Economie et Politique - Revue marxiste d'économie

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Seb, l’alibi chinois !

Les décisions de suppression d’emploi et la stratégie du groupe Seb.

La direction du groupe Seb vient d’annoncer la suppression de 890 emplois en France, la fermeture à terme de trois sites (usines de Seb à Syndicat dans les Vosges ; de Téfal à Dampierre dans le Jura, de Moulinex à Fresnay dans la Sarthe), l’usine Rowenta de Vernon dans l’Eure était également touchée par les réductions d’effectifs (76 suppressions d’emplois). Certes, la direction du groupe prétend qu’il n’y aura pas de licenciement sec que tout sera mis en œuvre pour assurer le reclassement interne. Mais quelle valeur donner à de telles promesses alors que les propositions qui peuvent être faites aboutiraient à ce que beaucoup de salariés soient contraints à faire 200 kilomètres par jour pour se rendre à leur travail !

Ces suppressions sont justifiées par « une mutation rapide et profonde de l’environnement de Seb, marquée par une forte concurrence des productions asiatiques et la chute des prix due à la croissance très forte des produits d’entrée de gamme. Seb enregistre depuis plusieurs années, un recul marqué de ses ventes en Europe, et plus particulièrement en France ».

Mais, dès le 2 septembre 2005 dans la présentation des comptes du 1er semestre 2005, de La Tour d’Artaise, PDG de Seb, annonçait les objectifs aptes à satisfaire les actionnaires :

e mise en sommeil des investissements en France et en Europe pour privilégier le développement du groupe là où « la croissance est rentable » : Europe centrale, CEI, Asie, continent américain ;

e consolidation d’une « industrie encore fragmentée » par acquisition des concurrents ;

*innovation sur le haut de gamme, compétitivité sur le bas de gamme.

Autrement dit : délocalisation de la production vers les marchés les plus dynamiques et croissance externe. Rappelons que cette stratégie avait déjà été mise en œuvre par Moulinex, avec le succès que l’on sait.

Et pour atteindre ces objectifs, rétablir la rentabilité, il s’agit de supprimer les sites en France qui concentrent, la moitié des effectifs mais seulement un quart du chiffre d’affaires (on peut donc s’attendre à de nouveaux plans de suppressions d’emplois) en raison non seulement d’un marché mature mais surtout d’une faible croissance et de la concurrence des Chinois. Or, en supprimant ainsi des emplois comme d’autres groupes français, Seb contribue à l’affaiblissement de la demande et donc de son chiffre d’affaires en France et en Europe.

Seb, un groupe familial, multimarques, leader mondial du petit électroménager.

Seb est majoritairement détenu par le groupe fondateur de SEB SA. Il s’agit d’actionnaires familiaux (famille Lescure) regroupés dans deux structures (FEDERACTIVE ET VENELLE INVESTISSEMENT) qui détiennent en tout presque 60% des droits de vote et 42% du capital.

Désormais Seb est un groupe multimarques avec : Arno, Krups, Moulinex, Rowenta, Tefal, All-Clad, Calor, Lagostina, Panex, Seb.

Les résultats de Seb. Les ventes en 2005.

Pour l’ensemble de l’année 2005, le chiffre d’affaires de Seb s’élève à 2,463 milliards d’euros progressant de 7,6% par rapport à 2004.

Cependant, il faut relativiser cette performance. En effet, à périmètre et à parité constants, le chiffre d’affaires stagnerait (+0,6%). Près de deux tiers de la hausse des ventes provient de l’intégration des ventes des nouvelles sociétés rachetées, le tiers restant provenant d’un effet devises positif (réévaluation du real brésilien, de la livre turque, du won coréen).

Deuxième bémol, le dynamisme des ventes est très déséquilibré géographiquement.

Le CA réalisé en France représente près d’un quart du total mais il chute de 5,3%. Le CA réalisé dans les autres pays de l’Union européenne représente plus du quart du total mais chute de 2,6% en liaison à chaque fois avec, d’une part, la chute des volumes mais aussi la baisse des prix sur les produits d’entrée de gamme.

Les ventes réalisées en Amérique du Nord représentent moins de 15% de l’ensemble mais progressent de 23%, celles réalisées en Amérique du Sud représentent 8% du total mais progressent de 59%, celles effectuées ailleurs représentent 26% du CA et progressent de 15%.

Le poids d’une financiarisation croissante.

Afin de maintenir une rentabilité financière suffisante pour ses actionnaires, Seb a procédé à d’importants rachats d’entreprises : Panex au Brésil et Lagostina en Italie, All-Clad aux Etats-Unis pour un coût total de 266 millions d’euros en 2004 et 2005. Mais le groupe a aussi procédé à un programme de rachat d’actions dont le coût peut être estimé à 4 millions d’euros pour le 1er semestre 2005. Cela a permis de verser 40,4 millions d’euros de dividendes au 1er semestre 2005 (+4% par rapport au 1er semestre 2004).

Enfin, les restructurations en Espagne, en France, en Allemagne, au Brésil intervenues après les différents rachats d’entreprises ont coûté 51 millions d’euros en 2004 et au 1er semestre 2005.

Mais une telle stratégie commence à être nocive pour le groupe. Au 1er semestre 2005, malgré les rachats d’entreprises, la marge opérationnelle stagnait et le résultat net baissait (-6,3%) en raison des pertes financières liées aux acquisitions.

Ainsi, entre le 1er semestre 2004 et le 1er semestre 2005, la dette financière totale de Seb passait de 244 millions d’euros à 478 millions d’euros et l’endettement financier net de 195 millions d’euros à 440 millions d’euros (multiplié par 2,25), soit relativement aux capitaux propres un endettement financier net passant de 32% à 62%. Avec comme conséquence, une hausse brutale des charges financières, le coût de l’endettement passant de 2,3 millions d’euros à 7 millions d’euros entre le 1er semestre 2004 et le 1er semestre 2005.

Pour faire face aux exigences de ses actionnaires et de ses créanciers, le groupe Seb réduit donc ses effectifs mais aussi ses dépenses de recherche (15,8 millions d’euros au 1er semestre 2004 et 15,5 millions d’euros au 1er semestre 2005).

Que proposer ?

Plus que jamais, on constate l’irresponsabilité sociale d’un groupe. Après avoir largement profité du savoir-faire et des qualifications des salariés, des infrastructures, des capacités de recherche et des consommateurs, Seb prétend s’implanter là où se développent les marchés. Ce faisant, il contribue à l’enfoncement de l’emploi, de la croissance et du marché en France et en Europe.

C’est aussi la responsabilité des groupes de la distribution qui contribuent à exacerber la concurrence coupe-gorge.

Concernant, Seb, il est donc légitime d’exiger du gouvernement un moratoire sur toutes les décisions de restructuration afin d’évaluer la réalité des difficultés et leurs causes et surtout de permettre l’élaboration de solutions alternatives à la baisse du coût du travail et aux suppressions d’emplois : programme d’investissements, un plan de mises en formation, transformation des emplois précaires en emplois stables etc. Ces solutions alternatives devraient permettre d’engager le soutien de l’investissement en recherche et en équipement permettant d’anticiper sur les débouchés à venir.

Les communistes peuvent exiger que soient réunis les élus concernés, l’Etat, les salariés, la direction de Seb, mais aussi les salariés et directions des sous-traitants et fournisseurs ainsi que les responsables des banques et de la distribution qui pourraient être concernés par le financement de nouveaux investissements.

Cette « table ronde » doit avoir comme objectif des engagements fermes de la part de Seb et de la distribution en terme de nouveaux investissements avec les financements nécessaires sous menace de remboursement des aides publiques versées pour l’ensemble de ses sites en France, de gels des avoirs du groupe dans les banques.

Pour chaque bassin d’emploi concerné, la création de Fonds régionaux pour l’emploi et la formation (FREF) permettrait la sécurisation de l’emploi et des dépenses de recherche. Gérés avec les élus et des représentants des salariés, à partir d’une reconversion des aides publiques régionales actuelles,

ce Fonds prendraient en charge une partie des intérêts versés aux banques par les entreprises sur les crédits pour leurs investissements : plus ceux-ci programmeraient d’emplois et de mises en formation débouchant sur un emploi et plus le coût du crédit serait ainsi allégé (bonification).

Seb a une dette sociale, il doit assurer le maintien dans l’emploi modernisé des salariés concernés, avec les formations nécessaires ;

  1. garder à ses effectifs, avec maintien du salaire, les travailleurs dont l’emploi pourrait être supprimé jusqu’à ce que ceux-ci aient choisi un reclassement, avec la formation si nécessaire ;

  2. contribuer au re-développement du potentiel productif et technologique dans les bassins d’emplois, y compris avec le soutien des sous-traitants et fournisseurs.

Les communistes exigent la tenue d’une table ronde nationale sur l’avenir du secteur des biens de consommation en France et en Europe associant élus locaux, nationaux, syndicats des salariés et représentants patronaux du secteur et de celui de la distribution, représentants des banques, associations de chômeurs, de consommateur et de protection de l’environnement. Elle devrait dégager des solutions pour sécuriser l’emploi, la formation, la recherche, permettre de passer un cap technologique. Solutions qui pourraient être appuyées par la création d’un Fonds national pour l’emploi et la formation (FNEF).

 

Délocalisation de la production :une stratégie déjà

mise en œuvre par Moulinex, avec le succès que l’on sait.

Enfin, la France ne devrait-elle pas prendre l’initiative de coopérations nouvelles avec les pays émergents dans ce secteur jusqu’à des co-productions et des sociétés jointes, dans le cadre de protocoles maîtrisés, permettant la création d’emplois ici et là-bas et le partage des dépenses de recherche.

 

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Par Maury Fabien , le 31 January 2006

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