, 68 délits sont passibles de la peine de mort, dont certains non violents comme la contrebande, la profanation des tombes antiques, etc. Beaucoup de Chinois considèrent que la peine de mort infligée aux criminels économiques ne correspond pas «à l’importance qu’on attache à la vie humaine» (Beijing Information 27/09/04) et que cela constitue une violation à l’encontre de la Convention Internationale sur les droits civils et politiques.

17)  De la même manière, une différence essentielle nous sépare des communistes chinois dans notre conception des Droits de l’Homme, comme ensemble de droits inséparable de la mise en œuvre de la démocratie.

18) La revue «Human Rights», publiée depuis trois ans par la «China Society for Human Rights Studies», organisation non gouvernementale qui dispose d’un statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social des Nations Unies, rendant compte de la seconde session de son conseil national dans sa troisième livraison 2004, cite l’intervention de Zhao Qizheng, ministre de l’Information du Gouvernement Central, «La nouvelle génération de dirigeants chinois a adopté une série de mesures nouvelles pour sauvegarder et protéger les droits de l’homme». Le Comité Central du Parti propose d’inscrire nommément les droits de l’homme dans le texte de la constitution. Le Président de la Société, Zhou Jue a insisté que «la cause des droits de l’homme en Chine était entrée dans une nouvelle période de développement».

19) 8 partis sont ainsi dénommés. Le nombre de leurs adhérents varie entre 1 800 pour le plus petit (Ligue pour l’Autonomie démocratique de Taiwan) à 156 000 pour la «Ligue démocratique de Chine».Tous ces partis participent à la Conférence Consultative du Peuple chinois (CCPC) et ont des «délégués» à l’Assemblée Populaire Nationale (APN). Ils soutiennent le Parti Communiste Chinois, mais permettent à des partisans, non communistes, du régime de rejoindre un parti qui s’inscrive dans la construction de la Chine Nouvelle.

20) Formule de la 4ème session du 16ème comité Central, les 16-19 septembre dernier. Cette session de 4 jours a abouti à l’adoption de la «Décision du CC du PCC sur le Renforcement de la capacité de gouvernance du Parti». Cette Déclaration fait le bilan de 55 ans de gouvernance.

 

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.