Le 33ème congrès du Parti communiste français présente une grande importance, en rapport direct avec la période historique. Celle-ci se caractérise par le développement, l'exaspération de la crise systémique du capitalisme, en France et dans le monde, comme le montre notamment la rivalité accrue, les batailles de domination que se livrent les monopoles les plus puissants, en particulier à travers les OPA, la montée de l'antagonisme du capital et du travail, la fuite dans la mondialisation et la capitulation devant la domination des marchés, surtout financiers, subordonnés au capital multinational. Elle est marquée par de graves reculs de la démocratie, les menaces des populismes, l’affirmation des tendances autoritaires et répressives, qui, en dernière analyse, sont des révélateurs de l’affrontement de classes, mais aussi des colères, les actions de résistances, les luttes en essor, indicatives des potentialités existantes pour construire un vaste mouvement populaire, solidement ancré à gauche, créatif, capable de promouvoir les réels changements qu’appellent une véritable politique de dépassement de l’état de chose existant.
La crise exprime les contradictions du mode de production capitaliste, dont les mécanismes fondamentaux connaissent l'épuisement et posent la question de leur dépassement effectif. Elle se traduit, à la fois, par les difficultés et les caractéristiques de la croissance économique, l'incapacité à développer la recherche scientifique pour le développement humain, et, finalement, à permettre un large essor des forces productives répondant aux besoins sociaux des peuples. Elle génère de graves reculs sociaux porteurs d’immenses souffrances pour des millions d’êtres humains.
L’expression la plus significative de ces gigantesques gâchis est certainement le chômage massif, sa longue durée, la précarisation croissante, l’existence d’un nouveau paupérisme et l'approfondissement de toutes les inégalités sociales, qui montrent l’importance, politique, économique et sociale décisive, de la sécurité d’emploi formation que nous préconisons. Ces maux agissent par la négative dans les rapports de force et, directement ou non, sur toute la société, sur tous les rapports sociaux. La conjoncture actuelle est éminemment favorable à l'accentuation de la surexploitation capitaliste, objet de la collusion patente du MEDEF, de Chirac, de de Villepin, de Sarkozy et des formations politiques de la majorité, conjointement responsables des douloureuses épreuves imposées à des fractions grandissantes de la population. Le capitalisme n’est plus à sa période d’essor. Sa phase d’apogée est terminée, il est arrivé à un point où il fait obstacle au développement de la civilisation, en France, en Europe, dans le monde.
Ses politiques oppressives et aliénantes sont mises en oeuvre en se réclamant du libéralisme qui, historiquement, a d’abord été associé aux progrès et aux combats pour instaurer des régimes démocratiques, favorables à la bourgeoisie montante. On ne doit pas oublier cependant que les droits fondamentaux qui sont, en principe, attachés aux régimes démocratiques sont, avant tout, le produit des luttes populaires et démocratiques du peuple de France, des peuples du monde. La référence actuelle au libéralisme, devenue arme de combat de la bourgeoisie est idéologique, couvrant les pratiques réactionnaires et rétrogrades des détenteurs du pouvoir économique et politique. Elle spécule sur ses origines premières, sur la mythologie qui l’a accompagné bien qu’au cours du développement historique du capitalisme, elle n’a cessé d’affirmer son caractère réactionnaire. Ses pratiques sont, aujourd'hui, étroitement assujetties aux intérêts dévastateurs des grandes féodalités monopolistes, tout particulièrement, aux exigences des sociétés multinationales. Elles sont étroitement combinées à l'action de l'Etat, y compris de ses prolongements européens ou internationaux (OMC, Banque Mondiale, etc.). C'est, en réalité, du «libéral étatisme», dont il faudrait parler. L'heureuse formule de Patrick Le Hyaric, Directeur de l’Humanité, dans un récent débat à Montpellier, «Chaque jour, le gouvernement arrache les pages du Code du travail et ajoute une page au code pénal» (1) traduit bien cette combinaison. Les classes dirigeantes ont utilisé, très tôt, le coté mythique du libéralisme, pour dissimuler leurs néfastes politiques et les tares du système capitaliste. On comprend aisément que, dans leur diversité, ses opposants et ses victimes d’aujourd’hui se reconnaissent dans la dénonciation et l’opposition au libéralisme, sans forcément en donner la même analyse.
La caractérisation rigoureuse de la phase historique actuelle n’en demeure pas moins essentielle pour l'élaboration de la stratégie communiste dès lors qu'elle s'inscrit dans une perspective d'abolition du capitalisme. Celui–ci, chaque jour apparaît de moins en moins comme constituant la fin de l’histoire, comme le prophétisait, il n’y a pas si longtemps, le politologue américain Fukuyama.
Il paraît imparfait, à tout le moins incomplet, de parler seulement de «néo » ou « d’ultra » libéralisme. Il ne s’agit pas, ici, d'une querelle byzantine, mais de mettre frontalement en question le libéralisme et, par conséquent, d’appeler à s’attaquer radicalement au capitalisme. S’opposer vraiment aux maux actuels qui frappent de plus en plus durement les grandes masses de la population requière des luttes porteuses d’exigences en rupture avec le capitalisme.
De même on ne s’aurait s’accommoder avec l'idée, d'essence réformiste (associée à d'hypothétiques promesses sociales), selon laquelle on pourrait développer la démocratie et les institutions et retrouver une dynamique de croissance durable et de progrès social, accordée aux exigences d’une nouvelle civilisation, par une régulation plus étatiste ou dans la fuite vers la version du « social libéralisme », (faite d’accommodements avec le capitalisme) qui hante, sous des variantes à peine différentes, les directions des partis sociaux-démocrates et socialistes d'Europe. Conceptions, dont ne sont pas éloignées d’autres formations politiques, en particulier, celles issues ou se réclamant de la démocratie chrétienne souvent alliées à des formations politiques socialistes. Leur objectif est, en fait, de pratiquer ou de revenir, en France ou à l’échelle de l'Union européenne, à des politiques du caractère de celles pratiquées avant le tournant de la crise du milieu des années 70, en oubliant leur effondrement. Leurs références théoriques se réclament de Keynes. L’échec passé de ces politiques, montre bien leurs limites, leur impuissance grandissante par rapport aux mécanismes fondamentaux essentiels du capitalisme contemporain. C’est ce que constatent, avec inquiétude, aujourd’hui, en France et dans le monde, nombre d’observateurs que l’on ne saurait, à priori, classer parmi les adversaires du capitalisme. C’est le fiasco de ces politiques qui, d’ailleurs, a ouvert la voie aux pratiques de la « révolution conservatrice », inaugurées par Ronald Reagan et Margaret Thatcher auxquelles certains voudraient nous ramener.
Dans sa complexité même, l’état actuel du monde et de la France capitaliste fait bien apparaître la responsabilité des communistes, les exigences qu’il comporte pour le contenu de leur programme, et plus généralement, pour leur stratégie. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que dans la première phase de la préparation statutaire du Congrès, les débats des communistes, comme on a pu le remarquer, aient porté une attention particulière à la définition de la stratégie politique de leur Parti .On peut penser que cet intérêt va se confirmer tout au long de la préparation du Congrès. La stratégie politique d'un Parti révolutionnaire n'est pas chose facile à élaborer. Son objet comporte la conception d’un programme adéquat à des objectifs clairement établis. Il est de définir et d'articuler l'action, l'activité politique, les mobilisations, pour le faire aboutir. Exercice collectif, l’élaboration de la stratégie communiste, se fondant sur le plein exercice de la souveraineté des communistes, porte l’exigence de créativité, notamment pour l'élaboration d'un programme s'inscrivant dans la perspective d'un dépassement réel du capitalisme, et celle de cohérence de l’action et des initiatives politiques des militants comme de la direction. La cohérence implique beaucoup de rigueur. Elle ne saurait se dispenser de la critique des échecs passés ni de la mesure du fossé que ceux-ci ont créé avec la population. Il ne s'agit donc pas de la teneur formelle des textes, même si elle a de l'importance, mais de la nécessité d’absence de contradictions dans l'enchaînement des divers moments de l’action à mettre en œuvre (programme, tactique électorale de la période, union et rassemblements unitaires à construire, développement du mouvement populaire, lutte idéologique de masse, initiatives dans la conjoncture du moment). Tout comme s’impose l'élimination de tous les non–dits et/ou des flous dans l’articulation de ces moments. L’exigence de cohérence concerne les alliances éventuelles avec les autres forces politiques, en conjonction avec le niveau du programme et des engagements pour son application. Il n'y a de véritable stratégie que si elle est établie démocratiquement par les communistes et elle ne sera efficace que si elle est hardie, réfléchie et cohérente. Cette cohésion est la base de l'unité des communistes, de la force du Parti dans la société, de la portée de ses initiatives. Elle conditionne le succès d’une véritable union populaire.
Les communistes sont partie prenante de la société civile et ne sauraient s’en isoler, ils sont ouverts aux débats et à la confrontation avec les forces de la gauche politique et associative, notamment avec tous les groupes qui se sont rassemblés pour combattre le dangereux projet de Constitution européenne. Il est nécessaire, à tous les niveaux, de poursuivre sur un pied de totale égalité le dialogue le plus approfondi possible avec les divers groupements (organisations, mouvements, associations, etc.) et avec les personnalités de la gauche qui se sont engagés avec nous, mais en ne perdant pas de vue que leur présence dans la société civile demeure souvent partielle, faible, d’autant plus que le mouvement associatif se caractérise par la pluri adhésion et qu’il s’agit de réaliser une véritable et ample union populaire. La société civile ne se reconnaît pleinement, aujourd’hui, dans aucun groupement, ni même dans leur coalition, au demeurant souhaitable. Cette situation dans la représentativité n’est pas sans liens avec la crise de la démocratie et l’échec des expériences politiques dont le souvenir pèse lourdement sur la conscience sociale.
Fondamentalement, notre stratégie accorde une grande importance au développement dans sa plénitude du mouvement social. Les luttes qu’exigent, dès maintenant, la situation, les menaces existantes, la violence des attaques des forces du capital et du pouvoir en font, dès à présent, une nécessité vitale, pressante pour résister aux agressions du pouvoir et du patronat, pour améliorer la situation des salariés, des chômeurs et des précaires, y compris les immigrés, de tous les citoyens. Toute l’expérience historique montre que les luttes sont également un puissant facteur de rapides progrès de la conscience sociale dans ses différentes dimensions, pour élever la conscience des possibles et combattre les illusions. Elles sont donc d’une grande portée pour promouvoir la conception et l’appropriation d’une politique réellement transformatrice, pour redonner sens à la gauche et pour déboucher sur une nouvelle majorité, crédible, cohérente, respectueuse de ses engagements devant le peuple, représentant une véritable alternative pour battre la droite, ouvrir la voie à une transformation radicale, pour changer la vie et non à une simple et trompeuse alternance .
Sans sous estimer les mouvements de la conscience sociale, en particulier dans la dernière période, ceux-ci doivent encore progresser et se doter d’une forte dynamique pour lui permettre de jouer pleinement son rôle décisionnaire, on ne saurait donc s’en remettre à la seule spontanéité des masses. La répudiation de ce que pouvait, dans le passé, contenir d’étroitesse la notion d’avant-garde, ne dispense pas le Parti de chercher à développer son influence, à gagner en audience, à développer des initiatives autonomes, à renforcer son organisation. L’action du Parti est déterminante pour l’affermissement, l’essor et l’orientation du mouvement social. Si la situation provoque de saines et appréciables réactions de défense, la construction de nouveaux rapports de force ne saurait résulter d’aucun spontanéisme. Les communistes ont, pour leur part, le souci d’assurer ces développements y conduisant. Grandes sont leurs responsabilités, y compris pour populariser et rendre visible leurs positions dans le débat national, au grand jour, devant le peuple. Ce qui concerne aussi les enjeux électoraux.
Dans la dernière étape d'élaboration des choix politiques du Congrès du PCF - celle des amendements dans laquelle les communistes vont maintenant s'investir - la confrontation des points de vue, des idées, l’approfondissement recherché devraient se poursuivre, en tenant compte de la première phase. Animés par la volonté d’appréhender la période dans ses dimensions majeures pour promouvoir une transformation radicale de la société, pour changer la vie et aller vers une nouvelle civilisation, les communistes auront à définir une stratégie efficace au service du projet révolutionnaire. Ce qui implique d’amplifier les débats de la première phase.
(1) L’Humanité du 6 février 2006
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