Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Sommet de Bruxelles : la construction européenne en crise profonde

Pacte de stabilité : poursuivre la réduction des dépenses publiques

Le pacte de stab ilité (PSC) à fait l'objet de quelques assou plissements , l'Allema gne, la France et l'Italie n'arr ivant plus à res pecter ses règles.

Il a été notamment décidé par le Conse il «d'adopter une approche plus symétrique en matière de politique budgétaire sur l'ensemble du cycle, par le biais d'une discipline budgétaire renforcée en période de reprise économique, afin d'év iter les politiques procyclique et de réaliser progressivement l'objectif à moyen terme, et donc de créer la marge de manoeuvre nécessaire pour faire face aux périodes de ralentissement écono mique et réduire la dette publique à un rythme satisfaisant, ce qui contribuera à la viabilité à long terme des finances publiques.»

L'infâme jargon de la char te communauta ire a donné lieu à une explicat ion de texte de J. Chirac, lors de sa conférence de presse , dans un autr e style de langue de bois : «(...) l'on tiendra compte du niveau général de la croissance dans les périodes de haute conjoncture, de «vaches grasses» (...) Alors, on sera naturellement plus attentif aux efforts faits par les uns et par les autres pour le sérieux de la gestion de leurs dépenses et, au contraire, dans les périodes de faible croissance (...) on prendra garde de ne pas ajouter des contraintes mécaniques aux contraintes économiques, pour éviter d'accroître leurs difficultés écono miques et donc sociales».

Concrètement , cela signifie qu'en aucun cas il ne s'agit de céder aux attentes sociales : en période de croissance il fau dr ait faire des réser ves, contr e les deman des de meilleur e répar tition des richesses , pour, en période de ralentissement , pouvoir disposer de marges afin de cont inuer à garder le cap de l'austér ité sans êtr e jamais contra int de plonger le pays dans une franche récess ion (une chute de 2% du PIB en termes réels contr e 3% précé demment) . Mais il ne s'agit sur tout pas, au tota l, de toucher à la logique plus fondamenta le ayant présidé au lancement du PSC en 1997 à l'initiative, pour la France , de J. Chirac et de L. Jos pin.

Ce pacte a été , en effet, conçu pour protéger l'eur o de toute press ion inflationniste et, en définitive, la Banque centra le eur opéenne (BCE) de toute deman de de sout ien par créat ion monéta ire de la dépense publique, afin qu'elle puisse se consacr er uniquement à la lutte pour un «euro fort» favorisant le marché financ ier et son utilisation.

Il incite les Etats à sabr er dans les dépenses de santé , d'éducat ion, de Rec herche, d'em ploi ... Pen dant que le cré dit des banques, com plaisamment «refinancé » par la BCE, coule à flot pour les placements financ iers , les OPA, les expor tat ions de capitaux vers les États -Unis et les pays émergents , contr e la croissance réelle et encor e plus contr e l'emploi.

C'est dans ce cadre que l'Allema gne, la France , premières de la classe européenne en matière d'austér ité et des exportat ions de capitaux, ont vu leur croissance s'effondrer en 2003 et ne pas pouvoir substant iellement repar tir depuis, alors que l'act ivité a vivement redémarré aux États-Unis et dans les pays émer gents , mais auss i hors de la zone eur o.

Malgré les effor ts pour accentuer l'austér ité budgétaire, ces pays ont cont inué d'afficher un déficit public supérieur aux limites de 3% de leur PIB respectif. Leurs dirigeants se sont cependant solenne llement engagés à revenir sous la barr e en 2005 et à s'y mainten ir en 2006 en freinant encor e et toujours plus les dépenses publiques sociales.

La manoeu vre est apparue imposs ible, car plus on taille dans les dépenses du développement et de ser vice public et plus la croissance ralentit, ce qui creuse les déficits et fait s'accumu ler les dettes publiques. D'ailleurs , la BCE a du réviser en baisse sa prévision de croissance de la zone Euro pour 2005 a 1,6% seulement .

Aussi l'Allema gne et la France ont obtenu de modifier les règles du PSC. Le chance lier Schroëder a pu notamment faire acce pter par le Conse il que soit prise en cons idérat ion l'unificat ion alleman de comme une de ses réformes qui devraient autor iser les Etats membr es, à s'écar ter de la trajecto ire d'ajustement qui doit con duire à la réalisation de l'objectif à moyen terme , ou de l'objectif à moyen terme luimême .

De même , il a été décidé de tenir com pte de «tous les autres facteurs pertinents» : dépenses publiques d'invest issement , recherche et développement , dépenses de «solidarité internationale» (aide publique au développement) .

  1. Chirac n'a pas hésité, de son côté , à inter préter que dans cette liste on trouverait auss i les «dépenses militaires aussi bien de recherche que de fonctionne ment, parce que sont les objectifs politiques, les engagements notamment sous le contrôle de l'ONU, de l’Union européenne ».

Pour autant , les règles fondamenta les du PSC ont été maintenues . J. Chirac n'a pu masquer le fait malgré sa démagogie : «Alors, ça ne veut pas dire que l'on va balayer d'un revers de la main les disciplines budgétaires, c'est évident. La règle du 3% reste d'actualité elle s'impose. La règle des 60% pour ce qui concerne l'endettement est également maintenue».

Le Conse il eur opéen lui-même a souligné que ces «deux ancrages nominaux» du PSC «restent la clé de voûte de la surveillance multilatérale».

Mais sur tout , il a réaffirmé l'obligation pour les Etats membr es «de se conformer à l'objectif à moyen terme d'une position budgétaire proche de l'équilibre ou excédentaire».

Cer tes , la plus grande hétér ogénéité de l'Union avec l'élargissement oblige le Conse il à cer taines différenciations , à un peu de soup lesse en prenant en cons idérat ion «les caractéristiques de l'économie de chaque Etat membre» et «en fonction du ratio d'endettement et du potentiel de croissance du moment».

Mais l'essent iel demeur e : «les Etats membres qui n'ont pas encore réalisé leurs objectifs à moyen terme devraient prendre les mesures nécessaires pour y parvenir sur l'ensemble du cycle. Leurs efforts en matière d'ajustement devraient s'intensifier pendant les périodes de conjoncture favorable et pourraient être plus limités pendant les périodes défavorables».

Et pour atte indre leurs objectifs à moyen terme , les Etats membr es de la zone euro et du SME bis «devraient procéder à un ajustement annuel (...) de 0,5% du PIB en tant que référence». Autr ement dit, chaque année , Les Etats concernés devront rédu ire leur déficit de l'équivalent de 0,5% du PIB.

Face à la per te de cré dibilité et de légitimité du PSC, le Conse il eur opéen a décidé de prendre des mesur es pour «améliorer la convergence» et en deman dant, par ticulièrement , aux Etats membr es d'assumer leurs res ponsa bilités et de respecter la Commission dans son rôle de «gardienne du tra ité».

Sur tout , le Conse il a émis deux recomman dations essen tielles :

  1. les règles nationales budgétaires doivent «com pléter» les engagements pris par les Etats membr es au titre du PSC;

  2. les Etats membr es sont tenus au niveau eur opéen de «respecter les règles budgétaires de l'Union européenne », ce res pect étant «l'élément central de l'évo lution des programm es de stabilité et de convergence».

Il s'agit, dans cet es prit, d'amener les inst itut ions nationales à jouer un rôle plus act if dans l'inté grat ion des opinions publiques, des syndicats , des élus aux objectifs communauta ires. Le Conse il relève ainsi que «les institutions nationales pourraient jouer un rôle plus important au niveau national, améliorer la surveillance par le biais de l'opinion publique nationale et compléter l'analyse économique et politique au niveau de l'Union européenne ».

Dans cette pers pective, il est deman dé aux gouvernements de mettr e à dispos ition de la comm ission des informations et des éléments stat istiques suffisamment trans parents pour permettr e «aux marchés financiers de mieux évaluer la solvabilité des différents Etats membres».

Bien évidemment , il n'a pas été quest ion une seu le seconde , lors du Conse il eur opéen de Bruxelles, de la BCE et de sa politique déflationniste au ser vice d'un euro au taux de change élevé pour att irer les capitaux financ iers .

En réalité, les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt cinq ont décidé de bouger cer tains éléments du PSC afin que rien, sur tout , ne change, à commencer par l'orientat ion de la BCE.

Stratégie de Lisbonne : la relance d’un pacte social avec les exigences des capitaux financiers.

Au sommet de Bruxelles, les chefs d'État et de gouvernement se sont auss i attac hés à essa yer de redonner un lustr e à la «stratégie de Lisbonne» lancé en 2000, notamment par Jacques Chirac et Lionel Jos pin pour la France .

Cette straté gie présente un bilan «mitigé» voir «lamentable» avoue Claude Junker, le président en exercice de l'Union eur opéenne lui-même .

Comme le souligne le comm issaire européen à l'entr eprise et à l'industr ie, Gunter Verheugen, «les États-Unis nous ont complètement distancé au cours de ces dernières année s, bien que les chefs d'État et de gouvernement européen s aient en 2000» lancé la straté gie de Lisbonne .

Le bilan est en effet accusateur . La zone eur o a accumulé un retar d de croissance de 7 points de PIB vis-à-vis y des États -Unis depuis 1999 et cela cont inue de se creuser. L'Union européenne enregistr e désorma is les pires performances en matière de recherche-développement , d'innovation, de dépôts de brevets, malgré ses immenses capacités humaines. Et désorma is on s'inquiète d'une véritab le «fuite des cerveaux» vers l'Amérique du nor d. Pour tant la straté gie de Lisbonne était conçue pour faire de l'Union eur opéenne , d'ici 2010, l'économ ie de la concurr ence la plus com pétitive et la plus dynamique du monde !

Mais c'est en matière de chômage et d'emploi que les résu ltats sont les plus accusateurs , l'ampleur acquise désormais par le volant de chômage (20 millions) permettant la proliférat ion d'une précar ité effrayante avec les nou velles techno logies subor données au but de renta bilité financière.

Selon Wim Kok, ancien premier ministr e néer lan dais, chargé de piloter un comité d'exper ts de haut niveau pour évaluer la straté gie de Lisbonne à mi-parcours «ces résultats décevants s'exp liquent par (... ) des priorités inconciliables».

De fait, la contra diction fondamenta le passe entr e les bonnes intent ions proclamées en matière d'em ploi, de recherche, de modè le social d'un côté et, de l'autr e, l'orientat ion d'une BCE con duisant quoiqu'il arr ive une politique déflationniste pour défendre le taux de change élevé d'un eur o conçu pour le marché des capitaux financ iers .

Pour tant , les chefs d'État et de gouvernement avaient décidé de mettr e le paquet : 28 objectifs principaux, 120 sous objectifs, 117 indicateurs différents . Le système d'informat ion pour les 25 États membr es tota lise 300 rappor ts annue ls «qui manifestement ne sont pas consultés» avoue le président de la Commission eur opéenne , J. Barr oso.

Le monstre bureaucratique a accouché d'un mort-né.

Pour autant , les eur ocrates et les dirigeants des États membr es n'enten dent pas lâcher et essa yent, au contra ire, de redoubler dans les mêmes voies qui con duisent à la ruine du modè le social européen, tout en se prévalant de la défense de ce dernier.

Les ambitions de Lisbonne ont donc été resserrées autour de 10 objectifs prioritaires dans trois domaines d'action : la com pétitivité; la conna issance et l'inno vation; l'em ploi. À tout seigneur tout honneur , la première des priorités c'est la com pétitivité, en ligne avec l'objectif fondamenta l du projet de tra ité const itut ionne l de faire de l'Union un marché où «la concurrence est libre et non faussée».

Il s'agit de développer et d'appr ofondir le marché unique «y compris par l'ouverture du marché des services», ce qui est le domaine d'élection du projet de directive Bolkeste in. Il s'agit auss i, notamment , de réa liser «des marchés ouverts et compétitifs en Europe et à l'ex térieur».

Concernant la deuxième priorité, le Conse il réaffirme son intent ion d'accr oître et d'amé liorer l'invest issement dans la rec herche développ ement malgré les résu ltats piteux enr egistrés dans ce domaine depuis 2000. Il assur e auss i vouloir faciliter l'inno vation et contr ibuer même à la création «d'une base industrielle européenne solide».

Enfin, s'agissant de l'emploi, le Conse il enten d poursu ivre dans la même voie qui a con duit jusqu'ici à la généra lisation d'une flexibilité de précar ité touchant tous les salariés, à impor ter le «Workfare» anglo-saxon, à faciliter les licenc iements et à repousser l'âge de dépar t à la retra ite.

C'est ainsi que l'on parle «d'inciter le plus grand nombre de personne s à participer au marché du travail» ou «d'améliorer la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises», ou encor e «d'accroître la flexibilité du marché du travail».

L'objectif naguèr e mis en avant de «formation tout au long de la vie» laisse désorma is la place à celui d'accr oître «l'inve stissement dans le capital humain pour l'amélioration de l'éducation et des compétences».

Tout cela est égrainé avec, en arr ière plan, l'ombre tutélaire intouc hable d'une BCE aux orientat ions cons idérées comme un «tabou» du débat eur opéen et avec la pers pective d'une mise en concurr ence acharnée entr e salariés et peuples des 25.

Jacques Chirac, commentant en conférence de presse ce dispos itif, a replacé à sa juste mesur e ce que devient le modè le social européen dans un tel cadre : «un minimum de garanties à l'ensemble des travailleurs».

Et en réalité, ce minimum est d'autant plus misérab le, que, comme l'a sou ligné auss i le président frança is, «nous avons des exigences d'économie qui s'imposent à tous les pays».

En réalité l'exercice con venu à Bruxelles visait sur tout à cré dibiliser au yeux de l'opinion publique que l'Union telle qu'elle est , c'est-à-dire très ant isociale, sera it tout de même ca pable de conc ilier mar ché unique et «modèle social européen ».

Cette tentat ive d'es broufe bute cependant sur la réalité des faits et la médiocrité des pers pectives avec un chômage mass if repar ti à la hausse et une croissance pour 2005 que la BCE, elle-même , ne chiffre plus qu'à 1,6 %.

Cette opérat ion, cependant, a valeur politique, car l'object if du président de la comm ission eur opéenne était, à Bruxelles, d'arr iver à intégrer plus étr oitement les États et les dirigeants des par tis d'alternance , libérau x sociaux et sociaux-libérau x, à cette démar che straté gique au ser vice de la finance de marché.

De ce point de vue l'objectif paraît atte int : les 25 sont con venus que les États membr es doivent «s'appr oprier» cette straté gie. Ils devront mettr e en place des programmes nationau x de réforme sur trois ans, après consu ltat ion des par tena ires sociaux et de leur Parlement .

Autr ement dit, les Etats nationau x sont mandatés pour intégrer à l'es prit et à la lettr e de la straté gie de Lisbonne les syndicalistes et les élus dans une visée de pactisation avec les exigences des capitaux financ iers .

Bien évidemment tout ceci exprime fondamenta lement l'inquiétu de des promoteurs de cette construct ion obligés de s'adonner à une acr obatie de tous les instants et à une énorme déma gogie pour tenter de masquer et de faire oublier un bilan lamenta ble et la réalité de leurs buts antisociaux, anti-nationau x et anti-eur opéens inavoua bles. L'inquiétu de est désorma is d'autant plus for te que grand issent les mou vements et que, en France , le «Non» au projet de tra ité const itut ionne l progresse .

D'ailleurs , le numér o d'acteur auquel a été contra int de se livrer Jacques Chirac à Bruxelles sur la directive Bolkestein, prié par Franço is Hollan de de mou iller la chemise au ser vice du «Oui», const itue en fait une victoire d'éta pe du «Non».

Ce sont la press ion sociale et la press ion du «Non» qui, après avoir fait révéler le contenu si nocif de la directive Bolkeste in, entér iné par tous les principaux dirigeants français sous l'emprise de la comm ission Prodi, ont obligé à une «mise au frigo» tempora ire de ce texte.

On note cependant la man œuvre : le texte n'est pas retiré et sera discuté par le Parlement eur opéen en septembr e prochain.

Si le «Non» l'em por te au référen dum sur le projet de tra ité const itut ionne l ce texte aura toutes les chances d'êtr e enterré . Mais si le «Oui» l'emporte, n'en doutons pas, il ressur gira comme a ressur gi la directive por tuaire en mettant en concurr ence cou pe-gorge les dockers eur opéens après sa «mise au frigo» du fait d'une grève eur opéenne . À bon enten deur d'enten dre. Ÿ

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